LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE
Etoiles africaines: Mokhine Motsoaledi (Afrique du Sud)

Etoiles africaines: Mokhine Motsoaledi (Afrique du Sud)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Mon nom complet est Mokhine Motsoaledi, mais on m’appelle  Khine. Je suis étudiante en  doctorat à l’Université du Cap (UCT) et de l’Observatoire astronomique sud-africain (SAAO). Je suis originaire d’Afrique du Sud et je vis actuellement en Afrique du Sud.

Mokhine Motsoaledi

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Mon chemin vers l’astronomie a été un chemin conventionnel, je pense. En entrant dans mes études de premier cycle à l’Université de Witwatersrand, je savais que je voulais devenir astronome et j’ai donc choisi des matières qui me faciliteraient la tâche (c’est-à-dire la physique, les mathématiques et les mathématiques appliquées). L’université du Cap proposait un programme de spécialisation en astronomie très spécialisé appelé National Astrophysics and Space Science Programme (NASSP). J’ai suivi ce programme de spécialisation qui offrait une vaste introduction à divers sujets liés à l’astronomie et aux sciences spatiales. J’ai ensuite suivi un programme similaire,qui consiste en 6 mois de cours et 1 à 1,5 an de dissertation. Après avoir acquis un large aperçu des sujets d’astronomie, j’ai pu prendre une décision éclairée sur le projet de ma thèse de maîtrise qui allait devenir mon domaine de recherche.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Vers la fin de l’école primaire, je me suis intéressée de très près aux sciences naturelles. J’avais aussi l’habitude de m’asseoir dehors le soir et de regarder les étoiles avec émerveillement, surtout lorsque j’étais en vacances dans une région plus éloignée où la pollution lumineuse était réduite au minimum. Plus j’en apprenais sur l’univers dans les livres et les documentaires, plus une carrière dans l’astronomie me semblait tout à fait appropriée. Les décisions que j’ai prises pour mon avenir l’ont été avec l’astronomie comme objectif

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Oui. Durant mes premières années à l’université, j’ai dû faire face à la difficulté des cours de physique et de mathématiques. C’était un énorme ajustement par rapport au lycée où ces matières me venaient très naturellement. J’ai dû consacrer du temps et des efforts considérables pour réussir ces cours. Ensuite, les difficultés que j’ai rencontrées se sont déplacées vers la gestion de l’importante charge de travail. Avec autant de matières, de travaux dirigés, de projets et de tests/examens. Je devais gérer mon temps et équilibrer toutes mes activités de manière judicieuse. Pendant mon doctorat, j’ai sombré dans une profonde dépression, causée par des facteurs externes. Cela a rendu mon doctorat très difficile et a considérablement ralenti ma progression, mais c’est devenu un autre obstacle que j’ai surmonté. J’ai eu la chance d’avoir des superviseurs très compréhensifs qui ne m’ont pas mis de pression inutile.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Je conseillerais aux jeunes filles de se considérer comme les égales de leurs homologues masculins et de savoir que l’astronomie est autant pour elles que pour les hommes. Je leur dirais de développer un esprit curieux et de ne pas avoir peur de poser des questions. Enfin, elles devraient développer des caractères résilients, car certaines choses ne se passeront pas comme prévu et elles devront s’adapter et tirer le meilleur parti de la situation.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?

Je pense que ce que j’ai le plus gagné, c’est la capacité de penser de manière critique, comme une scientifique, pour trouver des solutions. C’est une compétence qui est utile dans tous les aspects de la vie. De plus, il y a une foule de compétences développées au fil des années d’expérience en astronomie, comme parler à divers publics, analyser des données, collaborer avec d’autres personnes et écrire de façon formelle. Les défis auxquels j’ai été confrontée jusqu’à présent m’ont rendu très adaptable et m’ont donné la confiance de savoir que je pouvais atteindre tous les autres objectifs que je me suis fixée.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Oui, je pense que les femmes africaines sont fortement sous-représentées en astrophysique et le sentiment d’être une outsider n’est que trop commun.  Nous subissons des pressions constantes (internes et externes) pour prouver que nous sommes à notre place, pour nous conformer aux normes occidentales de socialisation professionnelle, pour que nos voix aient le même poids que celles de nos homologues masculins blancs, pour  parler au nom (ou de représenter) d’autres femmes africaines du domaine de l’astrophysique, pour soulever des préoccupations qui, autrement, ne seraient pas abordées.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Je termine actuellement mon doctorat dans le domaine des variables cataclysmiques, une classe très spécifique de binaires à transfert de masse. Je suis également membre de « Astronomy in Colour« , une communauté de femmes astronomes de couleur en Afrique du Sud (principalement), dont le but est de se soutenir mutuellement et de transformer l’astronomie en un espace diversifié et inclusif.

