LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE
Les super-terres possèdent-elles de gros satellites ?

Les super-terres possèdent-elles de gros satellites ?

Selon des simulations numériques d’impacts géants, il serait très difficile de former de gros satellites autour de planètes rocheuses de masse supérieure à 6 masses terrestres.

 

Si l’on met de côté le cas un peu particulier du couple Pluton-Charon, la planète du Système solaire possédant le plus gros satellite par rapport à sa propre masse est la Terre. La Lune représente en effet plus de 1 % de la masse terrestre. Cette configuration serait le résultat d’un impact géant survenu il y a environ 4,47 milliards d’années (Ga) entre une planète, la proto-Terre, un peu plus petite que la Terre elle-même, et un objet de la taille de Mars, Théia. Cet impact aurait détruit Théia et excavé une partie du manteau terrestre. Et c’est à partir de ce matériau rassemblé en un disque de gaz et de débris que la Lune se serait formée. Selon les modèles actuels d’évolution du Système solaire, les impacts géants auraient été inévitables, et même communs, dans la jeunesse de celui-ci. Au point que l’on se demande pourquoi Vénus ne possède pas, elle aussi, un gros satellite1. Une autre question brûle les lèvres : qu’en est-il des autres systèmes planétaires ? De nombreuses exoplanètes de taille comparable à la Terre (exo-Terres) ou un peu plus grosses (super-Terres) ont été recensées. Celles-ci possèdent-elles, dans leur majorité, de grosses exo-lunes ? Une équipe de chercheurs dirigée par Miki Nakajima, de l’université de Rochester, s’est penchée sur cette question à l’aide de simulations numériques d’impacts géants2. Ces chercheurs notent tout d’abord qu’une étude approfondie réalisée sur une soixantaine de super-Terres répertoriées dans le catalogue de la mission Kepler n’a mis en évidence aucune exo-lune autour de ces exoplanètes. Détecter une exo-lune n’est évidemment pas une mince affaire, et ce résultat négatif ne signifie pas que les super-Terres sont systématiquement dépourvues de satellite. Mais il se pourrait aussi qu’il traduise une tendance bien réelle. C’est en tout cas ce que suggèrent les simulations numériques de Miki Nakajima et de ses collègues (fig. 1). Selon ces calculs, la formation d’un gros satellite à la suite d’un impact géant ne pourrait pas se produire pour des super-Terres rocheuses de 6 masses terrestres ou plus (fig. 2), ce qui correspond à des planètes d’au moins 1,6 rayon terrestre. Pour des super-Terres composées de glace, la masse seuil tombe à une masse terrestre, soit une planète d’environ 1,3 rayon terrestre. Ce résultat s’explique par la quantité d’énergie libérée pendant l’impact, qui est d’autant plus élevée que la masse totale du système (proto-planète plus impacteur) est grande. Or, plus cette énergie est élevée, plus la fraction de matériau à l’état de vapeur dans le disque de débris est importante. Un embryon de satellite de 100 m à 100 km se formant dans un tel disque est soumis à d’intenses forces de frottement qui le poussent à migrer vers la planète mère. Son destin est alors inéluctable : il va, à brève échéance, franchir la limite de Roche et se disloquer. Difficile, dans ces conditions, de former un gros satellite. 

 

Deux simulations numériques pour des planètes d’une masse terrestre, en haut (Rocky planet), pour une planète rocheuse, et en bas (Icy planet) pour une planète de glace. Dans le premier cas, il se forme bien un satellite, mais pas dans le second. Pour les planètes rocheuses, la masse seuil au-dessus de laquelle la formation d’un satellite est entravée est de 6 masses terrestres. (Nakajima et al., 2022)

 

Si ces simulations reflètent la réalité, la chasse aux exo-lunes autour de super-Terres pourrait s’annoncer plus compliquée que prévu. Elle devra en effet se focaliser sur des planètes de taille comparable à celle de la Terre, ce qui requiert des moyens d’observation plus puissants que pour une recherche similaire autour de super-Terres. Ce résultat compromet aussi quelque peu l’habitabilité des super-Terres. La présence de la Lune permet en effet de maintenir l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre dans une gamme de valeurs relativement étroite. Notre planète peut ainsi se prémunir de variations climatiques trop extrêmes ou fréquentes, donnant à la vie le temps nécessaire pour évoluer vers des formes complexes. 

