LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE
Super-Terres et Mini-Neptunes confirmées par l’Observatoire de l’Oukaimeden

Super-Terres et Mini-Neptunes confirmées par l’Observatoire de l’Oukaimeden

À la fin du deuxième millénaire, l’exploration de mondes situés au-delà de notre système solaire a bouleversé notre compréhension de l’Univers et stimulé un large éventail de recherches en astrophysique. Depuis la première découverte en 1995 d’une planète en orbite autour d’une étoile de la séquence principale autre que notre Soleil –une exoplanète–, ce champ d’étude est devenu l’un des domaines scientifiques les plus dynamiques. Depuis lors, diverses missions spatiales et terrestres ont été financées spécifiquement pour détecter et caractériser ces mondes exotiques, conduisant à la découverte de plus de 5500 d’entre eux à ce jour. La plupart transitent leurs étoiles hôtes :  lorsqu’une planète passe devant son étoile hôte, son disque planétaire occulte une partie du disque stellaire, ce qui entraîne une baisse de sa brillance apparente. Cette baisse se nomme signal de ”transit”. Le suivi photométrique des étoiles, qui vise à surveiller la luminosité des étoiles en fonction du temps, peut détecter les signaux de transit, conduisant ainsi à la détection d’exoplanètes. C’est le principe de la méthode des transits utilisée pour détecter la plupart des exoplanètes connues à ce jour. La mission spatiale TESS, lancée par la NASA en 2018, augmente rapidement le nombre de planètes en transit avec un accent particulier sur les exoplanètes de taille comprise entre celle de la Terre et de Neptune et en orbite autour d’étoiles brillantes et proches de notre système solaire. Ce concept rend plus facile la caractérisation détaillée des paramètres physiques des planètes détectées, tels que leurs rayons et masses, ainsi que leurs atmosphères. TESS a déjà détecté des signaux de type transit pour des milliers de candidats exoplanètes. Cependant, plusieurs de ces signaux pourraient être produits par d’autres phénomènes, tels que les binaires à éclipses, ou à l’activité même des étoiles (étoiles variables). Certains signaux pourraient être aussi produits par des artefacts instrumentaux. Ainsi, ces signaux doivent encore être re-observés et analysés pour confirmer leurs origines planétaires, en utilisant des mesures photométriques de plus grande précision à partir des télescopes au sol.

Tappist Nord à l’Observatoire de l’Oukaimeden

 

La confirmation des signaux de transit initialement détectés par la mission a suscité l’intérêt de nombreux observatoires et astrophysiciens à travers le monde. Dans ce contexte, mes travaux de thèse se sont inscrits dans un effort international visant à observer les candidates exoplanètes en transit afin d’identifier les signaux faux positifs causées par les phénomènes susmentionnés. Dans ce cadre, j’ai utilisé les deux télescopes TRAPPIST-Nord (à l’Observatoire de L’Oukaimeden au Maroc) et TRAPPIST-Sud (à l’Observatoire de la Silla au Chili) pour le suivi photométrique des signaux de transits pour plus de 260 exoplanètes candidates. Pour la majorité de ces signaux, la signature planétaire a été confirmée !

Tappist Sud au Chili

 