J’ai le privilège de suivre un parcours professionnel en astronomie en tant que femme noire sud-africaine. Je ne représente pas la femme sud-africaine typique, car j’ai bénéficié d’opportunités dont beaucoup ne pouvaient que rêver. Je le reconnais et j’espère que dans un avenir proche, l’astronomie sera aussi accessible aux autres qu’elle l’a été pour moi.

Etoiles africaines: Meriem El Yajouri (Maroc)

Etoiles africaines: Meriem El Yajouri (Maroc)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?

Je suis Meriem El Yajouri, de nationalité marocaine, titulaire d’un doctorat en astronomie de l’Observatoire de Paris; lauréate du prix de thèse 2018 de l’Union Astronomique Internationale (UAI), un prix d’excellence pour récompenser les meilleurs thèses des 9 divisions de l’UAI. Je suis également présidente de l’association SpaceBus Maroc, coordinatrice nationale du Bureau de la vulgarisation en astronomie (OAO-NOC) de l’Union Astronomique Internationale et j’occupe actuellement le poste de gérante de la société Titritland (1ère entreprise au Maroc qui délivre des produits et services en Astronomie).

Meriem El Yajouri

 

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

 

Après un bac S, spécialité mathématiques, j’ai intégré les classes préparatoires MP de l’Université Internationale de Rabat (UIR) à l’issue desquelles j’ai choisi de poursuivre mes études en licence de physique. J’ai donc directement suivi les cours de la troisième année de licence L3 de la faculté des sciences de Rabat, Université Mohamed V au Maroc. Porteuse de cette licence et major de promotion, j’ai pu envoyer ma candidature aux différentes universités de la région parisienne dans l’objectif de préparer mes études en Master. Pendant ma première année en France, j’ai suivi les cours du master 1, parcours « Physique Fondamentale » de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC, Paris 6) / Sorbonne Universités, après quoi j’ai pu obtenir, avec mention bien, le grade du Master 2 recherche « Astronomie, Astrophysique et Ingénierie Spatiale (AAIS) », parcours Astrophysique, cohabilité par l’Observatoire de Paris, les Universités Paris 6, 7 et 11 et l’ENS Paris. Durant mon master, j’ai eu la chance d’effectuer un stage de trois mois au sein de l’équipe de Rosine Lallement au laboratoire GEPI à l’Observatoire de Paris. Au tout début j’étais décidée à ne faire qu’un stage, mais j’y suis finalement restée plus de trois ans pour y poursuivre ma thèse et c’est en grande partie grâce à Rosine. Son encadrement de qualité, son soutien moral et son ouverture d’esprit m’ont donné le courage d’aller jusqu’au bout. Ma thèse a été financée par la Région Île-de-France dans le cadre du programme 2015 du Domaine d’intérêt majeur en Astrophysique et Conditions d’Apparition de la vie (DIM-ACAV). J’ai soutenu ma thèse en novembre 2018 puis j’ai occupé un poste d’A.T.E.R (attachée temporaire d’enseignement et de recherche) au sein de la même équipe. En parallèle à mes travaux de recherche, j’ai une expérience dans l’enseignement : travaux dirigés (TDs) et travaux pratiques (TPs) en physique, en mécanique et en informatique. En tant qu’étudiante à l’Université PSL, j’ai occupé le poste de chargée de TDs/TPs pendant deux ans à l’Université Paris Diderot (Paris 7) et à l’IUT. Puis, j’ai effectué une mission de médiation scientifique en astrophysique au Palais de la Découverte à Paris pendant ma dernière année de thèse. En tant qu’assistante d’enseignement et de recherche (A.T.E.R) à l’Observatoire de Paris, j’ai eu l’occasion d’encadrer dix étudiants dans le cadre du diplôme universitaire « DU : Lumière sur l’Univers ». Après mon A.T.E.R, et grâce à l’obtention d’une bourse de visiteur scientifique, j’ai eu la chance de passer trois mois à l’Observatoire Européen Austral (ESO) au Chili dans le cadre d’un projet de collaboration avec Dr. Jonathan Smoker.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie? 

