LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE
La constellation du trimestre – Orion

La constellation du trimestre – Orion

ABREVIATION  Ori

NOM LATIN  Orion                       

GENITIF  Orionis

Orion est peut-être la constellation la plus ancienne repérée et de nombreuses civilisations l’ont évoquée. Au IIIe millénaire avant notre ère, les Sumériens voyaient là un mouton. Pour les Hittites, un peu plus tard, au IIe millénaire, c’était un chasseur. Les Égyptiens croyaient qu’il s’agissait de la maison d’Osiris, fils de Nout, déesse du ciel. En Chine, cet astérisme était inclus dans le zodiaque chinois. Pour les Grecs, Orion représentait le chasseur de la mythologie… C’est sous cette forme que les atlas célestes du xvIIe siècle l’ont dessiné. L’astérisme de cette grande constellation est représenté par le quadrilatère que forment les principales étoiles: Bételgeuse en partant du nord-est, Bellatrix, Rigel et Saïph. La barre intérieure, tout aussi fascinante, est constituée par Alnitak, Alnilam et Mintaka. Elles sont aussi appelées les Trois Rois, allusion aux rois mages: Noël vient d’être fêté. Cette « Californie » du ciel, comme la désignait Camille Flammarion, comporte de nombreux objets stellaires remarquables. Nous sommes là près de la voie lactée avec une population stellaire dense.

 

Copyright:Rogelio Bernal Andreo

 

Partie Nord

 

Partie Sud

La partie sud de la reine des constellations (voir l’Astronomie n°123 p. 50) est ce mois-ci à notre programme, cernée par les trois étoiles du Baudrier (Alnitak, Alnilam et Mintaka) aussi nommées « Les Trois rois » ; au sud par Rigel (β) et Saïph (κ). Nous regardons là une zone de la Voie Lactée opposée au centre galactique (que l’on voit les soirs d’été dans la constellation du Sagittaire). Notre regard plonge dans le bras galactique d’Orion, vers l’extérieur de notre galaxie. La Voie Lactée est ici moins visible qu’en été, mais elle est bien présente par le nombre d’étoiles brillantes, la densité stellaire et bien sûr par la vision de nombreuses nébuleuses gazeuses.

 

 

La constante de Hubble

La constante de Hubble

Dans les années 1920, Edwin Hubble, a mesuré le spectre de 18 galaxies dont on avait évalué la distance. L’étude de leur spectre lui permit de mesurer leur vitesse. Il constata que les galaxies les plus éloignées s’éloignaient toutes de la nôtre, et que leur vitesse d’éloignement était proportionnelle à leur distance.

Cette vitesse se traduit par un décalage de la lumière vers le rouge qu’on a pris l’habitude d’appeler : « redshift ». Cette relation de proportionnalité s’écrit simplement : v=H0 r, où v est la vitesse dite de récession de la galaxie, et r sa distance à notre Galaxie, exprimée en Mpc (1 Mpc ~ 3,26 106 années lumière). C’est la loi de Hubble-Lemaître. H0 est le coefficient reliant ces deux grandeurs, c’est la constante de Hubble. On remarque qu’il a la dimension inverse d’un temps ; en fait on l’exprime en km/s /Mpc.  À l’époque, les distances des galaxies étaient sous estimées, et Hubble détermina une valeur trop grande. De nos jours, toujours en raison de la difficulté à connaître la distance des galaxies, il reste encore d’importantes incertitudes sur cette valeur (voir l’actualité «Mystères cosmiques : la suite »). Cependant, on estime H0  voisin de 75 km/s / Mpc. Prenons l’exemple de la galaxie M87, dont on a visualisé le trou noir central : sa distance est de 16,4 Mpc, et donc selon la loi de Hubble-Lemaître, sa vitesse de récession est  75*16.4= 1230 km/s, ce qui est très proche de la valeur mesurée (1280 km/s).

Cette relation a été établie pour des galaxies relativement proches, ce qui est indiqué par l’indice 0 apparaissant dans la notation H0 . Cependant, on ne peut pas affirmer que H soit réellement une constante. Les galaxies lointaines étant vues lorsqu’elles étaient plus anciennes, une variation de H avec le temps est possible. Ainsi, on peut écrire plus généralement  H comme une fonction du temps,  H0 étant la valeur actuelle.

Toutes les observations montrent que nous ne sommes pas dans un endroit spécial, et que l’univers local est semblable à l’univers plus lointain. Nous ne sommes donc pas au centre de quelque chose de spécial. En revanche, nous déduisons de la relation de Hubble-Lemaître que nous sommes situés en un lieu quelconque d’un univers en expansion. En fait, la distance séparant deux galaxies quelconques s’accroît en suivant la loi de Hubble-Lemaître.

Champ de galaxies du grand relevé CFHTLS Deep Field. Au moins un millier de galaxies sont visibles sur cette image. Les plus lointaines apparaissent plus rouges.

Retournons cette relation en faisant apparaître un temps : 1/H0 =r/v. Cette relation nous indique que si on remonte le temps, deux galaxies quelconques éloignées actuellement d’une distance r et s’éloignant à la vitesse v, se trouvaient au même endroit (si H est demeuré constant) il y a 1/H0 . Avec H0  =75 km/s/Mpc, en convertissant les Mpc en km et les secondes en années, on trouve que  1/H0   vaut environ 15 milliards d’années. C’est à dire (en simplifiant les choses) qu’à cette époque, tout était au même endroit : l’Univers avait une taille quasiment nulle et une densité quasi-infinie. C’est ce qu’on appelle le Big bang. Ainsi l’âge de l’Univers serait environ 1/H0 . On nomme ce temps caractéristique : « le temps de Hubble ».