Une grande partie de ma thèse a été aussi consacrée à l’étude des exoplanètes plus grandes que la Terre (super-Terres) et plus petites que Neptune (mini-Neptunes), afin de comprendre leur formation et leur évolution. Bien que ce type de planète soit répandu dans l’Univers, il est absent de notre Système solaire, ce qui limite notre compréhension de leur origine et de leur évolution. À cet égard, j’ai dirigé l’article de découverte de la planète TOI-1680 b (Mourad et al. 2023). Il s’agit d’une planète de type super-Terre, premièrement détectée par TESS, et validée par le télescope TRAPPIST-Nord ainsi que par de nombreux autres instruments. Elle est 1.46 fois plus grande que la Terre et se situe sur une orbite de 4.8 jours autour d’une étoile de petite taille et astronomiquement proche de notre système solaire (à 37.14 parsecs). Étant donné que toutes les planètes connues ayant un rayon similaire à celui de TOI-1680 b sont majoritairement rocheuses, cette planète est potentiellement de cette nature. Cette supposition sera confirmée par la mesure de sa masse planétaire issue des observations de vitesse radiale, une autre technique pour la détection et caractérisation des exoplanètes. J’ai également évalué son potentiel pour la caractérisation atmosphérique, où j’ai découvert qu’elle pourrait être une candidate prometteuse pour ces études avec le Télescope Spatiale James Webb (JWST), d’autant plus que ce système se trouve à proximité de la zone d’observation continue de JWST. J’ai également dirigé un autre article présentant la découverte de deux autres super-Terres: TOI-6002 b et TOI-5713 b (Mourad et al. 2024). Les deux planètes sont de types super-Terre et chacune en orbite de presque 10 jours autour une étoile de petite taille et astronomiquement proche de notre Soleil. Vu leurs tailles, TOI-6002 b et TOI-5713 b peuvent être soit de compositions rocheuses ou riches en eau. Au vu de leur température de surface et de leur distance respective à l’étoile, il n’est pas clair si elles ont conservé leur atmosphère ou non. Ces résultats les classent comme des cibles importantes pour déterminer leur masse via des observations de vitesse radiale.

Mourad GHACHOUI et Emmanuel Jehin à l’observatoire de l’Oukaimeden

 

Lorsque leurs masses seront déterminées, les planètes découvertes seront ajoutées à l’échantillon d’exoplanètes sur lequel des investigations statistiques approfondies seront menées pour comprendre comment les super-Terres et les mini-Neptunes se forment et évoluent autour des étoiles de petite taille. Ces études seront effectuées sur la base de la Vallée des Rayons (Radius Valley) –un déficit de planètes entre 1.5 et 2 rayons terrestres, séparant les super-Terres rocheuses des mini-Neptunes riches en gaz. Elle résulte probablement de la perte d’atmosphère due au rayonnement stellaire. Il est intéressant de noter que les deux planètes sont situées près du bord intérieur de la zone habitable de leurs étoiles hôtes, ce qui en fait également des cibles intéressantes pour de futures études atmosphériques visant à élargir notre compréhension de l’habitabilité potentielle autour des étoiles de petite taille et comment des planètes potentiellement habitables deviennent des planètes semblables à Vénus.

Actuellement, en tant qu’astrophysicien enseignant-chercheur à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech (Maroc) et à l’Observatoire de l’Oukaimeden, je poursuis mes efforts de recherche dans la détection et la caractérisation de ces mondes exotiques, ainsi que dans l’étude de leur histoire de formation et d’évolution.

 

Mourad GHACHOUI 

Notes:

  1. Ghachoui, M., et al. (2023) TESS discovery of a super-Earth orbiting the M-dwarf star TOI-1680. A&A 677, A31. https://doi.org/10.1051/0004-6361/202347040
  2. Ghachoui, M., et al. (2024) TESS discovery of two super-Earths orbiting the M-dwarf stars TOI-6002 and TOI-5713 near the radius valley. A&A 690, A263. https://doi.org/10.1051/0004-6361/202451120

 

 

 

Rencontre avec Jacob Tolno, vainqueur d’une lunette en Guinée

Rencontre avec Jacob Tolno, vainqueur d’une lunette en Guinée

Je m’appelle Jacob Tolno, je suis le NAEC de la Guinée ( National Astronomy Education Coordinator).

J’ai le plaisir de partager avec vous mon parcours depuis que j’ai obtenu la lunette astronomique grâce à la collaboration SSVI, RFI et astronomie Afrique.

Sachez qu’avant cette lunette, SSVI-RFI, j’avais un petit télescope qu’un ami m’avait offert. Je l’utilisais pour faire des animations avec les tout-petits.