Enfant, j’ai réalisé que je voulais poursuivre dans un domaine pluridisciplinaire qui croise des techniques variées et le thème du ciel éveillait ma curiosité pour les sciences et a été très inspirant pour moi. Étudier l’astronomie est donc un peu un rêve d’enfance, mais mon intérêt pour l’astronomie s’est réellement concrétisé grâce à des chercheur.se.s que j’ai eu la chance de croiser tout au long de mon parcours et qui m’ont orientés dans mon choix de formation, je cite la rencontre avec Dr. Françoise Combes lors de sa conférence dans mon lycée à Rabat, les discussions avec Pr Samir Kadiri à l’Observatoire de Rabat et bien évidemment Pr. Zouhair Benkhaldoun, directeur de l’Observatoire d’Oukaimeden avec qui j’ai échangé la première fois dans le cadre de mon TIPE en classes préparatoires.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Comme tout.e étudiant.e expatrié.e, j’ai ressenti des difficultés durant mon parcours, surtout à mon arrivée en France : l’anxiété et la désorientation à cause du mal du pays, des démarches administratives lourdes, un système universitaire différent de celui de mon pays d’origine et le coût élevé de la vie à Paris. Petit à petit, j’ai fini par sortir de mon cocon, avoir un cercle d’ami.e.s, avoir mes propres repères, m’ouvrir à l’immersion culturelle, et apprendre à gérer mon budget. L’intégration dans le monde de la recherche en astronomie et dans le monde associatif m’ont également permis de m’adapter plus vite et de m’ouvrir plus à ce nouvel environnement où j’ai construit mes nouveaux repères. Au point où, lorsque je suis rentrée au Maroc après 7 ans en France, j’ai pu ressentir un choc culturel inverse !

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Comme les études sont longues, il faut beaucoup de détermination, de persévérance et de motivation, donc croyez en vous et en votre projet et ne renoncez pas après un premier échec (refus de stage, mauvaise note, …). Pour celles qui veulent s’expatrier pour leurs études, il est très important d’oser dépasser vos préjugés et faire preuve d’indulgence et d’ouverture d’esprit dans votre pays d’accueil, ce qui vous permettra de faire de très belles rencontres et de faire de votre parcours une expérience professionnelle et humaine très enrichissante. Après la thèse, je vous conseille de valoriser votre expertise (en d’autres termes, savoir vendre ses « soft skills« ) quel que soit votre domaine. Enfin, faites ce qui vous amuse le plus ! La passion est un facteur clé d’épanouissement.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie? 

Mes études en astrophysique m’ont beaucoup apporté sur tous les plans. Sur le plan technique, j’ai pu acquérir une grande expérience d’outils d’analyse statistique et informatique, à savoir la collecte, le traitement et l’analyse de données massifs à l’aide de logiciels comme Igor PRO et Python (expertise en data science, profil très demandé sur le marché de travail de nos jours). Mes travaux de recherche m’ont également aidé à développer et à affiner mes compétences en matière d’analyse et de méthodologie. Plus précisément, mon expérience en matière de rédaction d’articles m’a permis d’acquérir des qualités analytiques et des capacités d’autonomie: qualités très recherchées par les entreprises et les cabinets de conseil qui ouvrent de plus en plus leur recrutement aux docteurs. Mais l’apport de l’astrophysique ne se limite pas aux seules compétences techniques : l’enseignement et la médiation scientifique qui sont basés sur le contact direct avec les étudiants, les scolaires et le grand public, ont contribué à enrichir mon expérience en astrophysique moyennant quoi j’ai pu acquérir plusieurs « soft skills » comme l’adaptabilité, la créativité et l’esprit d’équipe.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Je pense qu’un des défis qui concernent les femmes en général est la gestion de leur quotidien entre contraintes familiales et obligations professionnelles, s’ajoute à cela l’auto-censure, en particulier dans un domaine comme l’astrophysique. Avoir un poste permanent en astrophysique nécessite non seulement l’obtention d’un doctorat (8 ans d’études après le bac, voire plus), mais aussi une expérience à l’étranger ou des post docs dans les quatre coins du monde. Un défi pour le recrutement des jeunes chercheuses car très souvent c’est un moment qui coïncide avec l’âge où la jeune chercheuse aspire à une stabilité familiale et affective ou avec des responsabilités de mère de famille.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie? 

