par Sylvain Bouley | Oct 12, 2021 | Sur le Terrain
L’antenne de Tataouine de la Cité des Sciences à Tunis, se trouve au cœur du désert d’Afrique du Nord et dans le sud de la Tunisie. Elle est considérée comme une structure scientifique, qui a été lancée et basée dans le gouvernorat de Tataouine. Cette structure scientifique nommée anciennement « Village des Sciences » a démarré ses activités en 2015 sous la direction de Monsieur Slimene Sedrette puis de Monsieur Jamel El Jeri. Elle est depuis une branche de la Cité des Sciences de Tunis, et appartient au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique.
Depuis sa création le 18 mars 2015, le Village des Sciences de Tataouine a accueilli des dizaines de milliers de visiteurs et des centaines d’excursions scolaires, dont « environ 5 000 visiteurs et 200 groupes scolaires venant de différents gouvernorats du sud-est en 2017 », a affirmé le directeur du village, Monsieur Jamel El Jeri. Tataouine a été choisi comme première antenne de la Cité des Sciences de Tunis grâce à sa richesse en squelettes de vrais dinosaures et aux nombreuses maquettes mobiles et motorisées des dinosaures dédiés aux activités culturelles et scientifiques.
Généralement, le village contient plusieurs galeries scientifiques, Il propose également un planétarium mobile, un laboratoire de sciences naturelles et de nombreuses expositions scientifiques. L’antenne organise des activités parmi lesquelles des ateliers, des visites de terrain pour des sites géologiques et de nombreuses activités liées à l’astronomie.
Dans le cadre de la diffusion de l’astronomie, la branche des sciences de Tataouine organise également de nombreux programmes scientifiques pour les étudiants, les enfants et le public afin de permettre aux participants de se familiariser avec les principes de base de l’astronomie. Le programme s’articule autour d’ateliers, d’expositions scientifiques sur les corps célestes, et les phénomènes astronomiques (éclipses, phases lunaires, succession des saisons…). Il propose également des sessions de formation, des conférences, des cours d’été et des observations (soleil, lune, planètes et ciel profond) en utilisant des télescopes. Il est important de mentionner que Tataouine a un magnifique ciel étoilé, loin de toute pollution lumineuse, ce qui permet une très bonne observation de la Voie Lactée.
L’antenne de Tatooine organise également des concours et des compétitions pour les étudiants. Des médiateurs scientifiques hautement qualifiés de « l’antenne » s’engagent à aider les candidats /participants dans leurs projets afin de valoriser leurs idées. De plus, l ‘Antenne de Tataouine organise des journées et nuits astronomiques nationales et internationales. On note aussi l’organisation d’activités estivale. On peut citer comme exemple les activités de l’été 2021 :
- La soirée astronomique du 19 juin 2021,
- La « Journée mondiale du soleil » le 20 juin 2021,
- L’école d’été d’astronomie 2021 qui s’est tenue du 01 au 03 juillet 2021 à destination des élèves de 7ème, 8ème et 9ème année.
- La « Nuit des étoiles » le samedi 31 juillet 2021
Ces activités présentent le lien entre la science (une conférence en astronomie, des ateliers scientifiques, et l’observation des planètes à l’aide de télescope) et l’art (musique et théâtre scientifique). En plus de ces activités, la branche Tataouine a lancé de nombreux clubs dans les collèges et les lycées de la région pour diffuser davantage l’astronomie.
Bien que la Tunisie ne dispose pas d’un parcours universitaire (License ou mastère) en astronomie et en astrophysique en tant que spécialité, les sciences de l’Univers sont au programme scolaire de certains niveaux. La Tunisie fait aujourd’hui de son mieux pour diffuser ces sciences à travers des organisations telles que le » L’antenne de Tataouine » et d’autres organisations comme les associations, clubs, activités individuelles (astronomes amateurs).
Enfin, à la lumière du travail acharné de la Cité des sciences de Tunis pour diffuser diverses sciences, notamment les sciences naturelles, la physique, les mathématiques et l’astronomie, dans toutes les régions de Tunisie et auprès du public, des étudiants et surtout des enfants, d’autres branches ouvriront prochainement leurs portes à Kébili et Kasserine selon Monsieur le Directeur Générale de la Cité des Sciences de Tunis, Professeur Fethi Zagrouba.