 

Selon les simulations numériques de Miki Nakajima, la formation de gros satellites suite à un impact géant n’est sans doute pas possible pour les super-Terres trop massives. Le seuil se situe autour de 6 masses terrestres pour les planètes rocheuses (à gauche), et une masse terrestre pour les planètes de glace (à droite). (© Nakajima et al., 2022)

 

Par Frédéric Deschamps, IESAS, Taipei, Taïwan

 

Notes :

1. Cette question n’a pour le moment pas de réponse. Une hypothèse est que Vénus aurait subi deux impacts. Le premier aurait bien créé un satellite, mais le second aurait modifié la rotation de Vénus de telle façon que, sous l’effet des forces de marée, ce satellite aurait migré vers Vénus au lieu de s’en éloigner, et se serait disloqué en franchissant la limite de Roche. Cette explication a le mérite d’expliquer la vitesse de rotation faible et rétrograde de Vénus. Mais il est aussi possible que Vénus n’ait pas subi d’impact géant.

2. Nakajima M. et al., « Large planets may not form fractionally large moons », Nature Communications, 13:568, 2022. doi : 10.1038/s41467-022-28063-8.

Accélération record de particules dans une nova

Accélération record de particules dans une nova

L’étoile RS Ophiuchi (Oph) est une étoile variable du type « nova récurrente ». Huit pics d’activité ont été observés depuis 1898. Le 8 août 2021, l’AAVSO [1], qui rassemble des mesures d’étoiles variables effectuées par des astronomes (majoritairement amateurs), a alerté la communauté sur une reprise de l’activité éruptive de RS Oph. Le lendemain, le télescope Hess (High Energy Stereoscopic System) commençait une campagne de suivi de la nova. 

Vue d’artiste d’une binaire naine blanche- géante rouge, après l’explosion de la nova. La naine blanche est cachée dans la région très lumineuse, tout au centre. Un peu à gauche du centre, on voit la géante rouge et de la matière se détachant de celle-ci qui tombe sur la naine blanche. La naine blanche n’est pas détruite, mais de la matière accumulée à sa surface est éjectée lors d’une explosion nucléaire. Cette matière s’étend dans deux lobes (dirigés selon l’axe de rotation de la naine blanche). L’interaction de ces lobes avec le milieu interstellaire est la cause de phénomènes d’accélération de particules à de très hautes énergies, qui elles-mêmes émettent des photons très énergétiques, figurés sur l’image par les zones blanchâtres en haut et en bas de l’image.

 

Le télescope Hess, situé en Namibie, observe les rayons gamma de très haute énergie en provenance de l’Univers. De telles émissions proviennent d’événements hautement énergétiques, comme des supernovae,  des nébuleuses de pulsars, ou des noyaux de galaxies actives. Jamais une nova n’avait été recensée comme une source de photons observables par Hess. 

RS Oph est une étoile naine blanche ayant une étoile géante rouge pour compagne. De la matière de la géante tombe sur la naine et s’accumule à sa surface jusqu’à ce que les conditions de température et de densité engendrent des explosions nucléaires. La rencontre de la matière éjectée dans l’espace par ces explosions avec le milieu interstellaire provoque des ondes de choc dans lesquelles des particules peuvent être accélérées à de très hautes énergies. Ces particules accélérées sont alors des sources de rayons gamma. Ces photons jusqu’à des énergies par photon de 10 GeV, peuvent être observés avec le télescope spatial Fermi Lat. Lors de l’événement observé du 9 au 25 août 2021 par Hess, des photons d’énergie supérieure à 100 GeV ont été enregistrés. C’est environ 100 fois l’énergie de masse (le fameux mc2) d’un proton, c’est beaucoup pour un photon. Le maximum d’émission à très haute énergie s’est produit 3 jours après le maximum d’émission des photons gamma de moindre énergie enregistrés par le télescope Fermi Lat. Ce retard et des modélisations des phénomènes d’accélération dans les chocs indiquent que probablement les particules accélérées causant les photons gamma de très haute énergie sont des protons ou des noyaux atomiques. Autrement dit, pendant quelques jours, RS Oph a été une source de rayons cosmiques. D’après les modèles théoriques, l’énergie maximale que peuvent atteindre des particules accélérées par une nova a été atteinte avec l’événement d’août 2021.

Par Fabrice Mottez, Observatoire de Paris-PSL

 

Notes

1. AAVASO = American Association of Variable Star Observers.

2. Collaboration H.E.S.S., « Revealing time-resolved particle acceleration in the recurrent Nova RS Ophiuchi »,  Science, 10 mars 2022.

Signatures radiométriques des structures d’impact : Applications et Perspectives pour l’Exploration Géologique.