En 2021, j’ai la chance de décrocher la lunette SSVI grâce à une présentation d’activités avec mes élèves. Et c’est là où tout a commencé.

J’ai créé une association, la première dans mon pays, avec des étudiants, enseignants et passionnés de l’astronomie. Ensemble, nous avons entamé des sorties scolaires et les formations dans les écoles.

Vite répertorié par les autorités de l’éducation, je suis devenu un acteur majeur dans la promotion de la science en milieu scolaire et universitaire.

Avec cette lunette, nous avons fait découvrir les merveilles de la voûte céleste aux jeunes élèves et étudiants et suscité d’autres passions. Aujourd’hui beaucoup de personnes s’intéressent à l’astronomie particulièrement les plus jeunes.

Nous participons également aux projets internationaux notamment « on the moon again » et le programme « Nase – Network for Astronomy School Education » qui consistent à observer la lune et à suivre la formation en astroculture.

La plus grande satisfaction depuis l’obtention de cette lunette, est la réalisation de mon rêve ; l’introduction pour la première fois, des cours d’astrophysique dans mon pays.

Les experts nous ont aidés dans la formation et le montage du projet académique avec le concours de l’académie des sciences.

S’Il faut ajouter un autre atout, je dirais que SSVI, RFI et astronomie Afrique ont fait murir en moi le désir et la passion qui m’habitaient et aujourd’hui après avoir impacté la population guinéenne, j’apporte ma contribution et ma petite expérience en Afrique et dans le monde.

Je remercie très sincèrement SSVI, RFI et ASTRONOMIE AFRIQUE pour m’avoir révélé aux yeux du monde.

Et toi, veux-tu faire comme moi ?

Jacob Tolno

Le Maroc, lauréate du challenge international Younivers

Le Maroc, lauréate du challenge international Younivers

Entre mars et décembre 2024, 90 jeunes d’Albanie, Algérie, Belgique, France, Madagascar, Maroc, Sénégal et Tunisie de 11 à 18 ans, ont réalisé une cinquantaine de vidéos astronomiques. La finale internationale s’est déroulée en visio le 10 janvier 2025. Tous les lauréats de chaque pays ont gagné une lunette astronomique offerte par SSVI.  La lauréate du challenge de la francophonie est Sofia Zerktouni (Maroc) et a gagné une météorite lunaire offerte par Luc Labenne.

Découvrez tous les lauréats sur la chaine Younivers.

Sofia Zerktouni (Maroc) a répondu à la question « Comment décollent les fusées »

 

Félicitons également aux lauréats malgaches RAFANOMEZANTSOA Julie (12 ans)- RANDRIAMIANDRISOA Nampoina (13 ans)- RAZAFIMANDIMBY Ravoniaina (14 ans) qui ont répondu à la question « Comment distinguer les étoiles des planètes »

 

Bravo aux lauréates Sénégalaises Kadiata Deh et Mariama Ndiaye qui ont répondu à la question « Comment fonctionne un nanosatellite »

Bravo à la lauréat tunisienne Nesrine Abdelhedi qui a répondu à la question « Comment se forment les marées? »

 

Et felicitations également à le lauréat algérien Mohamed Anis Benzehra qui a répondu à la question Comment les exoplanètes pourraient-elles être habitables ? » »

 

 

Planétarium: histoire d’une machine à montrer les étoiles

Planétarium: histoire d’une machine à montrer les étoiles

Chaque année en France, plus d’un million de visiteurs prennent place sous la coupole d’un planétarium. Depuis les années 2000, les planétariums sont devenus de véritables centres culturels, proposant des conférences, des spectacles immersifs et des programmes éducatifs pour tous les âges. Ils jouent un rôle crucial dans la sensibilisation du public aux questions de l’astronomie, de l’astrophysique et de l’exploration spatiale. Leur nombre ne cesse de croître et l’offre culturelle qu’ils proposent permet de satisfaire les attentes de tous les publics.