Je suis co-fondatrice de la société Titritland, la première entreprise au Maroc qui offre des expériences ludiques et immersives à travers l’astronomie. De même, je souhaite créer en France une entreprise liée au développement de l’astro-tourisme et qui s’adresse à un public large. Mon projet en France est encore dans une phase d’étude. Je souhaite dans un premier temps approfondir mon étude en visitant les observatoires privés et publics de France et les endroits de ciel étoilé, afin de développer mon concept et d’étendre mon réseau de coopérations professionnelles. Je compte profiter de ce voyage pour ouvrir une chaîne Youtube dédiée aux observatoires astronomiques de France, dont je produirai des vidéos. J’ai également créé une auto-entreprise de droit français, Astrovel, qui donne une base juridique au commencement de mon projet.

Parallèlement à mon entreprise, je suis impliquée dans la promotion des sciences auprès du grand public par le biais de plusieurs associations et initiatives :

– Je suis présidente de l’association Spacebus Maroc, une opération de médiation scientifique itinérante. En 2016, un camion conçu pour l’occasion a traversé 17 villages et villes marocains. Environ 15 000 personnes de toutes les catégories sociales ont été initiées à la science à travers l’astronomie tout au long de l’itinéraire de 3000 km.

– J’ai été élue coordinatrice nationale du Comité National pour la vulgarisation (National Outreach Coordinator-NOC), du Bureau de l’Astronomie pour le grand public (OAO) de l’Union Astronomique Internationale (UAI).

– Je suis membre du comité de coordination de l’initiative « On the moon again », un événement international pour observer la Lune et célébrer les 50 ans de l’alunissage du 20 Juillet 1969 (www.onthemoonagain.org/).

– Je suis également vice-présidente en charge de la coopération internationale de la Fondation Atlas Dark Sky à Marrakech pour préserver le ciel étoilé au Maroc https://atlasdarksky.com/.

– Depuis 2017, je suis membre du comité de pilotage de l’initiative africaine pour les sciences planétaires : Africa Initiative for Planetary and Space Science (https://africapss.org/)

– Je suis membre du conseil d’administration (CA) de la Fondation Attarik pour les météorites et les sciences planétaires, chargée de partenariat et de levée de fonds.

 

Aujourd’hui, si mon parcours me confère une légitimité naturelle au sein de grands laboratoires de recherche, je suis également très intéressée par des challenges plus entrepreneuriaux dans les secteurs de l’éducation, du développement, de l’éco-tourisme. Je n’ai donc pas quitté l’astrophysique, mais je souhaiterais pouvoir oeuvrer pour que l’astronomie, soit un moyen de communication, d’enrichissement culturel et de transfert de savoirs certes, mais aussi un moyen de développement éco-touristique et de création d’une culture d’emploi inclusive auprès des jeunes. Cette vision peut se concrétiser en positionnant les différents endroits de ciel étoilé (dark skies) comme une destination astro-touristique et comme une destination pour héberger de grands projets d’Observatoires internationaux. D’une part, l’astro-tourisme, segment peu connu du tourisme durable, et qui utilise comme unique ressource le ciel sombre, consiste à valoriser des destinations pour y permettre l’observation de phénomènes astronomiques. Il peut s’agir d’aller observer les étoiles sous un ciel très sombre, de voyager pour voir les aurores boréales ou une éclipse, ou même d’assister au lancement d’une fusée. Plusieurs gouvernements ont reconnu les retombées de l’astro-tourisme, et ont adopté des lois pour économiser l’énergie et limiter l’éclairage extérieur. Au Maroc, la fondation Atlas Dark Sky dont je fais partie, a pour but principal d’accompagner les projets de création et de préservation des aires protégées au Maroc, vis-à-vis de la pollution lumineuse et de promouvoir les thématiques scientifiques dans le domaine de la préservation du patrimoine y afférent (Astronomie, Faune, Flore, Santé, Économie d’énergie, Écologie, Tourisme…). Cela signifie que ces réserves de ciel étoilé peuvent être mises en valeur pour créer des emplois et des opportunités non seulement pour les habitants locaux de ces régions qui sont souvent isolées mais aussi pour toute la population d’un pays.