Signatures radiométriques des structures d’impact : Applications et Perspectives pour l’Exploration Géologique.

Les cratères d’impact

Les cratères d’impacts sont des structures géologiques en forme de dépression circulaire, formées par l’impact lorsqu’un astéroïde (ou une comète) entre en collision avec la surface d’un corps planétaire (French, 1998). La vitesse de ces collisions est très élevée (plusieurs kilomètres à dizaines de kilomètres par seconde), et le processus d’impact implique une physique très particulière pour rendre compte des phénomènes intenses et rapides qui se produisent sous l’effet de la pression et de la chaleur produite par ces impacts. Ce phénomène, souvent qualifié de catastrophe géologique, est cependant un processus très commun dans le Système Solaire, et sans doute dans l’ensemble des systèmes planétaires.

Figure 1 : Carte radiométrique de l’Australie (K : 0 – 2,91 wt %, canal rouge ; Th : 0 – 31,93 ppm, canal vert ; U : 0 – 3,58 ppm, canal bleu). La localisation des 17 structures d’impact exposées de diamètre > 3 km est indiquée. Les structures d’impact associées à des motifs radiométriques circulaires en K, Th, et/ou U sont mises en évidence en jaune et rouge. Les motifs circulaires les plus proéminents et qui ont été examinés en détail dans cette étude sont indiqués en rouge. Les cercles noirs indiquent les structures d’impact ne présentant pas de motifs radiométriques circulaires.

 

Sur Terre, les structures d’impact sont étudiées par des approches pétro-géochimiques à partir des échantillons de roche prélevés sur le terrain, ou lors de forages. Ils sont également étudiées par des méthodes géophysiques permettant de connaitre la nature du sous-sol, en particulier à l’aide de la gravimétrie, du magnétisme, ou de la sismique réflexion/réfraction. Parmi les méthodes géophysiques, la radiométrie a rarement été utilisée pour étudier les cratères d’impact.

 

Figure 2 : Carte radiométrique combinée à une image en relief ombrée de la structure d’impact de Bosumtwi, et localisation des mesures in situ des concentrations en K, Th et U sur la carte radiométrique. Potassium : 0 – 2,5 wt%, Th : 0 – 9 ppm, U : 0 – 4 ppm, modifiée d’après Baratoux et al. (2019) Projection cartographique : UTM zone 30 N.

 

Qu’est-ce que la radiométrie ?

La radiométrie est une méthode géophysique basée sur la physique nucléaire. Elle consiste à quantifier les concentrations des radionucléides 40K, 232Th, 238U à partir de l’énergie des rayonnements gamma émis par le sol et le substratum rocheux (Dickson and Scott, 1997; Minty, 1997). Ces radionucléides sont naturellement présents dans les roches terrestres. Un radionucléide est un nucléide instable, qui peut donc se décomposer en émettant un rayonnement. Les données radiométriques sont acquises en altitude (aéroportées), au sol (in situ) à l’aide d’un spectromètre portable par exemple, ou en profondeur (gamma logging). Les données radiométriques fournissent donc des estimations des concentrations du potassium (K), du thorium (Th) et de l’uranium (U) dans le sol, le régolithe et la roche. Elles constituent une source importante d’informations géochimiques, c’est pourquoi, elles sont utilisées depuis des décennies dans l’exploration minière et dans la cartographie géologique de la Terre et des autres planètes.

Figure 3 : Carte radiométrique ternaire combinée à une image en relief ombrée de la structure d’impact de Rochechouart. Potassium : 0 – 2,6 wt%, Th : 0 – 9,4 ppm, U : 0 – 4 ppm. Projection de la carte : Lambert II étendu. Les cercles gris représentent la position des mesures au sol.

 

Que peut apporter la radiométrique pour l’étude des cratères d’impact météoritiques ?

Nous avons essayé de démontrer la valeur scientifique des données radiométriques pour la recherche sur l’impact, c’est-à-dire d’une part, pour l’interprétation des données radiométriques des corps extraterrestres, et d’autre part, pour une meilleure utilisation de ces données dans les études de structures d’impact terrestres connues, et pourquoi pas, pour la recherche de nouvelles structures d’impact !