Une autre particularité de la relation de Hubble-Lemaître est que deux galaxies peuvent s’éloigner l’une de l’autre à une vitesse excédant la vitesse de la lumière, pourvu qu’elles soient assez éloignées.

Reprenons la relation de base v = H0r et supposons que v = c, vitesse de la lumière. On obtient alors une distance critique appelée « la distance de Hubble » notée rH ; elle vaut 15 milliards d’années divisé par c, donc 15 milliards d’années-lumière. Deux galaxies séparées d’une distance supérieure à rH ne peuvent se voir puisque les deux galaxies se séparent à une vitesse excédant celle de la lumière. Toute la partie de l’Univers située au-delà de la distance de Hubble est donc inobservable… et inconnaissable. Cette limite définit ce qu’on appelle : « l’horizon cosmologique ».

Sur le plan théorique, les représentations les plus fréquemment adoptées pour décrire l’Univers à grande échelle (par exemple le modèle Lambda-CDM) se fondent sur une géométrie qui ne dépend que d’un facteur S caractérisant les dimensions de l’Univers et qui dépend du temps. La dérivée S’(t) de ce facteur, qui est une sorte de vitesse d’expansion de l’univers, est relié également à la relation de Hubble-Lemaître v = H0r . Les cosmologues ont trouvé que S(t) joue le rôle de r, et S’(t) joue le rôle de v, si bien que S’(t)= H0  S(t) .

Ainsi, nous voyons que la connaissance de la constante de Hubble, découverte presque par hasard dans les années 1920, est devenue un enjeu majeur de la cosmologie moderne.

 

Des planètes Terre partout?

Des planètes Terre partout?

25 Août 2016, 13h, journal télévisé de France 2 : « Notre planète a peut-être trouvé sa sœur jumelle » (découverte de Proxima b). Même son de cloche le 23 Juillet 2015, le 18 Avril 2014 (journal télévisé de TF1 : « Elle serait la cousine voire la sœur de la Terre » lors de la découverte de Kepler 186 f), le 6 Décembre 2011, et même dès le 25 Avril 2007. À chaque fois, de jolies illustrations, « vues d’artiste » même si ce n’est que rarement explicité. Que de nouvelles Terres donc !

 

Et pourtant, il faut bien reconnaître que si on y regarde de plus près, nous ne savons finalement que peu de choses sur les quelque 3500 exoplanètes découvertes  à présent. Certes, en moins d’un quart de siècle, c’est réellement un tout autre univers que nous découvrons, peuplé de planètes en orbite autour d’une multitude d’étoiles, et peut être même toutes si nos instruments étaient assez performants même autour de l’étoile la plus proche de notre système, Proxima du Centaure.

Les deux méthodes principalement utilisées pour la détection d’exoplanètes (détection photométrique de transit et mesure de vitesse radiale par spectroscopie) ont donné des résultats excellents mais surprenants. Ces méthodes, complémentaires, ne peuvent être utilisées dans les mêmes conditions : la spectroscopie de précision permettant la mesure de vitesses radiales des étoiles requiert une instrumentation lourde et encombrante ; incompatible avec une exploitation facile dans l’espace, elle passe par l’utilisation de grands télescopes au sol. À l’inverse, la photométrie ultra précise, utilisée pour la détection de transit se prête facilement à la « spatialisation » : les détecteurs utilisés sont simples, assez robustes et leur mise en œuvre sur une sonde spatiale est donc une tâche maintenant assez routinière. C’est cette technique que va utiliser la mission PLATO de l’ESA, dont le lancement est prévu en 2026. D’autres missions spatiales, franco-européenne comme CoRoT (pionnière en matière de recherche d’exoplanètes grâce à la photométrie spatiale), ou américaines comme Kepler et TESS (lancée en Avril dernier), se  fondent aussi sur cette technique. Mais alors, qu’apporte PLATO donc en plus de ces missions passées et présentes ? Puisque la technique choisie est utilisée depuis plus de 10 ans, on pourrait penser que cette mission n’est qu’une petite avancée et non un véritable pas en avant. En fait, l’importance de cette nouvelle mission réside dans ses objectifs qui ne sont pas seulement de détecter des exoplanètes, mais d’en connaître précisément les caractéristiques (rayon, masse, âge…) et ce pour un très grand nombre d’entre elles. De nombreuses détections, accompagnées de détails sur les exoplanètes découvertes ont été annoncées, mais les certitudes liées à la détection sont souvent mélangées uniquement à des spéculations sur l’allure de ces planètes. Plus précisément, on peut trouver l’estimation de la masse d’une de ces planètes, mais difficile de trouver l’incertitude qui affecte, par exemple, la valeur de cette masse. Et elle est parfois… astronomique. Sans parler de l’âge du système observé, dont on ne parle souvent pas faute de pouvoir en donner une valeur avec moins de 50% d’incertitude. PLATO s’est fixé comme objectif de précisément déterminer masse, rayon (donc masse volumique) et âge des planètes détectées. Il deviendra alors possible de dire, avec certitude et sans exagération ou spéculation, s’il existe des planètes comparables à la Terre, combien, et autour de quelles étoiles. Et par là même, de caractériser bien sûr les autres planètes, plus grosses, plus proches ou plus lointaines de leur étoile hôte, pour comprendre la diversité des systèmes observés.