Sana Ayari1,2,4 Imen Titouhi3, Mayssa El Yazidi4,5, Jean-Pierre Grootaerd7, Jamel El Jeri5
Contact d’auteur : ayari.sana1994@gmail.com
[1] Laboratoire Géoressources, LR15CERTE01, Centre de Recherches et des Technologies des Eaux de Borj Cedria, CERTE, 8020, Soliman, Tunisie
[2] Faculté des Sciences de Tunis, Université Tunis El Manara II, Tunisie.
[3] Cite des Sciences de Tunis, Tunisie.
[4] Association Tunisienne des Jeunes Astronomes, Tunisie
[5] l’antenne de Tataouine de la Cité des Sciences à Tunis
[6] Centre d’études et d’activités spatiales « G. Colombo » – CISAS, Italie.
[7] Sterren Schitteren Voor Iedereen
Liens utiles :
Page Facebook : https://fr-fr.facebook.com/%D9%81%D8%B1%D8%B9-%D9%85%D8%AF%D9%8A%D9%86%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%B9%D9%84%D9%88%D9%85-%D8%A8%D8%AA%D8%B7%D8%A7%D9%88%D9%8A%D9%86-1029456350422431/
Lien 2 : http://www.cst.rnu.tn/fr/events/village-des-sciences-a-tataouine-fete-son-4eme-anniversaire?id=273
Lien 3 : https://tunisie.co/article/9615/actus/actualites/village-sciences-391909
par Sylvain Bouley | Oct 12, 2021 | Zoom Sur
Selon une étude récente, l’inclinaison de l’axe de rotation de Saturne serait liée à la migration rapide des satellites de cette planète. De plus, le basculement de cet axe aurait débuté il y a un milliard d’années seulement et serait toujours en cours.
L’INCLINAISON DE L’AXE DE ROTATION DES PLANÈTES GÉANTES
Notre planète doit ses saisons au fait que son axe de rotation n’est pas perpendiculaire au plan de son orbite (le plan de l’écliptique), mais qu’il est incliné de 23,5° par rapport à la normale à ce plan. Il en va de même pour les planètes géantes. Ainsi, Saturne est inclinée de 26,7° par rapport à la perpendiculaire au plan de son orbite. C’est peu en comparaison d’Uranus qui, avec une inclinaison de 97,8°, est quasiment couchée sur son plan orbital, mais beaucoup par rapport à Jupiter, dont l’inclinaison est de seulement 3,1°. Pour compléter ce tableau, rappelons que l’inclinaison de Neptune est de 28,3°, donc proche de celle de Saturne. Les théories de formation des planètes géantes prédisent que, au moment de leur naissance, ces planètes devaient avoir une inclinaison très proche de zéro. Les inclinaisons observées aujourd’hui sont donc héritées d’événements ultérieurs. Dans le cas d’Uranus, l’hypothèse d’un impact violent survenu tôt dans l’histoire de cette planète est souvent avancée pour expliquer son inclinaison extrême. Saturne aurait, quant à elle, acquis son inclinaison vers la fin de l’épisode de migration des planètes géantes, il y a plus de 4 milliards d’années (Ga), sous l’effet d’un phénomène de résonance avec l’orbite de Neptune. Plus précisément, l’axe de rotation de Saturne est animé d’un mouvement de précession, lui-même provoqué par le couple de forces exercé par le Soleil sur le bourrelet équatorial de la planète, et c’est la résonance entre cette précession et la précession du plan de l’orbite de Neptune (ou précession nodale) qui serait responsable du basculement de Saturne.
UN NOUVEAU SCÉNARIO POUR SATURNE… ET JUPITER
C’est du moins ce que l’on pensait jusqu’à une découverte très récente, dont l’Astronomie s’est fait l’écho [1] : la migration des satellites de Saturne est plus rapide que prévue, notamment celle du plus gros d’entre eux, Titan, qui s’éloigne au rythme de 11 cm par an. Cette migration rapide serait liée à un type particulier de résonance, appelé resonance locking, qui peut s’expliquer dans le cadre de modèles de dissipation des forces de marée dans les planètes géantes. Selon Melaine Saillenfest, chercheuse au laboratoire IMCCE de l’Observatoire de Paris, la migration rapide des satellites de Saturne serait à son tour responsable du basculement de l’axe de rotation de cette planète [2].
