Le 11 Février 2023, l’IAU NOC Madagascar a organisé, à l’occasion la Journée Internationale des Femmes et des Filles de Science, l’évènement “Célébrer les femmes astronomes malagasy”!
Les participants et les bénévoles de l’IDWGS 2023 organisé par l’IAU NOC Madagascar
Chaque année, le 11 février a lieu la célébration de la Journée internationale des femmes et des filles de science. Cette journée, mise en place par les Nations Unies en 2015, vise à promouvoir l’accès des femmes et des filles à l’éducation, à la formation et à l’emploi dans les domaines des STEM, ainsi que de sensibiliser le grand public à l’importance de la diversité et de l’égalité des genres dans ces domaines.
L’ International Astronomical Union (IAU) National Outreach Coordinators (NOC) Madagascar a organisé un évènement intitulé “Célébrer les femmes Astronomes Malagasy” à l’Institut et Observatoire de Géophysique d’Antananarivo pour marquer cette date. Les femmes et filles, qui œuvrent dans le domaine de l’astronomie à Madagascar, ont été mises en avant dans ces lieux où les frères jésuites ont bâti le premier observatoire astronomique du pays en 1889. Le but était de partager les expériences et les bonnes choses que cette science a apporté dans leur vie ainsi que d’inspirer ceux et celles qui sont venus pour la suite de leur carrière.
Le public a assisté à différentes présentations et animations, à commencer par l’intervention de Mlle Tombo Fitahiana Rarivoarinoro, diplômée en astrophysique de l’Université d’Antananarivo. Elle y a exposé son parcours, du bacc scientifique jusqu’au master en Astrophysique, marqué par sa participation au projet DARA (Development for Africa through Radio Astronomy), à Madagascar et au Ghana, ainsi que de l’école d’été LEAPS (Leiden/ESA Astrophysics Program for Summer Students), au Pays-Bas. Elle y a présenté aussi ses recherches sur les radio galaxies mourantes, principalement sur le mystère des radio galaxies géantes.
Tombo Fitahiana Rarivoarinoro lors de sa présentation
Après cette présentation, une séance de partage a été faite par des diplômées, des étudiantes et des amateurs en astronomie et astrophysiques sur “Les femmes malagasy oeuvrant dans le domaine de l’astronomie”. Le but était d’inspirer l’audience à s’intéresser de plus en plus à ce domaine.
Les panélistes de la séance de partage : “Les femmes malagasy oeuvrant dans le domaine de l’astronomie”
Une séance d’observation du soleil avec des lunettes astronomiques offertes par SSVI a clôturé les activités. Pour certains des participants, ce fut une première expérience avec un matériel d’observation, donc une petite initiation, à leur utilisation, a aussi été donnée.
Observation du Soleil
Les petits jeux comme la classification des galaxies ou aussi la reconstitution de la vie d’une étoile ont permis de briser la glace et de sortir du cadre formel.
Les différents jeux lors de la journée.
L’événement a été un grand succès, attirant des étudiants, des parents et des professionnels de différents domaines pour une passion commune, l’astronomie. L’IAU NOC Madagascar, Zara Andriamanakoto et ses bénévoles ont su mettre en avant les femmes astronomes malagasy, des sources d’inspiration pour les jeunes filles qui ont assisté à l’événement et qui ont pu découvrir l’astronomie et ses possibilités.
L’Association Ivoirienne d’Astronomie (AIA) était l’invitée spéciale du Café des Savoirs du jeudi, 26 janvier 2023 organisé par l’Institut Français de Côte d’Ivoire autour du thème : « Il n’y a pas de planète B ». À cet effet, la Directrice du Pôle Français, Langues et Savoirs Celine DESBOS a invité les participants à bien vouloir cheminer dans l’espace avec l’AIA.
D’entrée de jeu, Dr DIABY Kassamba Abdel Aziz, Physicien de l’espace et Président de l’AIA, a souligné que cette jeune association, composée de quarante membres dont dix-sept membres de bureau, a été créée le 13 février 2021 à l’UFR des Sciences et structures de la matière de l’Université Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire). Elle cherche à atteindre les objectifs suivants : contribuer à la diffusion des connaissances scientifiques, amener les jeunes ivoiriens à manifester un vif intérêt pour les filières scientifiques, promouvoir la place des femmes dans les sciences, réunir toutes les personnes désireuses de contribuer au développement des sciences spatiales dans notre pays. L’AIA entend œuvrer à la création d’un observatoire astronomique et d’une agence spatiale ivoirienne. Ainsi, depuis sa création, elle a mené plusieurs activités scientifiques, en l’occurrence des activités mensuelles d’observation du ciel, des conférences, des tournées dans les écoles, des séances d’astrophotographies et la recherche d’astéroïdes marquée et remarquée en 2022 par sa découverte de six astéroïdes. Aussi, est-il important de préciser que cette recherche d’astéroïdes se fait toujours en collaboration avec l’Union Astronpmique Internationale et la NASA. En 2023, l’AIA et Space Bus France sont porteurs d’un projet dénommé ASTRO TOUR édition ivoire, lequel est d’une importance considérable pour la promotion de l’astronomie dans notre pays.
Après la présentation de l’AIA par son Président, quatre conférences successives et respectives ont été prononcées par Dr YAO Marc Harris, Astrophysicien et premier Vice-président de l’AIA, Dr AKA Pancrace, Épistémologue, Historien des sciences, Logicien et Secrétaire général adjoint de l’AIA, Dr David BARATOUX, Planétologue et Conseiller scientifique de l’AIA et M. AHOUA Stéphane, Doctorant en physique de l’atmosphère et Secrétaire à l’organisation de l’AIA. Ces conférences ont été suivies d’échanges et de débats fructueux et enrichissants avec un public varié (élèves, étudiants, professionnels, Universitaires, etc.) et fort intéressé par les sciences spatiales.