D’autre part, concernant l’hébergement de grands projets d’observatoires internationaux, j’illustrerai mes propos avec l’exemple du Chili, où j’ai eu l’occasion de séjourner pendant trois mois, comme visiteur scientifique. En effet, on ne peut que constater le développement qu’a connu le pays à travers l’astronomie et tout particulièrement avec les projets de l’ESO (European Southern Observatory), qui a pour mission la construction et l’exploitation des grands télescopes pour l’Union Européenne. Cela a aidé à l’émergence d’une discipline de recherche scientifique, comme cela a été le cas pour des pays ayant bénéficié de telles installations ( ex : Afrique du Sud. . . ). En plus de la circulation permanente au Chili de scientifiques de renom et l’établissement de liens privilégiés avec la communauté d’enseignants chercheur.es chilien.nes, cette mobilité internationale a permis la création de centaines d’emplois pour la construction, l’opération et la maintenance des différents télescopes.

 

Etoiles africaines: Aude Alapini Odunlade (Bénin)

Etoiles africaines: Aude Alapini Odunlade (Bénin)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Aude (Dr Aude Alapini Odunlade). Je suis enseignante de science dans une école secondaire au sud-ouest de l’Angleterre. Je suis moitié béninoise, moitié belge.

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Ma mère a toujours été intéressée par la nature. Ayant grandi dans cet environnement, le ciel me passionne depuis toute petite. Quand j’avais 10 ans j’ai demandé comme cadeau de Noël une encyclopédie sur l’astronomie, et l’année suivante une paire de jumelles. J’ai eu un professeur de physique au lycée dont le père était astronome amateur. Comme il s’y connaissait bien en astronomie, il a fondé un club d’astronomie dans mon lycée. Grâce à lui j’ai appris à reconnaître mes premières constellations et leur mythologie. Ça m’a fasciné et quand j’avais 13 ans, je me suis dit que je voulais devenir astronaute pour pouvoir voyager dans l’espace!

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Pour des raisons médicales à l’époque, le parcours d’astronaute ne m’était pas ouvert alors j’ai décidé d’étudier les étoiles au lieu d’y voyager, et donc de devenir astrophysicienne. Grâce à mes résultats au baccalauréat français, j’ai pu décrocher une bourse pour étudier à Paris. Puis, tout en restant ouverte aux opportunités qui se sont présentées sur mon chemin, je suis finalement devenue astrophysicienne. J’ai après fait le choix de quitter la profession pour devenir professeur de science au lycée ce qui m’a permis de marier ma passion pour la science et ma vie de famille.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Aux jeunes filles qui souhaitent étudier l’astrophysique je dirais “suis ta passion, travaille dure, soit ouverte et ambitieuse, saute sur les opportunités, n’aie pas peur, demande de l’aide, fais toi plein de connaissances, parle de tes projets, trouve ton équilibre, reste heureuse, n’aie pas de regrets”.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?

Je suis maintenant professeur de science au collège/lycée. Mon expérience de chercheuse en astrophysique me donne beaucoup d’avantages: une connaissance de pointe en physique et en méthode de recherche, un esprit ouvert et analytique, un profil compétitif, un réseau de connaissances internationales, une liberté de choix de vie.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Oui, je pense en effet que il y a beaucoup de défis pour une femme africaine qui voudrait devenir astrophysicienne. En tant que femme, les opportunités dans l’éducation ne sont pas les mêmes, la pression culturelle et la responsabilité familiale sont plus oppressifs. En tant qu’africaine, l’accès aux financements pour les études et pour la recherche est plus difficile. Pour réussir aussi bien qu’un homme occidental, une femme africaine doit avoir d’avantage de force interne, d’intelligence, de confiance en soi et de contacts professionnels, pour passer au delà des limites sociales et culturelles.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Je ne suis plus vraiment dans l’astronomie mais j’ai des moments de nostalgie. Je comble ce manque en organisant des activités dans mon école. Je gère un club de science ou on s’amuse à faire de tout: des dissections, des expériences, des petits projets de recherche, de l’astronomie. Je reste aussi en contact avec l’université et la bibliothèque de ma ville, où je présente ou organise des séances d’observation de temps en temps. Malheureusement, ayant trois enfants en bas âge et l’astronomie se faisant mieux la nuit, cela limite mes activités.