Pour arriver à cette conclusion, Melaine Saillenfest et ses collègues s’appuient sur le fait que la période de précession de l’axe de rotation de Saturne ne dépend pas uniquement du couple de forces exercé par le Soleil, mais également des couples gravitationnels exercés par les satellites de Saturne, et tout particulièrement par Titan. Point capital, cette période est d’autant plus petite que les satellites sont éloignés de Saturne. La migration rapide de ces satellites implique qu’il y a 4 Ga, ceux-ci étaient beaucoup plus proches de Saturne que ce que l’on pensait jusqu’à présent. Les calculs montrent alors que la précession de l’axe de rotation de Saturne devait être trop rapide pour pouvoir entrer en résonance avec la précession nodale de Neptune (fig. 1). Faute de résonance, le basculement de cet axe de rotation n’a sans doute pas pu se produire à cette époque, comme le suppose l’hypothèse classique. Avec la migration de Titan, la précession de l’axe de rotation de Saturne a ralenti au cours du temps, jusqu’à ce qu’elle entre effectivement en résonance avec la précession nodale de Neptune, il y a environ 1 Ga (fig. 2). Ce serait à cette époque seulement que l’axe de rotation de Saturne aurait commencé à basculer, pour atteindre son inclinaison actuelle. Cette dernière n’est toutefois que temporaire car, selon les calculs, ce basculement se poursuivrait de nos jours, et l’inclinaison de Saturne pourrait doubler au cours des prochains milliards d’années.
1. Constante de précession en fonction du temps, calculée en tenant compte de la migration supposée de titan. Cette constante (qui ne l’est pas puisqu’elle varie avec le temps) contrôle la période de précession de l’axe de rotation : plus elle est élevée, plus cette période est petite. elle dépend également du moment d’inertie adimensionné (I/MR2) de saturne, noté λ, et dont la valeur est comprise entre 0,20 et 0,24. La ligne bleue représente la valeur de cette constante pour laquelle la précession de l’axe de rotation de saturne entre en résonance avec la précession de l’orbite de neptune, ce qui déclenche le basculement de saturne. (© Saillenfest et al., 2021)
2. Variation de l’inclinaison de l’axe de rotation de saturne en fonction du temps (courbe noire) pour un moment d’inertie adimensionné (λ) égal à 0,229. Dans ce cas, l’inclinaison se maintient autour de 5°, jusqu’à ce que la précession de l’axe de rotation de saturne entre en résonance avec la précession de l’orbite de neptune, il y a environ 1 milliard d’années.(© Saillenfest et al., 2021)
La validité de ce scénario dépend toutefois d’un autre paramètre : le moment d’inertie de Saturne. Ce paramètre mesure la répartition radiale de masse à l’intérieur d’une planète et il modifie, lui aussi, la période de la précession de l’axe de rotation. Malheureusement, dans le cas de Saturne, sa valeur exacte est mal connue. Rapportée au produit de la masse et du carré du rayon (I/MR2), elle est comprise entre 0,20 et 0,24. Pour que la migration de Titan soit effectivement responsable du basculement de Saturne, le moment d’inertie doit se situer dans une plage plus réduite, entre 0,224 et 0,237. Moyennant ce petit bémol, ce qui est valable pour Saturne l’est aussi pour Jupiter. Comme nous l’avons vu, l’inclinaison de Jupiter est faible. Mais cette situation n’est peut-être que temporaire, car, d’une part, les quatre principaux satellites de Jupiter (Io, Europe, Ganymède et Callisto) s’éloignent d’elle, et d’autre part la précession de son axe de rotation est en résonance avec la précession nodale d’Uranus. Si l’hypothèse de Melaine Saillenfest est correcte, Jupiter serait elle aussi en train de basculer, et son inclinaison pourrait atteindre 30° lors des 5 prochains milliards d’années.
Frédéric Deschamps IESAS, Taipei, Taïwan
[1] Voir l’Astronomie no 141 de septembre 2020, p. 4-7.
