LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE
Des planètes et des volcans

Des planètes et des volcans

L’exploration du Système solaire par les missions spatiales, entreprise vers le début des années 1970, a mis en évidence des traces d’activité volcanique, présentes ou passées, à la surface de la plupart des objets visités.

 

 

Cette observation peut paraître étonnante: pourquoi le volcanisme est-il si répandu à travers le Système solaire ? Mais à la réflexion, elle n’est pas très surprenante. Lors de leur formation, planètes et satellites ont emmagasiné de l’énergie. Les planètes rocheuses renferment aussi des éléments radioactifs (notamment les isotopes 235 et 238 de l’uranium) qui produisent de l’énergie en se désintégrant et, dans certains cas, les forces de marée sont suffisamment intenses pour dissiper de grandes quantités d’énergie. Toute cette énergie contribue à maintenir les intérieurs planétaires à des températures élevées. Cependant, en vertu du second principe de la thermodynamique, planètes et satellites se doivent de la restituer en surface, où la température est plus faible. En d’autres termes, planètes et satellites se refroidissent. La manifestation de surface de ce refroidissement est… le volcanisme. Passé ce constat, le volcanisme revêt, d’un objet à l’autre, des différences et particularités qui reflètent les propriétés de chacun de ces objets, que ce soit leur composition, les détails de leur histoire et bien sûr leur taille. Ainsi, comme nous allons le voir dans la première partie de cet article, le volcanisme que nous connaissons sur Terre, et qui est basé sur la fusion de roches silicatées, se retrouve avec des différences plus ou moins importantes sur les autres planètes telluriques, de même que sur la Lune. Plus loin, sur Cérès et au-delà de la ceinture d’astéroïdes, les éléments volatils (eau, azote, méthane et bien d’autres) dominent les compositions des corps solides et jouent un rôle clé dans le volcanisme qui anime ces objets.

 

Des magmas aux éruptions

Pour produire du volcanisme, il faut d’abord générer un magma, c’est-à-dire une roche fondue ou partiellement fondue. Dans le cas de la Terre, ces roches sont issues du manteau. La fusion intervient lorsque la température de ces roches, à une profondeur donnée, est supérieure à leur température de fusion. Comme pour la quasi-totalité des matériaux connus [2], la température de fusion des roches silicatées composant le manteau terrestre augmente avec la profondeur (et donc la pression). À l’inverse, le simple fait de remonter vers la surface peut provoquer, par décompression (et si la température est suffisante), la fusion. Sur Terre, les zones de fusion partielle sont situées vers 100 km de profondeur. Détail capital, les magmas sont plus légers que les roches qui les entourent, d’une part parce qu’ils sont liquides, d’autre part parce que les minéraux qui fusionnent en priorité sont moins riches en fer et en magnésium. Grâce à cette flottabilité*, ils vont pouvoir migrer vers la croûte, où ils seront stockés dans des réservoirs magmatiques.

En surface, la nature des éruptions est, elle aussi, contrôlée par des facteurs physico-chimiques. Lorsqu’un magma remonte vers la surface, les gaz qui y sont dissous ont tendance, par un processus d’exsolution*, à quitter le liquide pour former une multitude de bulles. Si le magma est peu visqueux, notamment parce qu’il est chaud ou riche en silice, les bulles vont pouvoir remonter facilement vers la surface. Le liquide dégazé va ensuite s’épancher le long des pentes du volcan sous la forme d’une coulée de lave, ou, s’il est plus visqueux, d’un dôme ou d’une aiguille [3]. On parle d’éruption effusive. À l’inverse, si le magma est trop visqueux, les bulles ne gaz ne parviennent pas à s’en échapper. Prisonnières, elles maintiennent une pression élevée qui conduit à une éruption explosive, au cours de laquelle un mélange de roches et de gaz est éjecté dans l’atmosphère sous forme de panache ou colonne plinienne [4]. Sur Terre, l’évolution d’une colonne plinienne dépend de sa capacité à ingérer de l’air. L’apport d’une grande quantité d’air allège la colonne et lui permet de monter jusqu’à la stratosphère. Si, au contraire, la quantité d’air absorbée est faible, la colonne s’effondre sous son propre poids et se transforme en coulée pyroclastique*, comme celle qui détruisit Pompéi en 79.

Les conditions de température et de pression, en surface ou en profondeur, ainsi que l’accélération de la gravité varient d’une planète à l’autre. On peut donc s’attendre à ce que les phénomènes que l’on vient de décrire changent plus ou moins selon la planète sur laquelle ils se produisent. Par exemple, la faible gravité martienne a sans doute eu un impact sur la migration des magmas, ainsi que sur la fréquence et l’intensité des éruptions. Pour un contraste de densité égal, la flottabilité des magmas est plus faible sur Mars que sur Terre. En conséquence, les chambres magmatiques devaient être de plus grandes dimensions et se trouver à de plus grandes profondeurs, si bien que seules les poches magmatiques les plus volumineuses ont dû atteindre la surface avant de se solidifier. Les éruptions martiennes devaient donc être a priori moins fréquentes, mais plus intenses que sur Terre. De plus, la température de surface, plus faible que sur Terre, a dû favoriser le développement de hautes colonnes pliniennes, phénomènes sans doute amplifiés par… la faible accélération de la gravité. À l’inverse, les conditions de température et de pression à la surface de Vénus suggèrent que les éruptions volcaniques y sont moins spectaculaires que sur Terre, l’atmosphère, très dense, n’y favorisant pas le développement de colonnes pliniennes. Par ailleurs, la faible altitude de la plupart des volcans vénusiens est sans doute imputable aux températures et aux pressions élevées, conditions qui favorisent l’épanchement des laves aux dépens de leur accumulation. Enfin, la longueur des canaux creusés par des coulées de lave, jusqu’à 6 800 km pour Baltis Vallis, suggère que les laves sont plus fluides et se refroidissent plus lentement que sur Terre, là encore à cause de la température de surface plus élevée.

Trois types De volcanisme

Trois types de volcanisme se manifestent à la surface de la Terre (fig. 1). Ils nous serviront de point de repère pour comprendre le volcanisme des autres planètes. Le plus répandu est aussi le moins visible, car il se produit au milieu des océans à des profondeurs de 2 000 à 3 000 m, le long de longues chaînes de montagnes appelées dorsales océaniques. C’est là que les planchers océaniques, ou si l’on préfère la croûte océanique, se forment à partir des magmas issus du manteau. Le deuxième type de volcanisme se produit à l’autre extrémité des planchers océaniques, lorsque ceux-ci plongent dans le manteau terrestre, par un phénomène appelé subduction*. Au contact de l’eau, et au fil des millions d’années, les minéraux des planchers océaniques se sont hydratés. En s’enfonçant dans le manteau, ces minéraux subissent des pressions de plus en plus fortes. Ils changent de structure cristalline, ce qui les conduit in fine à expulser l’eau qu’ils contenaient. Celle-ci est utilisée pour hydrater les roches du manteau environnant, avec pour conséquence l’abaissement de leur température de fusion et, si la température locale est suffisante, la production de magmas. Ces magmas viennent ensuite alimenter des volcans situés à l’aplomb des zones de subduction, comme les volcans d’Indonésie ou des Antilles. Au passage, notons que c’est ce processus qui est à l’origine de la croûte continentale.

