LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE
Le Mouvement des nuages et des étoiles dans une galaxie

Le Mouvement des nuages et des étoiles dans une galaxie

Dans une galaxie, des objets comme les étoiles et les nuages moléculaires sont principalement soumis aux forces de gravitation. Les nuages sont également soumis à des collisions avec d’autres nuages. Nous nous intéressons dans cet éclairage aux effets gravitationnels.

 

Figure 1 – Quelques exemples de trajectoires épicycliques d’étoiles ou de nuages moléculaires dans une galaxie sans bras spiraux ni barre. Les fréquences épicycliques représentent ici un nombre entier d’épicycles par tour de galaxie. Dans ces cas particuliers, les trajectoires se referment à chaque tour. Les trajectoires en blanc et en noir ont deux épicycles par tour, la trajectoire en rouge en a 6, celle en bleu 5, et celle en vert 3. (ESA/Hubble & NASA, Judy Schmidt and J. Blakeslee (Dominion Astrophysical Observatory).

 

Dans un disque de galaxie homogène, axisymétrique, le potentiel gravitationnel U dans le plan de la galaxie ne dépend que de la distance R au centre, soit U(R). La trajectoire d’une étoile la plus simple possible est un cercle de rayon R.

Cependant, avec le mouvement circulaire, la direction et le module de la vitesse sont déterminés d’une manière unique, tandis que les vitesses réelles des étoiles et des nuages sont plus variées. Cette variété est caractérisée par une fonction appelée dispersion de vitesse.

Si, pour tenir compte de la dispersion, on perturbe légèrement ce mouvement circulaire, les calculs montrent que sa distance oscille un certain nombre de fois (pas forcément entier) à chaque tour (figures 1 et 2), avec une fréquence que l’on nomme la fréquence épicyclique.

 

Figure 2 – Exemple d’un épicycle de fréquence non entière, proche de 2. Un nombre entier d’épicycles ne correspond pas à un tour, si bien que la trajectoire ne se referme pas à chaque tour. Elle peut ne jamais se refermer si la fréquence épicyclique ne s’écrit pas sous forme de fraction de deux entiers. (ESA/Hubble & NASA)

 

La fréquence épicyclique peut être calculée en fonction du potentiel U(R), ou bien de la vitesse de rotation V(R) observée pour la galaxie.

Le moment cinétique, par unité de masse, est le produit du carré de la distance au centre de la galaxie et de la vitesse angulaire. C’est une constante du mouvement dans un disque de galaxie homogène, axisymétrique (c’est-à-dire symétrique par rapport à un axe). Mais il n’est pas conservé dès lors que le disque est perturbé par une barre ou des bras spiraux. Dans ce cas, la force de gravitation n’est plus orientée vers le centre galactique, mais il existe une composante perpendiculaire à cette direction, appelée force tangentielle (fig. 3). Alors, le moment cinétique de l’objet n’est plus constant le long de sa trajectoire. On dit que la barre exerce un couple de torsion1, lequel peut diminuer ou accroître le moment cinétique de l’objet, facilitant sa chute vers le centre ou, au contraire, le déplaçant vers la périphérie.

 

Figure 3 – Dans une galaxie barrée, la force gravitationnelle (flèche jaune) s’exerçant sur une étoile (en bleu) n’est pas orientée vers le centre de la galaxie en général, sauf sur les axes de symétrie de la barre (grand axe et petit axe). Dans ce cas, la barre exerce un couple capable de modifier le moment cinétique de l’étoile. (ESA/Hubble & NASA, Judy Schmidt)

Figure 4 – Exemples d’orbite fermée dans une galaxie barrée, avec deux épicycles (en noir et blanc). Supposons-les représentées ici dans un repère tournant à la même vitesse que la barre. Les nuages sur ces orbites sont les plus perturbés, car chaque passage au voisinage de la barre s’effectue dans des conditions identiques. Alors, à chaque fois, le couple exercé par la barre ajoute le même effet qu’aux passages précédents. C’est une résonance de Lindblad.

Les effets des perturbations gravitationnelles (fig. 4), peuvent être considérés comme faibles en première approximation. Cependant, si de petits effets se répètent toujours dans le même sens, ils peuvent avoir de grandes conséquences. Cela se produit quand la fréquence épicyclique coïncide avec la durée entre deux traversées de bras spiraux ou d’une barre. On désigne cette coïncidence sous le nom de résonance de Lindblad. Comme la fréquence épicyclique dépend de la distance moyenne de l’objet au centre de la galaxie, la résonance de Lindblad se produit à des distances bien déterminées. Avec une résonance de Lindblad, la trajectoire du nuage évolue rapidement (aux échelles de temps galactiques) jusqu’à se trouver dans un anneau, symétrique par rapport à la barre, où aucun couple ne lui sera imposé.

 

Fabrice Mottez – Observatoire de Paris-Meudon

 

 

 

 

Notre Univers Vu en Neutrinos

Notre Univers Vu en Neutrinos

Nous sommes tous familiers avec le ciel tel que nous le voyons en lumière visible, l’éclat de ces étoiles et nébuleuses de notre Galaxie, de ces galaxies proches et lointaines. Les images de nos télescopes optiques et en particulier celles provenant du télescope spatial Hubble (HST)  a fixé dans les esprits des gens de glorieux panoramas qui font partie du spectacle céleste et qui nous viennent spontanément en mémoire lorsqu’on imagine le cosmos. Ce n’est pas briser la magie de ces charmantes scènes cosmiques devenues lieux communs que de dire qu’elles sont à bien des égards assez trompeuses car adaptées à notre petite fenêtre visuelle se situant entre 0.4 à 0.7 microns. En effet, vu à d’autres longueurs d’ondes, ces paysages se morphent en d’autres assez différents. De plus, vu à travers d’autres messagers que le photon, les scènes deviennent souvent méconnaissables. Nous aborderons dans cet article, d’autres astronomies que celle du visible, et en particulier une astronomie née précisément un certain jour de janvier 1987 que l’on appelle l’astronomie des neutrinos.

L’Astronomie Classique ou «Photonique»

Depuis le siècle dernier, d’autres visions du ciel que celle du visible s’offrent à nous grâce notamment au progrès technique, d’abord pour le rayonnement optique, ce qui fera le sujet de ce paragraphe, puis en utilisant d’autres particules que le photon.

