par EricLagadec | Avr 23, 2021 | Non classé
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Mon nom est Jerusalem Tamirat Teklu. Je travaille en tant que chercheuse assistante à l’Institut éthiopien des sciences et technologies de l’espace (ESSTI), au sein du département de recherche et développement en astronomie et en astrophysique. Je suis née et je vis actuellement en Éthiopie.
Jerusalem Tamirat Teklu
Quel a été votre parcours pour devenir astronome?
Lorsque j’étais enfant, comme la plupart des enfants, j’étais inspirée par tous les objets célestes que je voyais dans le ciel noir de la nuit et par les films sur l’espace. Puis, au fil du temps, j’ai entendu parler de la NASA et, à l’époque, j’ai pensé que c’était le seul institut travaillant sur les sciences spatiales et l’astronomie, et j’ai eu envie d’y étudier et d’y travailler. Quand j’ai grandi, j’ai essayé d’évaluer mon intérêt et j’ai senti que j’étais plus passionné par l’astronomie que par toute autre science ou tout autre travail. J’ai donc décidé de l’étudier et d’en faire mon métier. Cependant, à cette époque, la science n’était pas encore très connue et il n’y avait aucune institution dans notre pays. Alors que j’étais au lycée, j’ai essayé de vérifier sur Google s’il y avait une université qui pouvait donner un diplôme en astronomie ou en sciences spatiales et j’ai trouvé 3 universités. J’ai ensuite choisi l’une de ces universités, mais après avoir rejoint l’université, ils m’ont dit que les domaines liés à l’astronomie (espace) étaient réservés aux étudiants de troisième cycle et qu’il fallait étudier la physique pour obtenir une licence comme condition préalable à de futures études en astronomie. J’ai donc étudié la physique pour ma licence et j’ai obtenu mon diplôme en 2016. Heureusement, l’Institut éthiopien des sciences et technologies spatiales (ESSTI) a été créé en 2017 et a commencé à recruter des personnes, dont moi. Je pense donc que j’ai beaucoup de chance car j’ai obtenu tout ce dont j’avais besoin et juste à temps. J’ai obtenu mon Master en astronomie et astrophysique en 2020 et j’ai également obtenu une bourse pour mon doctorat grâce au Dr Mirjana Povic. Elle m’a beaucoup apporté, notamment en me soutenant dans mon cheminement vers l’astronomie, en me conseillant et en me supervisant pour ma thèse de Master et pendant ma candidature au doctorat.
Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?
Pour moi, l’astronomie est l’une des meilleures sciences. Elle m’inspire et suscite ma curiosité. Je veux donc en savoir plus, l’étudier et en faire ma carrière.
Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?
Jusqu’à présent, je n’ai pas ressenti de difficultés dans mes études.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?
Je voudrais d’abord les encourager à continuer jusqu’à ce que leur souhait devienne réalité. Je leur conseille également de communiquer ou de rester en contact avec différents instituts d’astronomie ou de sciences spatiales afin d’obtenir des informations plus nombreuses et de meilleure qualité sur les possibilités d’étudier l’astrophysique. En effet, lorsque j’étais étudiante, je souhaitais également étudier l’astronomie, mais je n’ai pas pu obtenir suffisamment d’informations sur le lieu et la manière de l’étudier. Et oui, actuellement, la plupart des étudiants ont un accès suffisant à Internet pour faire des recherches par eux-mêmes, mais ce n’est peut-être pas suffisant, du moins dans notre pays. Je leur dirai également que j’aimerais les soutenir.
Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?
J’ai acquis beaucoup d’expériences, notamment sur la façon de traiter la manipulation des données, les résultats et l’analyse. J’ai également acquis de l’expérience sur la façon de travailler et d’organiser différentes activités et événements en collaboration avec des organisateurs locaux et étrangers. En outre, cela crée également des opportunités de connaître, d’interagir et de partager des expériences avec différentes personnes dans différents pays.
Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?