Mon travail de doctorat représente une étude des signatures radiométriques de plusieurs structures d’impact, et la première étude sur les causes possibles des redistributions observées du K, Th et U dans les structures d’impact. Nous sommes partis du général au particulier, en étudiant d’abord les signatures radiométriques des structures d’impact en Australie. Il s’agit de l’observation de toutes les signatures radiométriques des structures d’impact et l’analyse de cinq structures d’impact d’entre elles (Fig. 1). Sur la carte radiométrique de l’Australie et pour les autres cartes radiométriques, on représente le potassium en rouge, le thorium en vert, l’uranium en bleu. Sur ces représentations ternaires, les zones rouges sont donc riches en potassium, et les zones bleu-vert sont riches en thorium et uranium, et correspondent souvent à des roches latéritiques (altérées) ou la potassium, mobile en présence d’eau, a été lessivé.

Ensuite, nous avons étudié l’anomalie en potassium de la structure d’impact de Bosumtwi au Ghana (Fig. 2) connue depuis une vingtaine d’année, et enfin la structure d’impact de Rochechouart en France (Fig. 3). Ces études ont démontré que la déformation de la croûte terrestre induite par le choc et les processus superficiels tels que l’érosion ou l’altération contrôlés par la topographie du cratère sont les principales causes des signatures radiométriques associées aux structures d’impact. Dans le cas de la structure d’impact de Rochechouart, ces études ont permis de cartographier l’enrichissement en potassium des impactites en réponse à l’activité hydrothermale qui a affecté les roches fondues de la structure. Dans le cas de Bosumtwi, l’origine de l’anomalie en potassium a pu être élucidée.

Sur la base des observations de terrain et des analyses des concentrations du nucléides cosmogénique comme le béryllium, nous avons pu montrer que l’anomalie résulte de l’érosion différentielle de la structure, contrôlée par sa topographie initiale en compétition avec les processus d’altération des roches (formation de régolithe).

 

Figure 4 : Cheikh Ahmadou Bamba Niang, accompagné de Antoine Aginili Avo (UFHB), étudiant un affleurement de brèche lithique d’impact (B046) à l’Est de la structure d’impact de Bosumtwi.

 

Cerise sur le gâteau, nos travaux de terrain ont permis également de révéler la similitude des éjecta de Bosumtwi avec les éjecta lobés ou fluidisés, présents sur d’autres corps du système solaire (Mars). Cela fait de Bosumtwi un « analogue » pour les planétologues et donc un laboratoire naturel pour comprendre la mise en place de ces morphologies d’éjecta.

Les résultats des travaux ont également permis de valider l’hypothèse que les données radiométriques sont utiles pour la recherche de nouvelles structures d’impact potentielles, en particulier dans la ceinture tropicale, et permettront certainement la caractérisation de nouvelles structures d’impact.

Bamba Niang

Un poignard météoritique dans la tombe de Toutankhamon ?

Un poignard météoritique dans la tombe de Toutankhamon ?

Une nouvelle série d’analyses non destructives de la composition chimique du poignard du pharaon Toutankhamon a été conduite pour éclairer sur son origine « extraterrestre ».

 

L’archéologue Howard Carter découvre le 4 novembre 1922 dans la vallée des Rois la tombe du pharaon Toutankhamon, qui a régné sur l’Égypte au xive siècle av. J.-C. La tombe est remarquablement conservée et, dans le sarcophage, des objets précieux entourant la momie apportent des informations appréciables sur l’histoire de l’Égypte ancienne ; en particulier, parmi ces objets, une dague (fig. 1) dont la lame en fer homogène, non rouillé, va apporter des indices pour une meilleure connaissance de la manufacture des objets métalliques à cette époque de la transition entre l’âge de bronze et l’âge de fer dans le Bassin méditerranéen. 

 

Les deux faces du poignard de 35,2 cm de long photographiées le 9 février 2020. La lame en fer métallique (21,8 cm) a un double tranchant et une épaisseur de ~2 mm au centre ; la poignée (~ 13,4  cm) est principalement en or. (© Matsui T. et al.)

 

Une étude de la composition chimique de la dague a été publiée en 2016 [1], qui a permis de conclure que le fer constituant la lame du poignard est d’origine météoritique (voir l’Astronomie 104 d’avril 2017 pour un compte rendu). Toutefois, la technologie et l’origine de l’objet n’étaient pas bien comprises ; savait-on dans l’Égypte de cette époque travailler le fer météoritique ? La dague n’avait-elle pas été importée ? 

Pour en avoir le cœur net et affiner les précédents résultats, une nouvelle série d’analyses non destructives de la composition chimique du poignard a été conduite en février 2020 au sein même du Musée archéologique du Caire, à l’aide d’un spectromètre de fluorescence X portable, permettant l’analyse chimique des échantillons ; en particulier, la distribution du nickel et du soufre apporte des informations importantes sur le fer météoritique qui a servi à sa fabrication [2]. 