Fig 1: Notre vision la plus profonde du ciel aux rayons X grâce au télescope spatial eROSITA. La fine bande centrale irrégulière correspond au plan de notre Galaxie. La tache brillante jaune à droite est le reste de la supernova qui a formé la nébuleuse des Voiles.

 

En effet, si la fenêtre visible est celle de l’astronomie traditionnelle, celle qui utilise les yeux puis l’argentique, pourquoi se limiter à ce que permet notre détecteur naturel qu’est l’œil ou son extension l’appareil photo? Cela commença par découverte du rayonnement infrarouge (IR) par l’astronome William Herschel dès 1800, puis se poursuivit avec notre compréhension de l’électromagnétisme qui étendit le spectre des ondes «lumineuses» bien au-delà de la fenêtre du visible. 

Il suffisait seulement d’avoir les détecteurs adéquats pour explorer ces fenêtres nouvelles (Fig 1). Encore fallait-il que ces rayonnements puissent nous parvenir sur Terre, ce qui n’est pas le cas pour un large domaine du spectre photonique qui est absorbé par l’atmosphère terrestre. Il fallut aller chercher ces photons en sortant de l’atmosphère, d’où le développement de l’astronomie embarquée depuis l’ouverture de l’ère spatiale. Chaque domaine de fréquence des photons donne lieu à une astronomie nouvelle: astronomie infrarouge, UV, X, gamma et radio.

L’Astronomie Multimessager

Mais pourquoi se limiter aux photons pour sonder l’Univers et nous informer de son contenu et des processus s’y déroulant? Toute particule stable s’y propageant sur de longues distances peut-être mise à contribution pour nous ramener les dernières nouvelles du Cosmos. Vite, quelles sont les particules stables qui existent? Tout physicien en herbe, tout honnête homme scientifique de ce début du XXIème siècle pourra vous en faire la liste. Elle est d’ailleurs si courte que c’est un jeu d’enfant… même s’il aura fallu tous les efforts de la physique du siècle dernier pour l’élaborer! Alors la voilà: le proton, l’électron, le neutrino… et le graviton. 

Il y a cependant un intrus qui s’est glissé dans notre liste. Seriez-vous à même de le débusquer? Accordez vous un moment de réflexion et puis vous comparerez votre réponse avec celle donnée un peu plus loin. En fait, chacune des particules juste mentionnées forme désormais une branche particulière de l’astronomie. Nous avons ainsi l’astronomie des protons dite des Rayons Cosmiques, celle des neutrinos, des ondes gravitationnelles, chacune utilisant la particule fondamentale associée comme messager cosmique.

 

Fig 2: La nébuleuse du Crabe vu en un cocktail de différentes longueurs d’onde après avoir soigneusement composé les différentes photos «monochromatiques» de cinq telescopes en bas .

 

Cette astronomie nouvelle, en fait largement synthétique, est le fruit du progrès de la physique des particules appliquée au Cosmos. Elle est aussi multidisciplinaire que peut l’ être une branche du savoir, en fait c’est dans un sens, la plus fondamentalement multidisciplinaire de tous les prétendants à la pluridisciplinarité puisque utilisant toutes les particules «fondamentales» stables connues.

 

L’Astronomie Protonique ou des Rayons Cosmiques

Cette astronomie particulière utilise le proton, cette lourde particule de matière chargée qui peut parcourir d’immenses distances sans souci et qui peut donc nous informer des conditions physiques régnant à sa source. Ceci est possible pour deux raisons bien distinctes, d’abord parce que le proton est stable et n’aura donc pas la mauvaise idée de se désintégrer en chemin telles que d’autres particules fondamentales comme le muon et le pion, mais surtout parce que l’espace entre les étoiles dit espace intersidéral, ou même entre les galaxies dit intergalactique, est essentiellement vide. Le proton à cependant un grave défaut pour son utilisation optimale en astronomie: il est chargé et donc sensible aux champs magnétiques des régions qu’il traverse avant de nous parvenir. Ces champs magnétiques, même si extrêmement faibles par rapport à ceux régnants sur Terre par exemple, agissent sur d’immenses distances et sont à même de dévier complètement la trajectoire des protons qui nous arrivent donc sur Terre en rendant leurs directions aléatoires (Fig 3).

 

 


Fig 3: Trajectoires des différents messagers corpusculaires de leurs sources jusqu’à la Terre.

 

Ainsi, contrairement aux photons, leur détection sur Terre ne permet pas de désigner la position de la source dans le ciel- sauf pour les rayons cosmiques d’ultra haute énergie- leurs détecteurs sont à cet égard de bien mauvais télescopes au sens traditionnel. Pourtant leur capacité à sonder des domaines d’énergie très élevée et nous donnant donc un aperçu sur des phénomènes de l’Univers violent et inaccessibles par d’autres moyens rend l’astronomie des rayons cosmiques irremplaçable. Ajoutons pour la précision que les rayons cosmiques, en plus des protons qui en sont la composante principale, comprennent aussi des noyaux légers eux aussi chargés, ainsi que les rayons gamma d’ultra haute énergie.

L’Astronomie des ondes gravitationnelles

Cette astronomie des ondes gravitationnelles (GW) ou «gravitonique» pour lui donner une touche de physique des particules, est une autre branche récente de l’astronomie qui est née précisément en 2015 avec la première détection sur Terre d’une bouffée d’ondes gravitationnelles provenant de la fusion de deux trous noirs à quelque 1.4 milliards d’année-lumière de chez nous. Notons que parler de gravitons pour désigner ces GW est en fait commettre un petit abus de langage. En effet, les physiciens des particules l’utilisent dans une vision essentiellement quantique, et le principe de dualité onde-particule aidant, l’homologue des GW est une particule s’insérant dans le formalisme de la Relativité Générale d’Einstein décrivant la gravitation et doté d’un spin 2 que l’on a naturellement dénommé graviton. Sauf que ces gravitons ne peuvent par aucun moyen présent et futur être détectés!  

