par Sylvain Bouley | Jan 31, 2025 | Sur le Terrain
Cette conférence, qui s’est déroulée du 30 novembre au 2 décembre 2024, est la première conférence internationale sur les météorites, les cratères d’impact et l’astronomie en Mauritanie. Elle visait à atteindre les objectifs de l’Association Mauritanienne pour l’Astronomie en réunissant une communauté de scientifiques Mauritaniens, et de spécialistes d’autres pays afin de partager certains résultats récents de la recherche dans le domaine des météorites, des cratères d’impact météoritiques, ou de l’astronomie. Cette conférence a été l’occasion d’un échange de connaissances et des expériences. La conférence a été également une plate-forme importante permettant aux participants d’échanger de nouvelles idées pour le développement de la recherche scientifique en Mauritanie dans le domaine des sciences des planètes et de l’espace.

Fig.1. Photo dans le cratère d’impact d’Aouelloul pendant l’excursion de Conférence internationale sur la météorites et l’astronomie © AMA
Le programme de la conférence a permis de couvrir des thèmes importants pour définir une stratégie de recherche scientifique dans ce domaine en Mauritanie, basée sur les atouts du pays, et les compétences de ses enseignants-chercheurs :
- Les météorites: Richesse et patrimoine ex-ceptionnels par le Prof. Hasnaa Chennaoui-Aoudjehane (Université Hassan II de Casablanca).
- Météorites du Sahara: densité, flux et âge, par Dr. Maria Aboulahris (Université Hassan II de Casablanca).
- Applications de la géomatique dans la planétologie, par le Dr. Hicham SI MHAMDI.
- Détection d’astéeroïdes avec Astrometrica par le Prof. Hassane Darhmaoui (Université Al Akhawayn, Maroc).
- Etude structurale du cratère d’impact Aouelloul et prospection en Mauritanie Speaker: Dr. Ould Ely Cheikh Mohamed Navee (Association Mauritanienne Pour l’Astronomie).
- Progrès dans l’imagerie en Astronomie par le Prof. Mohamed Vall Mohamed Zeyad (University of Nouakchott)
- Les activités de l’Association Mauritanienne Pour l’Astronomie Speakers : Mr. Ing. Sidi Ahmed Bowba et Mr. Ing. Ahmed Mahmoud Senhoury (Membres actives de l’Association Mauritanienne Pour l’Astronomie).
- Initiative Africaine pour les Sciences des Planètes et de l’Espace (AFIPS): Perspectives Speaker: Dr. David Baratoux (IRD, Toulouse, France).
- Astéroïdes et Comètes : Sources des Météores et Météorites Speaker: Dr. Youssef (UM6P – Mohammed VI Polytechnic University, Maroc).
- Mécanisme de surveillance des astéroïdes Speaker: Dr. Abdurahman Malawi (King Fahd University, KSA).
- Les phénomènes astronomiques dans la poésie arabe : Talbi Hassan (Maroc).
- La grippe saisonniere en Mauritanie : le calendrier influence-t-il sa periodicite ? Speaker: Dr. Ahmed Elbara (University of Nouakchott).
Cette conférence a été aussi l’occasion de recevoir un panel sur le thème « Le futur de la recherche en sciences planétaires et science des météorites, animé par Prof. Hasnaa Chennaoui-Aoudjehane, le Dr. Ely Cheikh Mohamed Navee, et le Dr. Maria Aboulahris,
Enfin, le Prof. Hasnaa Chennaoui-Aoudjehane a également organisé un atelier sur l’identification macroscopique et au microscope optique des météorites.
La conférence s’est achevée sur la visite du cratère d’impact d’Aouelloul (390 m de diamètre, 3 millions d’années), récemment étudiés dans le cadre de la thèse de doctorat d’Elycheikh Ould Mohamed Naviee (cf. https://lastronomieafrique.com/la-cratere-daouelloul-sur-les-traces-de-theodore-monod/)
par Elycheikh Ould Mohamed Naviee
par Sylvain Bouley | Jan 31, 2025 | Sur le Terrain
La conversion de l’antenne de télécommunication ghanéenne de 32 m en un radiotélescope capable d’interférométrie à très grande base (VLBI) a commencé lorsque l’Afrique a commencé à participer au projet SKA (Square Kilometre Array) pour accueillir le plus grand radiotélescope du monde. En effet, il était important d’aider les activités scientifiques et technologiques en lien avec radioastronomie dans les pays partenaires du SKA. Il a été très vite reconnu que le Ghana disposait d’une antenne de télécommunication qui pourrait être réutilisée pour la radioastronomie à un coût relativement faible. Le ministère sud-africain de la science et de la technologie, par l’intermédiaire du ministère ghanéen de l’environnement, de la science, de la technologie et de l’innovation (MESTI), a entamé des discussions avec Vodafone Ghana Limited en vue d’acquérir et de réutiliser sa grande antenne de station terrestre située à Kuntunse, au Ghana, à des fins de radioastronomie compatible avec le VLBI.

