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Détection de séismes sur Mars, premiers résultats

Détection de séismes sur Mars, premiers résultats

Le 26 novembre 2018 l’atterrisseur InSight de la Nasa, s’est posé après un voyage de plus de 6 mois et de 485 millions de km, sur le sol de Mars. Une mission de deux années doit permettre la détermination de la structure interne de Mars, grâce à la panoplie des instruments géophysiques embarqués, dont l’instrument principal, le sismomètre SEIS. Ce dernier, développé à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) et à l’Ecole Polytechnique de Zürich (ETHZ), enregistre les tremblements du sol de Mars, d’origines internes, ou externes comme ceux provoqués par les impacts de météorites. La propagation des ondes sismiques fournit des indications sur la croûte, le manteau et le noyau de la planète. Les deux missions de la Nasa, Viking 1 et 2, lancées en 1975, s’étaient soldées par un échec puisque les deux sismomètres américains embarqués n’avaient pas fourni de données exploitables ; cette mission est donc une grande première. 

Vue d’artiste du site d’atterrissage d’InSight sur la plaine d’Elysium, avec la structure du sous-sol. Du haut vers le bas: revêtement induré (duricrust), régolithe et socle rocheux fracturé. Crédits: IPGP/Nicolas Sarter

L’instrument SEIS

Le site sélectionné pour l’atterrissage est la partie ouest de la plaine Elysium Planitia (Figure 1), à 1000 km au NO du cratère Gale où opère le robot Curiosity de la mission MSL. L’atterrisseur a déployé à l’aide d’un bras robotique les instruments SEIS et HP3 sur le sol martien. 

Figure 1 – Les sites d’atterissage des différentes mission martiennes. Insight s’est posé à coté du volcan Elysium. Crédits: MOLA/NASA

L’instrument SEIS (Seismic Experiment for Interior Structures) est un sismomètre large bande de très grande précision, il est protégé du vent, des poussières et des variations brutales de température par une cloche en titane ; il a été installé au sol à l’aide d’un bras robotisé. Un autre instrument, HP3, développé par l’agence spatiale allemande est, quant à lui, destiné à mesurer la température du sous-sol jusqu’à 5 mètres de profondeur et par extenson, le flux de chaleur sortant du sol martien (lire la description détaillée dans l’Astronomie #116, mai 2018 et #123, janv. 2019). 

Depuis l’installation en surface du sismomètre entre décembre 2018 et février 2019, l’instrument a détecté plus de 300 séismes et fourni de nombreux résultats aux planétologues, publiés dans une série de six articles parus fin février dans Nature Geoscience et Nature Communication. Les nombreuses données géophysiques collectées lors des six premiers mois de la mission éclairent notamment sur la structure des premiers kilomètres du sous-sol martien. 

Dans sa lente traque des séismes martiens, SEIS est confronté à un obstacle redoutable que sont les bruits divers et variés de l’environnement de l’instrument qui viennent parasiter de manière aléatoire les infimes tremblements de surface devant être enregistrés ; parmi tous ces bruits, le plus perturbateur reste l’environnement martien lui-même. Un suivi patient, mené de concert avec la station météorologique équipant InSight a permis aux chercheurs de comprendre qu’il fallait découper le jour martien (appelé sol, légèrement plus long qu’une journée terrestre) en trois périodes plus ou moins bruyantes et donc plus ou moins bien adaptées à la recherche de séismes ; c’est entre 17h et minuit que la planète devient plus calme, et c’est alors que se situe la période la plus propice à la détection de séismes (fig.). Cette situation risque d’être modifiée avec l’arrivée de l’été martien et l’apparition des tempêtes de poussière qui risquent de rendre beaucoup plus délicate la détection des séismes les plus faibles.

Les principaux résultats

La structure du sous-sol

Dès l’installation d’InSight, il a été possible de caractériser les propriétés du proche sous-sol de la plaine poussiéreuse d’Elysum en analysant la manière dont les instruments se sont plantés dans la poussière. Trois couches se succèdent : une cuirasse superficielle de quelques cm (duricrust) qui a fait obstacle à l’enfoncement de HP3 est surmonté d’un régolithe résultant de l’amoncellement des matériaux concassés par les innombrables impacts météoritiques ; en dessous, sur plusieurs mètres, le sous-sol a pu être sondé grâce aux déformations induites par la circulation de tourbillons de poussière (dust devils), qui sont autant de micro-sources sismiques enregistrées par SEIS. Ces tourbillons ont par ailleurs réservé une surprise aux scientifiques de la mission : alors que leur présence est attestée par les enregistrements de SEIS, aucun n’a pu être photographié. 