Il ne faudrait pas confondre ces ondes avec la force de gravitation qui s’exerce entre corps massifs suivant la loi de Newton. Dans le cas des GW, c’est bien les médiateurs mêmes de cette gravitation que l’on observe et qui sont produits en quantité détectable lors d’événements ultra violents mettant en branle des masses énormes et des accélérations prodigieuses. Ce sont finalement des ondes d’espace temps qui perturbent momentanément la géométrie de l’espace lui-même lors de leur passage. Ces GW se déplacent à la vitesse de la lumière et sont porteuses de précieuses informations sur les processus qui leur ont donné naissance et sur l’environnement des sources mêmes. Cette fenêtre est cependant très éclectique et se limite à la fusion de systèmes d’étoiles compactes tels les trous noirs et étoiles à neutron, et peut-être à certains événements qui en produisirent aux tout premiers instants de l’Univers.

Fig 4:  Le détecteur d’ondes gravitationnelles Virgo avec ses deux bras de 3km de longueur.

 

Leur détection se fait au moyen de gigantesques instruments en forme de la lettre «L» chacun étant en fait une sorte d’interféromètre comme celui de Fabry-Perrot en optique classique, mais hors échelle (Fig 4). Trois de ces détecteurs sont en fonctionnement actuellement, deux en tandem du nom de LIGO aux États Unis et l’autre Virgo en Europe.

 

Le Neutrino, cette particule passe-muraille

Nous arrivons au cœur de notre article proprement dit, le neutrino comme messager céleste. C’est une particule fort discrète, fantomatique comme elle est décrite parfois, qui fut prédite par le grand physicien Wolfgang Pauli pour expliquer des processus de désintégration nucléaire de type désintégration bêta, mais qui en fait est bien plus général que cela. C’est la particule la plus omniprésente de toutes les particules matérielles et qui est presque aussi abondante que le photon dans l’Univers. Bien que le neutrino apparaît surtout dans des processus nucléaires, il n’a pourtant aucune relation avec la force nucléaire dite interaction forte, ni même avec l’interaction électromagnétique vu qu’il n’est pas chargé, mais agissant uniquement par le biais de la force faible.

 

Fig 5: L’expérience historique de Raymond Davis dans la mine d’or abandonnée de Homestake au Dakota du Sud aux Etats Unis. Elle aboutira à la détection des neutrinos solaires, ouvrant ainsi la voie à l’astronomie des neutrinos. Davis à gauche sur la plate-forme et aussi en médaillon, un chimiste de formation, obtiendra le prix Nobel de physique en 2002.

Fig 6: La gigantesque cuve du détecteur de neutrinos Super Kamiokande au Japon contenant quelque 50.000 tonnes d’eau ultra pure et tapissée de modules optiques pour détecter les photons Cerenkov trahissant l’annihilation d’un neutrino cosmique. Les trois hommes au fond à gauche donnent l’échelle.

 

Cette faiblesse atavique de l’interaction du neutrino avec la matière fait de lui la parfaite particule passe-muraille; quasiment rien ne le retient sur place. D’ailleurs Pauli de désespoir, reconnu tout contrit qu’il venait de postuler l’existence d’une particule qui ne pourrait jamais être détectée et qui ne peut être confiné ou presque. A son époque, émettre une telle hypothèse de l’existence d’une nouvelle entité fondamentale était en science assez proche de l’occultisme, quoique les mentalités ont bien évolué depuis! Ainsi comme exemple souvent cité, un calcul simple donne pour qu’un neutrino puisse être absorbé par la matière de manière appréciable, il lui faudrait pour cela traverser quelque 10 années- lumière de longueur de plomb.

 

Fig 7: L’absorption des photons en fonction de la distance. Alors que l’Univers permet aux neutrinos, aux GW ainsi qu’aux photons de faible énergie de voyager essentiellement sans entrave, les photons plus durs sont arrêtés à diverses distances suivant les milieux rencontrés. Nous voyons que dans une large gamme d’énergie (En noir) l’Univers ne peut être exploré par l’astronomie photonique. La bande supérieure représente l’Univers vu à travers diverses fenêtres multi-messager de la Terre. (IceCube Collaboration)

 

 

En fait, heureusement pour lui et pour la science, il se trompait lourdement. L’ingénuité des scientifiques permirent de le détecter expérimentalement en plaçant leur appareil à proximité immédiate d’une des plus puissantes sources de neutrinos au Monde: un réacteur nucléaire. L’expérience conduite par Cowan et Reines se déroula en 1957 en utilisant l’intense flux de neutrinos du réacteur nucléaire de Savannah River en Caroline du Sud aux États-Unis qui venait juste d’entrer en fonctionnement. La physique des neutrinos venait véritablement de naître. A quand une astrophysique des neutrinos?

 

La Fenêtre Neutrinique sur l’ Univers

En plus de la production terrestre de neutrinos par les réacteurs nucléaires et la radioactivité de la Terre, ceux-ci sont abondamment produits au sein des étoiles, des Supernovae, et des disques d’accrétion autour des trous noirs. En général, les AGN (Active Galactic Nuclei), ces galaxies en surchauffe grâce précisément à un trou noir central actif sont des sources supposées pour toutes leurs variantes, y compris pour les monstrueux quasars et blazars. Mais d’emblée, le défi paraît formidable: comment détecter des neutrinos de sources situées à des distances cosmologiques alors que le faire sur Terre relève déjà de l’exploit et qu’il fallait comme nous l’avons vu se placer à proximité d’une source intense de telles particules ? L’idée de base est pourtant simple: pour pallier à la faiblesse extrême de l’interaction du neutrino avec la matière, il faut en faire passer beaucoup par notre détecteur pour que sa probabilité d’interagir soit non négligeable. Ainsi, à défaut de se placer à proximité d’une source intense , ce qui n’est pas possible pour l’astronomie, où la détection doit se faire nécessairement sur Terre ou en orbite, il faut utiliser un détecteur gargantuesque. En pratique, il y a trois milieux suffisamment transparents sur Terre qui peuvent jouer ce rôle de maxi détecteur hors gabarit: l’atmosphère terrestre, le fonds des océans ou l’écorce de glace de l’Antarctique. Il y a pour le premier cas de «détecteur atmosphérique» un sérieux problème de fond parasite et seuls pourraient éventuellement être observés des neutrinos ultra-énergétiques. Il reste les deux  derniers cas pour lesquels des détecteurs sont actuellement en activité ou en voie de réalisation.

 

Fig 8 & 9: A gauche, le centre des opérations du détecteur IceCube ou le «Lab» juste au dessus du Pole Sud. Les modules optiques qui forment le détecteur proprement dit sont enfouis dans la glace allant jusqu’à la croûte solide à quelque 2500m de profondeur. A droite, le relevé des sources des neutrinos astrophysiques détectés par IceCube. ( IceCube collaboration).