Les missions antérieures

On peut donc se demander comment PLATO va procéder et pourquoi les missions précédentes n’ont pas fait de même. Il faut d’abord se replacer dans le contexte de ces missions passées. Dans les années 1990, les caméras capables d’observer des centaines de milliers d’étoiles avec une ultra haute précision photométrique deviennent facilement spatialisables. Elles ouvrent d’immenses possibilités dont celles de la mesure de la micro-variabilité des étoiles. On l’oublie souvent, c’est une petite mission canadienne nommée MOST qui a ouvert la voie. Tellement petite que son initiateur, Jaymie Matthews de l’université de Vancouver, la surnommait le Humble Space Telescope. Lancée en 2003 avec le soutien de la Canadian Space Agency, avec pour objectif des observations de photométrie stellaire (sans pour autant viser initialement à la détection d’exoplanètes), elle était équipée d’une instrumentation forcément moins performante que les missions qui suivront, mais c’était un début. Et la possibilité de détecter des transits planétaires devint un objectif qui n’était plus hors d’atteinte. Les premières véritables détections d’exoplanètes par la photométrie spatiale furent celles de la mission CoRoT, lancée en 2006. CoRoT était un projet international regroupant des pays européens ainsi que le Brésil, et mené par l’agence spatiale française, le CNES, avec l’appui scientifique de nombreux laboratoires de recherche en France et ailleurs. La NASA emboîta le pas de CoRoT avec la mission Kepler, avec les moyens que cette agence peut engager : elle fit une riche moisson d’exoplanètes (plus de 2000) entre son lancement en 2009 et son arrêt en octobre 2018. Toutes ces missions, qu’on pourrait appeler de première génération, avaient pour but principal la simple détection d’exoplanètes, ce qui représentait déjà un objectif ambitieux à l’époque. Elles n’ont pas été conçues dès l’origine pour les caractériser en masse, rayon et âge, paramètres indispensables pour maintenant comprendre la physique des systèmes observés. CoRoT et Kepler visaient à observer un très grand nombre d’étoiles (plus de 150 000) pour maximiser les chances de détection de planètes. Que ce soit avec un télescope de relativement petit diamètre comme CoRoT (moins de 30cm) ou plus grand comme Kepler (presque 1m), cela impose d’observer des étoiles peu brillantes dans un champ de vue restreint. C’est la faible luminosité de ces étoiles qui a limité la connaissance des planètes orbitant autour d’elles. Un transit planétaire permet de connaître le rayon de la planète selon la profondeur de ce transit. Celui-ci est proportionnel au carré du rapport du rayon de la planète sur le rayon de l’étoile. Et ce dernier est difficilement mesurable si l’étoile est peu lumineuse. D’où l’impossibilité de pouvoir toujours connaître précisément le rayon des planètes détectées par CoRoT et Kepler. Pour déterminer la masse de la planète, même limitation : elle est déterminée par des observations spectroscopiques depuis des observatoires au sol. Quand CoRoT et Kepler détectaient un transit, des programmes de suivi au sol (dit « follow-up ») commençaient, visant les étoiles hôtes. Mais si cette étoile est faiblement lumineuse, les observations spectroscopiques du sol seront difficiles. Il faudra recourir à des télescopes de grand diamètre (plusieurs mètres) : ceux-ci ne sont pas légion et sont déjà bien occupés à la poursuite d’autres objectifs astrophysiques.

Récapitulatif des différentes missions capables de détecter des exoplanètes, depuis les premières découvertes en 1990. De nouvelles découvertes et innovations continuent de nos jours.

 

Le concept de PLATO

PLATO a dès le départ intégré la contrainte de la caractérisation précise des étoiles hôtes pour pouvoir ensuite appliquer cette précision aux planètes, tout en étant ambitieux en termes de nombres de planètes détectées et donc caractérisées. Pour cela, le concept instrumental de PLATO est particulier : plutôt qu’un seul télescope de grand diamètre comme Kepler, PLATO s’appuie sur 24 télescopes de petit diamètre. Cela présente l’avantage de concilier une grande surface collectrice (24 fois celle d’un télescope unitaire) tout en conservant un large champ de vue sur le ciel du fait de la courte focale. Cette solution simple en apparence ne va pas sans quelques difficultés : il faudra recombiner les 24 images pour profiter pleinement de ce dispositif optique. Mais ce surcroît de complexité est largement compensé par la possibilité d’observer avec une bonne précision photométrique (car grande surface collectrice) un très grand champ qui va donc compter beaucoup d’étoiles, dont beaucoup d’étoiles brillantes. Le suivi au sol de ces étoiles sera donc facilité. Et PLATO, s’appuyant sur l’expérience des missions précédentes, intègre dès avant le lancement la stratégie d’observations au sol pour maximiser l’exploitation des données obtenues dans l’espace.