La conférence du Dr Yao Marc Harris était axée sur « la place de l’homme dans l’univers ». Il a montré qu’à l’origine, l’espace et le temps n’existaient pas. Tout est donc parti de rien. Mais, comment cela a-t-il été possible ? En effet, à partir de rien, voire d’un point infiniment petit, l’Univers tel qu’on le connaît a commencer une expansion: le big bang – ayant pour conséquence la libération de l’énergie déroulant ainsi le tissu de l’espace-temps. Cette énergie donnera naissance à la matière, aux briques de celle-ci. De ces briques de matière se formeront des atomes qui, sous l’effet de la gravité, finiront par s’agglomérer pour former des étoiles, lesquelles se mettront ensemble pour former, à leur tour, la myriade de galaxies de notre univers. Le système solaire fait partie intégrante de la Voie lactée et jusqu’à ce jour la Terre demeure la seule planète connue pour être habitée dans notre univers. C’est aussi la seule planète habitable dans notre Système Solaire, et à des années lumières autour de nous. Il est donc nécessaire de la préserver et d’en prendre soin.
Dr AKA Pancrace, pour sa part, est intervenu sur le sujet suivant : « La dynamique des astéroïdes : entre curiosité et anxiété des scientifiques ». Il a tenté d’apporter une réponse à la question suivante : pourquoi la dynamique des astéroïdes est-elle à la fois une source de curiosité et d’anxiété des scientifiques ? Selon les mots de l’épistémologue de l’astronomie, la dynamique des astéroïdes se présente, d’un côté, comme une source de curiosité des scientifiques, laquelle révèle l’idée essentielle que ces petits corps célestes constituent l’ADN de notre système solaire, et de l’autre, elle apparaît comme une source de leur anxiété, dans la mesure où leur entrée en collision régulière avec la Terre menace son existence et celle de ses habitants. Pour lui, la dynamique des astéroïdes rend problématique l’habitabilité de la terre ; d’où la nécessité de sensibiliser l’humanité sur les impacts cosmiques de ceux-ci, afin qu’elle prenne des précautions et des mesures idoines essentielles à sa vie et à sa survie.
« Mars est-elle une planète habitable ? », tel fut l’intitulé de la conférence du Planétologue David BARATOUX. Pour l’essentiel, il a fait remarquer qu’une planète habitable est celle qui contient de l’eau liquide qui pourrait s’écouler. Or, à l’état actuel des choses, Mars a perdu son atmosphère d’antan. Pour être plus précis, son atmosphère n’est pas respirable pour les êtres humains. Les violentes tempêtes de poussière qui sont fréquentes sur la planète rouge rendent son atmosphère dangereuse tant pour la vie humaine qu’animale. À en croire le planétologue, en l’état actuel de l’évolution de l’humanité et des progrès technoscientifiques, il n’y a pas de planète B qui nous permettrait de nous affranchir dans le temps imparti de nos responsabilités sur le changement climatique, et la dégradation de notre environnement. C’est pourquoi nous devons la protéger.
Pour finir, M. AHOUA Stéphane a permis au public de faire « une promenade dans l’espace » par le biais du logiciel Stellarium. Ce logiciel de planétarium lui a permis de projeter un ciel réaliste en 3D tout en donnant la possibilité à tous les participants au Café des Savoirs d’observer la lune, la terre, Mars…
Par Dr AKA Pancrace, Épistémologue, Historien des sciences, Logicien, Secrétaire général Adjoint de l’AIA, Maître Assistant, Département de philosophie, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire.
De nombreuses structures d’impact restent à découvrir sur le continent Africain. Pour cela, il faut former la nouvelle génération de géologues à reconnaitre les indices des conséquences des chutes de météorites sur les roches de la croûte terrestre. Le Centre International de Recherche & Restitution sur les Impacts et sur Rochechouart (https://cirir-edu.org/en), au cœur de la structure d’impact de Rochechouart (Fig. 1) est un lieu idéal pour remplir cet objectif, ainsi que pour développer de nouvelles méthodes d’étude des structures d’impact.
Cheikh Ahmadou Bamba NIANG, jeune chercheur, ayant soutenu sa thèse sur les structures d’impact en 2022 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar effectue depuis le Sénégal ses recherches sur la structure d’impact Rochechouart. Que vient-il chercher au CIRIR et à Rochechouart ?
1 – Localisation de la structure d’impact de Rochechouart et du Centre de Recherche sur les Impact sur Rochechouart sur le terrain français.
Son travail de doctorat, qui a permis de documenter les signatures radiométriques de cratères d’impact et élucider l’origine des deux anneaux enrichis en Potassium (K) de la structure d’impact Bosumtwi au Ghana, a ouvert un nouveau champ de recherche : l’étude de la signature gamma des structures d’impact. Le rayonnement gamma est bien connu des astronomes. C’est le rayonnement le plus énergétique, au-delà donc des rayons X. En Astronomie, observer le rayonnement gamma permet d’étudier les processus physiques les plus violents et énergétiques de notre univers : étoiles en fin de vie, supernovas, pulsars, quasars, trous noirs stellaires et supermassifs, galaxies actives. En Afrique, le High Energy Stereoscopic System (HESS) est un réseau de télescopes à imagerie Tcherenkov atmosphérique situé à Gamsberg en Namibie pour l’étude des rayons gamma entre quelques dizaines de GeV et quelques TeV. L’acronyme est choisi en l’honneur de Victor Franz Hess, physicien autrichien et américain, qui découvre l’existence du rayonnement cosmique.