Le radiotélescope GRAO
Le projet de conversion est devenu possible lorsque Vodafone-Ghana a transféré l’antenne au MESTI par le biais d’un protocole d’accord signé entre les deux parties en mai 2012. Par la suite, le Ghana Space Science and Technology Institute (GSSTI) a été autorisé par le MESTI à collaborer avec SKA South Africa, une unité commerciale de la National Research Foundation d’Afrique du Sud. Une inspection détaillée de l’ensemble de la structure a révélé que l’antenne et la structure associée étaient en bon état. Les travaux ont donc été axés sur la sécurité d’abord, puis sur la performance et la fiabilité. Le télescope a été officiellement lancé en 2017 et devrait être intégré au réseau africain VLBI (AVN) en préparation de la deuxième phase de construction du Square Kilometre Array (SKA) à travers le continent africain.
Dans le cadre du développement des capacités humaines en vue de la conversion, une équipe de sept scientifiques et techniciens a été envoyée en Afrique du Sud pour être formée au transfert de compétences dans les domaines de la science, de la technologie et de l’ingénierie de la science de la radioastronomie et de l’instrumentation, dans le but de devenir compétente dans l’exploitation, la maintenance et l’entretien de la station VLBI de Kuntunse. En outre, des bourses ont été offertes à des scientifiques ghanéens pour étudier l’astronomie, le génie mécanique et les cours liés à l’astronomie au Royaume-Uni et en Afrique du Sud par l’intermédiaire de la Royal Society, du Development in Africa for Radio Astronomy (DARA) au Royaume-Uni et du projet de bourses SKA. Depuis 2014, GRAO a été désigné comme centre de formation pour préparer les étudiants à des carrières en radioastronomie par la Royal Society, DARA et SKA, et a successivement formé plus de 71 étudiants.
Par Joyce Koranteng-Acquah du Centre de radioastronomie et d’astrophysique du GSSTI
https://gssti.org ou https://gssti.gaecgh.org
par Sylvain Bouley | Jan 31, 2025 | Au fil des étoiles
L’astronomie en Afrique est en pleine expansion, et Madagascar s’inscrit désormais dans cette dynamique grâce au Kanty Astronomy Research Group (KARG), le premier groupe de recherche astronomique basé dans le pays, affiliée au South African Astronomical Observatory (SAAO) et à l’Université d’Antananarivo. Dirigé par Dr. Zara Randriamanakoto, le KARG se distingue par son approche novatrice et son engagement envers la communauté.

Objectifs et Composition
KARG vise à promouvoir l’astronomie en Afrique à travers des projets de recherche de pointe dans le domaine de l’astronomie extragalactique. Le groupe est composé d’étudiants en licence, en Master et en Doctorat, ainsi que de stagiaires de recherche à court terme, principalement basés à Madagascar et en Afrique du Sud. Financé par le National Research Foundation (NRF) et la National Geographic Society, KARG ne se contente pas de mener des recherches; il s’efforce également de créer un environnement d’équipe agréable et solidaire par le biais d’activités sociales.