Les volcans des dorsales et des zones de subduction sont intimement liés à la tectonique des plaques. On les trouve sur les frontières séparant ces plaques, frontières qu’ils participent à délimiter. Pourtant, d’autres volcans, comme ceux des îles Hawaï ou de l’île de la Réunion, sont situés bien à l’intérieur des plaques. Ce volcanisme intra-plaque, ou de point chaud, est lié à la présence de panaches mantéliques* (à ne pas confondre avec les panaches atmosphériques, ou colonnes pliniennes ; voir lexique) issus de la limite entre le noyau et le manteau, à 2 900 km de profondeur. L’arrivée en surface de la tête d’un panache engendre un volcanisme sans commune mesure avec le volcanisme contemporain. Il se caractérise par l’alternance de périodes très actives de quelques centaines d’années, durant lesquelles le taux d’émission des laves peut atteindre de 0,1 à 1kilomètre cube par seconde, et de périodes plus calmes et plus longues, de l’ordre de 10000ans. Cela conduit à la formation de grandes provinces magmatiques, ou trapps, correspondant à l’accumulation de coulées de lave sur des épaisseurs pouvant atteindre plusieurs kilomètres, comme dans le cas des trapps du Deccan. Cette région, située au nord-ouest de l’Inde, s’est formée il y a 65 millions d’années (Ma). Elle couvre environ 500 000 km2, et l’empilement des coulées de laves y atteint 3 000 m par endroits [5]

 

1. Les trois types de volcanisme sur Terre : dorsales océaniques, zones de subduction et points chauds. (© J.-L. Cheminée et al. (1993), institut de physique du globe de Paris)

 

Des trapps terrestres aux mers lunaires

Les trapps terrestres ont un équivalent sur notre Lune : les mers lunaires. Celles-ci, très majoritairement situées sur la face visible, correspondent à de grandes coulées basaltiques recouvrant les bassins d’impact formés entre 4,1 et 3,8 milliards d’années (Ga), lors du Grand Bombardement tardif. Toutefois, selon les datations disponibles, elles ne seraient pas la conséquence directe de ce bombardement, puisqu’elles se seraient mises en place quelques centaines de millions d’années plus tard, entre 3,5 à 3,0 Ga. Vers cette époque, le manteau lunaire aurait partiellement fondu, et le magma ainsi produit aurait migré à travers la croûte fracturée et amincie, pour venir remplir les bassins creusés par ces impacts.

Contrairement à ce que pensaient les astronomes du XIXe siècle, les cratères lunaires ne sont pas d’origine volcanique. En revanche, un autre témoin du passé volcanique de la Lune est la présence de longues crevasses sinueuses, appelées rimae ou rilles. Ces chenaux sont larges de quelques kilomètres et profonds de quelques centaines de mètres. Ils prennent naissance au voisinage de fractures et serpentent sur des longueurs pouvant atteindre quelques centaines de kilomètres. On compte près de 200 rilles, dont Rima Hadley, qui fut l’un des objectifs d’Apollo 15 et qui est observable avec un bon télescope amateur, comme le décrit Gilles Sautot dans un précédent numéro du magazine l’Astronomie. L’hypothèse privilégiée par les géologues, notamment sur la base des échantillons récoltés par Apollo 15, est que les rimae résultent de canaux ou de tunnels de lave émis au pied de volcans aujourd’hui éteints. Canaux et tubes de lave sont aussi observés sur Terre, mais avec des dimensions bien plus modestes. Le volcanisme à l’origine des rimae lunaires devait être associé à un taux d’éruption très élevé, sans commune mesure avec le volcanisme terrestre contemporain, mais en accord avec l’idée que les mers lunaires sont l’équivalent des grandes provinces magmatiques (les trapps) terrestres, à ceci près qu’elles ne sont pas liées à la présence de panaches dans le manteau lunaire.

 

2. Rima Hadley. (A) Vue depuis l’orbite. Le point orange indique le site d’Apollo 15. (NASA) (B) Dave Scott au bord de rima Hadley.

 

Tectonique des plaques versus plaque unique

La tectonique des plaques joue un rôle clé dans le volcanisme terrestre, notamment pour la formation des planchers océaniques. La surface de Vénus est dominée par de grandes plaines basaltiques semblables aux planchers océaniques terrestres. Cette similitude a laissé penser un temps que Vénus pouvait abriter une forme de tectonique des plaques, mais les données recueillies par la sonde Magellan ont invalidé cette idée. Des plaines volcaniques parsèment aussi la surface de Mars, mais celles-ci sont apparentées aux mers lunaires, les plus anciennes s’étant formées peu après la fin du Bombardement tardif, vers 3,8- 3,6 Ga. Pas de trace de tectonique des plaques, en revanche [6].

On sait aujourd’hui que la tectonique des plaques n’est à l’œuvre ni sur Vénus ni sur aucune des autres planètes rocheuses et satellites du Système solaire. Vénus, ainsi que Mars, sont des planètes à plaque unique, ou monoplaque, c’est-à-dire que leur lithosphère* tient d’un seul tenant et ne se renouvelle pas en continu [7]. Dans le cas de Vénus, l’absence de tectonique des plaques semble être liée à l’absence d’eau, ce qui accroît la résistance et la viscosité des roches. Les plaines basaltiques vénusiennes, dont nous venons de parler, sont beaucoup plus vieilles (au moins 500 Ma) que les planchers océaniques terrestres (au plus 180 Ma). En revanche, elles semblent avoir été mises en place dans un intervalle de temps assez court, lors d’épisodes de « resurfaçage » brefs (à l’échelle des temps géologiques), mais intenses.

Sur Mars, l’absence de tectonique des plaques est en partie responsable du gigantisme des volcans martiens, que nous allons bientôt rencontrer. Puisque la croûte reste fixe par rapport au panache responsable du volcanisme, il est possible de construire des édifices de taille imposante. Sur Terre, le fait que la croûte bouge par rapport aux panaches conduit à la formation d’une chaîne d’îles, comme la chaîne des Empereurs, dont les îles Hawaï sont la manifestation la plus récente [8] . Un autre facteur a certainement joué un rôle dans la taille des volcans martiens : la faible gravité de cette planète. Celle-ci permet de maintenir des édifices élevés, en évitant qu’ils ne s’affaissent sous l’effet de leur propre poids.