Ce rayonnement est aussi observé par les géologues lorsqu’ils regardent non pas vers le ciel, mais vers le sous-sol. Un rayonnement gamma est naturellement émis lors de la désintégration naturelle d’éléments présents dans les sols et roches terrestres. 40K, 232Th, et 238Th sont les trois principaux isotopes instables qui contribuent à ce rayonnement gamma naturel. Ces éléments étant présents au début de l’histoire de la terre, mais comme le taux de désintégration est très lent, il en reste toujours aujourd’hui. Il faut par exemple plus de 14 milliards d’années pour que la quantité de 232Th soit divisée par deux dans une roche. Au passage, ces trois isotopes sont également la source d’énergie interne de la Terre, à l’origine des volcans et des mouvements de convection du manteau, de la tectonique des plaques, et des tremblements de terre.
La cartographie de ce rayonnement permet de remonter à la concentration en potassium (K), thorium (Th) et uranium (U). Ces trois éléments sont très intéressants pour les géologues. Lors de la fusion des roches ou la cristallisation fractionnée, ils préfèrent demeurer avec les liquides silicatés. Leur concentration varie donc sur plusieurs ordres de grandeur et témoignent de l’histoire magmatique des roches étudiées. Lorsque les roches sont en contact avec des fluides, K est transportée, et une roche peut-être très appauvrie en K après le passage d’un fluide, ou enrichie par un fluide très riche en K. En revanche, Th demeure immobile. Pour U, sa mobilité dépend des conditions d’oxydoréduction. La forme réduit de l’uranium (U4+) est contenue dans des minéraux généralement insoluble. La forme oxydée (U6+) est en revanche plus mobile. Ce sont donc de bien précieux traceurs des processus géologiques. Le fait de pouvoir les cartographier à l’aide du rayonnement gamma a conduit à développer de nombreuses techniques au sol, et depuis le ciel, et même l’espace pour établir des cartes de ces éléments, sur Terre, en particulier pour la prospection des ressources minérales et sur d’autres planètes, comme Mars.
Qu’observe-t-on à Rochechouart quand on examine le rayonnement gamma et les éléments qui le produisent ?
Il existe une zone, au centre de la structure actuelle, qui est très riche en potassium (Fig. 2). Les concentrations en potassium dans les échantillons de roche atteignent parfois 10 %, ce qui est assez exceptionnel dans les matériaux terrestres naturels. Ces concentrations extrêmes en potassium sont le résultat d’un phénomène couramment observé dans les grandes structures d’impact : l’hydrothermalisme. En présence d’eau dans le sous-sol, la fracturation et la chaleur produite lors de l’impact sont responsables de la mise en place d’un système hydrothermal. La structure se refroidit progressivement, sur des milliers, voire des millions d’années, selon la taille de la structure. Les gradients thermiques ainsi formés sont responsables de la mise en mouvement de l’eau contenue dans le sous-sol, par simple contraste de densité (l’eau chaude est plus légère que l’eau froide et aura donc tendance à remonter au sein des aquifères). Ce système hydrothermal à transporté le potassium, et par métasomatisme, a enrichi en potassium les roches actuellement exposées à la surface.
2 – Carte de la concentration en Potassium sur la région de Rochechouart, superposée à une carte en relief ombré. Les zones riches en potassium apparaissent en rouge, les zones pauvres en potassium en bleu (source : BRGM).
Les cartes obtenues lors d’un survol aéroporté avec une détecteur capable de mesurer le rayonnement gamma, montrent une zone assez nette enrichie en potassium (Fig. 2), qui correspond aussi à la présence des brèches d’impact de Rochechouart : il s’agit de fragments de roche, mélangés ou non avec une matrice fondue lors de l’impact. Ces roches, chaudes au moment de l’impact, sont naturellement au cœur du système hydrothermal de Rochechouart. Mais l’interprétation des données aéroportées soulève de nombreuses questions.
Que signifient les variations en potassium observées dans les données aéroportées ? Sont-elles associés à des brèches de nature différente, à des quantités de matériau fondu différents dans les brèches ? Peut-on distinguer les différents types de brèches à partir de ces données ? Peut-on distinguer les limites de la zone qui a subi l’hydrothermalisme à l’aide de ces données ? D’autre part, à Rochechouart, les affleurements de roches sont rares. Lors d’un survol aéroporté, le détecteur ne mesure pas directement les concentrations dans les roches, mais essentiellement dans le sol, épais de quelques dizaines de centimètre d’épaisseur (Fig. 3) et qui est issu de la dégradation des roches et de la présence de matière organique. Le géologue a besoin de concentrations en K dans les roches pour réfléchir, et non dans des sols sur lesquels paissent paisiblement les vaches du Limousin.
3 – Illustration de ce que voit un détecteur lors d’un survol aéroporté. Une source de rayonnement (disque rouge) verra son rayonnement atténué si elle est enfouie sur une certaine profondeur de sol, et à fortiori de roches.
4 – Illustration d’une mesure au sol à l’aide du spectromètre qui permet en quelques minutes de déterminer les concentrations en K, Th et U dans le sous-sol.