Les premiers séismes

Le nombre de séismes haute fréquence (HF, lire l’encadré) est en constante augmentation depuis le début de la campagne d’observation, sans que les sismologues sachent vraiment pourquoi ; ce n’est pas un artefact de mesure et cette hausse, qui semble d’origine naturelle, pourrait être due à un phénomène saisonnier, comme par exemple l’évolution de Mars sur son orbite. 

Pour l’instant, jusqu’à la fin juillet 2019, seulement 4 séismes de type A, c’est-à-dire exploitables par les chercheurs (lire l’encadré), ont été identifiés. Le 7 avril 2019 (sol 128), le premier séisme martien est enregistré, marquant d’une pierre blanche le jour de naissance de la sismologie martienne. Il est situé dans les hautes fréquences (HF, lire l’encadré), de magnitude relativement faible. Son origine demeure pour l’instant inconnue, la profondeur du foyer sismique serait supérieure à 5 km et son origine serait située à une distance de 530 km d’InSight.

Le deuxième séisme majeur enregistré par SEIS a eu lieu au cours du sol 173 (23 mai 2019) et c’est une des secousses les plus intéressantes jamais observées sur la planète rouge jusqu’à ce jour. C’est un séisme de basses fréquences (LF) d’une magnitude 3,6, bien plus énergétique que le précédent ; il a offert aux sismologues la possibilité de déterminer la position précise de l’épicentre, ce qui est particulièrement ardu quand on ne dispose que d’une seule station, comme c’est le cas ici. Pour l’instant, tous semble indiquer que le 23 mai, le sol s’est mis à trembler à 1600 km à l’est d’InSight, dans une région baptisée Cerberus Fossae (voir plus bas).

Le troisième événement majeur mis en évidence par SEIS l’a été au cours du sol 235 (26 juillet 2019), situé dans la même région de Cerberus Fossae, les épicentres des deux séismes étant séparés de 450 km environ.

Enfin, une autre séisme LF de qualité A, détecté au cours du sol 183 (3 juin 2019), a pu être approximativement localisé sur le globe martien.

En termes de positionnement,  c’est à peu près tout pour les quelques centaines d’autres événements identifiés par SEIS (surtout HF). Cette cartographie permet de commencer à relier certains secteurs sismiques avec de possibles structures tectoniques existant à la surface de Mars. 

Cerberus Fossae

Cerberus Fossae est un immense système de failles situé à l’est du terrain d’atterrissage d’InSight, qui s’est probablement formé lors de la mise en place d’Elysium Mons, le second complexe volcanique de Mars en termes de taille après le dôme de Tharsis et son volcan géant Olympus Mons. Les failles de Cerberus Fossae seraient encore actives et le champ de fractures présent semble avoir accumulé de nombreuses contraintes dont certaines ne sont pas encore relâchées (Fig.2).

Figure 2 – Le système de failles Cerberus Crédits: ESA/DLR/FU Berlin

Caractéristiques de la croûte martienne

Grâce aux trois séismes majeurs détectés jusqu’à présent, il a été possible de déterminer les valeurs de l’atténuation et de la diffusion des ondes sismiques lors de leur traversée de la croûte martienne ; une discontinuité majeure a été identifiée . Le trio sismique des sols 128, 173 et 235 a permis une première analyse de la structure de la croûte : une première strate d’une épaisseur d’une dizaine de km, constituée de matériaux volcaniques très altérés ou fracturés, ralentit les ondes sismiques d’environ 50% ; plus en profondeur, se trouverait une couche plus homogène qui pourrait descendre jusqu’au début du manteau.