Illustration du design du satellite. Chaque petit télescope possède un même grand champ de vue et la surface collectrice est multipliée par l’addition des images collectées. (OHB System AG)

 

Un autre atout de PLATO repose aussi sur la luminosité plus grande des étoiles observées. Ce point apparemment assez anodin est en fait primordial. D’abord, cet aspect est à la base même de la conception de PLATO : l’architecture décrite précédemment permet une grande sensibilité photométrique grâce à la grande surface collectrice ainsi que l’observation d’une partie du ciel assez grande pour contenir beaucoup d’étoiles brillantes. En effet, celles-ci sont forcément moins nombreuses que les étoiles plus faibles, car plus proches. C’était le dilemme des missions précédentes : il fallait observer beaucoup d’étoiles pour maximiser les chances de détection de planète, mais cela impliquait de viser des étoiles plus faiblement lumineuses car beaucoup plus nombreuses dans un champ de vue donné. PLATO contourne donc cette difficulté avec son architecture particulière. Comme mentionné précédemment, les observations complémentaires depuis les télescopes au sol sont donc beaucoup plus aisées, mais cela présente aussi un autre avantage déterminant : la photométrie spatiale, en plus de détecter les transits planétaires va aussi pouvoir mesurer les variations de luminosité de l’étoile causées par ses oscillations internes, qui sont la base de la sismologie stellaire : elles sont dues à des ondes, par exemple acoustiques, qui se propagent dans toute l’étoile, du cœur à la surface où elles se manifestent par des variations de luminosité. Étant passées par tout l’intérieur de l’étoile, elles apportent une information sur les couches qu’elles ont traversées. Ainsi température, masse volumique et autres caractéristiques physiques internes (vitesse de rotation par exemple) deviennent accessibles car ces ondes y sont sensibles. Toute cette information peut être comparée à des modèles théoriques et numériques de l’étoile. Ces modèles dépendent en particulier de la masse de l’étoile ainsi que de son âge. Ainsi, la sismologie, en plus de sonder l’intérieur de l’étoile (c’est ainsi que l’on sait que la température au cœur du Soleil atteint les 15 millions de degrés), nous permet d’estimer l’âge d’une étoile, et par là celui des planètes qui se sont formées autour d’elle, à sa naissance ou peu après (à l’échelle de la vie d’une étoile). CoRoT et Kepler ont certes utilisé cette technique, mais étaient beaucoup plus limitées par la plus faible luminosité de leurs cibles. PLATO fera donc mieux, mais ne sera lancé qu’en 2026. Entre temps, d’autres missions aideront à paver le chemin, comme les missions CHEOPS (lancement prévu automne 2019, Cosmic Vision de l’ESA) ou TESS, qui vient juste d’être lancée en avril 2018 (mission Nasa, voir l’Astronomie ???).

Mais en quoi la mission PLATO va-t-elle faire mieux, ou autre chose, que les autres missions ? CHEOPS a pour but de se concentrer sur quelques étoiles cibles seulement, connues pour abriter une ou plusieurs planètes ; la mission complétera les connaissances sur ces exoplanètes dans le but d’avoir une connaissance approfondie de ces quelques systèmes. TESS au contraire vise à observer tout le ciel, en se concentrant sur des étoiles très brillantes. Cela implique d’autres choix : cela implique de ne consacrer que de courtes périodes d’observation (de l’ordre du mois) à une région donnée. En découle une forte limitation : l’impossibilité de détecter avec certitude des planètes dont la période dépasse le mois, et une limitation de la précision de la sismologie. Donc impossible de découvrir une jumelle de la Terre. PLATO va concilier précision sismique et durée d’observation suffisantes pour caractériser finement les systèmes observés, et ce dans tout le ciel. Car voilà où nous en sommes : des milliers d’exoplanètes autour de milliers d’étoiles, parfois dans des systèmes multiples… mais pas un qui ressemble au nôtre ! Et pas vraiment d’autre petite planète bleue comme notre bonne vieille Terre.

Que sait-on vraiment des exoplanètes ?

Comme toujours, l’être humain se situant au centre de l’Univers, au sens propre ou au figuré, les autres systèmes devaient ressembler au nôtre. Huit planètes, bien « rangées », 4 rocheuses près de l’étoile et 4 géantes gazeuses au loin, toutes sur des orbites à peu près circulaire (excentricité maximum : 0,21). On présente souvent le Soleil comme une étoile banale, mais il ne l’est pas tant qu’il n’y parait : il n’y a que 5% des étoiles de la Galaxie qui ont une masse comparable à la sienne. La vaste majorité des étoiles sont en réalité beaucoup moins massives, avec environ 85% des étoiles de la Voie lactée qui ont une masse inférieure à la moitié de celle du Soleil.  D’autre part, les observations ont établi que les deux tiers des étoiles de masse similaire au Soleil sont des étoiles binaires : pour chaque point lumineux dans le ciel, on peut déterminer que, dans la moitié des cas, la source est une étoile isolée, ou bien, dans l’autre moitié des cas, la source est en fait un groupe de deux étoiles ou plus, liées par la force de gravité qu’elles exercent l’une sur l’autre.

Faute de connaître d’autres systèmes planétaires, on a longtemps pensé que ces propriétés n’avaient rien d’exceptionnel, et qu’elles devaient naturellement résulter des mécanismes responsables de la formation planétaire. Patatras ! dès la première exoplanète découverte, 51 Peg b, il est montré que c’est un « Jupiter chaud », planète géante en orbite proche de son étoile hôte. Et cela continue avec les détections suivantes : des milliers d’autres planètes avec une diversité de propriétés insoupçonnée.

Tout d’abord, sur les quelques 3500 exoplanètes recensées à ce jour, il est important de rappeler que seulement 750 environ ont une masse mesurée. Pour la vaste majorité d’entre elles donc, dont seul le transit périodique devant l’étoile a pu être observé, la nature planétaire est pour l’instant considérée vraisemblable, mais elle n’a pas pu être confirmée par des mesures indépendantes. On peut avoir une vue d’ensemble des planètes détectées grâce à la Fig.1 : elles se répartissent pour la plupart dans la partie supérieure gauche de la figure. Cela n’a certainement rien de réel mais est plutôt la conséquence des biais de détection. Il est beaucoup plus facile de détecter des planètes massives (partie supérieure de la figure) proches de leur étoile (partie gauche). Les planètes du Système solaire apparaissent, elles, plutôt dans la partie inférieure droite. S’il n’y a pas d’exoplanètes connues dans cette partie du diagramme, c’est toujours à cause de ces biais observationnels : détecter une Terre, peu massive, ou une planète loin de son étoile comme le sont Jupiter et Saturne n’est pas chose aisée.