 

3. Des dômes en forme de crêpe (« pancake domes ») (A) et une corona (B) dans la région d’eistla, sur Vénus. Ces types de structures n’ont pas d’équivalents sur terre. (Nasa)

 

Coronae, « pancake Domes », et volcans géants

En l’absence de tectonique des plaques, c’est un volcanisme apparenté au volcanisme de point chaud, c’est-à-dire à l’ascension de panaches à travers le manteau, qui se manifeste sur Vénus et Mars. En plus des volcans boucliers (dont le plus grand, Maat Mons, culmine à 8 km d’altitude) et de longs canaux creusés par des coulées de laves, la surface de Vénus est parsemée de petits dômes volcaniques de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres de diamètre, les fameux « pancake domes », et de structures circulaires n’ayant pas d’équivalent terrestre, les coronae (fig. 3). Formés de laves très visqueuses, les « pancake domes » ne dépassent pas 1 km d’altitude et sont situés au voisinage de coronae et d’autres édifices volcaniques. Les coronae, quant à elles, sont constituées d’un anneau de crêtes et de fractures concentriques entourant une région centrale qui peut être un dôme, un plateau ou une dépression. Plus de 500 coronae ont été dénombrées, avec des diamètres allant, le plus souvent, de 100 à 1000km, et jusqu’à 2600km pour Artemis. L’hypothèse privilégiée est que les coronae résultent de l’interaction entre des panaches mantelliques et la lithosphère. Lorsqu’un panache arrive à la base de la croûte, il crée une poussée verticale sur celle-ci. Cela provoque un bombement de la croûte, qui s’affaisse une fois le panache disparu ou devenu inactif.

Mars est avant tout la planète des volcans géants (fig. 4). Olympus Mons, le plus grand édifice volcanique du Système solaire, en est l’exemple le plus emblématique. De sa base, il faut gravir un dénivelé de 22 km pour atteindre son sommet. Olympus est installé sur le flanc nord-ouest du dôme de Tharsis, qui supporte également Arsia, Ascraeus et Pavonis Montes, dont les sommets culminent tous entre 14 et 18 km d’altitude. Tharsis est sans doute lié à la poussée exercée par un gigantesque panache provenant de la limite entre le noyau et le manteau martiens, et qui semble avoir été actif dès 3,7 Ga et au moins jusqu’il y a 3,0 Ga. Il abrite aussi de nombreux volcans plus petits, que l’on peut diviser en deux classes, les tholi et les paterae. Les tholi sont des édifices en forme de dôme dont la pente est plus forte que celles des volcans géants. Les paterae ressemblent aux tholi, à ceci près qu’ils possèdent des caldeiras* plus étendues. oli et paterae sont plus anciens que les volcans géants et pourraient correspondre aux sommets d’anciens volcans boucliers recouverts par des coulées de lave plus récentes.

 

4. Les volcans géants de mars, Olympus (en haut à droite) et la chaîne des Tharsis : Arsia, Pavonis, et Ascraeus montes. Le schéma en médaillon compare les tailles d’Olympus mons et des volcans mauna Kea et mauna Loa, qui forment les îles Hawaï. (Nasa)

 

Des marées intenses: le volcanisme sur Io et Encelade

Il est temps maintenant de franchir la ceinture d’astéroïdes. Si l’on admet que le volcanisme découle du refroidissement d’une planète ou d’un satellite, on conçoit facilement que plus cet objet est gros, plus il a emmagasiné d’énergie, et donc plus le refroidissement est durable. De fait, c’est bien ce que l’on observe : la Terre est toujours active ainsi que Vénus. À l’inverse, les volcans martiens semblent avoir cessé de fonctionner il y a environ 500 Ma et, si l’on met de côté quelques événements ponctuels, la Lune est inactive depuis au moins 1,2 Ga. C’est pourquoi les images envoyées par Voyager 1 lors de sa traversée du système de Jupiter ont surpris les scientifiques. L’analyse de ces images a révélé la présence de panaches volcaniques, et donc d’éruptions, à la surface d’Io, le satellite galiléen le plus proche de Jupiter, et qui est à peine plus gros que la Lune. Les missions suivantes y ont mis en évidence plus de 400 volcans, associés soit à un volcanisme explosif (à l’origine des panaches observés par Voyager 1), soit à l’épanchement de coulées de lave. Ces dernières, composées de minéraux sulfurés et de silicates, sont émises depuis les planchers de grandes dépressions, les paterae, qui ressemblent aux caldeiras des volcans terrestres, ainsi que le long de fractures situées en plaine.

Étant donné la taille d’Io, il est peu probable que le chauffage radioactif ou le refroidissement séculaire fournissent la quantité d’énergie nécessaire à l’entretien de son activité volcanique. En revanche, Io subit des forces de marée très intenses de la part de Jupiter, liées notamment à l’excentricité de son orbite. Io est ainsi constamment déformé, ce qui produit de fortes frictions dans sa croûte et son manteau. La dissipation d’énergie qui en résulte est suffisante pour entraîner une élévation de la température provoquant une fusion partielle de la croûte et du manteau. L’histoire ne s’arrête pas là. Avec le temps, l’orbite d’Io aurait dû se circulariser. Si l’excentricité de cette trajectoire reste importante aujourd’hui, c’est à la faveur de résonances orbitales entre Io, Europe et Ganymède. Sans cela, Io graviterait sur une orbite circulaire et serait un corps beaucoup moins actif que le monde révélé par les missions spatiales.

Les forces de marée jouent aussi un rôle dans une autre forme de volcanisme, observée de façon saisissante sur Encelade. En 2005, la sonde Cassini a mis en évidence la présence de geysers au pôle Sud de ce petit satellite (252 km de rayon) de Saturne. Ces jets sont émis le long d’une série de 4 fractures, les « griffures de tigre », et ils s’élèvent jusqu’à 200 km d’altitude, venant alimenter l’anneau E de Saturne. Ils sont composés de vapeur d’eau, d’éléments volatils tels que le méthane et le dioxyde de carbone, ainsi que d’hydrocarbures et de fines particules de silicate. Les forces de marée interviennent sans doute à deux niveaux. D’une part en contrôlant l’ouverture et la fermeture des failles de surface (les « griffures de tigre »). Et d’autre part, comme dans le cas d’Io mais de façon moins extrême, les forces de marée pourraient fournir l’énergie nécessaire à l’entretien des geysers. Une hypothèse récemment mise en avant est que la dissipation de chaleur par les forces de marée serait localisée dans le noyau, supposé poreux, d’Encelade [9]. Selon ce scénario, ce noyau serait le siège d’une importante activité hydrothermale qui se répercuterait d’abord sur l’enveloppe liquide (l’océan) qui l’entoure, puis sur la croûte de glace d’Encelade (fig. 5).