 

Notons que même s’il n’y pas de source intense proche à part le Soleil, ces explosions d’étoiles massives en fin de vie que sont les Supernovae sont aussi des sources super intenses de neutrinos. Ces neutrinos émis durant quelques secondes équivalent à tous les neutrinos produits par le Soleil durant ses quatre milliards et demi d’années et peuvent constituer un signal détectable. Là encore on compense la distance de la source par l’intensité du flux de neutrinos. La loi de décroissance de tout flux de matière ou rayonnement suivant l’inverse de la distance au carré, on peut se convaincre facilement que seules les supernovas galactiques sont accessibles. Encore faut-il être prêt pour un tel événement rare. C’est bien ce qui se passa le 23 février 1987 lorsque dans le Grand Nuage de Magellan, une galaxie naine en orbite autour de la nôtre, une étoile géante bleue connut son heure de gloire en expulsant ses couches extérieures suite à une implosion de son cœur de fer (SN87A). Le feu d’artifice céleste était suffisamment puissant pour qu’il puisse être vu à l’œil nu, un phénomène rarissime qui n’avait pas été observé depuis la fameuse supernova de Kepler en 1604. Ceci marqua la naissance de l’astrophysique des neutrinos. Reconnaissons qu’au rythme au meilleur des cas de deux à trois Supernovae par siècle dans notre Galaxie, les postulants au titre d’ astronomes des neutrinos de SN ont tout le temps de voir leurs cheveux blanchir avant la prochaine détection!

C’est avec un détecteur de ce type situé précisément au Pôle Sud, appelé IceCube (Fig 8) que furent détectés en 2012 les premiers neutrinos astrophysiques. Le détecteur consiste en un milliard de mètres cubes de glace claire et immaculée de plusieurs kilomètres d’épaisseur sous la surface du pôle Sud et où  furent enfouis quelque 2000 modules optiques capables de détecter la pâle lumière Cerenkov signalant l’interaction de neutrinos cosmiques avec la glace. D’autres sont en construction, dont l’un en Méditerranée appelé KM3NeT lui aussi dans la catégorie du milliard de tonnes (Rappelez vous, avec la densité de l’eau qui est d’un, un mètre cube c’est une tonne). Vous ne serez pas surpris de savoir ce à quoi correspond l’acronyme : «The Cubic Kilometre Neutrino Telescope».

Contrairement aux rayons cosmiques, les neutrinos, insensibles à toute interaction de par leur masse quasiment nulle et leur neutralité électrique, révèlent la direction de leur source d’origine comme les photons le font si bien. Sauf que là, c’est de la source même qu’émanent les neutrinos et non de la dernière «couche» d’interaction comme l’est la surface du Soleil pour les photons. Ainsi, si la lumière solaire nous parvient 8mn après avoir quitté la surface du Soleil, ses photons ont été produits quelque 30.000 ans avant au cœur du Soleil, soit lors du dernier âge glaciaire sur Terre. Par contre, les neutrinos solaires qui atteignent nos détecteurs terrestres ont été émis il n’y a pas plus que 8mn et «deux secondes» du cœur même du Soleil. 

Il faut cependant avouer que l’astronomie des neutrinos est bien dans son enfance à présent avec seulement une poignée de neutrinos de sources astrophysiques lointaines détectées jusqu’à présent. On a de plus été incapable de les corréler en direction à des sources connues, et  le ciel en neutrinos est plutôt blême avec une distribution assez isotrope dans le ciel (Voir la Figure 9). La détection du premier neutrino pointant vers une source astrophysique a eu lieu en 2017 et correspondait à un blazar à quelques 3.7 milliards d’années-lumière de chez nous. L’aubaine serait bien sûr que se répète l’événement de la Supernova de 1987, et si possible dans notre Galaxie même, auquel cas cela serait des milliers voire des dizaines de milliers de neutrinos qui seraient vus par nos détecteurs, ces derniers étant tous en mode veille pour cet événement extraordinaire. Il ne faudrait cependant pas que cette explosion d’étoile ne se produise trop près de la Terre, auquel cas la grosse bouffée de neutrinos qui nous parviendrait serait accompagnée d’un déluge de rayonnements X et Gamma destructeur. 

Les détecteurs de neutrinos sont donc  de bons télescopes qui «pointent» vers la source, des télescopes assez spéciaux dont les performances se comptent en gigatonnes de matière fiduciaire (L’eau en général) et non en diamètre d’un miroir principal. L’astronomie des neutrinos porte en elle la promesse de voir les étoiles en plein jour… et dans toutes les directions! Elle complétera les autres astronomies en nous dévoilant certains secrets de l’Univers violent (très hautes énergies) et même peut-être celui primordial (très proche du Big Bang).

Fig 10: Le Soleil «photographié» en neutrinos. La résolution n’est pas fameuse. Encore faudrait-il se rappeler que cette photo du Soleil a été prise de nuit et en regardant vers le bas à travers la Terre! Qui dit mieux? (Super Kamiokande collaboration)

 

Entre temps pour un avant goût en toute sobriété des promesses de l’astrophysique des neutrinos, pourquoi ne pas méditer sur cette belle photo du Soleil en neutrinos (Figure 10)?

 

Réponse à Question et Questions sans Réponses (Attention spoilers)

Revenons à une question laissée de côté plus haut. Vous avez dû réaliser que la particule stable en trop dans la liste des particules stables était l’électron. En effet, malgré sa stabilité, il n’y a pas de branche astronomique qui lui est associée, une astronomie qui s’appellerait naturellement l’astronomie des électrons ou de leurs antiparticules les positrons. La raison, certains d’entre vous l’auront deviné, est liée au fait que l’électron a une charge et est donc dévié par tout champ magnétique. Mais cela ne peut-être qu’une partie de la réponse car les plus futés d’entre vous objecteront que cela est aussi le cas pour les protons. En fait, vu sa faible masse, son libre parcours moyen est limité et donc l’électron ne peut nous parvenir que de sources très proches pour lesquelles les distances parcourues sont minimes au regard des distances des objets célestes intéressants dans notre Galaxie et plus encore pour ceux au-delà. Elle ne peut donc constituer qu’une astronomie de proximité. Mais nous possédons d’autres moyens plus efficaces pour sonder ces environnements cosmiques immédiats, et cette astronomie potentielle n’apporterait quasiment aucune plus value. Notons que nous parlons bien sûr des électrons primaires.