Planétaire Zeiss Starmaster utilisé au Palais de la découverte de 1997 à 2019. (© S. Fontaine)

 

Un planétarium sert à reproduire l’aspect de la voûte céleste et les mouvements observables dans le ciel au cours du temps (phases de la Lune, mouvements des planètes le long de l’écliptique, etc.). Traditionnellement, il s’agit d’un dispositif comprenant un système optique de projection d’étoiles et de planètes appelé planétaire et une coupole servant de surface de projection. De nos jours, les systèmes de projection numérique permettent la diffusion de vidéos sur toute la surface du dôme, offrant une immersion totale parmi les étoiles de la Galaxie et rendant possible la visite d’astres lointains.

Les origines

Le mot planétarium est très ancien : dans l’Antiquité, il désignait une maquette représentant le Système solaire et les mouvements des astres mobiles (Soleil, Lune et planètes).À la fin du XVIIe siècle apparaissent les modèles héliocentriques, comme celui de Christiaan Huygens construit en 1682. Mais à cette époque, les planétariums ne ressemblaient pas du tout à ceux que l’on connaît aujourd’hui ; ils ne représentaient pas les étoiles !

C’est en 1664 qu’apparaît le véritable ancêtre du planétarium tel qu’on se l’imagine aujourd’hui : le Globe de Gottorp, construit par le duc Frédéric III de Holstein-Gottorp au sein de son château situé dans le nord du Schleswig-Holstein, en Allemagne. Mesurant environ 3 mètres de diamètre, le Globe de Gottorp représentait la sphère terrestre sur sa face extérieure et abritait un planétarium dans son intérieur. Les étoiles, l’écliptique et les figures mythologiques des constellations étaient peints sur la paroi. Le globe était monté sur un axe qui permettait sa rotation afin de simuler le mouvement diurne et une dizaine de spectateurs pouvaient y prendre place pour admirer le ciel « tourner tout autour de soi»!

 

Reconstitution du Globe de Gottorp. (©Stiftung Schleswig-Holsteinische Landesmuseen)

 

En 1923, le premier planétarium projette ses étoiles sous la coupole installée sur le toit de l’usine Zeiss, à Iéna, Allemagne. (© Zeiss archive)

 

Voir et comprendre le ciel grâce à des ampoules

En 1919,Walther Bauersfeld, directeur de la société allemande Carl Zeiss, imagine le concept de planétarium moderne. Il confie la réalisation technique du projet à Max Wolf (directeur de l’observatoire de Heildelberg) et à Oskar von Miller (ingénieur et cofondateur du Deutsches Museum de Munich). Le prototype fut présenté en 1923, au siège de la société Zeiss, à Iéna (Allemagne). Le concept est celui employé encore aujourd’hui : « un ciel artificiel éclairé de l’intérieur par un projecteur central ». Pour ce faire, la lumière d’une lampe traverse les trous percés dans des plaques métalliques et se projette sur une coupole. Chaque trou correspond à la position d’une étoile. D’autres appareils motorisés permettent de projeter et de déplacer l’image des planètes, de la Lune et du Soleil le long de l’écliptique. Le tout offrant une simulation du ciel étoilé assez réaliste et dont certains mouvements sont fidèlement reproduits. Outre la présentation des constellations, le conférencier peut donc montrer et expliquer le mouvement diurne, les éclipses, les rétrogradations planétaires, etc.Tous ces mouvements célestes sont présentés « vus depuis la Terre » : les explications doivent donc être données en se référant au système géocentrique, ce qui exige un grand talent de vulgarisation de la part des conférenciers « planétaristes » pour expliquer des notions parfois complexes. Pendant longtemps, la présentation du phénomène des saisons a même servi de test pour le recrutement des nouveaux planétaristes.