 

5. Les geysers d’Encelade. (A) Vus par la sonde Cassini. (B) Un mécanisme possible expliquant la formation des geysers. Le noyau est le siège d’une activité hydrothermale entretenue par les forces de marée. L’arrivée d’eau chaude à la base de l’océan provoque la formation de panaches. Près des pôles, où le flux de chaleur issu du noyau est le plus élevé, les panaches secondaires amincissent localement la couche de glace, favorisant la fracturation de celle-ci et la circulation d’eau vers la surface. en surface, l’eau sous pression jaillit le long d’une série de fractures. (NASA/JPL Caltech)

 

Loin de la terre, le cryovolcanisme

Encelade n’est pas un cas isolé. En 1989, Voyager 2 a observé plusieurs geysers de diazote s’élevant depuis la surface de Triton, le plus gros satellite de Neptune. Des images UV réalisées entre 1999 et 2012 par le télescope spatial Hubble suggèrent, elles aussi, la présence épisodique de panaches de vapeur d’eau au pôle Sud d’Europe (un satellite de Jupiter voisin de Io). Ces jets, ou geysers, comme ceux d’Encelade, font partie d’un phénomène plus étendu, le cryovolcanisme, qui se manifeste à la surface des planètes naines et des satellites de glace des planètes géantes, et sur lequel les planétologues planchent depuis plus de deux décennies. Ici, les laves et magmas de roches silicatées cèdent la place à des « cryomagmas », mélanges de glaces, de matériaux volatils et de sels. Toutefois, un problème de taille surgit car, l’eau étant plus dense à l’état liquide qu’à l’état solide, ces cryomagmas sont a priori plus denses que la glace environnante. Comment font-ils, dans ces conditions, pour remonter en surface ? Des phénomènes de pressurisation ou de cristallisation fractionnée (dans le détail desquels nous n’entrerons pas) ont été avancés, mais la question reste débattue. Indépendamment de ce problème, le cryovolcanisme requiert aussi la présence de poches partiellement fondues à plus ou moins grande profondeur. Là encore, le mécanisme conduisant à la formation de ces poches n’est pas tranché, même s’il semble probable que l’énergie dissipée par les forces de marée y jouent un rôle clé.

Cela étant, des traces de cryovolcanisme ont été observées sur Titan, Pluton et Cérès. Ainsi, Sotra Facula, sur Titan, le plus gros satellite de Saturne, est un massif montagneux dont la structure, approximativement circulaire et possédant une dépression centrale, est typique d’un édifice volcanique. Toujours sur Titan, la présence de méthane dans l’atmosphère est un indice indirect d’une activité cryovolcanique récente ou contemporaine. Le méthane est en effet détruit dans la haute atmosphère de Titan, et sans un mécanisme de réapprovisionnement régulier, il aurait dû disparaître de cette atmosphère depuis longtemps. En revanche, si des réservoirs de méthane sont présents dans la croûte, le cryovolcanisme fournit un mécanisme adéquat pour réapprovisionner l’atmosphère en méthane. Sur Pluton, maintenant, Wright Mons culmine à 4 km d’altitude et possède, comme Sotra Facula, une dépression centrale qui en fait un excellent candidat au titre de cryovolcan. Qui plus est, le très
faible nombre de cratères d’impact sur ses flancs suggère qu’il a été actif récemment.

Enfin, retournons un instant dans la ceinture d’astéroïdes. Ahuna Mons, sur Cérès, est une montagne haute d’environ 5 km qui semble avoir surgi de nulle part (fig. 6A). Par analogie avec les dômes de lave que l’on rencontre sur Terre, les scientifiques pensent qu’il s’agit d’un dôme cryovolcanique. Sur notre planète, ce type de structures résulte de la remontée et de l’extrusion de laves relativement visqueuses et souvent riches en silice. À cause de leur viscosité élevée, ces laves ne peuvent pas s’écouler très loin de leur point d’émission. Elles s’accumulent autour de celui-ci, créant une structure en forme de dôme, comme dans le cas du volcan Chaitén, au Chili (fig. 6B). Mais revenons sur Cérès. Comme les dômes de lave terrestres, Ahuna Mons résulterait de la remontée et de l’extrusion d’un magma visqueux, à cela près que ce dernier ne serait pas composé de roches silicatées, mais d’un cryomagma.

6. (A) Ahuna mons, sur Cérès. (NAsA/JPL) (B) À comparer avec le dôme de lave du volcan Chaitén, au Chili. (sam Beebe)


Du volcanisme à l’apparition de la vie

Pour clore ce bref inventaire du volcanisme dans le Système solaire, on retiendra que des traces de volcanisme sont visibles à la surface de la plupart des objets visités par les sondes spatiales. Sur certains corps, comme Mercure, notre Lune et Mars, l’activité volcanique a cessé faute d’une source d’énergie, et les structures volcaniques que l’on y voit sont des vestiges du passé. En dehors de la Terre, l’observation d’éruptions volcaniques en temps réel est plus rare, mais spectaculaire : ce sont les volcans d’Io et les geysers d’Encelade, entretenus par la dissipation d’énergie liée aux forces de marée. Le cas de Vénus est plus délicat. L’atmosphère épaisse de notre voisine masque sa surface, et les conditions de température et de pression y imposent des manifestations plus discrètes que sur Io ou sur Terre. Une observation visuelle directe demanderait que l’on se trouve au bon endroit, au bon moment et avec les bons instruments. Bref, d’avoir un peu de chance. Pour le moment, il faut se contenter de preuves indirectes, comme les variations de température détectées en 2015 par Venus Express dans la région de Ganaki Chasma, qui sont sans doute liées à l’émission de gaz ou de laves.

Le volcanisme revêt enfin un intérêt que nous n’avons pas encore évoqué : il pourrait être étroitement lié à l’apparition de la vie sur Terre, en fournissant aux premières formes de vie connues, les bactéries, leur indispensable source d’énergie. Hypothèse notamment renforcée par la découverte de bactéries extrêmophiles, adaptées à des températures et à des pressions très élevées, autour des cheminées volcaniques des dorsales océaniques. Dans ces conditions, on se prend à imaginer que la vie a aussi pu démarrer en d’autres lieux, comme les océans souterrains des satellites de glace des planètes géantes. Mais nous quittons ici la planétologie comparée pour un domaine tout aussi passionnant : l’exobiologie.

 

Caldeira ou Caldera : Vaste dépression approximativement circulaire, en général de l’ordre de quelques kilomètres (sur terre) située au sommet de certains grands édifices volcaniques. souvent à fond plat, elles résultent d’une éruption qui a vidé la chambre magmatique sous-jacente.

Colonne plinienne : mélange de gaz et de fragments de roches volcaniques propulsé dans l’atmosphère sous forme de colonne (ou panache) et pouvant s’élever jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres. Le développement et l’ampleur d’une colonne plinienne dépendent de nombreux facteurs, notamment de la densité de l’air environnant, de la quantité d’air absorbé, et de la vitesse initiale des gaz et des roches volcaniques éjectés.

Coulée pyroclastique : Également appelée nuée ardente, c’est un mélange de gaz et de fragments de roches volcaniques (laves, scories, ponces, etc.) expulsés lors de l’éruption d’un volcan, et qui s’écoule à grande vitesse (quelques centaines de km/h) et au voisinage du sol sur les flancs de ce volcan.