Maintenant une autre question pour nos attentifs lecteurs. Pourquoi ne pas placer ces télescopes neutriniques en orbite en utilisant la «transparence» du milieu interstellaire comme on le fait en optique?

Dans la foulée, on pourrait bien s’interroger pourquoi n’y a t-il pas d’astronomie neutronique, une astronomie qui utiliserait comme messager le neutron. Le neutron est bien cet autre nucléon qui, avec son compagnon le proton, forme la matière nucléaire des noyaux stables. Il est très abondant dans le cosmos. C’est en fait la deuxième particule massive de matière ordinaire de par son abondance dans l’Univers après le proton et avant l’électron. Et de plus, près de la moitié de notre poids provient des neutrons des noyaux des atomes des molécules formant les tissus de notre corps. Mais là je pense que le lecteur averti aura sûrement trouvé la réponse de lui même. Dans le cas contraire, qu’il se creuse un peu les méninges… ou qu’il cherche sur Internet. La réponse commentée dans le prochain numéro. 

Pour les plus futés de nos lecteurs et ceux qui n’ont pas peur d’un peu d’arithmétique, pourraient-ils trouver quel est le pourcentage en masse des neutrons dans l’Univers? Et dans notre corps? Au-delà d’avoir à connaître la composition en éléments de l’Univers et de notre corps que vous trouverez facilement sur Internet, le reste est un calcul arithmétique tout simple ne nécessitant pas plus que l’utilisation (judicieuse) de la règle de trois.  

Jamal Mimouni – Univ. de Constantine 1, LPMPS, Constantine, Algérie

 

La constellation du trimestre – Orion

La constellation du trimestre – Orion

ABREVIATION  Ori

NOM LATIN  Orion                       

GENITIF  Orionis

Orion est peut-être la constellation la plus ancienne repérée et de nombreuses civilisations l’ont évoquée. Au IIIe millénaire avant notre ère, les Sumériens voyaient là un mouton. Pour les Hittites, un peu plus tard, au IIe millénaire, c’était un chasseur. Les Égyptiens croyaient qu’il s’agissait de la maison d’Osiris, fils de Nout, déesse du ciel. En Chine, cet astérisme était inclus dans le zodiaque chinois. Pour les Grecs, Orion représentait le chasseur de la mythologie… C’est sous cette forme que les atlas célestes du xvIIe siècle l’ont dessiné. L’astérisme de cette grande constellation est représenté par le quadrilatère que forment les principales étoiles: Bételgeuse en partant du nord-est, Bellatrix, Rigel et Saïph. La barre intérieure, tout aussi fascinante, est constituée par Alnitak, Alnilam et Mintaka. Elles sont aussi appelées les Trois Rois, allusion aux rois mages: Noël vient d’être fêté. Cette « Californie » du ciel, comme la désignait Camille Flammarion, comporte de nombreux objets stellaires remarquables. Nous sommes là près de la voie lactée avec une population stellaire dense.

 

Copyright:Rogelio Bernal Andreo

 

Partie Nord

 

Partie Sud

La partie sud de la reine des constellations (voir l’Astronomie n°123 p. 50) est ce mois-ci à notre programme, cernée par les trois étoiles du Baudrier (Alnitak, Alnilam et Mintaka) aussi nommées « Les Trois rois » ; au sud par Rigel (β) et Saïph (κ). Nous regardons là une zone de la Voie Lactée opposée au centre galactique (que l’on voit les soirs d’été dans la constellation du Sagittaire). Notre regard plonge dans le bras galactique d’Orion, vers l’extérieur de notre galaxie. La Voie Lactée est ici moins visible qu’en été, mais elle est bien présente par le nombre d’étoiles brillantes, la densité stellaire et bien sûr par la vision de nombreuses nébuleuses gazeuses.

 

 

La constante de Hubble

La constante de Hubble

Dans les années 1920, Edwin Hubble, a mesuré le spectre de 18 galaxies dont on avait évalué la distance. L’étude de leur spectre lui permit de mesurer leur vitesse. Il constata que les galaxies les plus éloignées s’éloignaient toutes de la nôtre, et que leur vitesse d’éloignement était proportionnelle à leur distance.

Cette vitesse se traduit par un décalage de la lumière vers le rouge qu’on a pris l’habitude d’appeler : « redshift ». Cette relation de proportionnalité s’écrit simplement : v=H0 r, où v est la vitesse dite de récession de la galaxie, et r sa distance à notre Galaxie, exprimée en Mpc (1 Mpc ~ 3,26 106 années lumière). C’est la loi de Hubble-Lemaître. H0 est le coefficient reliant ces deux grandeurs, c’est la constante de Hubble. On remarque qu’il a la dimension inverse d’un temps ; en fait on l’exprime en km/s /Mpc.  À l’époque, les distances des galaxies étaient sous estimées, et Hubble détermina une valeur trop grande. De nos jours, toujours en raison de la difficulté à connaître la distance des galaxies, il reste encore d’importantes incertitudes sur cette valeur (voir l’actualité «Mystères cosmiques : la suite »). Cependant, on estime H0  voisin de 75 km/s / Mpc. Prenons l’exemple de la galaxie M87, dont on a visualisé le trou noir central : sa distance est de 16,4 Mpc, et donc selon la loi de Hubble-Lemaître, sa vitesse de récession est  75*16.4= 1230 km/s, ce qui est très proche de la valeur mesurée (1280 km/s).

Cette relation a été établie pour des galaxies relativement proches, ce qui est indiqué par l’indice 0 apparaissant dans la notation H0 . Cependant, on ne peut pas affirmer que H soit réellement une constante. Les galaxies lointaines étant vues lorsqu’elles étaient plus anciennes, une variation de H avec le temps est possible. Ainsi, on peut écrire plus généralement  H comme une fonction du temps,  H0 étant la valeur actuelle.

Toutes les observations montrent que nous ne sommes pas dans un endroit spécial, et que l’univers local est semblable à l’univers plus lointain. Nous ne sommes donc pas au centre de quelque chose de spécial. En revanche, nous déduisons de la relation de Hubble-Lemaître que nous sommes situés en un lieu quelconque d’un univers en expansion. En fait, la distance séparant deux galaxies quelconques s’accroît en suivant la loi de Hubble-Lemaître.