Pour résoudre ces questions, il faut aller sur le terrain, et ce fut l’objectif de plusieurs missions de Cheikh Ahmadou Bamba Niang (Fig. 4). Par tous les temps (qui peuvent être rigoureux à Rochechouart), il a sillonné la région centrale du cratère pour mieux comprendre ce que l’on voit sur la donnée aéroportée. Il a donc documenté les relations qui existent entre la géochimie des sols et la géochimie des roches sur cette région, et a également patiemment réalisé des profils radiométriques, à l’aide de plusieurs spectroradiomètres portables. Les spectres obtenus permettent de déduire les concentrations en K, Th et U dans les roches et sols mesurés sur des échelles de l’ordre du mètre cube (Fig. 5). En effet, les photons gamma, très énergétiques, peuvent traverser roches ou sols sur des distance de l’ordre de plusieurs dizaines de centimètres. En revanche, on ne peut voir ce qu’il y a à plusieurs dizaines de mètres. Et dans ce cas, ce sont les forages réalisés à Rochechouart, sous la direction de Philippe Lambert qui sont utiles. Ce sont donc ainsi plusieurs centaines de mesures qui sont en cours d’analyses, et qui nous permettront de déchiffrer, avec l’aide des relevés radiométriques dans les forages, l’étendue en 3 dimensions de l’hydrothermalisme du cratère d’impact de Rochechouart.
Fig. 5 – Exemple de spectre gamma obtenu lors d’une mission de terrain à Rochechouart. La partie en rouge est intégrée pour calculer la concentration en potassium dans le sol. On fait de même pour le Thorium et l’Uranium dont les chaînes de désintégration comportent des émetteurs gamma.
Par Cheikh Ahmadou Bamba Niang, David Baratoux
Remerciements : Institut de Recherche pour le Développement, Centre National de la Recherche Scientifique (projet AWA, Astrophysics and Planetary Science in Africa), African Initiative for Planetary and Space Science (AFIPS, https://africapss.org), Centre International de Recherche & Restitution sur les Impacts et sur Rochechouart (https://cirir-edu.org/en).
L’astronomie est une science qui se base d’abord sur l’observation, qui se nourrit de curiosité pour objet l’étude, les astres du ciel, afin de comprendre leur nature et leurs caractéristiques. Cette science, considérée comme la plus vieille du monde est l’une des plus populaires; elle a contribué à d’importants progrès technologiques dans l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, comme à ses débuts, l’astronomie fait une part importante aux amateurs, qui y apportent une contribution quasi quotidienne extrêmement importante.
L’astronomie au Bénin est essentiellement menée par des amateurs passionnés, qui travaillent depuis le début du siècle à la rendre accessible à tous. Au Bénin, l’astronomie et les sciences spatiales ne sont pas encore une affaire étatique, ni universitaire. Le Bénin ne dispose pas de programme de formation académique, ni de programme de recherche ou encore d’observatoire ou de laboratoire de recherche dans ce domaine. Malgré ce tableau sombre, le Bénin compte deux clubs d’astronomie qui écrivent l’histoire de l’astronomie et des sciences spatiales dans ce pays depuis 2006. Il s’agit du Club Astronomique Orion Bénin et de Sirius Astro-Club.
Sirius Astro-Club, est un club d’astronomie amateur présent au Bénin, fondé à l’initiative de Prudence AYIVI en Octobre 2020. L’idée de ce club est née d’une passion d’enfance pour l’espace et la science. Le nom « Sirius » a été choisi, en référence à l’étoile principale de la Constellation du Grand Chien, qui est l’étoile la plus brillante du ciel nocturne, et très bien visible dans les pays africains, car souvent haute au-dessus de l’horizon.
Ce club est une association composée et dirigée par des étudiants venant majoritairement de l’Université d’Abomey-Calavi. C’est à l’Université d’Abomey-Calavi, la plus grande université du Bénin, et dans la ville de Cotonou que se déroule l’essentiel des activités du club. Sirius Astro-Club est une association à but non lucratif qui a pour objectif principal de promouvoir les sciences et technologies spatiales au Bénin, et de former les jeunes dans ce domaine, telle que reconnue par son statut officiel du 23 Mai 2022 régi par la loi du 1er juillet 1901. Il s’agit du deuxième club d’astronomie au Bénin, qui est reconnu comme tel par la Société Africaine d’Astronomie (AfAS) et dont les membres font partie du comité national pour la sensibilisation de l’Astronomie auprès de l’Union Astronomique Internationale.
Les objectifs du club sont promouvoir les sciences et technologies spatiales auprès du grand public, et de former des jeunes professionnels dans le domaine des sciences spatiales afin de contribuer au développement du Bénin et de l’Afrique en apportant les progrès scientifiques et technologiques réalisés grâce au sciences spatiales pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durables.
Depuis l’avènement du club, ses membres ont organisé des activités de diverses sortes (formation, conférence, soirée d’observation astronomique, projet de recherche scientifique) dans plusieurs villes qui ont pour beaucoup été une première dans l’histoire du Bénin.
Séance de découverte de l’astronomie dans le collège CEG Akpassa, Porto-Novo, Octobre 2021.
En Avril 2021, le club, par l’action de son fondateur, a remporté une lunette astronomique, en remportant le concours organisé par L’Astronomie Afrique, SSVI et RFI. Au mois de Mai 2021, le club a organisée la plus grande séance de sensibilisation scientifique sur l’astronomie jamais organisée au Bénin, à l’endroit de 5000 étudiants en sciences et techniques de la Faculté des Sciences et Techniques et de l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi à l’Université d’Abomey-Calavi. Cette année-là, plusieurs évènements ont été organisés comme la Journée Internationale des Astéroïdes, l’évènement On the Moon Again, le Space Apps Challenge de la NASA dans la ville d’Abomey-Calavi, qui est la troisième et actuellement la seule ville à organiser ce challenge au Bénin.