Etoiles africaines: Arwa Dabbech (Tunisie)

Etoiles africaines: Arwa Dabbech (Tunisie)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Arwa Dabbech, je suis tunisienne. Je suis actuellement chercheuse associée au groupe Biomedical and Astronomical Signal Processing (BASP),  de l’Université Heriot-Watt à  Edimbourg en Ecosse.

Arwa Dabbech

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Mon parcours en astronomie a commencé par un stage de recherche effectué à l’Observatoire de la Côte d’Azur, à Nice, en France, en 2011, dans le cadre de mes études d’ingénieur. Le sujet portait sur l’étude des algorithmes d’imagerie en astronomie. Après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur de l’Ecole Polytechnique de Tunisie en 2011, j’ai poursuivi mes études de doctorat à l’Observatoire de La Côte d’Azur. Le sujet de recherche était la déconvolution des images en radioastronomie en bande centimétrique pour l’exploitation des radio-interféromètres modernes. En 2015, j’ai obtenu mon doctorat en Sciences de l’Univers à l’Université de Nice Sophia Antipolis. Depuis 2015, je suis chercheuse postdoctorale au sein du groupe BASP, qui est affilié à l’Université Heriot Watt, à Edimbourg, au Royaume-Uni.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Je suis à la fois fascinée par la beauté de l’Univers, capturée par les télescopes modernes, et excitée par les défis du traitement des données qui accompagnent notre quête d’une meilleure compréhension de l’Univers.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

J’ai eu la chance d’être encadrée et entourée de chercheurs et d’étudiants diplômés inspirants pendant mon stage de recherche et mes études de doctorat à l’étranger. Cependant, la principale difficulté était d’être loin de ma famille et de mes amis.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Le mois dernier, les Tunisiens ont assisté au lancement de « Challenge One », le tout premier satellite fabriqué en Tunisie. Bien qu’il s’agisse d’une petite réalisation dans le domaine aérospatial, il s’agit certainement d’une étape importante pour la Tunisie. De tels projets ouvriront, espérons-le, les horizons de l’astronomie, des sciences spatiales et de l’astrophysique. Alors, levez les yeux vers les étoiles !

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Je pense qu’en Afrique, les défis de l’astrophysique ne sont pas spécifiques aux femmes. D’une part, dans de nombreux pays africains, la discipline est tout simplement inexistante. D’autre part, jusqu’à présent, la recherche n’a pas été une grande priorité dans les universités africaines. Pourtant, nous vivons actuellement une époque passionnante puisque le plus grand radiotélescope du monde, le Square Kilometer Array (SKA), est en cours de construction en Australie et en Afrique du Sud et s’étendra à terme sur de nombreux pays africains. Ce projet à grande échelle a stimulé l’astrophysique en tant que discipline dans de nombreux pays africains. Je pense que les femmes africaines seront le moteur de cette discipline, car leur présence dans les STIM (Science, Technologies, Ingénierie et Mathématiques) est remarquablement élevée dans de nombreux pays africains comme la Tunisie.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Mes projets de recherche actuels au sein du groupe BASP s’articulent autour (i) du développement de nouvelles techniques de reconstruction d’images robustes et évolutives pour la radioastronomie et (ii) de leur validation sur des données à grande échelle provenant d’instruments précurseurs et explorateurs du futur SKA. Ces projets sont menés en étroite collaboration avec le National Radio Astronomy Observatory (NRAO, USA) et le South African Radio Astronomy Observatory (SARAO, Afrique du Sud).

Etoiles africaines: Marie Korsaga (Burkina Faso)

Etoiles africaines: Marie Korsaga (Burkina Faso)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je me nomme Marie Korsaga, originaire du Burkina Faso et astrophysicienne affiliée à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Je m’intéresse à l’étude de la dynamique des galaxies. Pour cela, j’étudie comment la matière est distribuée à l’intérieur des galaxies afin de mieux comprendre comment elles se forment et évoluent avec le temps.