Exsolution : Processus au cours duquel les gaz initialement dissous dans un magma à haute pression quittent ce magma. Ce phénomène est consécutif à la baisse de pression subie par le magma lorsqu’il remonte vers la surface.

Flottabilité : Ce terme désigne la poussée verticale exercée sur un magma par le milieu environnant, et qui lui permet de remonter en surface. elle est d’autant plus grande que la différence de densité entre le magma et le milieu environnant est élevée.

Lithosphère : enveloppe rigide externe d’une planète rocheuse constituée de la croûte et de la partie rigide du manteau. La lithosphère a donc une définition mécanique, par opposition à la croûte qui est la couche la plus externe d’une planète mais se définit par sa composition.

Panaches mantéliques : Dans les manteaux planétaires, un panache désigne une remontée de roches plus chaudes (et donc moins denses) que les roches environnantes. schématiquement, un panache est composé d’une bulle plus ou moins sphérique (la tête du panache) alimentée par un fin conduit. Lorsqu’il arrive près de la surface, un panache exerce une poussée sur la croûte. en réponse à cette poussée, la croûte se soulève, formant ainsi un bombement régional. Par analogie, dans les enveloppes externes des satellites de glaces, un panache correspond à la remontée de glace légèrement plus chaude que la glace environnante. Les panaches mantelliques ne doivent pas être confondus avec les panaches atmosphériques, ou colonnes pliniennes, qui se produisent en surface lors de certaines éruptions.

Subduction : Phénomène au cours duquel un plancher océanique, ou plus généralement une plaque tectonique, se courbe et plonge dans le manteau terrestre. Le plancher qui s’enfonce dans le manteau est désigné par le terme « slab ». en surface, les zones de subduction sont caractérisées par une fosse profonde pouvant atteindre une dizaine de kilomètres et, plus en avant, par une activité volcanique liée à la déshydratation du slab.

 

 

Frédéric DESCHAMPS | Academia Sinica, Taipei, Taïwan

 

1. sur les volcanismes terrestres et planétaires, ainsi que les mécanismes qui les contrôlent, voir notamment les numéros 92 (mars 2020) et 99 (novembre 2016) p. 26-37 de l’Astronomie. – 2. Une exception notable, et qui aura son importance lorsque nous parlerons du cryovolcanisme, est l’eau, dont la température de fusion diminue lorsque la pression augmente de 0 à 210 MPa (kbar). – 3. La construction d’un dôme de lave peut s’étaler sur des périodes allant de quelques mois à quelques centaines d’années, et la structure qui en résulte peut atteindre des hauteurs de plusieurs centaines de mètres. 4. Pour être plus précis, la vitesse d’ascension du magma joue aussi un rôle clé. si elle est trop faible, le gaz parvient à s’échapper et il se forme en surface un dôme très visqueux.- 5. Les trapps du deccan se sont mis en place dans un laps de temps d’environ un million d’années. Le volcanisme qui en est à l’origine est sans doute la cause principale de l’extinction de masse qui s’est produite à cette époque. Beaucoup moins actif aujourd’hui, le point chaud qui les a créés se situe maintenant sous l’île de la réunion, qu’il a également formée. – 6. L’interprétation de certaines observations magnétiques suggère qu’un bref épisode de tectonique des plaques s’est déroulé tôt dans l’histoire de Mars. Cette interprétation reste incertaine, et si un épisode de tectonique a effectivement eu lieu sur Mars, il a été sans suite. 7. Même sur Terre, la tectonique des plaques ne va pas de soi. Ce phénomène semble être apparu assez tardivement, il y a seulement 2 Ga environ, signe qu’il requiert des conditions thermiques, chimiques et mécaniques bien particulières permettant la déformation de la lithosphère. – 8. Notons tout de même que de sa base (à quelque 6 000 mètres sous la surface de l’océan Pacifique) jusqu’à son sommet, le Mauna Kea mesure un peu plus de 10 000 mètres… ce qui n’est pas rien.- 9. Voir à ce sujet le zoom du numéro 142 de l’Astronomie (octobre 2020), p. 26-37.

 

Janvier 2022

Janvier 2022

17/01/2022    Plein Lune
23/01/2022    Vénus au plus proche du Soleil (distance au Soleil = 0,71845 UA)
25/01/2022    Dernier Quartier de la Lune
29/01/2022    Conjonction entre la Lune, Mars et Vénus au petit matin

 

Event Horizon Telescope scrute un troisième trou noir géant

Event Horizon Telescope scrute un troisième trou noir géant

Après le trou noir de la galaxie M87 et celui de 3C 279, la collaboration EHT (Event Horizon Telescope) vient de publier les résultats concernant le trou noir supermassif de la radiogalaxie la plus proche de la Voie lactée, Centaurus A.

 

1. Superposition d’images de Centaurus A dans le domaine submillimétrique (APEX, en orange) avec le rayonnement X (Chandra, en bleu) et en lumière visible (Hubble). (NASA).

 

L’Event Horizon Telescope (EHT) est composé de plusieurs radio- télescopes disposés autour du monde et séparés par plusieurs centaines à plusieurs milliers de kilomètres. Ils sont reliés par le processus d’interférométrie pour créer un télescope « virtuel » équivalent à un télescope ayant un diamètre égal à celui de la Terre. L’EHT avait été initialement conçu pour donner l’image du trou noir supermassif du centre de la Voie lactée, Sgr A*, mais il n’a pas encore pu y parvenir à cause de la très faible luminosité et de la petite masse de ce trou noir. En revanche, l’EHT a réussi à observer le 10 avril 2019 « l’ombre » du trou noir supermassif au cœur de la galaxie M87, et plus récemment il a obtenu une image détaillée de l’environnement du trou noir de 3C 279 [1].

Centaurus A (NGC 5128) est une radiogalaxie extrêmement complexe (provenant probablement de la fusion assez récente de deux galaxies) qui rayonne intensément dans les domaines radio, visible et X, et qui est située à environ 12 millions d’années-lumière de la Voie lactée (fig. 1). Elle possède un trou noir central d’environ 50 millions de fois la masse du Soleil, donc intermédiaire entre celui de M87 (6,5 milliards de masses solaires) et Sgr A* (4 millions de masses solaires), ainsi que deux jets rayonnant en lumière visible, en radio et en rayons X. À une distance d’environ 15 000 années-lumière de Centaurus A, ces jets s’élargissent en forme de champignon, mais des nuages radio à l’extrémité de ces jets s’étendent jusqu’à une distance de près de 500000 années-lumière. Centaurus A est aussi traversée par une large bande de poussières, preuve s’il en était encore besoin d’un passé agité !

L’énorme production d’énergie de Centaurus A provient du gaz tombant dans le trou noir central. Une partie de cette matière est à nouveau éjectée dans deux jets opposés avec une vitesse au départ proche de la vitesse de la lumière. Les détails de ce processus n’étaient pas clairs, c’est pourquoi il était impératif de tenter d’observer le noyau de cette galaxie avec la meilleure résolution spatiale possible. C’est chose faite maintenant avec l’EHT.