Champ de galaxies du grand relevé CFHTLS Deep Field. Au moins un millier de galaxies sont visibles sur cette image. Les plus lointaines apparaissent plus rouges.

Retournons cette relation en faisant apparaître un temps : 1/H0 =r/v. Cette relation nous indique que si on remonte le temps, deux galaxies quelconques éloignées actuellement d’une distance r et s’éloignant à la vitesse v, se trouvaient au même endroit (si H est demeuré constant) il y a 1/H0 . Avec H0  =75 km/s/Mpc, en convertissant les Mpc en km et les secondes en années, on trouve que  1/H0   vaut environ 15 milliards d’années. C’est à dire (en simplifiant les choses) qu’à cette époque, tout était au même endroit : l’Univers avait une taille quasiment nulle et une densité quasi-infinie. C’est ce qu’on appelle le Big bang. Ainsi l’âge de l’Univers serait environ 1/H0 . On nomme ce temps caractéristique : « le temps de Hubble ».

Une autre particularité de la relation de Hubble-Lemaître est que deux galaxies peuvent s’éloigner l’une de l’autre à une vitesse excédant la vitesse de la lumière, pourvu qu’elles soient assez éloignées.

Reprenons la relation de base v = H0r et supposons que v = c, vitesse de la lumière. On obtient alors une distance critique appelée « la distance de Hubble » notée rH ; elle vaut 15 milliards d’années divisé par c, donc 15 milliards d’années-lumière. Deux galaxies séparées d’une distance supérieure à rH ne peuvent se voir puisque les deux galaxies se séparent à une vitesse excédant celle de la lumière. Toute la partie de l’Univers située au-delà de la distance de Hubble est donc inobservable… et inconnaissable. Cette limite définit ce qu’on appelle : « l’horizon cosmologique ».

Sur le plan théorique, les représentations les plus fréquemment adoptées pour décrire l’Univers à grande échelle (par exemple le modèle Lambda-CDM) se fondent sur une géométrie qui ne dépend que d’un facteur S caractérisant les dimensions de l’Univers et qui dépend du temps. La dérivée S’(t) de ce facteur, qui est une sorte de vitesse d’expansion de l’univers, est relié également à la relation de Hubble-Lemaître v = H0r . Les cosmologues ont trouvé que S(t) joue le rôle de r, et S’(t) joue le rôle de v, si bien que S’(t)= H0  S(t) .

Ainsi, nous voyons que la connaissance de la constante de Hubble, découverte presque par hasard dans les années 1920, est devenue un enjeu majeur de la cosmologie moderne.

 

Autour de quoi tournent les planètes

Autour de quoi tournent les planètes

Comme des traditions l’affirment, on peut représenter les planètes en mouvement autour de la Terre. C’est vrai. Cependant, leur mouvement n’est pas circulaire, il est complexe, et il change souvent de sens. On peut aussi considérer les planètes en mouvement autour du Soleil. Cette représentation est également possible, et totalement équivalente à la précédente. Cependant, par rapport au Soleil, les mouvements planétaires sont beaucoup plus simples, presque circulaires et toujours dans le même sens. Placer le Soleil au centre des orbites de planètes est donc la représentation préférée des scientifiques car elle permet de décrire les choses d’une façon juste, plus simplement que celle où la Terre serait immobile et au centre de toute chose.

Figure 1. En haut : Le ciel vu des Dakar, en direction de l’est (marqué E), le 20 octobre 2020 à 22h (heure de Dakar) et, en bas : le ciel au même endroit, à la même date, et la même heure, un an plus tard en 2021. Sur les deux images, les étoiles sont disposées les unes par rapport aux autres de la même manière. Les étoiles sont fixes les unes par rapport aux autres. A un an d’écart, leur position par rapport à l’horizon est même identique. Les traits bleu servent de repères pour aider l’identification des constellations. D’un an à l’autre, on constate que la Lune et les planètes ont changé de place par rapport aux étoiles. (Crédits : image F. Mottez, avec le logiciel Stellarium.)

La sphère céleste dont le centre est la Terre

Comme on ne perçoit pas les distances des astres que nous observons, nous les imaginons intuitivement comme s’ils étaient tous à la même distance de nous, comme sur  une voûte immense, obscure la nuit, azur le jour. Cette voûte imaginaire a une forme sphérique, et nous sommes en son centre. Nous appelons cette construction de l’esprit la voûte céleste, et aussi la sphère céleste.

Les astres, intuitivement se déplacent donc sur la voûte céleste. Cette représentation de la sphère céleste n’a pas de réalité physique très profonde, mais elle représente très bien ce que nous voyons : c’est une bonne description de l’apparence du ciel.

Le concept de sphère céleste existe depuis l’antiquité, et il est toujours en usage pour les observations pratiques en astronomie.

Les étoiles sont fixes les unes par rapport aux autres (du moins à l’échelle de quelques siècles, elles paraissent ainsi), formant les figures des constellations (figure 1). Mais elles tournent toutes autour de nous. Par rapport aux repères terrestres, elles font un tour complet en 23 heures et 56 minutes. On considère donc que la sphère céleste « porte » les astres, immobiles sur cette sphère, et que la sphère céleste fait un tour complet autour de la Terre en 23 heures et 56 minutes. Son axe de rotation passe par la prolongation dans le ciel de l’axe passant par les pôles nord et sud géographiques.

Dans cette représentation, nous sommes au centre du monde céleste qui tourne autour de nous. Après tout, pourquoi pas ? Nous sommes forcément au milieu de ce que nous pouvons voir. C’est indéniable. Ne connaissant pas les distances de ce que nous voyons, nous pouvons confondre cette situation au milieu de ce que nous voyons par l’illusion d’être au centre. Ce n’est pas contredit par les observations, tant qu’on ne peut mesurer les distances de ce que nous voyons.