En 1925, le premier planétarium fut installé au Deutsches Museum de Munich. Le succès fut immédiat et le concept se répandit rapidement dans le monde entier, en particulier aux États-Unis et en Europe. Des villes comme Chicago (en 1930), NewYork (en 1935) et Paris (en 1937) érigèrent des planétariums qui attirèrent rapidement tous les amateurs de sciences et de technologies ; sans oublier les visiteurs un peu rêveurs, et même romantiques, simplement venus revoir les étoiles disparues depuis déjà longtemps du ciel des grandes villes. Dès le début, les planétariums ont aussi été utilisés pour présenter des spectacles, notamment musicaux. Aujourd’hui encore, de nombreux concerts sont donnés sous les étoiles, pour le plus grand bonheur des astronomes et des mélomanes.

En seulement quelques années de perfectionnement, le planétarium est devenu un outil pédagogique puissant permettant de simuler des phénomènes astronomiques passés, présents et à venir visibles depuis n’importe quel point de la surface terrestre. L’excellente qualité des lentilles développées par la société Zeiss a permis une projection fidèle du ciel et une grande attention a été portée au respect des magnitudes et aux couleurs des étoiles. De nos jours, les planétaires opto-mécaniques, projecteurs qui mêlent mécanique pour rendre compte des mouvements des astres et système optique, projettent environ 9 000 étoiles (pour les deux hémisphères célestes).

Rapidement, de nombreux concurrents de la société Zeiss ont fait leur apparition, comme Spitz, aux États-Unis, à partir de 1947, et GoTo, au Japon, en 1959. Jusque dans les années 2000, la firme allemande est restée le leader mondial incontesté et bénéficie, aujourd’hui encore, d’une notoriété sans égale.

 

Des systèmes en évolution

Progressivement, le nombre de projecteurs annexes intégrés aux nouveaux planétariums a augmenté.Ainsi ont été proposés au catalogue des constructeurs : des projecteurs optionnels de repères astronomiques (équateur céleste, écliptique, cercle de précession, cercles horaire et vertical mobiles, pôles célestes, méridien, etc.), des simulateurs d’éclipses de Lune et de Soleil, des projecteurs de pluies d’étoiles filantes,les figures mythologiques des constellations, etc.

Au milieu des années 1970, le concept de « laserium » fut installé au Griffith Observatory & Planetarium de Los Angeles (Californie, É.-U.). Des effets spéciaux à base de lasers et des images mouvantes, souvent psychédéliques, étaient projetés sur la coupole du planétarium.Aucun commentaire scientifique n’accompagnait cette programmation proposée en fin de journée. Seule de la musique était diffusée grâce à un système audio multicanal qui plaçait le spectateur au centre d’une expérience sensorielle unique. Ce concept a été rapidement présenté dans d’autres planétariums.

Dans les années 1980, afin d’enrichir les présentations, la plupart des planétariums ont été dotés de projecteurs de diapositives. Dans certaines salles, la projection pouvait même se faire sur l’intégralité de la surface de la coupole ! Certes, l’immersion est fantastique, mais le coût d’installation est exorbitant et la maintenance est un défi de chaque instant pour les techniciens (qui sont, parfois, aussi les conférenciers). Certaines coupoles de plus de 20 mètres de diamètre, comme à la Cité des sciences et de l’industrie (Paris), disposaient d’au moins 120 projecteurs afin de diffuser des images « pleine voûte ».

 

Griffith Observatory & Planetarium sur les hauteurs de Los Angeles. La grande coupole centrale abrite le planétarium tandis que lunette et télescope se trouvent sous les deux plus petites. (© Matthew Field)

Des avancées technologiques au service de la médiation scientifique

À la fin des années 1980, l’idée de remplacer les planétaires opto-mécaniques et les projecteurs de diapositives par des vidéoprojecteurs excite les esprits des montreurs d’étoiles et des constructeurs de planétariums. Le concept a de quoi séduire : une fois le logiciel dédié à la présentation du ciel développé, il ne resterait plus qu’à projeter sur le dôme la modélisation de la voûte céleste pour s’envoler vers les étoiles.