Si elles ont déjà commencé à travailler dans le domaine de l’astrophysique, il n’y aura peut-être pas de difficultés particulières par la suite. Mais si nous parlons d’une femme qui veut étudier l’astrophysique, il peut y avoir des défis tels que la recherche d’universités qui ont un programme d’astrophysique. En effet, peu d’universités proposent ce programme et il est possible qu’il ne soit pas proposé comme diplôme de licence(c’est encore le cas dans nos pays ; aucune université ne propose l’astrophysique en licence, par exemple). Bien sûr, ce problème n’est pas spécifique aux femmes. Ainsi, lorsque nous en arrivons à des défis spécifiques qui ne concernent que les femmes, ils peuvent être liés à la dureté de la science. Comme toute « science dure », il est communément admis que ces domaines sont difficiles à étudier et beaucoup plus difficiles pour les étudiantes. Il existe également des influences de la société, et même parfois des personnes travaillant dans ce domaine, qui incitent à en avoir peur au lieu de les soutenir et de les sous-estimer.
Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?
Actuellement, je travaille sur deux projets majeurs qui sont : Les propriétés de formation d’étoiles des quasars proches et la surveillance de la variabilité des de ces quasars. Je participe également à différents projets de mon laboratoire tels que l’étude de l’astronomie culturelle et le test de sites astronomiques. En outre, je participe également à différents travaux de comités en tant que coordinatrice nationale de l’Éthiopie pour l’équipe des coordinateurs nationaux de l’astronomie pour l’éducation (NAEC) du bureau de l’astronomie pour l’éducation de l’Union Astronomique Internationale (UAI-OAE). Je suis également membre du comité national de sensibilisation de la Société africaine d’astronomie (AfAS).
par EricLagadec | Avr 16, 2021 | Non classé
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Betelehem Bilata et suis actuellement chercheuse associée à l’Institut éthiopien des sciences et technologies spatiales (ESSTI) en Ethiopie, pays où je vis et d’où je suis originaire.
Betelehem Bilata
Quel a été votre parcours pour devenir astronome?
Lorsque j’étais lycéenne, je m’intéressais à l’astronomie. Mais je ne pensais pas qu’étudier l’astronomie pouvait marcher dans mon pays. Je pensais que je ne pourrais pas en vivre. À l’époque, je n’avais pas de modèle dans mon pays (une femme astronome) dont je pouvais m’inspirer. Mais je suis entrée à l’université et j’ai étudié la physique. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai eu la chance de travailler à l’université. Après un an en tant qu’assistante diplômée, j’ai eu la chance de commencer ma maîtrise. Puis je me suis lancée dans ma passion. J’ai étudié l’astronomie et l’astrophysique. Aujourd’hui, je travaille dans un institut de recherche qui se concentre sur l’astronomie et les domaines liés à l’espace.
Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?
Je m’intéresse à ce domaine. Il me rend curieuse et me pousse à m’interroger, à poser des questions et à chercher une réponse
Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?
Je n’ai pas rencontré beaucoup de difficultés. J’étais parrainée par l’université dans laquelle je travaillais à l’époque. J’étais étudiante à temps plein, et je recevais en outre mon salaire complet. Cela m’a aidé à me concentrer sur mes études.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?
Fixez-vous comme objectif d’étudier l’astrophysique et vous travaillerez dur pour y parvenir. Il se peut que vous n’ayez pas la chance de l’obtenir facilement, mais travaillez toujours sur ce que vous avez dans le ventre, cela peut être un moyen d’atteindre votre objectif. Tendez la main aux personnes qui travaillent dans le domaine de l’astronomie et de l’astrophysique et qui peuvent vous aider en vous donnant l’occasion de le faire et demandez-leur de l’aide. N’ayez pas peur d’essayer. Profitez plutôt de toutes les occasions qui se présentent à vous et qui pourraient vous guider vers votre objectif. Ne sous-estimez pas les « petites » opportunités
Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?
L’étude de l’astronomie me fait voir les choses différemment. En étudiant cet immense univers et les objets fascinants qu’il contient, en observant notre planète dans l’univers, je me sens minuscule mais puissante et je peux faire la différence. Je pense que cette petite terre nous appartient à tous et que nous devons la protéger pour notre bien.
Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?
La première chose est le défi financier. On pense que si quelqu’un étudie ce domaine, il ne pourra pas en vivre, que ce n’est pas applicable à notre pays, que ce domaine n’est pas pour nous mais pour un pays développé, etc.
Il y a aussi un manque d’experts dans le domaine, un manque d’équipement et de formation nécessaires.
La responsabilité familiale est également l’un des grands défis pour une femme en Afrique qui souhaite étudier l’astrophysique ou tout autre domaine connexe.
Enfin, la responsabilité familiale est également l’un des grands défis que doit relever une femme en Afrique pour étudier l’astrophysique ou tout autre domaine connexe.
Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?
Je fais des recherches, j’écris et publie un article dans le domaine de l’astronomie extragalactique. Je travaille également sur un projet intitulé « National mapping and testing of astronomical sites in Ethiopia« , qui vise à identifier et à qualifier des sites astronomiques potentiels pour l’observation astronomique et la construction d’un observatoire. Je suis la présidente des coordinateurs nationaux de l’enseignement de l’astronomie (NAEC) du bureau de l’astronomie pour l’éducation (IAU-OAE) Union Astronomique Internationale. Nous travaillons sur l’enseignement de l’astronomie en Ethiopie. Je participe à différents programmes de sensibilisation et à l’organisation de différents événements astronomiques. Je suis également partenaire du projet mondial « Pale Blue Dot » de bureau de l’astronomie pour le développement de l’Union Astronomique International (IAU-OAD).
par EricLagadec | Avr 13, 2021 | Non classé
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Je m’appelle Rubina Kotak et suis professeure au département de physique et d’astronomie de l’université de Turku en Finlande. Je viens du Kenya.
Rubina Kotak
Quel a été votre parcours pour devenir astronome?
Un parcours assez simple, à quelques exceptions près : J’ai obtenu une maîtrise en physique et en astrophysique au Royaume-Uni, suivie d’un doctorat à l’université de Lund en Suède sur l’astéroséismologie des naines blanches. J’ai changé de domaine pour mon premier post doc à l’Imperial College de Londres, où je me suis principalement concentrée sur les supernovae thermonucléaires pour commencer, et sur « tout ce qui a explosé » vers la fin de cette période de 3 ans. Après un court séjour de 1,25 an en tant que boursière de l’ESO (L’observatoire européen austral, qui gère notamment le Very Large Telescope au Chili) à Garching, j’ai obtenu mon premier poste de professeure à Queen’s University à Belfast, 4 ans après avoir terminé mon doctorat. Je me suis donc rendue sur l’île pluvieuse d’Irlande. Je me souviens encore de mon séjour à l’ESO avec un mélange d’admiration et d’affection (peut-être parce qu’il a été si court !). Après avoir passé la décennie suivante à Belfast, j’ai décidé qu’il était temps de changer, et je suis partie vers des climats plus septentrionaux en Finlande pour trouver un meilleur temps et à la recherche d’une vie plus équilibrée.
Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?
La décision de poursuivre des études en astronomie est née du désir de faire appel simultanément à différentes branches de la physique. Je pensais qu’elle apporterait les réponses à toutes les questions « pourquoi » et « comment » que je me posais.
Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?
Oui, bien sûr, tout le monde est confronté à des défis sur son chemin. C’est la façon dont on y répond qui compte. Une “tête de cochon” combinée à un peu de chance peut mener loin !
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?
Essayez-le et voyez si cela vous plaît! Si ce n’est pas le cas, vous n’aurez certainement pas perdu votre temps. Il est essentiel d’acquérir des bases solides en physique et en mathématiques. Le choix judicieux des sujets de recherche (et des superviseurs !) rend le chemin plus facile. Pour paraphraser George Orwell : « tous les domaines de recherche sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ».
Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?
Le manque de ressources et de structures de soutien appropriées d’une part, et les pressions et attentes sociétales d’autre part. Bien que le niveau des ressources et les attitudes semblent évoluer, de nombreuses disparités subsistent.
Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?