Les activités du KARG à l’Akany Avoko Ambohidratrimo dans le cadre de SheMatters
Projets en Cours
Les projets de KARG sont divers et utilisent des données issues du Hubble Space Telescope de la Nasa et du radio télescope sud-africain MeerKat. Actuellement, ils explorent le cycle de vie des noyaux actifs de galaxies (AGN), cherchant notamment des types rares de radio galaxies comme les AGN redémarrées ou radio galaxies redémarrées et les Galaxies Radio Triples-Doubles (TDRGs, des radio AGN ayant subi 3 épisodes d’activités nucléaires)). Un de leurs projets récents, le Stellar Clusters in Collisional Ring Galaxies (SC2RG), s’intéresse aux questions ouvertes sur la formation stellaire des Collisional Ring Galaxies (CRGs, galaxies en anneaux en collision) via l’étude multi-longueur d’onde des jeunes amas stellaires massifs. Grâce à ces initiatives, KARG a obtenu du temps d’observation au télescope Southern African Large Telescope (SALT), soulignant ainsi leur capacité à mener des recherches de haut niveau.

A gauche : La galaxie Roue de Chariot observée dans le proche et le moyen infrarouge par le télescope spatial James Webb. A droite : Arp 147 observée par le télescope spatial Hubble.
Défis et Opportunités
Malgré les défis inhérents comme l’accès compétitif aux ressources d’observation et la supervision à distance, KARG voit dans ces obstacles des opportunités pour des découvertes significatives, notamment dans des domaines peu explorés comme l’étude des amas stellaires dans les CRGs et les TDRGs.
Engagement Communautaire et Éducation
Au-delà de la recherche, KARG s’engage profondément dans la vulgarisation scientifique, particulièrement via leur initiative SheMatters. Ce programme vise à inspirer et offrir des perspectives de carrière aux filles et jeunes femmes de l’Akany Avoko Ambohidratrimo (AAA), un foyer d’accueil pour enfants, adolescents et mères mineures souvent marginalisés, situé en périphérie de la capitale malgache. L’idée de lancer SheMatters est née du souhait d’utiliser l’astronomie à des fins pertinentes, au-delà du simple partage des merveilles de l’Univers : donner de l’espoir aux communautés défavorisées. L’initiative vise également à offrir aux membres féminins de l’équipe du KARG l’opportunité de servir de modèles et de sources d’inspiration pour les bénéficiaires. L’un des objectifs clés est de transmettre des compétences pratiques et de fournir une orientation professionnelle aux participantes afin qu’elles retrouvent confiance en elles et reconstruisent leur avenir.

Le KARG à l’Akany Avoko Ambohidratrimo dans le cadre de SheMatters
Les activités de SheMatters, menées par les coordinatrices locales, Mlle Bénite Tantely et Mlle Miora Rakototafika, avec l’aide d’étudiants bénévoles,incluent la célébration en 2024 de la Journée Internationale des Femmes et des Filles dans la Science (IDWGS, 11 février), des discussions motivantes et des orientations professionnelles données par des scientifiques féminines dans divers domaines des STEMs, des observations solaires et nocturnes ainsi que des ateliers pratiques comme la création d’artisanat, sur le thème de l’astronomie, destiné à la vente. Les participantes ont manifesté un intérêt croissant pour les sciences et la volonté d’acquérir de nouvelles compétences pour un avenir meilleur, tandis que le programme a également offert à l’équipe du KARG une précieuse opportunité de transmettre leurs connaissances et de gagner en expérience dans la conduite d’activités de sensibilisation.

Membres et stagiaires du KARG avec Dr. Zara Randriamanakoto
Conclusion
Le Kanty Astronomy Research Group représente une étape significative pour l’astronomie en Afrique, et particulièrement à Madagascar. En combinant recherche de pointe et engagement social, KARG montre que l’astronomie peut être un vecteur de changement et d’inspiration, en particulier pour les femmes dans les STEM.
par Andoniaina Rajaonarivelo, Haikintana Astronomy Association
Liens : Kanty Astronomy Research Group :
https://www.zarastro.org/
https://web.facebook.com/kantygroup
par Sylvain Bouley | Jan 31, 2025 | Au fil des étoiles
Du 9 au 17 novembre 2024, une équipe de chercheurs, médiateurs scientifiques et pilotes passionnés a traversé le ciel marocain à bord de deux avions légers pour une mission inédite : apporter l’astronomie dans des écoles des régions éloignées. Soutenue par le ministère de l’Éducation nationale, du préscolaire et du sport au Maroc et la Fondation Antoine De Saint Exupéry Pour La Jeunesse, cette aventure a éveillé l’intérêt de plus de 1000 élèves pour les sciences et les carrières scientifiques, tout en tissant un lien unique entre savoir, culture et patrimoine.