Les données avaient été recueillies au cours des quatre jours d’observation de M87 en 2017. Une grosse équipe constituée par la collaboration EHT, à laquelle se sont joints une cinquantaine d’astronomes conduits par Michael Janssen, de l’université de Nimègue, aux Pays-Bas [2], vient de publier une modélisation fine des données permettant de dépasser la résolution théorique de l’interféromètre, et montrant des détails d’environ 0,6 jour-lumière, soit 25 milliards de kilomètres, correspondant à environ 250 rayons gravitationnels [3] du trou noir.

 

2. Structure du jet de Centaurus A comparée à celle du jet de M87. En a, le jet de Centaurus A observé à 8 GHz (λ = 3,7 cm) par le radiotélescope japonais TANAMI en novembre 2011. En b, l’image obtenue par l’EHT en avril 2017, après le travail de réduction. Les lignes en tirets entre a et b indiquent le zoom de l’image EHT. Pour comparaison, en c, le jet de M87 à 43 GHz (λ=7 mm) à partir des observations de juin 2013. Les échelles physiques du champ de vue complet montrées dans les trois images sont respectivement de 2 pc, 0,007 pc et 0,6 pc. Les tailles des faisceaux sont indiquées dans le coin en bas à droite pour chaque image. (M. Janssen, Nature Astronomy, 2021).

Les images du jet de Centaurus A, observé à une fréquence de 1,3 mm et comparé à des observations précédentes, sont obtenues avec une résolution spatiale 16 fois supérieure. Elles révèlent une structure collimatée sous la forme d’un jet dirigé dans notre direction possédant une gaine brillante entourant une colonne vertébrale presque invisible, ce qui donne l’impression de deux jets séparés. On distingue également un contre-jet très faible se dirigeant dans la direction opposée [4] mais de même structure (fig. 2). Cette structure est identique à celle du jet de M87 sur une échelle comparable de 500 rayons gravitationnels. De plus, les astronomes ont identifié la position du trou noir supermassif par rapport au jet. Par ailleurs il est bien connu qu’il existe des corrélations fortes entre la masse des trous noirs et leurs luminosités radio et X. Les auteurs en déduisent que la similitude de structure des jets de M87 et Centaurus A conforte l’idée d’une invariance d’échelle par rapport à la masse du trou noir.

Finalement, les auteurs montrent qu’il sera possible d’obtenir l’image de l’ombre du trou noir de Centaurus A, comme on l’a fait avec M87, mais en observant à une fréquence de quelques milliers de gigahertz, c’est-à-dire dans l’infrarouge lointain. On est malheureusement encore loin d’obtenir des mesures d’une aussi haute résolution dans cette gamme de rayonnement…

Suzy Collin-Zahn

 

1. Voir l’article de J. Lequeux et F. Vincent dans le numéro 128 de l’Astronomie, juin 2019 : « Première image de l’ombre d’un trou noir », et l’actualité de S. Collin-Zahn dans le numéro 140, été 2020, « Event Horizon Telescope dévoile le surprenant jet de 3C 279 ».

2. Michael Janssen et al., Nature Astronomy, « EHT observations of the jet launching and collimation in Centaurus A », 2021.

3. Le rayon gravitationnel (ou rayon de Schwarzschild) du trou noir est égal à 2GM/c2, où G est la constante de la gravitation universelle, c est la vitesse de la lumière et M la masse du trou noir, soit pour un trou noir de 55 millions de masses solaires environ 100 millions de kilomètres.
4. Le jet venant vers nous est amplifié par l’effet d’« aberration relativiste » tandis que celui qui s’éloigne est affaibli.

Association Mauritanienne pour l’Astronomie

Association Mauritanienne pour l’Astronomie

L’Association Mauritanienne pour l’Astronomie présidée par Ely Cheikh Ould Mohamed Navee a organisé plusieurs évènements pour l’année 2020/2021. L’astronomie n’étant pas très développée en Mauritanie, cette association a pour but de promouvoir cette science auprès des mauritaniens à travers des ateliers, conférences ouvertes au grand public mais aussi des concours destinés aux enfants. L’association a été appuyée par les médias nationaux afin de véhiculer ses objectifs.

Activités ON THE MOON AGAIN organisées en Mauritanie dans la région de Nouakchott le 17/18/07/2021, crédit Ely cheikh Ould Mohamed Navee.

L’association a organisé un concours national de dessins pour les enfants pour qu’ils puissent participer au projet de combinaison spatiale de Space for Art Foundation. Cette année a été marquée également par le tout premier événement en partenariat avec un organisme public national. Pour ce premier événement, l’association a choisi de participer à la mobilisation internationale qu’est ON THE MOON AGAIN avec le soutien de la région de Nouakchott.  Ce tout premier événement de grande ampleur a accueilli du grand public pendant 3 jours avec comme agenda : Conférences avec des intervenants internationaux dont pour la plupart sont chercheurs, vulgarisations à l’aide de maquettes et séances d’observation du soleil, de la lune et des planètes.

Les conférences ont été réalisées par:

  • Ely cheikh ould Mohamed Navee, thème: Présentation sur l’Association Mauritanienne pour l’Astronomie
  • Dr.Mohamed Vall Bellbellah membre actif de l’Association, théme:  présentation sur la lune
  • Sidi Abdellahi Ahmed Bowba membre actif de l’Association, théme: présentation sur le soleil.

Séances d’observation du soleil, de la lune par la lunette

Présentées par Ely cheikh Ould Mohamed Navee et cheikhna talebmoustaph

Les personnes qui sont intervenues : – Lina Canas – Directrice de l’international outreach coordinator office for Astronomy.

  • Jean Pierre Grootaerd directeur SSVI
  • Mayssa Elyazidi, Fondatrice de l’Association Tunisienne des jeunes Astronomes
  • Mohamed Ould Elhassen, Docteur ingénieur en TIC, spécialiste en IoT, systèmes embarqués
  • Marwan Shwaiki , Président de l’Association Arabe pour les planétariums.

 

Président de l’Association Ely cheikh Ould Mohamed Navee, Photo crédit Dr. Mohamed vall Bellbellah.

 

Observation de la lune ON THE MOON AGAIN organisée en Mauritanie le 17/18/07/2021, crédit Dr. Mohamed vall Bellbellah.

 

 

Activités ON THE MOON AGAIN organisées en Mauritanie le 17/18/07/2021, crédit Dr. Mohamed vall Bellbellah

 

Activités de sensibilisations organisées à l’université de Nouakchott , le 30/06/2021, Crédit Sidi Abdallahi Ahmed Bowba.

 

Concours national de dessins pour les enfants
crédit Ely cheikh Ould Mohamed Navee

 

Sidi Abdallahi avec l’enfant qui a gagné le pemier prix du Concours national de dessins crédit S. A. Bowba

 

Développement de la Météorologie de l’Espace en Afrique – Réseau scientifique GIRGEA

Développement de la Météorologie de l’Espace en Afrique – Réseau scientifique GIRGEA

Dans cette article nous présentons la sociologie d’un réseau scientifique GIRGEA (Groupe International de Recherche en Géophysique Europe Afrique) ayant permis de développer la météorologie de l’Espace en Afrique dans le cadre international. Dans ce réseau l’enseignement se fait principalement en langue française.