La plupart de mes projets actuels se concentrent sur l’étude des phénomènes transitoires explosifs d’un type ou d’un autre, dans le but de suivre l’évolution de l’étoile ou du système progéniteur jusqu’à l’explosion, de contraindre la physique du mécanisme d’explosion et la nucléosynthèse. Je fais partie de plusieurs grandes équipes qui participent à une aventure passionnante visant à découvrir et à caractériser les contreparties optiques des étoiles à neutrons et des trous noirs en fusion qui sont associées à un signal d’onde gravitationnelle.
La supervision, le soutien et l’encadrement d’étudiants de premier cycle et de troisième cycle et de post docs constituent une grande partie de mes activités quotidiennes. Les cours magistraux que je dirige avec mes collègues vont des aspects de la structure et de l’évolution stellaire aux techniques astrophysiques, en passant par la rédaction scientifique. Ces derniers cours, en particulier, sont fortement influencés par mes expériences en tant qu’éditrice scientifique pour le prestigieux journal Astronomy & Astrophysics, ayant traité plus de 1000 manuscrits à ce jour.
par EricLagadec | Avr 11, 2021 | Non classé
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Je m’appelle Djazia Ladjal, je suis une analyste principale de données dans une startup d’éducation et de technologie à Sydney (Australie). Je suis originaire d’Alger, Algérie. Avant de me convertir au domaine d’analyse de données j’étais une astronome professionnelle.
Quel a été votre parcours pour devenir astronome?
J’ai fait spécialité sciences exactes au lycée de l’Emir Abdel Kader à Alger. Ensuite j’ai poursuivi un diplôme d’études supérieures en physique à l‘Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene (USTHB). Par la suite, je suis partie en France pour poursuivre un diplôme d’études approfondies (DEA) en Astrophysique à l’université Louis Pasteur de Strasbourg où j’ai fait un mémoire sur les étoiles géantes et supergéantes rouges. A la fin de mon DEA j’ai décroché une bourse d’étude Belge pour faire un doctorat en Astrophysique à l’université KU Leuven. Pendant mon doctorat j’ai travaillé à la préparation scientifique de l’un des projets de recherche du satellite européen Herschel. Le sujet du projet a été l’investigation de la perte de masse des étoiles évoluées.
Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?
J’ai toujours été fasciné par l’espace depuis ma tendre enfance. Mon père avait un abonnement au magazine français Science et Avenir et tous les mois j’avais hâte de lire les articles de physique et d’astronomie. J’avais pour habitude de découper les articles d’astronomie et de les collectionner dans un album.
Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?
J’en ai plein d’ histoires à raconter! De mon temps il y avait beaucoup de pression de toutes parts (culturelle, économique et situation sécuritaire) qui faisait qu’une carrière en Astronomie n’était pas le meilleur des choix ou même envisageable. Une des histoires les plus marquantes est qu’avec un groupe d’amis on a créé le premier club de physique et d’astronomie à l’USTHB. On s’est rapproché du CRAAG qui est le Centre de Recherche en Astronomie, Astrophysique et Geo-Physique d’Alger pour organiser des nuitées d’observation pour les membres du club. Il fallait voir quand on a annoncé la nouvelle à nos parents! Non seulement on était des jeunes filles qui voulaient aller passer la nuit dehors, en plus nos groupes étaient mixtes. C’était dur de les persuader de nous laisser le faire et malheureusement ça n’a pas marché pour tout le monde. Il y a eu du progrès depuis mais il reste quand même beaucoup à faire. Surtout du point de vue de la valorisation de la profession.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?
J’aimerais m’adresser spécialement aux jeunes filles qui font face tous les jours à des difficultés économiques ou sociales pour accéder à des études supérieures et qui pensent que ce n’est pas possible de faire de l’astronomie ou que c’est trop dur. Avec toutes les difficultés auxquelles vous faites face tous les jours, il n’y a absolument rien dont vous êtes incapable. Surtout ne doutez pas de vos capacités! Et puis, il y a mille et une façons de faire de l’astronomie et ce n’est pas forcément avec un télescope. En astronomie, on a besoin de pas mal de spécialistes. On a besoin, entre autres, de chimistes, d’ingénieurs, de techniciens, d’informaticiens et même d’artistes. Aussi n’hésitez pas à entrer en contact avec des clubs d’astronomie ou des chercheurs même en dehors du pays. La communauté astronomique est très amicale et la plupart d’entre nous seront ravis de donner des conseils.
Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?
Être astronome c’est bien plus qu’un job. C’est une façon de voir le monde, une façon de penser, de remettre tout en question, de chercher des réponses sans relâche. Ce genre de chose ne s’apprend pas n’importe où et ça a beaucoup de valeur dans le monde de l’emploi. Pour moi c’est clair, être astronome c’est ce qui me distingue des autres analystes. On est rigoureux, on pratique la méthode scientifique mais aussi on touche à tout. On code dans des langages informatiques différents. On a de bonnes bases en statistiques et en probabilités, on sait construire des modèles complexes de prédictions, etc. En plus de nos connaissances techniques poussées, on a pas mal de qualité qui nous distingue des autres candidats. Souvent ce qui fait la différence c’est ce qu’on appelle les soft skills. Pas mal de ce qu’ on apprend en astronomie nous permet d’améliorer nos soft skills. Par exemple :
- L’esprit de collaboration par l’expérience de travailler dans un groupe de recherche.
- Le sens de la communication qu’on développe à travers les conférences scientifiques, la présentation de notre recherche et les publications.
- La capacité d’expliquer des problèmes complexes de façon simple.
- Savoir gérer son temps et pouvoir faire différentes tâches tout en tenant compte des dates limites.
- Une sensibilité culturelle que l’on gagne à travers nos relations avec des collègues de différents pays et milieux, etc.
Toutes ces compétences font partie des compétences d’employabilité les plus importantes au XXIème siècle.
Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?
Bien sûr qu’il y a pas mal de défis et de difficultés. Malheureusement ce n’est pas seulement spécifique à l’astronomie. C’est un problème beaucoup plus complexe. Par exemple, en Algérie, si on regarde la présence des femmes à l’université dans les filières scientifiques et techniques, elles sont partout ! En sciences exactes, en génie mécanique, informatique, électronique … partout. On trouve autant de femmes que d’hommes dans ses filières ou même plus. Mais après les études, qu’est ce qui se passe ? Rien. Il ne se passe rien. Il n’y a pas beaucoup de débouchés. Et comme avec toute situation de crise ou de pénurie, les femmes sont souvent les plus perdantes. Je suis sûre que c’est aussi le cas dans pas mal d’autres pays africains.
Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?
Pas grand-chose en ce moment. Comme j’ai changé de carrière relativement récemment, je suis encore occupée à m’établir dans le domaine d’analyse de données. Mais je compte me remettre à faire de l’astronomie petit à petit. Il y a certaines nouvelles techniques d’analyse qui sont très populaires dans le milieu du big data qui pourraient être très efficaces en astronomie. J’ai hâte de faire passer certaines de mes nouvelles connaissances vers l’astronomie.
par EricLagadec | Avr 11, 2021 | Non classé
par EricLagadec | Avr 11, 2021 | Non classé
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Je suis Meriem El Yajouri, de nationalité marocaine, titulaire d’un doctorat en astronomie de l’Observatoire de Paris; lauréate du prix de thèse 2018 de l’Union Astronomique Internationale (UAI), un prix d’excellence pour récompenser les meilleurs thèses des 9 divisions de l’UAI. Je suis également présidente de l’association SpaceBus Maroc, coordinatrice nationale du Bureau de la vulgarisation en astronomie (OAO-NOC) de l’Union Astronomique Internationale et j’occupe actuellement le poste de gérante de la société Titritland (1ère entreprise au Maroc qui délivre des produits et services en Astronomie).
Meriem El Yajouri
Quel a été votre parcours pour devenir astronome?