Marie Korsaga

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

J’ai fait la majorité de mon cursus scolaire au Burkina Faso. Après un Bac scientifique, je me suis inscrite à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou où j’ai fait une licence et une maîtrise de physique pure, un DEA (équivalent au Master du système LMD) de physique appliquée avec comme option de recherche astrophysique où j’ai travaillé sur la photométrie des naines brunes qui sont des objets à mi chemin entre les planètes et les étoiles, c’est à dire qu’ils sont plus massifs que les planètes mais moins massifs que les étoiles. Après le DEA, j’ai fait un stage de recherche au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM) en France durant lequel j’ai étudié la cinématique des galaxies à partir des observations Fabry-Perot, avant de poursuivre une thèse de doctorat au LAM conjointement avec l’Université de Cape Town en Afrique du Sud où j’ai travaillé sur la distribution de la matière noire et de la matière lumineuse dans les galaxies.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Disons que depuis toute petite, je me suis toujours intéressée aux phénomènes de l’Univers à savoir l’apparition de la vie sur terre, les phénomènes d’éclipses, les étoiles filantes, etc. J’aimais aussi regarder les films documentaires sur l’astronomie, surtout sur les missions Apollo (présence de l’Homme sur la lune). Mais à l’époque je n’imaginais pas devenir astrophysicienne car l’astronomie était un domaine non connu au Burkina, et en plus je n’avais jamais rencontré (à plus forte raison échanger avec) un astronome dans la vie réelle avant ma licence. Donc en grandissant, j’avais l’intention de devenir ingénieure en génie civil car j’aime aussi la construction. A ma licence l’astronomie venait d’être intégrée au Burkina comme matière optionnelle en physique, je n’ai pas hésité à saisir l’opportunité. Aussi, mon intérêt pour les matières scientifiques m’a permis d’exceller plus facilement dans le domaine et éventuellement poursuivre des études de troisième cycle en astrophysique.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Faire des études dans un domaine scientifique quand on est une femme est un peu compliqué surtout quand on vient d’un pays comme le Burkina où la majorité des gens pensent que les domaines scientifiques sont dédiés aux hommes et pas aux femmes. Par exemple, j’étais confrontée à des propos du genre, la physique est trop compliquée pour une femme, tu ne pourras pas faire carrière dans le domaine, et même tu risques de devenir folle si tu continues. Ces propos ne m’ont pas influencée dans mon choix de carrière car j’aimais les matières scientifiques et j’avais aussi le soutien de ma famille. Surtout mon père qui me faisait chaque fois savoir que les femmes peuvent aussi faire de longues études et faire carrière dans les domaines scientifiques, cela me faisait avoir plus confiance en moi.

J’ai aussi rencontré des difficultés durant ma thèse. Je me rappelle bien pendant ma thèse quand les résultats que j’avais trouvés n’étaient pas concordants avec les études précédentes, il fallait alors s’assurer durant de longues périodes de la fiabilité de mes résultats à travers un travail rigoureux et minutieux. Cela nous a permis de découvrir que les relations entre les paramètres de la matière noire et la luminosité des galaxies n’étaient pas standards comme on le pensait auparavant, mais dépendent de la structure de la galaxie (présence ou pas de bulbe dans les galaxies). Je suis très heureuse de n’avoir pas baissé les bras pendant ces périodes difficiles même si à un moment donné j’avais l’impression que mon travail n’avançait pas.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Ce que je peux dire aux jeunes filles c’est de lutter pour réaliser leurs rêves car personne ne les fera à leur place. De choisir des filières qui leur plaisent, car faire une chose qu’on aime est toujours un plaisir et pas une contrainte. Il est aussi très important d’avoir confiance en soi, c’est la clé de la réussite. Les maths et la physique sont difficiles certes, mais si les hommes peuvent faire carrière là- dedans, pourquoi pas les femmes. Ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on doit se mettre à l’idée de ne pas être capable de faire des choses dites difficiles. Il faut aussi noter qu’il n’y a rien de facile dans la vie. Faire carrière en astrophysique nécessite un parcours en physique et mathématiques, donc il faut déjà cultiver l’amour pour ces matières scientifiques durant le parcours scolaire pour pouvoir continuer en astrophysique. Aussi, j’aimerais ajouter que l’astronomie est une science fascinante et qui regorge de mystères qui restent à être élucidés.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Au-delà de la recherche, je contribue à la formation des jeunes en sciences au Burkina à travers l’enseignement que je dispense dans des universités. Je travaille avec des collègues (au Burkina et à l’international) sur plusieurs projets visant à promouvoir les sciences de l’espace dont l’astronomie partout en Afrique afin de contribuer au développement socio-économique du continent. De ce fait, je suis coordinatrice scientifique pour l’astronomie sur des projets entre des pays africains et européens qui visent à renforcer le développement des sciences spatiales en général et de l’astronomie en particulier en Afrique, je suis aussi membre de l’Union Astronomique Internationale, membre du comité de rédaction du magazine  L’Astronomie Afrique, qui est un magazine en ligne et gratuit sur l’astronomie en Afrique, etc.