 

Conférence scientifique pour les lycéens en 2014 en RDC

Introduction

La météorologie de l’Espace est une discipline nouvelle définie ainsi :

« La météorologie de l’espace est la discipline qui traite des aspects phénoménologiques et de l’état physique des environnements spatiaux naturels. Au moyen de l’observation, de la surveillance, de l’analyse des données et de la modélisation, elle a plusieurs objectifs : d’une part, comprendre et prévoir l’état du Soleil, du milieu interplanétaire, des environnements planétaires et en premier lieu celui de la Terre, ainsi que les perturbations qui les affectent, qu’elles soient d’origine solaire ou non ; d’autre part, analyser en temps réel ou prévoir d’éventuels effets sur les systèmes biologiques et technologiques (Lilensten and Belehaki, 2009). »

Cette discipline a été initiée dans les années 1990 et elle est multidisciplinaire. Nous nous intéressons plus particulièrement à l’étude des phénomènes agissant dans le système Soleil-Terre et les effets de ces phénomènes sur les systèmes technologiques avec la perspective lointaine de prévoir ces effets en temps réel.

Dès 1991, dans le cadre du projet international UNBSSI (United Nations Basic Space Science Initiative, www.unoosa.org ) des études concernant les sciences de l’Espace ont débuté.

Trois projets scientifiques expérimentaux se sont succédés :

– AIEE : Année Internationale de l’Electrojet Equatorial (1992-1994),

– AHI :  Année Héliophysique Internationale (2007-2009)

– ISWI : International Space Weather Initiative (2010-2012), http://www.iswi-secretariat.org.

A la fin du projet AIEE un réseau de recherche GIRGEA (www.girgea.org) a été mis en place pour poursuivre les études débutées dans le cadre de l’AIEE, études qui ont essentiellement concerné des pays se localisant autour de l’équateur géomagnétique. Les instruments installés en Afrique sont décrits par Amory-Mazaudier et al. (1993).

C’est en 2005 après la publication d’un article de revue des principaux résultats obtenus lors de l’AIEE (Amory-Mazaudier et al., 2005) que le GIRGEA a été contacté pour participer au projet AHI fêtant les 50 ans de l’Année Géophysique Internationale (1957).

 

Le premier objectif scientifique de l’AHI était de faire connaitre les nouvelles découvertes sur le soleil faites durant la dernière décennie (1995-2005), et rendre disponibles, pour les différentes communautés scientifiques, les données acquises sur le soleil par des satellites tels que SOHO. Dans le cadre de ce deuxième projet, AHI, nous avions à charge le développement du réseau de stations GPS en Afrique. L’AHI a été un premier pas vers le développement de la météorologie de l’Espace.

 

Finalement, c’est le projet ISWI (2010-2012) qui a permis de pleinement développer la météorologie de l’espace en Afrique, car l’utilisation des GPS durant l’AHI, avait mis en évidence les perturbations des récepteurs GPS dues principalement à l’ionosphère.

Dans cet article nous aborderons

  • La méthode de travail développée dans le réseau scientifique GIRGEA qui a servi de modèle au niveau international pour le réseau scientifique ISWI, dans lequel le réseau GIRGEA est inclu.
  • Physique : Le transfert des connaissances vers l’Afrique
  • Les connections essentielles du GIRGEA avec les organisations internationales

 

Méthode de Travail

 

Avant l’AIEE, différentes études de l’ionosphère équatoriale avaient été menées par des chercheurs français de 1965 à 1985, mais aucune équipe locale pour l’étude de l’ionosphère n’avait été mise en place, et donc pour le projet AIEE, Il fallait tout commencer. Une étude sur l’état des lieux avant l’AIEE et des solutions pour pérenniser la recherche sur l’ionosphère en Afrique francophone a été décrite par Amory-Mazaudier (2002).

 

Nous rappellerons ici certains points importants :

  • Construire et définir le projet avec une équipe locale de recherche existante souhaitant développer de nouvelles études
    • Mission exploratoire avant le début du projet pour trouver une équipe locale intéressée
    • Définir un projet local dans le cadre de grands projets internationaux (AIEE, AHI, ISWI) afin de développer des collaborations internationales
  • Sélectionner des étudiants qui feront des thèses
    • Ecole de formation dans le pays pour sélectionner les étudiants les plus motivés.

Figure 1a: Photo de groupe de l’école de météorologie de l’Espace en Algérie en 2013

 

Figure 1b: Photo de groupe de l’école de météorologie de l’Espace en Côte d’Ivoire en 2017

  • Formation théorique et pratique avec l’utilisation d’instruments de mesure apportés en Afrique ou/et l’utilisation de bases de données en libre accès sur le web.

La Figure 2 présente les salles de cours lors de l’école en RDC en 2011, les 90 étudiants suivaient ensemble les cours théoriques. Ils étaient ensuite séparés en sous-groupe de trente étudiants pour les travaux pratiques.

 

Figure 2: Salle pour les cours magistraux durant l’école en RDC de 2011

 

  • Encadrement de thèse
    • Les étudiants seront sous la responsabilité d’un directeur de recherche du pays. Des scientifiques d’autres pays, apporteront l’expertise de leur discipline aux étudiants.
    • Les recherches sont effectuées majoritairement dans le pays avec des séjours de recherche à l’étranger de courte durée (quelques mois), afin d’acquérir certaines connaissances auprès des encadrants étrangers (thèse sandwich)
    • La thèse est soutenue dans le pays de l’étudiant,

Figure 3a: Thèse de Frédéric Ouattara en 2009 à Dakar/ Sénégal

 

Figure 3b: Thèse de Jean-Louis Zerbo en 2012 à Ouagadougou / Burkina Faso

 

Figure 3c: Thèse de Jean Kigosti en 2016 à Kinshasa / RDC

 

  • Obtention des postes pour les étudiants formés dans leur pays
    • L’ouverture des écoles de formation à la météorologie de l’Espace est faite par les responsables du pays (Ministres, Président d’université etc…) qui sont conviés à s’engager pour la création de postes de recherche.

D’autre part, le pays accueillant une école finance toutes les dépenses faites dans le pays (hébergement, nourriture, salles, matériel, etc).

Figure 4: Ouverture de l’école en RDC par Ministre de l’Education et de l’Enseignement Supérieur : Mashako Mamba , le Ministre des Hydrocarbures: Célestin Mbuyu Kabango et le Secrétaire Général de l’Académie : Prosper Kanyakongote Mpangazehe

 

  • Développer le cursus universitaire pour ces études nouvelles
    • Ce cursus est développé par les étudiants formés ayant obtenu un poste dans leur pays.
  • Lien avec la population
    • Conférences scientifiques pour les jeunes dans les écoles,

Figure 5: Conférence scientifique pour les lycéens en 2013 en Côte d’Ivoire.