Masses des planètes connues au mois d’avril 2018, en fonction de la distance à leur étoile. Pour certains systèmes, on n’a détecté qu’une seule planète en orbite autour de l’étoile, elles sont représentées en noir. Pour d’autres, on a pu détecter un cortège de plusieurs planètes, ces planètes sont représentées en violet sur la figure. Les planètes du Système solaire sont représentées en orange. (Cilia Damiani)

 

Les exoplanètes connues ne semblent cependant pas être uniformément réparties. On peut distinguer trois groupes, en fonction de leur masse (en unité de masse terrestre notée Mo) et de leur distance à l’étoile : les planètes de masses supérieure à environ 50 Mo à une distance inférieure à 0,1 UA de leur étoile (les Jupiters chauds) ; les planètes de masses supérieure à environ 50 Mo à une distance supérieure à 1UA de leur étoile (Jupiters froids); et les planètes de masses inférieures à environ 30 Mo, qui se trouvent sur un large intervalle de distances à l’étoile (dites super-Terres). Reste donc à PLATO à découvrir de véritables Terres, moins massives que ces super-Terres. Et répondre à bien d’autres questions à propos des systèmes exoplanétaires observés.

Tout d’abord, pourquoi observe-t-on de nombreuses planètes proches de leur étoile (en particulier des Jupiters chauds) mais pourquoi n’y en a-t-il pas dans notre propre Système solaire ? En principe rien ne s’oppose à ce que des planètes soient sur des orbites plus proches que celle de Mercure. La plus petite distance possible entre une planète et une étoile est la limite de Roche qui est déterminée par la force gravitationnelle de l’étoile. Cette force est d’autant plus grande que la distance entre la planète et l’étoile est courte. Plus précisément, l’intensité de cette force n’est pas la même en tous points du volume de la planète. Ce différentiel de force gravitationnelle ressentie par la planète en tous ses points induit des forces de marée. Les planètes, même telluriques, ne sont jamais parfaitement rigides, et le travail de la force de marée peut les déformer. Quand la planète est trop proche de son étoile, la force de marée devient si intense que la planète ne peut plus maintenir sa propre cohésion, la déformation est si grande que la planète se délite. Cette distance minimale en dessous de laquelle la planète ne peut maintenir sa cohésion est la limite de Roche. On peut estimer que cette distance est inférieure à 0,01 UA pour une planète de la masse de Jupiter (elle correspond à une période orbitale d’environ 12h). Or en examinant attentivement la figure 1, on s’aperçoit que les Jupiters chauds ne semblent pas exister à des distances inférieures, non pas à la limite de Roche, mais à deux fois cette valeur ! De plus, l’absence de planètes massives détectée sur des distances orbitales comprises entre 0,1 et 1 UA ne peut pas être expliquée par la destruction de ces planètes par la force de marée.

Quel mécanisme est donc responsable de cette occurrence singulière de planètes dans un intervalle très précis de distance orbitale ? Est-il possible que certaines conditions favorisent la formation de planètes massives tout près de leur étoile ? En l’état actuel des connaissances, il semble que ce ne soit pas le cas et même tout à fait l’inverse : les Jupiters chauds ne devraient pas pouvoir se former à la distance à l’étoile où ils sont observés ! Pour le comprendre il faut considérer le système dans ses tout premiers moments. L’étoile est alors encore entourée d’un important disque de poussière et de gaz, résidus de l’environnement dans lequel se trouvait la proto-étoile avant l’effondrement gravitationnel qui lui a donné naissance. Les planètes se forment à leur tour dans le disque à partir du gaz et de la poussière qu’il contient. Pour former une planète aussi massive que Jupiter, il faut qu’une quantité très importante de gaz puisse s’effondrer sur elle-même et se désolidariser du reste du disque. Or à la distance orbitale où on observe les Jupiters chauds, le gaz du disque est chauffé par l’énergie rayonnée par l’étoile, toute proche. Cette chaleur agite les molécules du gaz, ce qui rend leur accrétion dans un volume restreint plus difficile, voire impossible.  On pense donc que les planètes géantes doivent se former loin de leur étoile, à une distance où le gaz est suffisamment froid. On peut estimer cette distance à quelques unités astronomiques, là où observe par ailleurs de nombreux Jupiters froids, comme le Jupiter de notre Système solaire. Mais alors s’ils se forment à plusieurs unités astronomiques, pourquoi observe-t-on des Jupiters si près de leur étoile ? Sauf à remettre en question radicalement ce qu’on sait des disques proto-planétaires, on doit envisager une phase de migration : il doit exister un mécanisme qui divise par dix, voire par cent, la distance entre la planète nouvellement formée et l’étoile. Cependant, ce mécanisme ne doit pas être efficace pour toutes les planètes géantes, puisqu’on observe tout de même beaucoup de Jupiters froids. Pour les super-Terres, le nombre de détection est encore trop faible pour tirer des conclusions fortes, mais la situation semble moins claire. Non seulement leur faible masse n’est pas incompatible avec une formation in situ, mais leur répartition uniforme sur un large intervalle de distances à l’étoile indique que le mécanisme de migration, s’il opère aussi dans ce domaine de masse, ne doit pas aboutir de la même façon… Devant tant de questions, une seule solution : essayer de collecter le maximum d’informations possible sur les propriétés de ces systèmes afin d’y voir plus clair !