Les premières installations de ce type furent présentées au début des années 1990. Mais pour de nombreux utilisateurs exigeants, la technologie de projection n’était pas encore au point : les images étaient peu lumineuses et la définition médiocre. Surtout, le ciel étoilé était bien fade comparé à celui des vénérables systèmes opto-mécaniques qui projettent des étoiles éclatantes et ponctuelles qu’aucune autre technologie n’égale encore.

Lorsque des vidéoprojecteurs plus performants furent commercialisés et que les systèmes informatiques permirent de calculer en temps réel les lourdes images animées, la promesse fut tenue. Mais il restait encore à élaborer des techniques simples et fiables pour disposer et calibrer les vidéoprojecteurs. En effet, selon le diamètre de la coupole, le type de matériel utilisé et la résolution souhaitée, il convient souvent d’installer une dizaine de vidéoprojecteurs sous la coupole ! Des problèmes d’alignement, de recouvrement des images, de géométrie et d’harmonisation de la colorimétrie et de la luminosité se posent rapidement, surtout dans le cas d’une projection sur une surface sphérique. Conserver une qualité de projection optimale se révèle être un épouvantable cassetête pour les équipes techniques…

C’est à partir de 2010, que les projecteurs opto-mécaniques traditionnels furent peu à peu remplacés ou complétés par des systèmes numériques capables de produire des images haute résolution (une résolution de 8K est courante en 2024). Des logiciels sophistiqués permettent désormais de visualiser des données astronomiques en temps réel (positions des exoplanètes, catalogues de galaxies, positions des satellites artificiels, etc.), de présenter des phénomènes astronomiques (éclipses, transits planétaires, précession des équinoxes, etc.), d’explorer des surfaces planétaires, d’approcher des galaxies lointaines, de traverser des nébuleuses, etc. Grâce aux systèmes numériques, les présentations ne se limitent plus à l’observation du ciel vu depuis laTerre.Au pied levé, l’animateur peut désormais « emmener » le public en voyage dans le Système solaire, puis assister à la formation d’étoiles nouvelles avant de sortir de laVoie lactée…

 

Planétarium hybride où l’usage conjoint d’un planétaire opto-mécanique d’un sytème numérique de projecction pleine voute permet tous les types de présentations possibles. (© Zeiss Planetarium Bochum)

 

Depuis l’an 2000, le nombre de planétariums a doublé dans le monde, passant d’environ 1 500 à 3 000. Certaines salles proposent d’autres thèmes que ceux dédiés au ciel et à l’espace : dinosaures, volcans, exploration des fonds marins, visite des pyramides d’Égypte, etc. Pour certains établissements, c’est cette offre multiple qui rend économiquement viable la construction d’un « planétarium ». De surcroît, les systèmes numériques sont prévus pour être totalement automatisés. De nos jours, nul besoin d’astronome pour faire tourner un planétarium !

 

 

Les nouveaux systèmes de projection soulèvent la question de la disposition des fauteuils installés sous la coupole. Avec la possibilité de diffuser des séquences vidéo, voire des films complets, la disposition concentrique des sièges, c’est-à-dire répartis autour du planétaire placé au centre de la salle, peut laisser place à une installation orientée où chaque spectateur portera le regard dans la même direction, à l’instar des salles de cinéma. Certes, le public gagne en confort, mais la capacité d’accueil du planétarium est alors réduite d’au moins 30 % par rapport à une installation concentrique.

Une salle dite « orientée » offre aussi la possibilité de placer une scène située face au public. Un choix qui peut se révéler très judicieux, surtout si la salle est inclinée, pour présenter des spectacles et des conférences. C’est ce type de planétarium, très polyvalent, qui équipe désormais de nombreux musées.