Inspiré de l’héritage d’Antoine de Saint-Exupéry et de l’Aéropostale, Les Étoiles du Petit Prince a vu le jour grâce à une collaboration entre l’Université de Berne, l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, l’association SpaceBus Maroc, le réseau associatif national NOC-IAU Maroc, l’Association d’Astronomie Amateur de Marrakech (3AM), l’association Rose des Vents – Cap Juby, ainsi que des passionnés d’aviation et de sciences.
En reliant Tanger, Essaouira, Agadir, Tan-Tan, Laâyoune, Tarfaya, Ouarzazate et Zagora, l’expédition a permis aux élèves de découvrir des thèmes variés : parcours scientifiques, astronomie, aviation et enjeux du transport aérien. Ces activités, adaptées à chaque groupe d’âge, visent à inspirer de nouvelles vocations et permettre à des communautés isolées d’accéder à la médiation scientifique.

Les élèves, souvent émerveillés de rencontrer des pilotes et des astronomes pour la première fois, ont réservé un accueil des plus chaleureux à l’équipe, exprimant leur enthousiasme à travers des dessins du Petit Prince, des présentations et des mots de bienvenue.

Moment fort de l’expédition : l’escale à Tarfaya, un lieu mythique pour l’Aéropostale et Saint-Exupéry. C’est ici, entre dunes et océan, que l’auteur du Petit Prince a puisé son inspiration, unissant pour un instant la magie du ciel, la poésie et la science. Des séances de planétarium animées par l’Association Sahara pour l’Astronomie ont transporté les élèves aux confins du système solaire, leur offrant une perspective nouvelle sur leur propre place dans l’Univers.

Un autre volet marquant de cette expédition fut l’échange culturel : des lettres écrites par des élèves de Toulouse et de Berne à destination de leurs camarades marocains ont voyagé à bord des avions, tissant une correspondance entre ces jeunes, unis sous un même ciel étoilé.

Au-delà des activités, l’initiative a permis des échanges enrichissants avec les enseignants et une initiation à l’utilisation d’une dizaine de télescopes éducatifs qui sont restés sur place afin de prolonger l’expérience scientifique bien après le passage de l’équipe.
Avec l’ambition de pérenniser cette aventure, Les Étoiles du Petit Prince alternera entre des tournées terrestres avec SpaceBus Maroc et des expéditions aériennes, ouvrant ainsi la voie à une médiation scientifique toujours plus innovante et accessible.

par Meriem El Yajouri
par Sylvain Bouley | Jan 31, 2025 | Actualités
La mission américaine Lucy, lancée en 2021, a survolé un petit astéroïde de la ceinture principale, Dinkinesh, doté d’un satellite baptisé Selam, dont la structure s’est révélée complexe.

1. L’astéroïde Ida et son satellite Dactyle, découvert lors du survol de l’astéroïde par la sonde Galileo le 28 août 1993. Ida est, comme Dinkinesh, un astéroïde de la ceinture principale, située entre Mars et Jupiter. Son diamètre moyen est de 31 km, alors que celui de Dactyle est de 1,4 km. (©NASA)
Depuis plus d’un demi-siècle, l’exploration spatiale du Système solaire a privilégié l’étude des planètes, de leurs satellites et des comètes. Il aura fallu attendre la fin du XXe siècle pour que les astéroïdes bénéficient eux aussi de leurs missions dédiées. Avant cette date, certains d’entre eux avaient tout de même été approchés par des sondes spatiales au cours de leur croisière : c’est le cas en particulier d’Ida, satellite de la ceinture principale autour duquel la sonde américaine Galileo, en route vers Jupiter, a découvert en 1993 un satellite nommé Dactyle ; d’autres astéroïdes ont aussi été observés par d’autres missions spatiales au cours de leur trajet, en particulier la mission européano-américaine Cassini-Huygens et la mission européenne Rosetta.