D’autre part, des orbites excentriques et inclinées sont aussi possibles, qui pourraient expliquer les propriétés rencontrées des systèmes planétaires. En effet, quand on peut mesurer la masse et la distance à l’étoile des planètes, on obtient aussi d’autres propriétés des orbites. En particulier, on sait par la loi de la gravitation de Newton que les planètes possèdent des orbites elliptiques, qui peuvent, en toute généralité, avoir une excentricité   e quelconque entre 0 (l’orbite est alors circulaire) et 1 (cas extrême d’une orbite parabolique). Si on observe bien un certain nombre de systèmes où les planètes semblent avoir des orbites circulaires, comme c’est le cas dans le Système solaire, on en observe aussi qui ont des orbites très excentriques (le record est pour l’instant détenu par HD80606b, dont l’excentricité vaut e = 0,93). Il semble toutefois que, dans les systèmes où on trouve plusieurs planètes, les valeurs de l’excentricité ne sont jamais aussi extrêmes. On suppose que cela résulte d’un effet de « sélection naturelle » : dans un système de plusieurs planètes, si les orbites des différentes planètes ne sont pas suffisamment espacées, les interactions gravitationnelles intenses les déstabilisent rapidement. De faibles excentricités assurent la stabilité dynamique du système, et ce sont ces systèmes qu’on peut observer. Néanmoins, on observe bien de fortes excentricités dans les systèmes ne comportant qu’une planète, sur une orbite proche, ce qui n’est pas attendu dans les théories classiques de formation planétaire, basées sur l’exemple du Système solaire. Ce pourrait donc être un marqueur du mécanisme de migration qui a amené la planète près de l’étoile. Un autre indice se trouve dans les inclinaisons planétaires, en fait l’angle formé par l’axe de rotation de l’étoile et la normale au plan orbital de la planète. Encore une fois, dans le Système solaire ces inclinaisons sont très faibles, mais on observe des dizaines de planètes sur des orbites très inclinées. Et encore bien d’autres propriétés étonnantes sont observées dans le ciel, comme des exoplanètes en orbite autour d’étoiles binaires. À la formation, les perturbations gravitationnelles provoquées par un compagnon stellaire devraient agiter le disque, ce qui complexifie le processus de construction planétaire par accrétion. Pourtant on connaît maintenant neuf planètes en orbite autour d’une binaire. Comme en science-fiction, certains mondes possèdent des couchers de soleil doubles.

Tout ceci bien sûr, remet en cause notre façon de concevoir les conditions de formation des systèmes planétaires, et donc des possibilités d’émergence de la vie. La quête d’une planète jumelle de la Terre n’a pas encore été fructueuse. On connaît bien des planètes dont la température de surface est compatible avec la présence d’eau liquide, ce qu’on appelle des planètes habitables, mais elles possèdent toutes des masses et des rayons bien supérieurs à celui de la Terre, et sont en orbite autour d’étoiles très différentes du Soleil. La Terre est-elle vraiment une planète sans semblable ? Une chose est certaine, les systèmes exoplanétaires présentent une remarquable diversité. Mais comme on l’a vu, ce sont surtout nos limitations instrumentales qui rendent cette jumelle si élusive.

 

Un avenir prometteur

Il s’agit donc maintenant de trouver des planètes jumelles de la nôtre et surtout d’expliquer le nombre que nous allons observer : sont-elles nombreuses, ou au contraire rarissimes ? Pour cela, c’est l’ensemble des systèmes qu’il faut comprendre, même les plus exotiques. Comment se sont-ils formés, comment ont-ils évolué, le nôtre est-il une exception ou juste banal ? Répondre à ces questions sera l’objectif de PLATO. La précision extrême des mesures fournie par PLATO ouvrira la voie vers l’étape suivante de la caractérisation planétaire : la détermination de la composition de la planète et de son atmosphère. Pour cela l’Agence Spatiale Européenne prépare déjà l’avenir avec la sélection récente de la mission qui succèdera à PLATO :  ARIEL pour Atmospheric Remote-sensing Exoplanet Large-survey. Pour la première fois, celle-ci sera équipée d’instruments qui permettront de mesurer l’empreinte chimique des gaz présents dans les atmosphères des exoplanètes. ARIEL, de façon complémentaire à PLATO, nous permettra de comprendre comment les systèmes planétaires se forment et évoluent. Il sera alors possible de mettre notre système en contexte, et de le comparer aux autres systèmes connus, nos voisins dans la Galaxie. Que des planètes comme la Terre soient fréquentes ou non, ces voisins restent malgré tout très éloignés de la Terre. L’étoile la plus proche de la Terre possède une planète géante, mais en moyenne, les étoiles sont très éloignées les unes des autres et on détecte des exoplanètes jusqu’à des distances de centaines d’années lumières du Soleil. Les premières ondes radio diffusées par l’homme ne les ont probablement pas encore atteintes. Si on voulait envoyer une sonde pour les explorer, il faudrait atteindre un siècle entre une commande et le signal retour du satellite. Sans parler du temps qu’il faudrait à la sonde, qui voyage à des vitesses bien moindres que celle de la lumière, pour y parvenir ! Dans ces conditions, difficile d’imaginer la possibilité de visiter ou de s’installer sur ces mondes éloignés, au moins dans un futur proche. Comme l’écrivait Carl Sagan, « la Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique […] Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue. »

Frédéric Baudin (IAS, Orsay) & C. Damiani (MPS, Göttingen)

Les trois « chances » du système solaire

Les trois « chances » du système solaire

Après la découverte d’environ 4 000 planètes extrasolaires, dont 656 systèmes planétaires multiples, nous sommes aujourd’hui forcés de conclure que notre Système solaire n’est pas du tout le système planétaire typique. Au contraire, notre système semble être assez particulier.