[2] Saillenfest M. et al. (2021), « The large obliquity of Saturn explained by the fast migration of Titan », Nature Astronomy, 641, doi: 10.1038s41550-020-01284-x.
par Sylvain Bouley | Oct 12, 2021 | Observer le Ciel
« Gnomon », un mot qui surprend tous ceux qui ignorent l’art des cadrans solaires, également nommé « gnomonique ».
Ce mot appartient à la langue latine, mais il provient du grec. La racine « gno » évoque la connaissance ; elle se retrouve dans le mot « gnose », terme philosophique, mais qui, a priori, n’a rien à voir avec le mot « gnome » qui évoque un petit génie maléfique. Un dictionnaire latin (Gaffiot) donne comme traduction « cadran solaire », ce qui n’est pas conforme à la signification qui est classiquement donnée aujourd’hui d’un cadran solaire, dispositif plus ou moins complexe dont l’objectif est de faire connaître l’heure solaire grâce à un tracé adéquat.
Depuis les temps les plus reculés, les hommes ont utilisé la course diurne du Soleil pour repérer le temps qui s’écoule au cours de la journée. Mais comme il n’est pas question de regarder le Soleil, c’est l’ombre d’un objet produite par le Soleil qui indiquera la direction, opposée, du Soleil. Et voilà ce qu’est un gnomon : c’est un bâton, planté verticalement dans un sol horizontal et utilisé pour repérer les heures d’une journée. N’importe qui peut installer un gnomon dans son jardin et surveiller, au cours de la journée, le déplacement de la tache d’ombre de l’extrémité du bâton.
Il constatera que la distance du pied du gnomon à la tache d’ombre de l’extrémité du gnomon varie au cours de la journée : elle diminue le matin et augmente l’après-midi. C’est précisément à midi solaire qu’elle est le plus courte. Or, à midi solaire, le Soleil est au maximum de hauteur de sa course et il est situé dans le plan méridien nord-sud du lieu. Voilà donc un moyen très simple de déterminer la direction du nord géographique dans le lieu où l’on se trouve.
C’est exactement sur ce principe, avec un gnomon installé sur le rover Insight, qu’a été déterminée la direction du nord géographique de la planète Mars, comme l’explique Denis Savoie dans son article « Mars a trouvé son nord à l’aide d’un gnomon ».
Évidemment, il est plus facile de faire une observation dans son jardin que sur la planète Mars !
L’article précise toutes les difficultés rencontrées liées à la mécanique céleste, à la qualité des images transférées et aussi à la forme circulaire du gnomon ! On ne peut qu’admirer qu’elles aient été toutes bien résolues puisque, dans la conclusion, l’auteur, concepteur de l’instrument, a pu constater que l’orientation obtenue avec le gnomon ne diffère que de 2,5° de la direction obtenue par une autre méthode avec un gyroscope.
Les cadrans solaires classiques utilisés sur Terre, qu’ils soient horizontaux, verticaux ou équatoriaux (dans le plan de l’équateur), utilisent tous le principe du gnomon que l’on appellera plutôt « style », généralement orienté vers le pôle Nord, dont l’ombre se portera sur une surface qui aura été correctement étalonnée en tenant compte de la latitude du lieu et de l’orientation du support. La complexité de l’étalonnage provient du mouvement annuel de la Terre autour du Soleil, qui se traduit par des trajectoires apparentes du Soleil différentes chaque jour de l’année. Lorsque le style est orienté vers le pôle Nord, les lignes quotidiennes suivies par la
tache d’ombre d’un point du style sont des hyperboles, à l’exception de la ligne suivie les deux jours de l’équinoxe (21 mars et 21 septembre) qui est alors une droite.
Il existe un type de cadran solaire que l’on rencontre parfois dans les parcs et jardins, avec un gnomon vertical qui n’est autre que la personne venue pour lire l’heure : le cadran analemmatique. La direction de l’ombre de la personne, en recoupant une graduation appropriée, indique l’heure.
Pour conclure, le gnomon est au nord géographique ce que l’aiguille de la boussole est au nord magnétique, mais son usage lui est bien antérieur, il remonte à la nuit des temps !