Après un bac S, spécialité mathématiques, j’ai intégré les classes préparatoires MP de l’Université Internationale de Rabat (UIR) à l’issue desquelles j’ai choisi de poursuivre mes études en licence de physique. J’ai donc directement suivi les cours de la troisième année de licence L3 de la faculté des sciences de Rabat, Université Mohamed V au Maroc. Porteuse de cette licence et major de promotion, j’ai pu envoyer ma candidature aux différentes universités de la région parisienne dans l’objectif de préparer mes études en Master. Pendant ma première année en France, j’ai suivi les cours du master 1, parcours « Physique Fondamentale » de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC, Paris 6) / Sorbonne Universités, après quoi j’ai pu obtenir, avec mention bien, le grade du Master 2 recherche « Astronomie, Astrophysique et Ingénierie Spatiale (AAIS) », parcours Astrophysique, cohabilité par l’Observatoire de Paris, les Universités Paris 6, 7 et 11 et l’ENS Paris. Durant mon master, j’ai eu la chance d’effectuer un stage de trois mois au sein de l’équipe de Rosine Lallement au laboratoire GEPI à l’Observatoire de Paris. Au tout début j’étais décidée à ne faire qu’un stage, mais j’y suis finalement restée plus de trois ans pour y poursuivre ma thèse et c’est en grande partie grâce à Rosine. Son encadrement de qualité, son soutien moral et son ouverture d’esprit m’ont donné le courage d’aller jusqu’au bout. Ma thèse a été financée par la Région Île-de-France dans le cadre du programme 2015 du Domaine d’intérêt majeur en Astrophysique et Conditions d’Apparition de la vie (DIM-ACAV). J’ai soutenu ma thèse en novembre 2018 puis j’ai occupé un poste d’A.T.E.R (attachée temporaire d’enseignement et de recherche) au sein de la même équipe. En parallèle à mes travaux de recherche, j’ai une expérience dans l’enseignement : travaux dirigés (TDs) et travaux pratiques (TPs) en physique, en mécanique et en informatique. En tant qu’étudiante à l’Université PSL, j’ai occupé le poste de chargée de TDs/TPs pendant deux ans à l’Université Paris Diderot (Paris 7) et à l’IUT. Puis, j’ai effectué une mission de médiation scientifique en astrophysique au Palais de la Découverte à Paris pendant ma dernière année de thèse. En tant qu’assistante d’enseignement et de recherche (A.T.E.R) à l’Observatoire de Paris, j’ai eu l’occasion d’encadrer dix étudiants dans le cadre du diplôme universitaire « DU : Lumière sur l’Univers ». Après mon A.T.E.R, et grâce à l’obtention d’une bourse de visiteur scientifique, j’ai eu la chance de passer trois mois à l’Observatoire Européen Austral (ESO) au Chili dans le cadre d’un projet de collaboration avec Dr. Jonathan Smoker.
Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?
Enfant, j’ai réalisé que je voulais poursuivre dans un domaine pluridisciplinaire qui croise des techniques variées et le thème du ciel éveillait ma curiosité pour les sciences et a été très inspirant pour moi. Étudier l’astronomie est donc un peu un rêve d’enfance, mais mon intérêt pour l’astronomie s’est réellement concrétisé grâce à des chercheur.se.s que j’ai eu la chance de croiser tout au long de mon parcours et qui m’ont orientés dans mon choix de formation, je cite la rencontre avec Dr. Françoise Combes lors de sa conférence dans mon lycée à Rabat, les discussions avec Pr Samir Kadiri à l’Observatoire de Rabat et bien évidemment Pr. Zouhair Benkhaldoun, directeur de l’Observatoire d’Oukaimeden avec qui j’ai échangé la première fois dans le cadre de mon TIPE en classes préparatoires.
Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?
Comme tout.e étudiant.e expatrié.e, j’ai ressenti des difficultés durant mon parcours, surtout à mon arrivée en France : l’anxiété et la désorientation à cause du mal du pays, des démarches administratives lourdes, un système universitaire différent de celui de mon pays d’origine et le coût élevé de la vie à Paris. Petit à petit, j’ai fini par sortir de mon cocon, avoir un cercle d’ami.e.s, avoir mes propres repères, m’ouvrir à l’immersion culturelle, et apprendre à gérer mon budget. L’intégration dans le monde de la recherche en astronomie et dans le monde associatif m’ont également permis de m’adapter plus vite et de m’ouvrir plus à ce nouvel environnement où j’ai construit mes nouveaux repères. Au point où, lorsque je suis rentrée au Maroc après 7 ans en France, j’ai pu ressentir un choc culturel inverse !