En conclusion

Si la croûte martienne commence à livrer ses secrets, l’objectif ultime d’InSight est de lever le voile sur la structure interne de la planète entière, mais les sismologues n’ont pas encore la garantie de pouvoir comprendre le manteau et le noyau de la planète. En effet, la grande majorité des séismes qui secouent la surface martienne sont de faible magnitude et la détermination de la structure interne de Mars pourrait être plus longue et délicate que prévu. Comme l’écrit Philippe Labrot, l’un des scientifiques de l’IPGP responsables des dépouillements des données de SEIS « Tout en analysant d’arrache-pied l’abondant jeu de données fourni par SEIS, les sismologues planétaires attendent également désormais le premier grand séisme martien, celui qui frôlera ou dépassera la magnitude 4,5 et qui nous montrera enfin de quoi est fait le cœur de Mars. »

Janet Borg, Institut d’astrophysique spatiale

 

Les séismes

Ce qui permet de quantifier l’énergie d’un séisme est sa magnitude, calculée à partir de l’amplitude du signal enregistrée sur un sismogramme. La magnitude est mesurée sur une échelle logarithmique ouverte (l’échelle de Richter) où chaque unité supplémentaire correspond à une multiplication de l’énergie libérée par un facteur 30. Sur Terre, les séismes les plus puissants enregistrés à ce jour dépassent la magnitude 9 (9.5 pour le puissant d’entre eux, qui s’est produit en 1960 à Valvidia, au sud du Chili). Les séismes martiens sont classés en deux populations principales : ceux de basse fréquence (LF pour low frequency), inférieure à 1 Hz, (une vibration par seconde), et ceux de haute fréquence (HF pour high frequency), supérieure à 1 Hz. Les sismologues pensent que cette répartition signe des phénomènes sismiques différents en termes de sources, profondeurs et trajectoires suivies par les ondes sismiques. Les séismes LF, plus rares, viendraient de zones profondes, à plus de 50 km, situées relativement loin d’InSight. Les séismes HF, de loin les plus nombreux, de faible magnitude, seraient plus superficiels ; leurs signaux sont pauvres en informations.  On distingue les ondes P (ondes primaires) et les ondes S (ondes secondaires) ; les ondes P sont des ondes longitudinales de compression qui se propagent dans tous les milieux à une vitesse de l’ordre de 8 km/s, au sommet du manteau terrestre et les ondes S, des ondes transversales de cisaillement, qui se propagent moins vite que les ondes P et arrivent donc en second sur les sismogrammes.  En plus de leur type (HF ou LF), les sismologues attribuent aux séismes martiens une note de A à D, selon leur qualité, à l’aide d’un ensemble de paramètres auxquels les sismologues sont très attentifs : rapport signal sur bruit, détermination de la distance du séisme à la station, azimut (direction par rapport au nord) et magnitude. Les séismes de type A correspondent à un évènement sismique présentant des phases (ondes P et S) nettes et identifiables, et contiennent des informations permettant de les localiser. Ce sont évidemment les plus intéressants, mais ils sont rares ; à l’autre bout de la chaîne, les séismes de type D sont des événements très faibles ou ambigus.

Parler aux rovers martiens

Parler aux rovers martiens

Le 30 juillet dernier, un nouveau rover a quitté la Terre, direction la planète Mars ! Baptisé Perseverance d’après la proposition soumise par un collégien à un concours organisé par la Nasa, maître d’œuvre de la mission Mars 2020, il sera largué en février 2021 sur le sol martien. Il rejoindra alors sur Mars son collègue Curiosity, star des médias et des réseaux sociaux. Mais comment les scientifiques communiquent-ils avec ces rovers ?

Ils prennent des « selfies », possèdentleur compte sur les réseaux sociaux, et pourtant, discuter avec eux n’est pas chose aisée pour les scientifiques : mais comment parle-t-on à Curiosity et Perseverance?

Patience et longueur de temps 

Discuter avec un robot martien, c’est tout d’abord une histoire de fuseaux horaires et de synchronisation. Pour commencer, il faut savoir que les échanges avec la planètes Mars, comme avec n’importe quel endroit du Système solaire et au-delà, se font par le moyen de signaux électromagnétiques (de la lumière non visible). Les échanges avec Mars ne sont donc ni instantanés, ni même légèrement décalés comme ceux des astronautes des missions Apollo avec les équipes à Houston, le centre des opérations des missions Apollo pour la Nasa. Les messages échangés entre Terriens et Martiens se propagent en effet à la vitesse de la lumière que chacun sait finie et constante. La lumière met environ huit minutes à parvenir du Soleil à la Terre, parcourant ce qu’on appelle une « unité astronomique », ou « UA ». Mars orbite autour du Soleil à une distance moyenne de 1,5 UA. Ainsi, en fonction de la position relative des deux planètes par rapport à notre étoile, la distance entre Mars et la Terre varie entre 0,5 UA et 2,5 UA. Un calcul au premier ordre permet donc d’estimer qu’un message voguant entre les deux astres a une durée de voyage comprise entre quatre minutes et une vingtaine de minutes. C’est une chose que tout astronaute en herbe rêvant de fouler le sol martien doit garder en tête : pour dire « Salut ! Ça va ? », entendre « Oui, bien, et toi ? », et répondre « Bien ! Merci! » à un Martien, il faut prévoir entre douze minutes et une heure, en fonction des éphémérides !