La plupart des planètes extrasolaires peuvent être classées en trois groupes. Il y a les Jupiters chauds, planètes de masse comparable à celle de Jupiter, mais très proches de leur étoile centrale. Leur période orbitale est de quelques jours seulement, et leur rayon orbital est de moins d’un dixième d’unité astronomique (UA – la distance moyenne Terre-Soleil). La température de leur atmosphère est donc extrêmement élevée, d’où le nom donné à ces planètes. Les Jupiters chauds sont relativement faciles à détecter. Il n’est donc pas étonnant qu’on les ait découverts en grand nombre. Mais en réalité, ils sont assez rares. On estime que seulement 1 % des étoiles de type solaire ont un Jupiter chaud autour d’elles. Le gros de la population des planètes géantes rentre dans le deuxième groupe, celui des Jupiters tièdes. Comme leur nom l’indique, ces planètes sont plus éloignées de l’étoile centrale que les Jupiters chauds. Le rayon de leur orbite est de l’ordre de 1-3 UA. Environ 10 % des étoiles de type solaire ont des Jupiters tièdes. Mais ces planètes sont néanmoins assez différentes de Jupiter. Tout d’abord, elles sont plus près de l’étoile. Elles se trouvent plutôt à la place des planètes telluriques ou de la ceinture des astéroïdes que de celle de notre Jupiter dans le Système solaire. Le nombre de planètes géantes semble décroître avec la distance au-delà de 2-3 UA, même après la prise en compte des biais observationnels, alors que l’orbite de Jupiter est à 5,2 UA et celle de Saturne à 9,7 UA. De plus, la plupart des orbites des Jupiters tièdes sont fortement excentriques, alors que les orbites de nos planètes géantes sont presque circulaires. Tout au plus 10 % des Jupiters tièdes auraient des orbites comparables à celle de Jupiter, quant à leur distance et à leur excentricité. Le troisième groupe de planètes extrasolaires est celui des super-Terres. Celles-ci sont des planètes de masse intermédiaire entre celle de la Terre et celle d’Uranus ou Neptune. Des planètes subterrestres ont aussi été trouvées, mais en général autour d’étoiles plus petites que le Soleil : elles sont donc « super-Terres » quant à leur masse relative. Les super-Terres ont aussi des orbites très petites, typiquement plus petites que l’orbite de Vénus, voire de Mercure, et souvent comparables à celles des Jupiters chauds. À la différence des Jupiters tièdes, les orbites des super-Terres sont relativement circulaires. De plus, alors que les planètes géantes extrasolaires tendent à être seules (des systèmes avec deux ou plusieurs planètes géantes existent, mais ils sont rares), les super-Terres appartiennent souvent à des systèmes multi-planétaires (fig. 2). On estime qu’environ 50 % des étoiles possèdent des super-Terres.

La distribution des planètes extrasolaires, avec les groupes des Jupiters chauds, Jupiters tièdes et super-Terres mis en évidence. Les planètes de notre Système solaire sont indiquées en rouge, pour comparaison.

Nous n’avons pas encore découvert un système analogue à notre Système solaire. En revanche, si l’on place nos planètes dans un diagramme distance-masse comme celui de la figure 1, nos planètes tombent dans une région dépourvue de planètes extrasolaires. Cette constatation ne doit pas tromper : il est très difficile de découvrir autour d’autres étoiles des planètes comme les nôtres, si petites et relativement lointaines de l’astre central. L’absence d’exoplanètes avec des caractéristiques semblables à celles de nos planètes est donc le résultat d’un biais observationnel. Cependant, il est vrai que la plupart des étoiles ont des planètes avec des caractéristiques qui n’ont pas d’analogues ici : super-Terres, Jupiters chauds, Jupiters sur orbites excentriques, etc. Ces systèmes sont donc clairement différents du Système solaire. Cet argument peut être quantifié. La seule planète du Système solaire qui aurait pu être découverte par un observateur extrasolaire ayant une technologie comparable à la nôtre est Jupiter. Si l’on veut comprendre la place du Système solaire dans la Galaxie, on doit donc pour le moment se borner à se demander quelle est la fréquence statistique du couple Soleil-Jupiter. Seules 10 % des étoiles sont de type solaire. Parmi celles-ci, seules 10 % ont un Jupiter tiède. Mais parmi ces Jupiters tièdes, seulement 10 % ont une orbite comparable à celle de Jupiter, comme nous l’avons vu ci-dessus. En faisant le produit, on trouve que la probabilité d’occurrence du couple Soleil-Jupiter n’est que de 0,1 % ; cela ne fait pas beaucoup. Et le Système solaire est bien plus complexe que le simple couple Soleil-Jupiter. Par exemple, seulement 50 % des étoiles n’ont pas de super-Terres, à l’instar du Soleil, ce qui réduit la probabilité encore de moitié. Selon des études récentes, seules 10 % des étoiles n’auraient pas de planètes à l’intérieur de l’orbite de Mercure, ce qui réduit la probabilité d’existence du Système solaire à moins de 0,01 %.