Marie-Claude Paskoff, Société Astronomique de France
par Sylvain Bouley | Oct 12, 2021 | Zoom Sur
Selon des simulations numériques, des volcans actifs seraient présents sur le plancher de l’océan souterrain d’Europe, la seconde lune de Jupiter par la distance, et l’énergie nécessaire à l’entretien de ce volcanisme proviendrait de l’énergie dissipée par les forces de marée.
Europe, une lune de Jupiter
Avec un rayon de 1 561 km, Europe est le plus petit des satellites galiléens de Jupiter. Sa surface, très lisse et dépourvue de cratères, est parsemée de longues rayures. Elle est de plus composée de glace d’eau avec, par endroits, des dépôts de sel (chlorure de sodium). La masse volumique d’Europe (3 000 kg/m3) suggère que ce corps est composé d’un gros manteau rocheux d’environ 1 400 km de rayon avec, au centre, un petit noyau métallique. Mais Europe est surtout connue pour abriter un océan souterrain d’eau et de sels sous une coquille de glace de quelques dizaines de kilomètres d’épaisseur. Pour peu qu’une source de chaleur soit également présente, les océans souterrains constitueraient un environnement potentiellement favorable à l’apparition de vie en dehors de la Terre. À ce titre, Europe est l’une des cibles privilégiées des prochaines missions vers le système de Jupiter.
Comme Io sa voisine, Europe est soumise à des forces de marée exercées par Jupiter, mais de façon moins extrême. Ces forces déforment l’intérieur d’Europe, et une petite fraction de l’énergie mise en jeu lors de ces déformations est dissipée par friction sous forme de chaleur. L’intensité des forces de marée et la quantité d’énergie dissipée dépendent de plusieurs facteurs, en particulier de l’excentricité de l’orbite d’Europe. Plus celle-ci est élevée, plus l’énergie dissipée est importante. Avec le temps, l’orbite d’Europe aurait dû se circulariser, mais des résonances avec les orbites d’Io et de Ganymède empêchent ce phénomène de se produire. Plus généralement, l’excentricité de l’orbite d’Europe et donc la quantité de chaleur dissipée ont sans doute beaucoup varié au cours du temps.
La dissipation d’énergie de marée augmente la quantité de chaleur disponible à l’intérieur d’Europe, ce qui a pour effet de modifier son évolution. La dissipation d’énergie dans la couche de glace externe joue sans doute un rôle clé pour limiter la croissance de cette enveloppe (et donc pour maintenir un océan relativement épais), ainsi que pour entretenir des geysers en surface [1] . Toutefois, la dissipation d’énergie par les forces de marée peut aussi se produire dans le manteau rocheux. Cette énergie viendrait alors s’ajouter à l’énergie libérée par la désintégration d’isotopes radioactifs présents dans le manteau rocheux d’Europe, ce qui aurait pour effet de modifier sa dynamique et son évolution. Dans un article publié dans la revue Geophysical Research Letters, et à laquelle ont participé des chercheurs du Laboratoire de planétologie et de géodynamique de Nantes (LPGN), Marie Běhounková, de l’université Charles de Prague, a étudié ces conséquences en détail [2] . Elle conclut que des volcans actifs pourraient être présents de nos jours au sommet de ce manteau ou, si l’on préfère, à la base de l’océan souterrain.
1. Répartition globale (a) et polaire (b) de la quantité de magma prédite par les simulations de Marie Běhounková. Les zones entourées d’un cercle noir indiquent les régions dans lesquelles le volume de magma est supérieur à 0,5 million de km3. (Běhounková et al., 2021)
Du volcanisme actif au sommet du noyau
Pour arriver à cette conclusion, Marie Běhounková a réalisé une série de calculs simulant le transfert de chaleur par convection dans le manteau d’Europe au cours du temps. Ce type de simulation permet d’estimer la température, et par extension la production de magma (ou plus précisément de roches fondues), en un point donné d’un système. Dans ce cas précis, les simulations prennent en compte plusieurs paramètres importants, notamment la production de chaleur par les isotopes radioactifs et la dissipation de chaleur par les forces de marée. L’intensité du chauffage radioactif dépend de la quantité d’isotopes radioactifs initialement présents et décroît exponentiellement avec le temps. Plus la quantité initiale d’isotopes est faible, moins la production de magma est durable. L’intensité du chauffage de marée dépend de l’excentricité de l’orbite d’Europe et peut donc varier au cours du temps. Les simulations de Marie Běhounková montrent que la dissipation d’énergie par les forces de marée apporte un chauffage d’appoint qui permet, lorsque l’excentricité est suffisamment élevée, de maintenir une production de magma. Selon ces calculs, des pics de production de magma se concentrant autour des régions polaires ont ainsi pu se produire jusqu’à des périodes très récentes (fig. 1), et ce même si la quantité initiale d’éléments radioactifs est modeste.