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?
Comme les études sont longues, il faut beaucoup de détermination, de persévérance et de motivation, donc croyez en vous et en votre projet et ne renoncez pas après un premier échec (refus de stage, mauvaise note, …). Pour celles qui veulent s’expatrier pour leurs études, il est très important d’oser dépasser vos préjugés et faire preuve d’indulgence et d’ouverture d’esprit dans votre pays d’accueil, ce qui vous permettra de faire de très belles rencontres et de faire de votre parcours une expérience professionnelle et humaine très enrichissante. Après la thèse, je vous conseille de valoriser votre expertise (en d’autres termes, savoir vendre ses « soft skills« ) quel que soit votre domaine. Enfin, faites ce qui vous amuse le plus ! La passion est un facteur clé d’épanouissement.
Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?
Mes études en astrophysique m’ont beaucoup apporté sur tous les plans. Sur le plan technique, j’ai pu acquérir une grande expérience d’outils d’analyse statistique et informatique, à savoir la collecte, le traitement et l’analyse de données massifs à l’aide de logiciels comme Igor PRO et Python (expertise en data science, profil très demandé sur le marché de travail de nos jours). Mes travaux de recherche m’ont également aidé à développer et à affiner mes compétences en matière d’analyse et de méthodologie. Plus précisément, mon expérience en matière de rédaction d’articles m’a permis d’acquérir des qualités analytiques et des capacités d’autonomie: qualités très recherchées par les entreprises et les cabinets de conseil qui ouvrent de plus en plus leur recrutement aux docteurs. Mais l’apport de l’astrophysique ne se limite pas aux seules compétences techniques : l’enseignement et la médiation scientifique qui sont basés sur le contact direct avec les étudiants, les scolaires et le grand public, ont contribué à enrichir mon expérience en astrophysique moyennant quoi j’ai pu acquérir plusieurs « soft skills » comme l’adaptabilité, la créativité et l’esprit d’équipe.
Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?
Je pense qu’un des défis qui concernent les femmes en général est la gestion de leur quotidien entre contraintes familiales et obligations professionnelles, s’ajoute à cela l’auto-censure, en particulier dans un domaine comme l’astrophysique. Avoir un poste permanent en astrophysique nécessite non seulement l’obtention d’un doctorat (8 ans d’études après le bac, voire plus), mais aussi une expérience à l’étranger ou des post docs dans les quatre coins du monde. Un défi pour le recrutement des jeunes chercheuses car très souvent c’est un moment qui coïncide avec l’âge où la jeune chercheuse aspire à une stabilité familiale et affective ou avec des responsabilités de mère de famille.
Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?
Je suis co-fondatrice de la société Titritland, la première entreprise au Maroc qui offre des expériences ludiques et immersives à travers l’astronomie. De même, je souhaite créer en France une entreprise liée au développement de l’astro-tourisme et qui s’adresse à un public large. Mon projet en France est encore dans une phase d’étude. Je souhaite dans un premier temps approfondir mon étude en visitant les observatoires privés et publics de France et les endroits de ciel étoilé, afin de développer mon concept et d’étendre mon réseau de coopérations professionnelles. Je compte profiter de ce voyage pour ouvrir une chaîne Youtube dédiée aux observatoires astronomiques de France, dont je produirai des vidéos. J’ai également créé une auto-entreprise de droit français, Astrovel, qui donne une base juridique au commencement de mon projet.
Parallèlement à mon entreprise, je suis impliquée dans la promotion des sciences auprès du grand public par le biais de plusieurs associations et initiatives :
– Je suis présidente de l’association Spacebus Maroc, une opération de médiation scientifique itinérante. En 2016, un camion conçu pour l’occasion a traversé 17 villages et villes marocains. Environ 15 000 personnes de toutes les catégories sociales ont été initiées à la science à travers l’astronomie tout au long de l’itinéraire de 3000 km.