Plusieurs décennies durant, le public qui assistait à une séance de planétarium écoutait le conférencier ; ce dernier, muni « d’une flèche lumineuse » pour montrer les étoiles, commentait le ciel étoilé tout en pilotant le planétaire afin de simuler les mouvements des astres. De nos jours, beaucoup de planétariums proposent, avec succès, des présentations mixtes : une partie de séance enregistrée et une partie assurée en direct par un animateur. D’autres planétariums, de plus en plus rares, ont réussi à conserver l’intégralité de leurs présentations en direct. Ce qui permet d’adapter le discours en fonction du public présent, de coller à l’actualité astronomique et de créer une agréable complicité entre l’animateur et l’auditoire durant la présentation qui dure généralement une heure. Une philosophie de présentation appréciable mais exigeante puisqu’elle nécessite la mise en place d’une équipe de plusieurs conférenciers formés à l’astronomie et à sa vulgarisation dans un planétarium.

En 2021, les « dômes LED » ont fait leur apparition. Ici, pas de projecteur : toute la surface de la coupole est recouverte de LED et elle devient ainsi un gigantesque écran de télévision. La technologie est onéreuse et le rendu n’est pas encore optimal : la diffusion est trop lumineuse pour un usage astronomique et la définition est à la traîne.À l’origine, cette technologie a été développée pour équiper des panneaux publicitaires installés en extérieur et visibles de nuit comme de jour. De plus, la consommation électrique est importante et les LED chauffent considérablement, ce qui exige un système de climatisation performant afin de préserver les matériels et garantir le confort des spectateurs. Mais ces systèmes vont rapidement être améliorés et il ne fait pas de doute qu’ils se multiplieront dans les années à venir. Cette nouvelle façon de concevoir un planétarium est très enthousiasmante et de nombreuses installations de ce type sont en cours de réalisation.

 

Montreur d’étoiles : un beau métier sous les étoiles

En un siècle d’existence, les planétariums ont bénéficié d’un grand nombre de développements technologiques, mais la promesse initiale reste la même : voir les étoiles pour rêver et pour apprendre. De nombreuses vocations scientifiques résultent directement de la visite de tels équipements, et les montreurs d’étoiles qui animent chaque jour les planétariums enchanteront pendant encore longtemps tous les curieux venus passer un moment sous la coupole.

 

Sébastien FONTAINE | Unité Astronomie & Planétarium du Palais de la découverte

 

 

 

 

 

Le JWST prend un cliché infrarouge d’une géante gazeuse extrasolaire

Le JWST prend un cliché infrarouge d’une géante gazeuse extrasolaire

Le JWST a récemment obtenu une image directe, dans l’infrarouge, d’une exoplanète de type super-Jupiter. L’analyse de cette image et de données plus anciennes suggère que l’atmosphère de cette planète est enrichie en carbone et que sa température est de l’ordre de 275 K.

Images de l’exoplanète Eps Ind Ab obtenues par le coronographe du spectro-imageur MIRI du JWST aux longueurs d’onde 10,65 et 15,50 μm. L’étoile hôte (Eps Ind A), masquée par le coronographe, est au centre de l’image (étoile orange). Les barres blanches sur la figure de droite correspondent à des distances angulaires de 2,75” et 2,0”, soit 10 et 2,78 unités astronomiques. (© Matthews et al., 2024)

 

Parmi la vingtaine de planètes détectées jusqu’à présent par imagerie directe, toutes font partie de systèmes stellaires âgés de moins de 500 millions d’années, donc relativement jeunes. À l’aide du coronographe [1] du spectro-imageur MIRI installé sur le télescope spatial James-Webb (JWST), une équipe internationale d’astronomes conduite par Elisabeth Matthews, astrophysicienne au Max Planck Institute en Allemagne, et comprenant deux chercheurs de l’Observatoire de Paris-PSL vient d’obtenir une image infrarouge d’une exoplanète orbitant autour d’une étoile âgée d’environ 3,5 milliards d’années, Eps Ind A [2].