Une activité volcanique récente, ou même actuelle, à la base de l’océan souterrain d’Europe est donc parfaitement envisageable. Dans ce cas, un certain nombre d’indices pourrait étayer cette hypothèse. Le volcanisme et l’activité hydrothermale qui lui est associée devraient en effet s’accompagner de l’émission de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4), et de dihydrogène (H2). La présence d’édifices volcaniques sur le plancher océanique d’Europe pourrait aussi légèrement modifier le champ de gravité de ce satellite. De tels indices sont ténus et difficilement identifiables, mais leur recherche pourrait faire partie des buts des missions Juice (Esa) et Europa-Clipper (Nasa), qui sont en cours de développement. Enfin, faut-il rappeler qu’une activité volcanique à la base de l’océan d’Europe ouvrirait des perspectives exobiologiques particulièrement intéressantes ? Elle permettrait, via une activité hydrothermale, de fournir la chaleur nécessaire à l’entretien d’une hypothétique forme de vie primitive.
Frédéric Deschamps IESAS, Taipei, Taïwan
[1]. À ce jour, aucun geyser n’a été formellement identifié à la surface d’Europe. Cependant, plusieurs indices, en particulier des images UV prises par le télescope Hubble, font penser que ce phénomène est bien présent aux pôles de ce satellite. [2]. BĚHOUNKOVÁ M. et al., Tidally induced magmatic pulses on the oceanic floor of Jupiter’s moon Europa, Geophysical Research Letters, 48, e2020GL090077, doi : 10.1029/2020GL090077.l’Astronomie.
par Sylvain Bouley | Oct 12, 2021 | Actualités
Sur Mars, c’est le gnomon qui a été choisi pour déterminer la direction du nord géographique ou orienter les instruments scientifiques des missions martiennes.
1. Photo du sommet du sismomètre SEIS prise le 1er janvier 2019. L’ombre du gnomon sur la mire est bien visible. (Nasa/JPL)
Si l’on considère que la détermination de l’altitude des montagnes lunaires par Galilée en 1610 préfigure l’application de la science des ombres à un autre astre que la Terre1, il faut, semble-t-il, attendre la fin des années 1960 et le début des années 1970 avec les missions américaines Apollo pour que commence véritablement l’utilisation scientifique du gnomon sur la Lune. Il faudra encore attendre un demi-siècle après cet événement pour que cet instrument soit utilisé sur la planète Mars avec la sonde InSight. Dans les deux cas, le gnomon a été choisi pour déterminer la direction du nord géographique ou pour orienter des instruments scientifiques de mesure, ce qui a impliqué à chaque fois de pouvoir calculer l’azimut du Soleil précisément puisque le principe repose sur l’angle que fait le Soleil (ou sa direction opposée) avec une direction cardinale. La Lune et Mars partagent une même caractéristique : l’absence d’un champ magnétique pour orienter une boussole, laquelle donne la direction du nord magnétique, qui ne coïncide pas forcément avec le nord géographique.
Pour que le sismomètre SEIS déposé par la sonde InSight à la surface de la planète Mars en décembre 2018 puisse être utilisé, il faut connaître son orientation par rapport au Nord géographique martien, lequel est défini, comme sur Terre, par la direction de l’axe de rotation. Il existe plusieurs solutions pour déterminer le nord sur une planète : utiliser une étoile polaire, utiliser l’ombre d’un objet éclairé par le Soleil, utiliser un gyroscope.
L’étoile polaire « nord » de Mars, qui n’est pas très éloignée de Deneb (α Cygni), aurait demandé un système de visée nocturne complexe ; de plus, en raison de la latitude équatoriale d’InSight (près de 4,5° N), l’étoile aurait été trop près de l’horizon. Dans le cas d’InSight, ce sont les deux dernières solutions qui ont été retenues par la Nasa.