Figure 1 – Schématisation de l’organisation d’une journée martienne pour les opérations de Curiosity, le rover de la mission MSL (Mars Science Laboratory), et exemple d’horloge présentant l’heure sur Terre en Temps Universel, puis l’heure locale à Toulouse, l’heure « universelle » sur Mars, puis l’horloge locale des différentes missions martiennes à ce moment-là. 

 

Synchronisation des horloges

Et encore, même avec beaucoup de patience, ce n’est pas facile de donner des instructions à un rover martien, car il faut aussi tenir compte du décalage horaire. Ou plutôt, devrions-nous parler des décalages horaires, au pluriel ! « On peut s’imaginer qu’on peut utiliser toute la journée martienne pour échanger des informations avec un rover, mais c’est bien plus compliqué », explique Olivier Gasnault, chargé de recherche au Centre national de la Recherche scientifique (CNRS) à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) de Toulouse, responsable adjoint de ChemCam (Curiosity) et qui est, chargé des opérations scientifiques de l’instrument SuperCam de Perseverance. « On pourrait croire que le rover a huit heures d’activité par jour, comme les scientifiques qui le pilotent, mais non, il faut prendre en compte les contraintes de satellites relais, de l’’énergie disponible, et des décalages entre les fuseaux horaires martiens et terrestres ! ». En effet, la durée de la journée martienne, qui dure vingt-quatre heures terrestres et quarante minutes (appelée sol), est divisée par les scientifiques en vingt-quatre « heures martiennes » qu’il faut répartir entre les différentes phases d’opérations : la génération des instructions, leur validation, leur transmission entre la Terre et Mars, les opérations sur Mars, quand le rover peut profiter au maximum de l’éclairage solaire pour faire des photos très utilisées en géologie martienne, l’envoi des données enregistrées sur Terre, leur analyse par les scientifiques, plus la création d’un nouveau plan d’activité pour la journée suivante. Ce schéma idéal ne prend pas en compte les difficultés liées à la position de Mars par rapport au Soleil et à la Terre (l’année martienne dure près de 690 jours terrestres), ou encore de la disponibilité des satellites artificiels qui tournent autour de Mars et permettent de relayer les messages de Curiosity ,et dans le futur de Perseverance, aux antennes des centres d’opérations de la Nasa. Une difficulté supplémentaire repose sur la taille des équipes scientifiques qui sont aux commandes et leur dimension internationale : les différents laboratoires américains sont répartis sur plusieurs fuseaux horaires, sans oublier ensuite le « jetlag » avec les laboratoires français, où sont basés les chercheurs, ingénieurs et techniciens qui analysent les données de composition des roches mesurées par les tirs laser de l’instrument ChemCam, dont la contribution française est sous la responsabilité de l’IRAP, en particulier de Sylvestre Maurice (le chercheur à l’origine des deux projets, instigateur de ces instruments, et le responsable de SuperCam) et d’Olivier Gasnault (voir photographie ci-contre). Pour SuperCam, le petit frère de ChemCam à bord de Perseverance, il faudra en plus se coordonner avec deux fois plus de laboratoires français (14) qui ont participé à la construction de l’instrument ou qui participeront à la science de SuperCam.

Figure 2 – L’équipe des opérations des instruments ChemCam et sAm photographiée au Cnes en 2014. Pendant que les ingénieurs (au premier plan) – qui sont au total une quarantaine rien qu’en France à contribuer aux opérations – préparent les instructions à envoyer aux équipes de MSL aux États-Unis, Olivier Gasnault (en chemise blanche) et quatre chercheurs (au fond à droite) discutent des objectifs scientifiques à privilégier après avoir analysé les données du jour.
(S. Girard/Cnes)