Cette étoile est située dans la constellation de l’Indien, à environ 11,8 années-lumière de la Terre. Elle est de type spectral KV5, donc un peu plus petite et moins massive que le Soleil. En 2003, des astronomes ont découvert une naine brune de masse comprise entre 40 et 60 fois la masse de Jupiter se déplaçant autour d’Eps Ind A. Les mesures de vitesse radiale disponibles à cette époque laissaient également entrevoir la présence, en plus de la naine brune, d’une planète géante dont l’existence n’a été confirmée qu’en 2018, sur la base de nouvelles mesures de la vitesse radiale. La masse de cette exoplanète, logiquement appelée Eps Ind Ab, avait alors été estimée à 3 fois la masse de Jupiter, et le demi-grand axe de son orbite à 11,6 unités astronomiques. L’image obtenue par le JWST apporte une confirmation supplémentaire (et directe) de son existence. En reprenant les mesures de vitesse radiale effectuées depuis une trentaine d’années, les astronomes ont pu aussi préciser ses propriétés et celles de son orbite. Selon ces nouvelles estimations, Eps Ind Ab serait ainsi plus massive que prévu, autour de 6,3 fois la masse de Jupiter, ce qui la range dans la catégorie des super-Jupiter, et elle se déplacerait sur une orbite très excentrique (e = 0,4) de demi-grand axe égal à 28,4 unités astronomiques, qu’elle accomplirait en environ 170 ans.

Les observations du JWST, effectuées dans l’infrarouge moyen, à 10,65 et 15,50 μm de longueur d’onde, permettent également d’apporter quelques informations sur l’atmosphère d’Eps Ind Ab. Les mesures de photométrie réalisées à ces longueurs d’onde sont compatibles avec les spectres d’émission calculés pour une atmosphère de planète géante gazeuse à une température de 300 K. Pour obtenir plus de précisions, des observations à d’autres longueurs d’onde sont nécessaires. En particulier, on s’attend à ce que l’atmosphère d’une géante gazeuse émette assez fortement autour de 3,5 et 5,0 μm, deux longueurs d’onde qui ne sont pas couvertes par MIRI. Les astronomes se sont donc tournés vers des images d’archive obtenues au VLT (Very Large Telescope) par deux spectro-imageurs différents : VIRIS, dont la gamme de longueurs d’onde est comparable à celle de MIRI et NaCo, qui couvre une gamme de longueurs d’onde plus petite, de 1 à 5 μm. Eps Ind Ab apparaît bien sur les images de VIRIS, mais pas sur celles de NaCo. Selon Elisabeth Matthews et ses collaborateurs, cette absence pourrait trahir la présence d’importantes quantités de méthane (CH4), de monoxyde de carbone (CO) et de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère d’Eps Ind Ab, ces molécules étant responsables d’une forte absorption entre 3,5 et 5,0 μm. Autrement dit, l’atmosphère d’Eps Ind Ab serait enrichie en carbone. De plus, lorsque l’on tient compte de cet enrichissement, la comparaison entre les mesures de photométrie disponibles et les spectres d’émission théoriques suggèrent que la température de l’atmosphère d’Eps Ind Ab est de l’ordre de 275 K, ce qui en fait l’une des exoplanètes les plus froides observées à ce jour.

Les astronomes espèrent maintenant obtenir des images infrarouges d’autres géantes gazeuses d’âge comparable à celui de notre Système solaire. Plusieurs candidates sont en lice et devraient faire prochainement l’objet d’observation par le JWST. Les astronomes espèrent aussi réaliser des observations à des longueurs d’onde comprises entre 3,5 et 5,0 μm afin de déterminer lesquelles parmi ces planètes sont potentiellement enrichies en carbone et en autres éléments lourds.

 

Frédéric Deschamps – IESAS, Taipei, Taïwan

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