Lors de la phase de descente de l’atterrisseur dans l’atmosphère, un gyroscope embarqué a permis de connaître l’orientation de la sonde, mais il était indispensable de la vérifier une fois l’ensemble posé au sol. À cet effet, on avait muni le sommet du sismomètre d’une mire divisée en secteurs angulaires afin de déterminer l’azimut de l’ombre du gnomon, puisque déterminer la direction du nord sur Mars par l’ombre revient à connaître l’azimut du Soleil. Le gnomon était constitué par le crochet de préhension de SEIS, ce qui était loin d’être idéal en raison de sa forme circulaire (fig. 1).
Après une série de tests en décembre 2018, la NASA a fourni 8 images en haute résolution, prises par la caméra située au bout du bras articulé (IDC) d’InSight le 1er janvier 2019. Pour chaque image qui arrivait, on connaissait l’heure de la prise de vue en temps universel coordonné (UTC) ainsi que les coordonnées géographiques du sismomètre (latitude = 4° 30’ 9’’ N, longitude = 135° 37’ 5’’ E). Pour calculer l’azimut et la hauteur du Soleil sur Mars en fonction de l’heure et du lieu, la solution VSOP87 de P. Bretagnon a été choisi. Elle fournit les coordonnées héliocentriques de Mars avec une très haute précision sur un grand intervalle de temps, en l’adaptant à un référentiel local martien prenant en compte les derniers ajustements en ce qui concerne l’obliquité de Mars et la précession-nutation du repère écliptique d’après les constantes issues d’A. Konopliv. Une simulation numérique très précise du gnomon de SEIS a été également mise au point en intégrant une version « allégée » du mouvement du Soleil sur Mars à l’aide du logiciel de raytracing POV-Ray. C’est grâce à ces simulations qu’un entrainement à faire des déterminations de direction du nord sur des images soit dégradées en visibilité, soit en intégrant un problème d’horizontalité du sismomètre a pu avoir lieu (en d’autres termes en lui donnant une inclinaison et une orientation inconnues). Nous avons mis au point une liste des problèmes possibles auxquels nous pourrions être confrontés : erreur sur les coordonnées « d’atterrissage » d’InSight, décalage dans la transmission en UTC des images, inclinaison du sismomètre de quelques degrés, etc. Cette analyse des sources d’erreur potentielles dans la détermination de l’azimut du Soleil nous a permis de choisir des plages horaires optimales pour les prises de vue de l’ombre du gnomon. Le voisinage du passage au méridien s’est avéré être la fenêtre la plus défavorable, même si une image méridienne permettait de valider la direction nord-sud.
Huit images ont été sélectionnées pour déterminer le nord : cela commence par un travail de calage des points de repère sur la mire puis par l’estimation du sommet de l’ombre (fig. 2) ; connaissant la hauteur du gnomon et l’heure de prise de vue en UTC, on a calculé l’azimut et la hauteur du Soleil ; puis on a reporté sur l’image grâce aux secteurs angulaires de la mire la valeur de l’azimut (en vérifiant le bon sens de rotation de l’ombre), en s’assurant de la cohérence de la longueur de l’ombre. Un léger avantage des ombres sur Mars tient au diamètre apparent du Soleil qui était de 0° 22’ début 2019, limitant ainsi l’effet de pénombre.
2. Méthode d’estimation de l’azimut du Soleil à partir de l’ombre.
Grâce aux repères du sismomètre, les ingénieurs de l’IPGP et du CNES ont finalement rapporté le nord géographique ainsi déterminé (fig. 3). On a pu vérifier au passage que l’orientation obtenue à l’aide du gnomon, comparée à celle obtenue avec le gyroscope, différait de 2,5°, ce qui finalement est un beau résultat.
3. Orientation finale du sismomètre par rapport au nord géographique martien.
Précisons pour finir que si les sondes Curiosity et Mars Exploration Rover incluaient un « MarsDial », ceux-ci étaient des appareils artistiques utilisés comme cibles d’étalonnage pour les caméras. Ils n’étaient pas destinés à fournir des mesures astronomiques rigoureuses et le gnomon d’InSight est le premier à ce jour à avoir servi de boussole solaire.
Denis Savoie, Syrte, observatoire de Paris