La cartographie élémentaire du nickel indique des arrangements discontinus, caractéristiques de ce qu’on appelle des « figures de Widmanstätten » et qui suggèrent que le fer météoritique qui a servi à la fabrication de la dague est de l’octahédrite, une catégorie de météorites de fer très répandue (voir encadré). Les taches noires présentes sur la lame sont probablement des résidus d’inclusion de sulfure de fer (troilite FeS) que l’on peut rencontrer dans ce type de météorites. L’existence de figures de Widmanstätten et la présence de résidus de troilite suggèrent que l’objet a été fabriqué à relativement faible température (< 950 °C). Enfin, l’analyse de la poignée en or où sont retrouvées des traces de calcium incite les auteurs à proposer que l’adhésif qui a servi à fixer les décorations sur la poignée soit un enduit à la chaux plutôt que de plâtre ; cette information écarte une fabrication en Égypte, où l’usage de la chaux n’a commencé que bien plus tard, à l’époque ptolémaïque. 

 

La météorite de fer Shiharagi, conservée au musée des Sciences de Toyama (Japon) et prise comme modèle pour les analyses du fer de la dague de Toutankhamon, et des figures de Widmanstätten que l’on y devine. Comme le fer de la dague, c’est une octahédrite, catégorie de météorites de fer la plus répandue, constituée de deux alliages distincts de fer et de nickel. (© Matsui T. et al.)

 

Il existe par ailleurs une correspondance, appelée « les lettres d’Amarna », entre les dignitaires égyptiens de l’époque et différents dignitaires étrangers [3] ; l’une de ces lettres dit qu’une dague en fer avec une poignée en or a été offerte par le roi de Mitanni (une région d’Anatolie en Turquie) à Amenhotep III, le grand-père de Toutankhamon. Un faisceau de présomptions, donc, suggérant que la « dague de Toutankhamon » retrouvée dans le sarcophage de ce jeune souverain a été forgée bien loin de la vallée des Rois à partir de fer d’origine encore plus lointaine.

Les météorites de fer et les figures de Widmanstätten

Les météorites de fer représentent environ 6 % des chutes de météorites connues sur Terre, elles sont essentiellement constituées d’un alliage métallique de fer (~ 90 %) et nickel, appelé fer météoritique. Ce sont des vestiges de noyaux d’astéroïdes, et donc des témoins de la différenciation d’embryons planétaires. Comme le fer métallique résiste bien aux conditions d’entrée dans l’atmosphère, ce sont les principales responsables des cratères découverts sur Terre. Elles sont assez facilement identifiables ; elles sont surreprésentées dans les collections et, résistantes à l’érosion atmosphérique, on les retrouve au sol en gros morceaux. Le fer météoritique a été utilisé à l’âge de bronze, parce que sa structure métallique rendait inutile une opération de réduction dans des fourneaux [4]. 

Il existe deux grandes classifications des météorites de fer, selon leur structure et/ou leur composition. C’est au début du xixe siècle que sont découvertes les figures particulières obtenues en décapant une section de météorite ferreuse avec une solution d’acide, faisant apparaître un réseau enchevêtré de phases métalliques appelé figures de Widmanstätten (figure), ce réseau est révélé quand une météorite de fer n’est pas constituée d’une seule phase, mais d’au moins deux phases cristallines, fonctions de la teneur en nickel ; les morphologies finales des cristaux sont fonction de la composition globale du métal et de la vitesse de refroidissement de l’ensemble. Les figures de Widmanstätten sont géométriques, car il existe des relations d’orientation cristalline entre les différentes phases présentes. Leur étude permet d’avoir un aperçu sur la formation des astéroïdes parents.

Par Janet Borg, Institut d’astrophysique spatiale

Notes :

1. Comelli D. et al. (2016) « The meteoritic origin of Tutankhamun’s iron dagger blade », Meteoritics and Planetary Science 51, 1301-1309.

2. Matsui T. et al. (2022) « The manufacture and origin of the Tutankhamen iron dagger », Meteoritics and Planetary Science 1-12.

3. Les lettres d’Amarna sont un ensemble de 382 tablettes en argile, retrouvées sur le site d’Amarna en Égypte, correspondance d’ordre diplomatique entre les pharaons et les grandes cours étrangères de l’époque. 

4. Jambon A., « Bronze age iron: meteoritic or not? A chemical strategy », Journal of Archeological Science, 2017, DOI: 10.1016/j.jas.2017.09.008.

 

Instagram
YouTube
YouTube
Follow by Email