Le mouvement du Soleil et de la Lune sur la sphère céleste

Le Soleil se déplace sur la sphère céleste en suivant un grand cercle, fixe par rapport aux étoiles, appelée l’écliptique. Selon les apparences de la sphère céleste, nous sommes au centre de ce grand cercle. Le Soleil fait un tour complet, par rapport à nous, chaque jour en 24 heures. C’est un peu plus long que le tour des étoiles (23 heures 56 minutes) donc le Soleil se déplace par rapport aux étoiles. Il fait un tour complet par rapport aux étoiles en un an. On peut ainsi dire d’une certaine manière que le Soleil tourne autour de nous, et même autour de chacun de ses observateurs, et qu’il effectue son périple sur la sphère céleste en un an. De plus par rapport aux étoiles, son déplacement quotidien s’effectue toujours dans le même sens, d’un peu plus d’un degré vers l’est, chaque jour.

La Lune a un mouvement analogue à celui du Soleil : circulaire, et toujours accompli dans le même sens. En se référant aux étoiles, la Lune fait un tour complet en 27,32 jours (contre une année pour le Soleil).

Le mouvement de Mercure et de Vénus sur la sphère céleste

Sur la voûte céleste, les planètes tournent également autour de nous, en suivant approximativement des grands cercles voisins de l’écliptique suivie par le Soleil. Cependant, leur mouvement est plus compliqué.

Commençons par la planète Mercure. L’observation régulière du ciel nous montre que Mercure n’est jamais loin du Soleil : on peut la voir à certains moments juste après le coucher du Soleil, parfois pas du tout (figure 2), et parfois juste avant son lever, tout cela se succédant avec une période d’environ 116 jours. On ne voit jamais Mercure à minuit. Comme le Soleil tourne très régulièrement par rapport au fond étoilé, et que Mercure est visible tantôt avant, tantôt après le Soleil, Mercure a des mouvements en avant et en arrière par rapport aux étoiles. C’est une manière bien compliquée de tourner autour de la Terre.

Figure 2. Ciel en direction de l’ouest (marqué O) à Dakar, le 5 septembre 2020, peu après le coucher du Soleil (19h36 heure de Dakar). La planète Mercure, dont la position apparente est proche du Soleil, est sur le point elle-aussi de passer sous l’horizon. Mercure (visible seulement la nuit) n’est jamais observable très haut au dessus de l’horizon. (Crédits : image F. Mottez, avec le logiciel Stellarium.)

De même, Vénus ne s’éloigne jamais beaucoup de la position du Soleil (mais plus que Mercure cependant), et la succession des périodes où Vénus est vue à l’aube (voir figure 3) ou au crépuscule se déroule selon un cycle d’environ 583 jours. Par rapport aux étoiles, ou par rapport à la sphère céleste (ce qui revient au même), Vénus a des mouvements dans un sens puis dans l’autre, tantôt en avance, tantôt en retard sur le Soleil (figure 4).

Figure 3. Le ciel vu de Dakar, vers l’est, le 5 septembre 2020 à l’aube (6h30). Vénus y est visible. Comme pour Mercure, il est impossible d’observer Vénus très loin de l’horizon. Les trajectoires apparentes de Vénus, de Mercure (la boucle très près de l’horizon), et de la Lune (celle qui monte jusqu’en haut de la figure) sont représentées en blanc. (Crédits : image F. Mottez, avec le logiciel Stellarium.)

 

Figure 4. Trajectoires apparentes de Mercure et de Vénus (et un fragment de celle de la Lune), sur une durée de plusieurs semaines, en montrant ce qui est caché sous l’horizon (trait vert horizontal). Cette représentation permet de constater que dans leur mouvement, ces deux planètes ne s’éloignent jamais beaucoup du Soleil. Attention dans cette figure, la position du Soleil est correcte par rapport aux étoiles seulement à la date du 5 septembre 2020.(Crédits : image F. Mottez, avec le logiciel Stellarium)

 

Le mouvement de Mars, Jupiter et Saturne et de la plupart des corps du système solaire.
Au contraire de Mercure et Vénus, on peut observer Mars, Jupiter et Saturne au milieu de la nuit.  La plupart du temps, elles ont un mouvement apparent plus lent que celui du Soleil, mais dans le même sens (se décalant progressivement vers l’est). On parle de mouvement prograde, pour indiquer qu’il est dans le même sens, par rapport aux étoiles, que celui du Soleil. Mais à certains moments, le mouvement d’une planète comme Mars peut cesser et repartir dans le sens opposé à celui du Soleil, par rapport aux étoiles. Le mouvement est alors rétrograde (figure 5).  Le mouvement rétrograde dure quelques semaines, puis le mouvement prograde reprend… pour quelques mois.

Figure 5. Positions de Mars par rapport aux étoiles entre août 2020 (à droite de l’image, coté « ouest ») et février 2021 (à gauche de l’image, coté « est »). Les positions sont représentées en jaune. La position particulière où le nom de Mars apparaît correspond au 15 octobre 2020 (c’est aussi la date à laquelle correspond la position d’Uranus, qui apparaît sous la constellation du Bélier). Alors que Mars se déplace généralement vers l’est, ce qui correspond au mouvement prograde, pendant quelques semaines (lesquelles incluent la date du 15 octobre 2020), elle va vers l’ouest, effectuant un mouvement qualifié de rétrograde. Le décalage entre deux positions de Mars (en jaune) correspond à un jour. (Crédits : image F. Mottez, avec le logiciel Stellarium)

Il en est de même pour le mouvement de Jupiter, de Saturne, et également des planètes découvertes grâce à l’usage des télescopes : Uranus, Neptune, les planètes naines comme Pluton, et les astéroïdes comme Cérès, Vesta, et des centaines de milliers d’autres plus petits.

Donc les planètes tournent autour de la Terre, mais elles le font d’une manière compliquée.

Le mouvement des planètes en les supposant autour de la Terre

Les mouvements que je viens de décrire sont connus depuis l’antiquité et tous les écrits des astronomes de l’antiquité, et presque tous-ceux du Moyen-âge plaçaient la Terre immobile au centre du monde. Mais pour décrire le mouvement des planètes, notamment la succession des mouvements progrades et rétrogrades, il fallait cependant assumer qu’elles ne parcouraient pas de simples cercles autour de la Terre, mais qu’elles parcouraient un cercle nommé : « épicycle », lui-même centré sur un point, appelé : « déférent », qui tournait autour de la Terre (figures 6 et 7). Ce n’étaient donc pas les planètes qui parcouraient un cercle autour de la Terre, mais leur déférent. C’était la théorie dite des épicycles, en usage dès le troisième siècle avant notre ère, et formalisée  cinq siècles plus tard par l’astronome greco-égyptien Ptolémée, dans son ouvrage l’Almageste.