– J’ai été élue coordinatrice nationale du Comité National pour la vulgarisation (National Outreach Coordinator-NOC), du Bureau de l’Astronomie pour le grand public (OAO) de l’Union Astronomique Internationale (UAI).
– Je suis membre du comité de coordination de l’initiative « On the moon again », un événement international pour observer la Lune et célébrer les 50 ans de l’alunissage du 20 Juillet 1969 (www.onthemoonagain.org/).
– Je suis également vice-présidente en charge de la coopération internationale de la Fondation Atlas Dark Sky à Marrakech pour préserver le ciel étoilé au Maroc https://atlasdarksky.com/.
– Depuis 2017, je suis membre du comité de pilotage de l’initiative africaine pour les sciences planétaires : Africa Initiative for Planetary and Space Science (https://africapss.org/)
– Je suis membre du conseil d’administration (CA) de la Fondation Attarik pour les météorites et les sciences planétaires, chargée de partenariat et de levée de fonds.
Aujourd’hui, si mon parcours me confère une légitimité naturelle au sein de grands laboratoires de recherche, je suis également très intéressée par des challenges plus entrepreneuriaux dans les secteurs de l’éducation, du développement, de l’éco-tourisme. Je n’ai donc pas quitté l’astrophysique, mais je souhaiterais pouvoir oeuvrer pour que l’astronomie, soit un moyen de communication, d’enrichissement culturel et de transfert de savoirs certes, mais aussi un moyen de développement éco-touristique et de création d’une culture d’emploi inclusive auprès des jeunes. Cette vision peut se concrétiser en positionnant les différents endroits de ciel étoilé (dark skies) comme une destination astro-touristique et comme une destination pour héberger de grands projets d’Observatoires internationaux. D’une part, l’astro-tourisme, segment peu connu du tourisme durable, et qui utilise comme unique ressource le ciel sombre, consiste à valoriser des destinations pour y permettre l’observation de phénomènes astronomiques. Il peut s’agir d’aller observer les étoiles sous un ciel très sombre, de voyager pour voir les aurores boréales ou une éclipse, ou même d’assister au lancement d’une fusée. Plusieurs gouvernements ont reconnu les retombées de l’astro-tourisme, et ont adopté des lois pour économiser l’énergie et limiter l’éclairage extérieur. Au Maroc, la fondation Atlas Dark Sky dont je fais partie, a pour but principal d’accompagner les projets de création et de préservation des aires protégées au Maroc, vis-à-vis de la pollution lumineuse et de promouvoir les thématiques scientifiques dans le domaine de la préservation du patrimoine y afférent (Astronomie, Faune, Flore, Santé, Économie d’énergie, Écologie, Tourisme…). Cela signifie que ces réserves de ciel étoilé peuvent être mises en valeur pour créer des emplois et des opportunités non seulement pour les habitants locaux de ces régions qui sont souvent isolées mais aussi pour toute la population d’un pays.
D’autre part, concernant l’hébergement de grands projets d’observatoires internationaux, j’illustrerai mes propos avec l’exemple du Chili, où j’ai eu l’occasion de séjourner pendant trois mois, comme visiteur scientifique. En effet, on ne peut que constater le développement qu’a connu le pays à travers l’astronomie et tout particulièrement avec les projets de l’ESO (European Southern Observatory), qui a pour mission la construction et l’exploitation des grands télescopes pour l’Union Européenne. Cela a aidé à l’émergence d’une discipline de recherche scientifique, comme cela a été le cas pour des pays ayant bénéficié de telles installations ( ex : Afrique du Sud. . . ). En plus de la circulation permanente au Chili de scientifiques de renom et l’établissement de liens privilégiés avec la communauté d’enseignants chercheur.es chilien.nes, cette mobilité internationale a permis la création de centaines d’emplois pour la construction, l’opération et la maintenance des différents télescopes.