Séance de sensibilisation dans un amphi de l’Université d’Abomey-Calavi, Mai 2021
Conférence sur l’enseignement de l’astronomie au Bénin, décembre 2021
Durant le mois d’Août et Septembre 2021, le club a été la toute première équipe d’Afrique francophone à participer à la campagne internationale de recherche d’astéroïdes, l’ « International Asteroid Search Campaign » organisé par l’ « International Astronomical Search Collaboration – IASC » et la NASA, l’agence spatiale américaine. Durant cette campagne, les membres du club ont découverts 3 astéroïdes potentiellement dangereux pour la Terre et inconnus à ce jour. La participation à cette campagne consiste à analyser des images des astéroïdes prises par les télescopes de l’observatoire Pan-STARRS situé à Hawaii et à identifier les astéroïdes dits ‘‘géo-croiseurs’’ qui présentent un risque de collision avec la Terre. Depuis lors, le club travaille avec d’autres scientifiques africains à développer ce programme en Afrique notamment dans les Universités et écoles. A ce jour, plusieurs pays francophones comme le Togo, la Côte d’Ivoire, la RDC et le Niger entre autres ont pu bénéficier des ressources en français rendus disponible par le club pour effectuer eux-mêmes des découvertes d’astéroïdes.
Les membres du club ayant participé à la campagne de recherche d’astéroïdes
En 2022, le club a organisé plusieurs conférences pour faire découvrir l’astronomie aux jeunes dans les villes de Porto-Novo, Lokossa, Abomey et Bohicon. Plusieurs soirées d’observation ont été organisées pour permettre aux étudiants d’observer et de comprendre les astres. Le club est activement soutenu par SSVI, RFI, La revue L’Astronomie Afrique et ses partenaires locaux comme le Laboratoire de Physique du Rayonnement de l’Université d’Abomey-Calavi.
Séance d’initiation au télescope avec les élèves du primaire dans la commune d’Adjarra, Avril 2022
Séance d’observation avec les étudiants à l’Université d’Abomey-Calavi, Mai 2022
En Octobre 2022, a eu lieu la toute première formation sur les sciences spatiales jamais organisée au Bénin par Sirius Astro-Club. Cette formation a réuni 25 étudiants sélectionnés pour les initier aux différents domaines des sciences de l’espace comme l’astrophysique, la planétologie, l’ingénierie spatiale, l’astrophotographie, l’astro-tourisme, etc. Cette formation a été dispensée par des spécialistes du domaine provenant de la France, de Madagascar, d’Angola, de la Côte d’Ivoire avec le soutien de la Société Astronomique de France et la Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique. Cette formation de deux semaines, a permis de montrer la faisabilité d’une filière d’enseignement des sciences spatiales au Bénin.
Cours sur l’histoire de l’astronomie avec Sylvain Bouley, Octobre 2022
Quelques participants à la formation sur les sciences spatiales, Octobre 2022
Le club réfléchit activement à engager les étudiants à travers des projets et des activités pratiques comme la construction de CubeSat et de télescope et organise chaque mois des soirées d’observation astronomiques. Dans le même temps, le club travaille sur la réalisation d’une bande dessinée pour vulgariser l’astronomie et les sciences auprès des élèves du primaire et du secondaire.
Photo des étudiants avec une lunette astronomique SSVI
L’adhésion à Sirius Astro-Club est ouverte à tous les jeunes béninois curieux et les passionnés désireux d’apprendre plus sur l’astronomie et de contribuer au développement des sciences au Bénin.
L’espace interplanétaire (l’espace entre les planètes du Système Solaire) est-il essentiellement vide ? Pas tout à fait. Il existe des objets solides de dimensions variées, de la taille d’une poussière à plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre. Ces objets sont issus de comètes, ou proviennent de la ceinture d’astéroïdes. En effet, le matériau cométaire, composé de glaces d’eau, de composés organiques et minéraux silicatés, va être libéré lors du passage des comètes au voisinage du Soleil, en raison de l’élévation de la température à la surface de ces objets. D’autre part, les collisions et interactions gravitationnelles ayant lieu dans la ceinture d’astéroïdes sont responsables de la présence de fragments de roches sur des orbites qui intersectent celles des planètes internes (Mercure, Vénus, la Terre, et Mars). Cette matière extra-terrestre entre régulièrement en collisions avec la Terre, et ce sont plusieurs milliers de tonnes par an qui pénètrent l’atmosphère terrestre sous forme de micrométéorites.
1. Caméra FRIPON de Marrakech et détection d’un météore très brillant le 8 avril 2021
Les plus petits objets, les poussières, arrivent rarement au sol, et forment des météores, ou étoiles filantes. Les pluies d’étoiles filantes se produisent lorsque la densité de poussière est plus élevée, lorsque notre planète entre en collision avec un nuage de poussière formé dans le sillage d’une comète sur son passage. Les plus gros objets d’au moins quelques dizaines de centimètres de diamètre vont se fragmenter et apparaître sous la forme de bolides particulièrement lumineux, parfois visibles en plein jour, comme lors de l’événement de Tcheliabinsk en Russie. Il est possible alors de retrouver des fragments de ces objets au sol, ce sont les météorites.
Dans les belles nuits étoilées, nous observons très souvent ces “étoiles filantes” et avant qu’elles ne “tombent”, nous formulons des vœux secrètement conçus. Pour les scientifiques, il est essentiel de comprendre à la fois le flux (la quantité de matière apportée chaque année), la composition chimique et minéralogique, et l’origine de cette matière extraterrestre (sa provenance parmi les nombreux objets du Système Solaire).