Figure 6. Modèle de Ptolémée. La Terre est immobile, au centre du cercle déférent. La planète (Mars par exemple) est situé sur un autre cercle, dit « épicycle » qui tourne, alors que son centre se déplace sur le déférent. Le mouvement apparent de la planète correspondrait ici quasiment à son mouvement réel, indiqué en bleu. (Crédits : Wikipedia. Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89picycle#/media/Fichier:Epicycle_et_deferent.png)

Figure 7. Représentation de la position des planètes. La Terre est supposée immobile, au centre de la figure. Cette représentation du seizième siècle du système géocentrique indique les positions des cercles déférents, mais, comme très souvent, elle omet la représentation des cercles épicycles. Avec un système aussi simple, il est pourtant impossible d’expliquer le mouvement rétrograde des planètes, ainsi que le fait que Mercure et Vénus ne s’éloignent jamais beaucoup du Soleil.  (Credits : Wikipedia, domaine public, issu de Edward Grant, « Celestial Orbs in the Latin Middle Ages », Isis, Vol. 78, No. 2. (Jun., 1987), pp. 152-173)

Dans les siècles qui suivirent, de nombreuses théories perfectionnant celle de Ptolémée furent développées pour faire correspondre les observations avec l’idée que les planètes tournent autour de la Terre en combinant des mouvements circulaires. Mais plus les observations étaient précises, plus il fallait ajouter des hypothèses compliquées aux théories pour les expliquer.

Un astronome persan Al-Biruni, écrivit au XIème siècle ses doutes par rapport au fait que la Terre serait immobile. Certaines théories développées au cours du Moyen-Age supposèrent que certaines planètes, comme Vénus et Mercure tournent autour du Soleil. Elles furent peu connues, même à leur époque. Il fallut attendre le seizième siècle pour qu’un moine polonais, Nicolas Copernic, propose une vision du ciel où la Terre ne serait pas immobile, et qu’il en écrive une théorie complète, qui sera abondamment reprise et commentée.

Le Soleil au centre du monde

Au seizième siècle, un moine polonais, Nicolas Copernic se demanda s’il ne serait pas judicieux de faire tourner toutes les planètes (sauf la Lune) autour du Soleil. Et il vit que cela fonctionnait. On avait donc la Terre, autour de laquelle tournait la Lune et le Soleil. Et toutes les planètes tournant autour du Soleil. En attribuant aux planètes les bonnes distances au Soleil, il devenait également possible d’expliquer les mouvements progrades et rétrogrades des planètes Mars, Jupiter et Saturne, en plus de ceux de Mercure et Vénus.

figure 8. Représentation du système de Copernic, où les planètes, y compris la Terre (nommée ici v. Telluris), tournent autour du Soleil. (Crédit : extrait de De revolutionibus Orbium Coelestium, de Nicolas Copernic, source : Wikipedia.)

 

Il devenait alors encore plus simple d’adopter une autre représentation, tout à fait équivalente d’un point de vue géométrique, mais plus simple: placer l’origine de ce système non pas à la Terre mais au Soleil. Le Soleil est alors immobile, et c’est la Terre qui, comme les autres planètes, tourne autour du Soleil (figure 8). Et c’est ainsi qu’il présenta sa vision du système solaire : le Soleil au centre, toutes les planètes, y compris la Terre, tournant autour du Soleil. Seule la Lune continuait de tourner autour de la Terre. Les distances au Soleil s’étageaient ainsi, du plus près au plus loin : Mercure, Vénus, la Terre et la Lune, Mars, Jupiter, et Saturne.

Ce modèle explique que les positions apparentes de Mercure et de Vénus sont toujours proches de celles du Soleil. Ce modèle explique également le mouvement rétrograde de Mars : il est du au fait que la Terre avance plus vite sur son orbite que Mars. Alors, il arrive régulièrement que la Terre « double » la planète Mars. Alors, en suivant la direction de Mars, vue de la Terre, par rapport aux étoiles, on voit Mars changer le sens de sa course (figure 9).

Figure 9. La Terre (en bleu) est représentées aux instants 1,2,3…7. Mars est représentée aux mêmes instants, en rouge. Il faut imaginer les étoiles immobiles, placées sur le coté droit de la figure. A l’instant 4, la Terre, qui avance plus vite que Mars, dépasse celle-ci. A ce moment Mars semble se déplacer vers l’ouest (bas de la figure) par rapport aux étoiles. A d’autres moments plus fréquents, comme les instants 1,2, 5,6,7, Mars semble se déplacer vers l’est (vers le haut sur la figure). Ce schéma est également valable pour expliquer le mouvement rétrograde de Jupiter, Saturne, etc… (Crédit : université de Rennes.)

Ce système impliquait cependant un autre mouvement important : pour expliquer la course quotidienne du Soleil, il fallait supposer que la Terre tourne sur elle-même, effectuant un tour complet en 24 heures.

Ce fut ce qu’on nomma la révolution copernicienne. Elle fit grand bruit en Europe. A cette époque, le continent était déchiré par des guerres terribles entre plusieurs courants de la religion chrétienne (réforme protestante, et réaction de l’église catholique romaine). Des religieux (pas tous) se mêlèrent de science, et défendirent, à tort l’idée que la Terre dut absolument être placée au centre de tout. Des savant furent menacés de tribunaux religieux implacables, et durent renier ou cacher leurs découvertes scientifiques. Cependant, petit à petit, leurs idées finirent par s’imposer. Mais ce fut très progressif, et parfois risqué pour les défenseurs de la théorie copernicienne.

Actuellement, les représentations du système solaire développées par les scientifiques, par exemple pour la constitution des calendriers, pour le calcul des éphémérides, ou pour le calcul des trajectoires des satellites (ce qui nécessite de bien connaître la position des planètes), sont des versions améliorées du modèle de Copernic.

Dans un prochain numéro de l’Astronomie Afrique, nous verrons que cette affaire ne se termine pas avec les travaux de Copernic. Nous considérerons d’autres possibilités pour le centre du système solaire, dont certaines sont meilleures que le Soleil lui-même (mais plus abstraites), et d’autres permettent de souligner le caractère très relatif de la notion « tourner autour de ».

Fabrice Mottez, CNRS, Observatoire de Paris

 

 

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