2. Exemples d’images de l’astéroïde Dinkinesh et de son satellite Selam prises par la sonde Lucy lors de son survol le 1er novembre 2023. À gauche, les images b et f montrent l’astéroïde Dinkinesh. Il a la forme d’une toupie aussi observée sur Ryugu et Bennu, caractéristique d’une structure interne en « rubble pile » (terme anglais pour décrire un assemblage de roches sans cohésion, maintenues ensemble par la force de gravité). On voit clairement le bourrelet équatorial et, sur l’image b, la faille oblique qui témoigne d’un bouleversement passé de sa structure interne. Les images d et m montrent l’astéroïde et son satellite sous des angles différents. L’image l est un agrandissement du satellite montrant clairement sa structure bilobée. (© Levison et al. 2024)
En 1996 est lancée la première mission dédiée à un astéroïde : c’est NEAR-Shoemaker qui explore l’astéroïde Éros en 2000. Ensuite, il faut attendre la mission japonaise Hayabusa, lancée en 2003, qui explore l’astéroïde Itokawa en 2005 et rapporte le premier échantillon astéroïdal sur Terre en 2010. En 2006, la mission américaine New Horizons est lancée en direction du Système Solaire extérieur : elle survole Pluton en 2015, puis en 2019 un autre objet transneptunien, Arrokoth. La collecte d’échantillons reprend avec la mission japonaise Hayabusa2, lancée en 2014, qui explore l’astéroïde Ryugu dont un échantillon est récupéré sur Terre en 2020. En parallèle, la mission américaine OsirisREx, lancée en 2016, explore entre 2018 et 2020 l’astéroïde Bennu, dont un échantillon a été rapporté sur Terre en 2023 ; comme celle d’Itokawa, les orbites de Ryugu et Bennu sont relativement proches de celle de la Terre.
Dans la lignée de New Horizons, la mission américaine Lucy, lancée en 2021, a aussi pour objectif d’explorer les astéroïdes éloignés. Il s’agit cette fois de six astéroïdes troyens qui partagent l’orbite de Jupiter. En chemin, la sonde doit explorer quatre autres astéroïdes de la ceinture principale. Le premier d’entre eux, Dinkinesh, a été survolé par la sonde Lucy le 1er novembre 2023 et la rencontre a déjà révélé une surprise de taille, révélée par un article de Harold Levison (SwRI, Boulder, Colorado, É.-U.) et ses collègues [1], publié dans la revue Nature le 30 mai 2024: un satellite en orbite autour de l’astéroïde principal ! Qui plus est, ce nouvel objet est constitué de deux lobes accolés, alignés le long de l’axe astéroïde-satellite. Le nouvel objet a été appelé Selam (les noms éthiopiens Dinkinesh et Selam étant les appellations de Lucy, l’australopithèque fossile découvert en 1974, et d’un autre fossile d’australopithèque).
Dinkinesh est un astéroïde de type S, c’est à-dire riche en silicates, d’un diamètre inférieur ou égal à 800 mètres. L’étude de sa courbe de lumière (par mesures télescopiques avant la rencontre) avait permis de déterminer une période de 52,6 heures. Les images enregistrées par la sonde Lucy lors de son survol ont mis en évidence l’existence du satellite ainsi que sa structure bilobée. De plus, les courbes de lumière de Dinkinesh et de Selam prises par la sonde Lucy après le survol montrent que la période orbitale de Selam est très proche de sa période de rotation, ce qui indique que les deux objets sont en rotation synchrone (Selam présente toujours la même face à Dinkinesh). Ce résultat est aussi confirmé par le fait que, comme le montrent les images, le centre de Dinkinesh est aligné avec les centres des deux lobes de Selam. De plus, l’observation d’occultations mutuelles sur la courbe de lumière de Selam montree que l’orbite de Selam est rétrograde par rapport à l’orbite héliocentrique de Dinkinesh. Les images de l’astéroïde montreent que Dinkinesh est en rotation rapide avec une période de 3,7 heures. Sa rotation est rétrograde par rapport au pôle Nord de l’écliptique, et donc dans le même sens que la révolution de Selam autour de Dinkinesh. L’examen des courbes de lumière suggère aussi que l’orbite de Selam est circulaire, et les phénomènes d’occultations mutuelles montrent que celle-ci est proche du plan orbital héliocentrique de Dinkinesh ; elle est aussi sans doute proche du plan équatorial de Dinkinesh. Cette configuration est très courante chez les petits astéroïdes binaires, car elle résulte d’une réorientation de l’axe de rotation sous l’effet des forces de rayonnement thermique asymétriques qui s’exercent sur l’objet : c’est ce que l’on nomme l’effet Yarkovsky [2].