Pour se faire, plusieurs parties du monde ont déjà mis en place des réseaux de surveillance des météores. L’objectif est de placer des caméras espacées de quelques dizaines à centaines de kilomètres les unes des autres pour enregistrer la trajectoire des météores, et remonter ainsi à l’orbite de l’objet. Lorsque l’intensité lumineuse du météore est importante, on parle de bolide, et on peut s’attendre à ce qu’un fragment de roche puisse être trouvé au sol. Une météorite “fraîche”, c’est-à-dire n’ayant pas été transformée au contact des fluides terrestres, qui vont progressivement altérer sa composition chimique et sa minéralogie, a une très grande valeur scientifique, car ces objets sont des vestiges de la formation de notre Système Solaire. Leur étude vise à comprendre l’origine des planètes, et les causes des évolutions différentes des planètes solides – les questions de l’origine de l’eau et de la vie sur Terre sont donc au cœur de ces recherches. De tels réseaux de surveillance existent déjà en Europe (France: https://www.vigie-ciel.org/le-projet-fripon/, République Tchèque, Italie) au Canada (e.g;, http://bcmeteors.net) et en Australie (Desert Fireball Network, http://fireballsinthesky.com.au/, ou DFN, piloté par l’Université de Curtin), avec également des initiatives à l’échelle mondiale (https://globalmeteornetwork.org/)
Depuis quelques années seulement, l’Afrique participe à cette aventure, avec en particulier le Maroc, le Burkina Faso, et bientôt le Sénégal, et ce sous l’impulsion de l’Initiative Africaine pour les Sciences des Planètes et de l’Espace (http://africapss.org), avec plus récemment le projet “Astrophysics and Planetary Science in Africa”, financé par le CNRS (France).
Au Maroc
Le réseau FRIPON est en développement au Maroc avec pour l’instant une caméra en fonctionnement près de Marrakech. Il est prévu d’installer trois autres caméras à Benguerir (Université Mohamed 6 Polytechnique) , Casablanca (Université Hassan II de Casablanca) et Ifrane (Al Akhawayn University). Avec ces quatre caméras il sera possible de surveiller une grande partie de la plaine Marocaine. Ce projet se fait en collaboration avec le réseau Australien DFN qui a déjà cinq caméras installées dans des zones montagneuses. A terme les deux réseaux vont couvrir l’ensemble du Maroc, les plaines et les régions côtières pour FRIPON et les régions montagneuses et désertiques pour le DFN.
Au Burkina Faso
Depuis Mars 2022 trône sur le toit du Laboratoire de Physique et de Chimie de l’Environnement (LPCE) de l’Université Joseph Ki-Zerbo, un œil sur le ciel, une caméra FRIPON, installée grâce à la collaboration avec l’Observatoire de Paris et l’Observatoire d’Astrophysique de la Côte d’Azure (OCA).
L’observation continue du ciel avec FRIPON aidera à retrouver les objets tombés au Burkina Faso. Après la première caméra installée à Ouagadougou, la seconde caméra est en cours de déploiement à Koudougou ensuite suivront Bobo Dioulasso, Fada et Ouahigouya (dans les universités du pays). Ce réseau de dispositifs d’observation permettra de connaître où est tombé un débris entré dans l’atmosphère au Burkina Faso.
2. FRIPON Burkina Faso
Au Sénégal
La mission en cours du 4 au 14 Octobre 2022. François Colas, David Baratoux et Sylma Sylla Mbaye, avait pour objectif de sillonner les routes du pays de la Teranga pour installer les 4 premières caméras d’un réseau qui peu à peu vise à couvrir l’Afrique de l’Ouest. Les 4 premières caméras sont installées à l’IRD-Sénégal (Campus Hann-Maristes) aux ENO (UVS) de Mbour et de Diourbel, et l’hôtel Royal Malango à Fatick. Si le Burkina et le Maroc sont connus pour leurs météorites, il faut noter qu’aucune météorite n’a été retrouvée au Sénégal. Ce pays serait-il épargné ? Bien sûr que non, même si des petites variations de flux de météorites existent, en particulier en fonction de la latitude, on s’attend à plusieurs chutes de météorites par décennies sur un pays de la surface du Sénégal. En revanche, il est possible que l’altération, dans le climat Sahélien, avec une saison des pluies, même dans les régions les plus septentrionales du pays, à la frontière avec la Mauritanie, soit responsable d’une altération suffisamment rapide des météorites, ce qui limite les trouvailles ultérieures. Cependant, il est probable que les agriculteurs et habitants des régions rurales observent régulièrement des météores et aient été témoin de chutes de météorites par le passé. L’installation d’un réseau de surveillance des météores au Sénégal, et les actions de diffusion de connaissance associées à ce projet, permettront sans doute de faire quelques trouvailles. Les caméras seront installées dans le cadre d’un partenariat entre
3. Installation des quatre premières caméras au Sénégal à Dakar (IRD), aux ENO (UVS) de Mbour et Diourbel et à l’Hôtel Royal Malango à Fatick. La surface couverte sera de 60 000 km2, dont 40 000 km2 sur le continent soit un cinquième de la surface du Sénégal.
David Baratoux, François Colas, Salma Sylla, Zacharie Kam, Zouhair Benkhaldoun
Dès les années 80, les chercheurs ont commencé à imaginer à quoi devrait ressembler la future génération de télescopes spatiaux et en particulier le successeur du télescope spatial Hubble (HST) tout en aspirant à répondre aux grandes questions scientifiques : observer plus loin dans l’univers, rechercher les premières étoiles et galaxies créées après le Big Bang, mieux comprendre comment les planètes, les étoiles et les galaxies naissent et évoluent au fil du temps.
Au départ, le télescope spatial James Webb a été conçu pour capter le rayonnement extrêmement faible émis par la première génération de galaxies, qui a dû se former 100 à 200 millions d’années après la naissance de l’Univers. Comme l’Univers est en expansion, la lumière de ces galaxies lointaines est atténuée et étirée vers des longueurs d’onde infrarouges, c’est ce qu’on appelle le décalage vers le rouge (ou redshift). Il est donc très difficile de les voir et de les identifier, car elles sont très faibles et très rouges. Il a fallu donc deux caractéristiques au JWST : une très grande sensibilité à la lumière faible et être capable de voir dans l’infrarouge. Le JWST est donc le premier télescope doté d’un miroir suffisamment grand (6m50) et d’instruments suffisamment froids pour sonder notre Univers dans l’infrarouge proche et moyen (0.6-28 microns). Combiné à sa résolution spatiale, cela permettra de dévoiler des détails avec une précision sans précédent d’objets proches et d’observer des objets lointains.