 

  • Articles de journaux

Figure 6: Article de presse sur la première thèse en météorologie de l’Espace au Burkina Faso.

 

Sur le site internet www.girgea.org , vous trouverez tous les rapports des différentes écoles du GIRGEA.

 

Enseignement et transfert des connaissances

 

La Météorologie de l’Espace est multidisciplinaire et nécessite donc des connaissances sur la physique des relations Soleil-Terre.

Cette physique implique différentes disciplines :

  • la physique du soleil,
  • la physique du milieu interplanétaire,
  • la physique de la magnétosphère,
  • la physique de l’ionosphère,
  • la physique de l’atmosphère,
  • la physique de la terre,

 

Dans le cadre de nos écoles d’une durée de quinze jours, des spécialistes de chaque discipline sont venus faire des exposés magistraux le matin, et encadrer les séances de travaux pratiques, l’après-midi, utilisant les données disponibles sur le web.

 

Des sujets de thèse ont ensuite été déterminés à la fin de chaque école pour les étudiants sélectionnés. En général, les sujets choisis impliquant plusieurs disciplines ont nécessité un encadrement diversifié.

 

Nous avons veillé aussi à développer dans nos écoles l’histoire des sciences sur la discipline enseignée et avons travailler à transférer le maximum de connaissances acquises dans le monde sur la physique des relations Soleil-Terre au cours des années 1960-1990. Nous avons eu recours à des chercheurs seniors aujourd’hui disparus : P.N Mayaud, O. Fambitakoye, J-P. Legrand, P. Simon.

 

La météorologie de l’Espace, en plus de la connaissance des phénomènes physiques agissant dans le système soleil-terre, nécessite d’étudier les impacts de ces phénomènes sur les nouvelles technologies. Autour de l’équateur magnétique, il existe des irrégularités du plasma ionosphérique se développant principalement après le coucher du soleil sous l’influence de l’instabilité Rayleigh-Taylor.

Ces irrégularités de plasma affectent la propagation des ondes électromagnétiques, et leurs effets sur les ondes HF et VHF étaient bien connues. Ces irrégularités de plasma affectent les signaux émis par les satellites et créent des scintillations de ces signaux. Avec le développement du Global Navigation Satellite System (GNSS) incluant maintenant GPS, GALILEO, GLONASS, BEIDOU, les perturbations des signaux émis par de nombreux satellites sont observées au sol et permettent l’étude de l’ionosphère dans des régions où cela n’avait pas été fait.

 

En plus de former les étudiants à la météorologie de l’Espace, nous les avons formés à la gestion de leur temps, à l’administration, à l’organisation d’une école dans leur pays, à la recherche de financement au niveau international, à la bonne gestion des finances et à la transparence totale sur l’utilisation des fonds reçus. Dans chaque rapport d’école (www.girgea.org), il y a une utilisation précise des financements. Cela a empêché toute corruption.

 

Il est aussi très important de noter que la technique GNSS, prévue au départ pour le positionnement, est devenu un outil important pour la recherche dans de nombreuses disciplines : mouvements des plaques tectoniques, troposphère (contenu en vapeur d’eau), ionosphère (contenu total en électron et signature des irrégularités de plasma) (Amory-Mazaudier et al., 2017).

 

Connections essentielles du GIRGEA avec les organisations internationales

 

Nous avons débuté le développement des sciences de l’Espace en Afrique au début des années 1990 dans le cadre du projet AIEE. L’arrivée de la communauté internationale en Afrique en 2005 pour le projet IHY suivi du projet ISWI a boosté nos résultats. Notre modèle a été suivi, et des écoles de météorologie de l’Espace, auxquelles notre réseau a été associé, ont été développées dans les pays en voie de développement par les scientifiques des projets IHY et ISWI, ainsi que par les organisations internationales ICTP (International Centre for Theoretical Physics) et SCOSTEP et plus récemment ICG (International Commission for GNSS/ United Nations), le succès de cette coopération internationale a fait l’objet d’un article publié dans le journal Space Weather and Space Climate (Amory-Mazaudier et al., 2021).

 

Le tableau 1 donne les thèses soutenues auxquelles notre réseau a participé.

 

Tableau 1

 

Pays Nombre de thèse Années
Algérie 4 [2013 -2019]
Bénin 2 2004 2020 chercheur isolé
Burkina Faso 14 [2009-2021]
Cameroun 1 2018 chercheur isolé
Congo Brazzaville 1 2017 chercheur isolé
Côte d’Ivoire 14 [1995-2021]
Egypte 5 [2009-2021]
Espagne 1 1992 équipe observatoire d’Ebre
France 3 1993, 1997, 2001
Guinée 1 2020 chercheur isolé
Inde 1 2008
Malaisie 1 2018
Maroc 2 2016 2019 équipe observatoire de Marakkech
Nigéria 1 2019
RDC 5 [2015-2020]
Sénégal 2 1993  2013
Tunisie 1 2017 chercheur isolé
Vietnam 6 [2008-2015]
18 pays 65 thèses / 53 en Afrique  

 

 

Le nombre total de thèses soutenues est de 65, dont 53 en Afrique. Dans le temps, la répartition de ces thèses est la suivante :  8 thèses de 1992 à 2000, 10 thèses de 2001 à 2010, 45 thèses de 2011 à 2021. Cet accroissement énorme durant la dernière décennie est dû aux projets internationaux développés après 2005 (IHY et ISWI). Les thèses soutenues postérieurement à l’année 2005 s’inscrivent dans la discipline de la météorologie de l‘espace

Dans le tableau 1, nous avons noté en rouge (Inde, Malaisie, Nigéria), les thèses pour lesquelles le GIRGEA est intervenu uniquement dans le cadre du réseau international, sans avoir développé une école dans le pays et sélectionné les étudiants. Nous avons surligné en gris les pays pour lesquels une équipe nouvelle de météorologie de l’Espace a été formée ou est en cours de formation. On peut noter qu’il y a aussi des chercheurs isolés qui peut-être créeront des équipes de météorologie de l’Espace dans le futur.

 

 Conclusion

 

Dans le cadre du programme international UNBSS initié en 1991, des projets internationaux AIEE, AHI et ISWI ont aidé au développement des sciences de l’Espace dans beaucoup de pays en voie de développement par une action internationale soutenue durant 3 décennies. Le développement de la météorologie de l’Espace, nouvelle discipline initiée dans les années 1990 a bénéficié de cela. Les chercheurs formés en Afrique dans cette nouvelle discipline développent cette discipline naissante.

 

Christine Amory-Mazaudier – Christine.amory@lpp.polytechnique.fr

Sorbonne Université, Ecole polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, Université Paris Saclay, Observatoire de Paris, CNRS, Laboratoire de Physique des Plasmas (LPP), 75005 Paris, France

 

Instagram
YouTube
YouTube
Follow by Email