Aussi, en matière d’éducation des filles en Afrique, il y a une stigmatisation qui fait que les filles ne s’orientent pas généralement dans les filières scientifiques car ce sont des filières dites adaptées aux hommes et pas aux femmes car très difficiles. Donc déjà, ça crée une barrière pour les filles qui, dès les premiers obstacles, ont tendance à abandonner. De ce fait, je compte mener des actions en vue de vulgariser l’éducation de la science en général, et de l’astrophysique en particulier dans les pays où l’accès à la science est limité. Cela servira à motiver les jeunes filles et garçons (surtout les jeunes filles) à embrasser les filières scientifiques.

Etoiles africaines: Nikhita Madhanpall (Afrique du Sud)

Etoiles africaines: Nikhita Madhanpall (Afrique du Sud)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Dr Nikhita Madhanpall. Je suis actuellement Big Data Fellow et je travaille pour le bureau de l’astronomie pour le développement au Cap, en Afrique du Sud. Je suis originaire du KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud.

Nikhita Madhanpall

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Après l’école, j’ai étudié pour obtenir une licence en physique informatique, où j’ai appris à résoudre des problèmes de physique complexes à l’aide de la programmation. Après avoir obtenu un diplôme spécialisé en physique informatique, j’ai déménagé au Cap pour poursuivre une maîtrise en astronomie dans le cadre du programme NASSP de l’université du Cap. J’ai obtenu mon MSc et mon doctorat en astronomie à l’université de Western Cape et mon domaine de recherche était l’astronomie extragalactique et la cosmologie – l’étude de la rigueur à grande échelle afin de mieux contraindre les propriétés de la matière noire.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

J’ai eu la chance d’avoir un ciel assez sombre là où j’ai grandi et j’ai été intriguée par le ciel nocturne, l’espace et la cosmologie dès mon plus jeune âge.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Oui. Il m’est arrivé d’être jugée sur mon apparence (sexe et origine ethnique) plutôt que sur mes capacités. J’ai constaté que les professeurs n’attendaient pas grand-chose de moi et étaient surpris lorsque j’obtenais de bons résultats.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Si l’astronomie vous intrigue ou vous passionne, travaillez dur à l’école et concentrez-vous sur les mathématiques, la physique et l’informatique. L’astronomie est pour tout le monde ! À l’université, ne laissez pas les autres vous persuader de suivre une autre voie, continuez à poursuivre vos rêves.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?

J’ai acquis de bonnes compétences en programmation et en résolution de problèmes, ce qui m’a permis d’explorer le domaine de la science des données et de l’apprentissage automatique.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

En raison du manque de représentation ou d’interaction avec d’autres femmes ou des femmes de couleur dans la communauté des astronomes, de nombreuses femmes africaines peuvent avoir un sentiment de non-appartenance dans ce domaine ou douter de l’opportunité de poursuivre leurs recherches en astronomie. Nous devons donc créer des plates-formes et des groupes pour mettre en valeur les femmes africaines en astronomie et nous fournir mutuellement du mentorat et du soutien.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Je travaille actuellement au Bureau de l’astronomie pour le développement, où j’utilise des compétences et des techniques couramment utilisées en astronomie, telles que la science des données et l’apprentissage automatique, afin d’avoir un impact positif sur les objectifs de développement durable. Avec le soutien de DARA Big Data, je développe des ressources éducatives pour des événements de hackathon de développement des compétences en science des données et j’organise ces événements dans des pays d’Afrique.

L’astronomie, c’est pour tout le monde ! Si vous avez une passion pour l’astronomie, partez à la conquête, ne vous découragez pas.

 

 

 

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