Comment t’es-tu retrouvée impliquée dans ce projet ?
Durant l’été 2021, j’étais en recherche active de postdoctorat. Je suis tombée par hasard sur une annonce concernant une offre de postdoctorat JWST à l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS) en France. Sur les conseils avisés de Jacques Lebourlot qui m’a recommandé de postuler, j’ai constitué un dossier, rédigé un rapport de recherche et sollicité des lettres de recommandation. Ensuite, il a fallu effectuer une présentation sur mes travaux antérieurs pour l’étape finale de la sélection. J’ai rejoint l’équipe en octobre 2021 et je suis très heureuse de faire partie de l’aventure JWST du groupe Astrophysique du Milieu Interstellaire (AMIS) à l’IAS.
Mon projet de recherche concerne l’étude des macromolécules et de la poussière dans les régions de photodissociation (PDRs) à l’aide des observations du JWST. Ces régions neutres du milieu interstellaire, à l’interface des nuages moléculaires, sont dominées par des photons ultraviolets qui influencent fortement les processus physiques et chimiques.
Devenir un expert dans l’analyse de la physique et de la chimie du milieu interstellaire, nécessiterait d’étudier les modèles théoriques des régions de photodissociation et de les comparer aux observations. À ces fins, les capacités des instruments du JWST en termes de résolution spatiale et de sensibilité sont parfaitement adaptées aux échelles auxquelles les environnements des PDRs changent. Sur cet aspect, l’équipe du groupe de recherche AMIS de l’IAS rassemble toute l’expertise : elle est profondément impliquée dans l’un des programmes précoces du JWST (Early Release Science; ERS) et dans l’analyse des observations d’un programme à temps garanti (gto) prises au cours de la première année de fonctionnement du télescope. En plus, l’équipe a accès au soutien du centre d’expertise français local pour l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument).
Ce poste correspondait donc parfaitement à mes intérêts scientifiques, comme j’ai étudié de manière observationnelle comment les grandes molécules interagissent avec leur environnement dans le milieu interstellaire (MIS). Je me suis dit que poursuivre mes recherches dans l’étude de l’évolution du milieu interstellaire avec des objectifs similaires et compléter mon expérience dans la simulation et la modélisation des poussières impliquerait un pas en avant dans ma carrière et puis, quel privilège d’être parmi les premiers chercheurs à analyser les données du JWST !
En quoi ce télescope spatial est-il une révolution en Astronomie observationnelle ?
Le JWST est le télescope de tous les superlatifs. Il a le plus grand miroir, les instruments les plus froids et les plus performants jamais lancés dans l’espace. Donc on s’attend à ce que le JWST soit une révolution en astronomie observationnelle à plusieurs niveaux : d’abord, c’est une sorte de machine à remonter le temps, donc en regardant dans l’infrarouge, le webb va révéler des galaxies et des étoiles bien plus lointaines que tout ce qui a été observé jusqu’à présent.
Concernant les exoplanètes, le télescope spatial James Webb jouera un rôle crucial dans l’étude de la composition chimique et des conditions physiques des enveloppes gazeuses de ces systèmes planétaires. Le coronographe du JWST bloquera la lumière d’une étoile, révélant les planètes en orbite autour d’elle.
D’autre part, grâce à sa sensibilité et sa résolution, nous pourrons résoudre spatialement les structures filamentaires des nébuleuses les plus proches avec un détail sans précédent et ainsi contraindre les processus physico-chimiques de ces régions. La fenêtre spectrale couverte par l’instrument moyen-infrarouge MIRI est inédite et cruciale pour l’étude de ces régions. Cela permettra de répondre aux questions encore en suspens sur la formation des étoiles et comment ces étoiles en fin de vie enrichissent leur milieu en matière.
De plus, avec ses boucliers et ses miroirs segmentés qui devaient être déployés dans l’espace, le JSWT est également une prouesse technologique. Une autre capacité très intéressante de cet instrument spatial est la possibilité d’effectuer des observations en « mode parallèle ». En d’autres termes, on peut recueillir des données avec deux instruments différents du Webb en même temps avec des champs d’observation de taille différente. Cela vise non seulement à maximiser le rendement scientifique du JWST en obtenant simultanément des données de plusieurs instruments, mais on gagne également en efficacité dans l’interprétation des données en ayant des observations complémentaires (imagerie + spectroscopie).
Quelle est selon toi la découverte la plus importante du JWST à ce jour ?
L’une des capacités tant vantées du JWST est la possibilité de remonter dans le temps jusqu’aux débuts de l’univers et de voir certaines des premières galaxies et étoiles. Selon moi, c’est dans ce contexte-là qu’on pourra avoir les découvertes les plus importantes.
Concernant les exoplanètes, on a maintenant la première détection directe d’une exoplanète (première image !) ainsi que la détection du CO2. Cela n’implique pas qu’on va découvrir un signe de vie ailleurs tout de suite, mais il est important de comprendre la composition de l’atmosphère d’une planète, car elle nous renseigne sur l’origine de la planète et son évolution.