Des stratégies différentes pour Curiosity et Perseverance

Les opérations de Curiosity sont organisées grâce à des décisions collégiales de type « discovery driven », c’est-à-dire motivées par les découvertes effectuées. Les tâches du rover sont donc planifiées sur différentes échelles de temps, en gardant des objectifs scientifiques à long terme suffisamment larges pour que le plan d’action du mois suivant puisse tenir compte des découvertes faites sur un site donné à un instant « t ». Par exemple, si Curiosity détecte des propriétés inattendues sur une cible particulièrement intéressante, les chercheurs peuvent demander que le rover y reste quelques jours ou quelques semaines de plus afin d’effectuer des mesures supplémentaires. En effet, le rover se déplace tellement lentement (en moyenne, Curiosity se déplace à une vitesse de croisière de trente mètres à l’heure) qu’il serait difficile d’envisager de « revenir en arrière » si les opérations étaient fixées à l’avance sur périodes trop longues. (lire l’Astronomie

Pour Perseverance, la stratégie sera différente, notamment à cause des exigences de la Nasa en matières d’objectifs pour la mission Mars2020 et d’efficacité (le calendrier à tenir est plus strict). Perseverance devra non seulement récolter des échantillons et en faire une analyse scientifique très poussée, mais également les déposer en différents sites stratégiques au cas où une future mission conjointe de retour d’échantillons serait financée par la Nasa et l’Esa. La mission de retour d’échantillons n’aurait pour but que de récolter les échantillons extraits et préparés par Perseverance pour les rapporter sur Terre, le seul endroit où l’on peut trouver des laboratoires suffisamment complets et performants (et des humains pour y travailler) pour que les échantillons soient décortiqués en détail, afin, principalement, de rechercher des traces de vie martienne. La liberté de décision des chercheurs et chercheuses sera inévitablement bien plus réduite que pour Curiosity, puisque les opérations seront organisés sur des périodes plus longues et contraintes par la préparation des échantillons. « L’exploration scientifique de Mars est en quelque sorte assujettie à la très grande popularité des projets d’exploration de la planète et à la puissance des campagnes de communication des agences », souligne Olivier Gasnault. Il semble en effet que les résultats de Mars 2020 sont annoncés avant même que l’on ait envoyé le rover sur Mars : maintenant qu’on y a découvert de l’eau liquide, il faut déceler des traces de vie ! 

Le chercheur est tout de même très enthousiaste, notamment quand on aborde la question de la grande taille et de la grande diversité des équipes impliquées dans les opérations de Curiosity et Perseverance : « Ce que je trouve intéressant dans cet aspect des opérations des rovers martiens, c’est qu’elles nécessitent une plus grande implication des chercheurs auprès des ingénieurs en charge des opérations. C’est un peu comme pour les missions Apollo, en remplaçant les astronautes par des robots ! »

SuperCam, les « yeux » de Perseverance, largement conçu et fabriqué en France.

SuperCam est la petite sœur de ChemCam, proposée par le même consortium franco-américain et acceptée par la Nasa après le grand succès de l’instrument de Curiosity. Le consortium SuperCam compte, en plus du Cnes et de l’Irap, une dizaine d’acteurs en France*. On voit ici l’instrument déshabillé lors de derniers tests à l’Irap en 2019 (aucun risque que SuperCam ait attrapé la Covid-19 avant son départ pour Mars, il est toujours manipulé par des scientifiques bien protégés, voir l’Astronomie no 137). SuperCam a pour mission de mesurer la composition chimique des roches en tirant dessus au laser (technique LIBS)2 et d’en faire des images en couleur (et non en noir et blanc comme son prédécesseur ChemCam). SuperCam pourra aussi détecter les minéraux et éventuellement de la matière organique par spectroscopie Raman et infrarouge (IR). Les différentes techniques fonctionnent à distance : 7 m pour le LIBS, 12 m pour le Raman, et jusqu’à l’horizon pour la spectroscopie IR et l’imagerie. L’instrument a été livré au Jet Propulsion Laboratory l’été dernier, au terme de quatre années de travail qui ont mobilisé près de 240 personnes.

Figure 3 – SuperCam est un instrument franco-américain proposé par le lANl (É.-U.) et l’IRAP (France). le Cnes assure la maîtrise d’ouvrage de la contribution française et s’appuie sur des laboratoires du CNRS et des universités (irap, lesia, lAB, OMp, latmos, iSAE, iAS pour l’instrumentation et aussi pour la science iMpMC, ipag, lGl, Celia, lpG, GeoRessources, iSterre). le projet Mars 2020 de la Nasa est sous maîtrise d’œuvre du Caltech/Jpl.

 

Léa GRITON, Institut de recherche en astrophysique et planétologie, Toulouse

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