3. Courbes de phase de Dinkinesh (EN HAUT) et de Selam (EN BAS) réalisées avec une période de rotation de 3,7387 h pour Dinkinesh et 52,67 h pour Selam, mesurées par la sonde Lucy après le survol. La courbe de Selam, très régulière, est conforme à la courbe attendue si les deux lobes de Selam sont alignés avec l’axe satellite-astéroïde. Les points rouges correspondent à des occultations mutuelles. Les flèches orange indiquent les événements attendus si l’orbite de Selam est rétrograde, et les flèches vertes indiquent les événements attendus dans le cas d’une orbite prograde. On voit que la courbe observée indique une orbite rétrograde. (© Levison et al. 2024)
Selon les calculs, il faut environ 107 ans – soit un temps très court à l’échelle du Système Solaire – pour que, sous l’effet YORP, l’axe de rotation de l’astéroïde devienne perpendiculaire au plan de son orbite. D’un point de vue dynamique, le couple Dinkinesh-Selam est conforme aux autres systèmes d’astéroïdes binaires de la ceinture principale ou en deçà, avec un objet principal en rotation rapide et un satellite en rotation synchrone autour de celui-ci.
Les images de Selam montrent deux lobes presque identiques, de diamètres respectifs 210 et 230 mètres. Dans l’image montrant les deux lobes côte à côte, la partie intermédiaire est dans l’ombre, ce qui fait que l’on ignore la largeur de la partie centrale. La forme triangulaire de Selam (que l’on retrouve chez d’autres petits astéroïdes comme Ryugu et Bennu) suggère aussi une structure en rubble pile. Cependant, la présence des deux lobes indique aussi une certaine forme de cohésion interne.
Les images montrent que Dinkinesh possède, comme Ryugu et Bennu, un bourrelet central, caractéristique de la structure en rubble pile. Elles montrent également un large sillon, interprété par les auteurs de l’étude comme la trace d’une fracture interne globale intervenue dans le passé, sans doute une conséquence de l’effet Yarkovsky. La matière évacuée au moment de ce bouleversement aurait formé un anneau, puis un bourrelet équatorial et un satellite.
La découverte du système de Dinkinesh suggère que les petits astéroïdes de la ceinture principale pourraient être plus complexes que prévu. L’existence de satellites bilobés autour d’un astéroïde suggère un nouveau mode de formation possible pour les astéroïdes bilobés tels qu’Itokawa ; ceux-ci pourraient, comme Selam autour de Dinkinesh, avoir été agrégés à un corps central, dont ils se seraient ensuite séparés.
Thérèse Encrenaz – Observatoire de Paris-PSL

- H. P. Levison et al., « A contact binary satellite of the asteroid (152830)Dinkinesh » , Nature 629, 1015, 2024.
- L’effet Yarkovsky, aussi appelé effet YORP (YarkovskyO’Keefe-Radsievskii-Paddack), a pour origine une force thermique liée à l’insolation asymétrique d’un astéroïde en rotation sur lui-même. Le rayonnement solaire absorbée par la surface de l’astéroïde est réémis après un certain temps sour forme de rayonnement thermique, dans une direction légèrement différente compte tenu de la rotation de l’objet sur lui-même ; il en résulte un couple susceptible de modifier à long terme le mouvement de l’objet. L’effet Yarkovsky dépend fortement de la capacité des matériaux en surface à conduire la chaleur en profondeur ; il est nul pour un objet parfaitement conducteur. Il s’applique aux objets de petit diamètre (D < 40 km) relativement proches du Soleil et a pour effet de modifier à long terme leur distance au Soleil, leur période de rotation et leur obliquité.