Mais n’oublions pas que le JWST est à ses débuts, l’analyse approfondie et pointue des données qui mènera vers les découvertes prendra du temps donc on n’aura pas toutes les réponses tout de suite. Ce n’est pas avec les belles images qu’on obtiendra les découvertes, car il est difficile d’expliquer le type de conditions physiques et d’éléments chimiques d’un phénomène ou d’un objet dans l’espace qu’avec l’imagerie. C’est surtout l’analyse spectroscopique – l’étude de l’interaction du rayonnement avec la matière – qui donnera des contraintes. En étudiant le spectre de fréquence de la lumière provenant d’un objet, il est possible de tirer des conclusions solides sur sa composition chimique, sa température et sa masse.
Que fais-tu avec les données du JWST ?
Avec le JWST, on veut sonder des zones où les étoiles se forment. Les étoiles se forment dans des nuages de gaz et de poussière dans le milieu interstellaire, et ces nuages sont opaques dans le visible et donc les télescopes optiques ne peuvent pas voir à travers ces nuages, d’où l’intérêt d’utiliser l’infrarouge. Je suis impliquée dans deux programmes : un Early Science Realase Program pour l’étude de la barre d’Orion et un Programme de temps garanti (gto) pour l’étude de la tête de Cheval et de la nébuleuse NGC7023.
Je vais analyser particulièrement l’interface de ces nébuleuses, comme mentionné dans une réponse précédente, dans ces régions les processus physiques et chimiques qui se produisent sont très intéressants pour comprendre le cycle de la matière interstellaire, de la formation des étoiles et l’interaction du champ de rayonnement UV des étoiles avec ces nuages. Il s’agit bien évidemment d’une collaboration nationale et internationale entre plusieurs scientifiques internationaux de différente expertise et différents backgrounds, chacun selon son domaine de prédilection est impliqué soit dans la réduction des données, l’analyse des spectres des instruments NIRSPEC et MRS ou le traitement des données d’imagerie MIRI ET NIRCAM.
Mon rôle est d’étudier l’évolution de la poussière (son émission et sa diffusion) dans ces trois régions en confrontant les observations du Webb aux modèles qui ont été élaborés dans mon équipe à l’IAS. Je commencerai par la barre d’Orion et dès que les données sont disponibles pour le gto, j’appliquerai les mêmes outils que j’ai développés à la tête de Cheval et à la nébuleuse NGC7023. Ces données permettront de tester des modèles théoriques largement utilisés et de les étendre à l’ère du JWST.
Qui peut participer à l’analyse des données fournies par ce télescope spatial ?
Le Webb constituera une énorme archive publique où les chercheurs pourront puiser. À terme, les données seront accessibles à toute personne intéressée et disposant des capacités et expertises nécessaires pour analyser les données de n’importe quel instrument du Webb.
Les données des programmes dits ‘ERS’ sont publiques immédiatement. La liste détaillée des programmes acceptés peut être retrouvée sur ce site : https://www.stsci.edu/jwst/science-execution/approved-ers-programs. Les données des programmes à temps garanti (gto) sont publiques après un an.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les archives des missions spatiales ou des observatoires au sol sont une mine d’or et les données d’archives ne sont souvent que très partiellement exploitées. Les données d’archives du grand réseau d’antennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama ALMA, sont un très bon exemple, plusieurs recherches et articles ont été publiés en exploitant les données d’archive ALMA (https://almascience.nrao.edu/aq/).
Comment un étudiant ou chercheur africain passionné d’astronomie peut-il participer à cette aventure scientifique depuis son pays ?
Comme mentionné dans ma réponse précédente, les observations du télescope seront accessibles à toutes et à tous. Donc un étudiant ou un chercheur africain pourra puiser dans la base des données observées par le Webb télescope après la création d’un compte : https://archive.stsci.edu/missions-and-data/jwst
Aussi, pour ceux qui veulent avoir leurs propres observations : les astronomes de tous les pays peuvent utiliser les instruments du JWST, à condition d’avoir une proposition de temps de télescope qui soit approuvée par leurs pairs. D’où l’intérêt des programmes ERS, qui sont responsables de délivrer des produits scientifiques, conseils et même un mode d’emploi afin d’aider les chercheurs à mieux préparer leurs demandes d’observation pour les prochains cycles. Concrètement, il faut se rapprocher des responsables des différents programmes. Assez souvent des téléconférences et des ateliers dédiés sont organisés à distance.
À l’exception des scientifiques directement impliqués dans le projet Webb, la plupart des utilisateurs potentiels du JWST demandent du temps d’utilisation par le biais du programme général des observateurs, ou GO (pour General Observers program). Toute la documentation, ainsi que plusieurs outils indispensables pour la préparation de chacun de ces programmes comme les outils Astronomer Proposal Tool (APT) et Exposure Time Calculator (ETC) sont mis à la disposition des chercheurs sur le site : https://jwst-docs.stsci.edu/
J’aimerai également souligner l’existence de ressources en français, via le projet JWST France qui est porté par le CNES, le CEA et le CNRS. Le site https://www.jwst.fr/ propose plusieurs ressources en français pour les chercheurs et pour le grand public
Propos recueillis par David Baratoux
A titre d’exemple, le programme ERS PDR4all propose de fournir un ensemble de données modèles conçu pour identifier les caractéristiques clés des régions de photodissociation (PDRs) dans les spectres du JWST (https://pdrs4all.org/seps/). L’idée est de guider la préparation des propositions du cycle 2 sur les régions de formation d’étoiles dans notre Galaxie et au-delà. Ce programme a obtenu les premières observations infrarouges à haute résolution spectrale et à résolution spatiale de la barre d’Orion en utilisant les instruments NIRCam, NIRSpec et MIRI. PDR4all fait appel à la communauté au sens large, comme en témoigne le soutien d’une grande équipe internationale de 138 scientifiques et aide la communauté intéressée par les observations JWST des PDRs grâce à des produits scientifiques qui guideront la planification des observations et permettront une analyse rapide des données.