Pourquoi le Système solaire a-t-il acquis une structure si atypique ? Comment est-il possible que, à partir des mêmes processus physiques, il y ait in fine une telle diversité de systèmes planétaires ? Ces questions sont au cœur de la planétologie moderne.

Un schéma du système de super-Terres Kepler-62, avec les tailles des orbites et les rayons planétaires à l’échelle par rapport au Système solaire interne

La première chance

Selon nos études et les modèles que nous avons développés, la clef de voûte du Système solaire est Jupiter. La formation précoce de Jupiter a structuré l’ensemble de notre système. On pense en effet que les planètes commencent à se former dans un endroit spécifique du disque protoplanétaire appelé la « ligne des glaces », là où la température – qui décroît avec la distance – passe en dessous des ~170 K et où l’eau se condense sous forme de glace. La présence de glace augmente la quantité de matière solide disponible et permet l’agrégation de poussières assez grosses, de quelques centimètres de diamètre, bien plus faciles à accréter par les planètes en formation que les poussières submillimétriques typiques du disque chaud interne. La ligne des glaces est donc la fabrique des grosses planètes. Mais les planètes interagissent gravitationnellement avec le disque, ce qui induit leur migration vers l’étoile : leur orbite ne se referme plus comme une ellipse parfaite, mais spirale vers l’étoile centrale (voir l’encadré en bas de page). Les planètes formées sur la ligne des glaces migrent donc vers le bord interne du disque dès qu’elles atteignent quelques masses terrestres. C’est sans doute le mode d’origine d’une bonne partie des super-Terres, celles riches en glaces. La première chance du Système solaire a été que la première planète produite sur la ligne des glaces fût suffisamment massive pour accréter une grande quantité de gaz du disque protoplanétaire et devenir ainsi une planète géante : Jupiter.

La présence simultanée de Jupiter et Saturne perturbe fortement le disque de gaz. La couleur rouge vif montre la zone à haute densité du gaz et la couleur bleue la zone partiellement appauvrie. À cause de cette distribution de densité, dominée par un disque interne massif, la migration vers l’étoile de Jupiter et Saturne s’arrête ou s’inverse.

La deuxième chance

Une planète comme Jupiter migre beaucoup plus lentement que les super-Terres. Sauf exceptions, elle migre de la ligne des glaces natale vers environ 1-2 UA (la distance typique des Jupiters tièdes) pendant la durée de vie du disque protoplanétaire. La présence d’une telle planète géante a un double effet. Tout d’abord, elle intercepte le flux des poussières se dirigeant vers le disque interne, ce qui limite la matière disponible pour la croissance des planètes à l’intérieur de son orbite. Ainsi, dans le Système solaire, les protoplanètes à l’intérieur de l’orbite de Jupiter ont acquis une masse comparable à la masse de Mars pendant la vie du disque. À cause de leur petite masse, ces protoplanètes n’ont pas migré significativement. Lors de la disparition du disque, par une série d’impacts mutuels, elles ont donné naissance aux planètes telluriques que nous connaissons. Si Jupiter n’avait pas été là, le flux de poussières aurait continué pendant toute la vie du disque. Les protoplanètes du système interne auraient grandi davantage et, par conséquent, auraient commencé à migrer vers le bord interne du disque. Le résultat de ce processus aurait été la formation d’un système de super-Terres rocheuses, aussi observées autour de nombreuses étoiles. Le deuxième effet de la formation de Jupiter est que cette planète retient au-delà de son orbite les planètes qui se forment après elle sur la ligne des glaces. Comme un camion sur une route de montagne, difficile à doubler même par une voiture sportive, Jupiter peut difficilement être « doublé » par les autres planètes. Celles-ci sont devenues Saturne, Uranus et Neptune. Sans Jupiter, ces planètes – moins massives et donc en migration plus rapide – auraient sans doute atteint le bord interne du disque en balayant au passage la région des planètes telluriques. Jupiter, cependant, n’a pas atteint par migration une orbite à ~1 UA, à l’instar de beaucoup d’autres Jupiters tièdes. Cela aurait été dramatique pour notre futur ! On le doit à la deuxième chance du Système solaire : la formation de Saturne. Le rapport des masses entre Jupiter et Saturne est idéal pour ralentir la migration vers l’étoile de ces deux planètes, par l’effet d’un jeu d’interactions mutuelles (fig. 3). Sous certaines conditions, ces planètes peuvent même inverser leur sens de migration, en repartant vers l’extérieur. On pense que c’est à cause de cet effet que Jupiter est si loin du Soleil, par rapport aux Jupiters tièdes. Autant de bonheur pour la Terre, qui a donc pu continuer lentement sa croissance sans être dérangée par ce grand frère si encombrant.

Les orbites des quatre planètes géantes (Jupiter en rouge, Saturne en blanc, Uranus en bleu et Neptune en magenta) à la fin de la phase de migration dans le disque protoplanétaire, selon les simulations de ce processus. Les flèches indiquent le déplacement orbital nécessaire pour atteindre les orbites actuelles. Selon le modèle de Nice, ce changement orbital se produit lors d’une phase d’instabilité dynamique.

La troisième chance

La troisième chance du Système solaire est d’avoir préservé les orbites presque circulaires de ses planètes. Les planètes sont toutes supposées se former sur des orbites circulaires, mais nous avons vu que la plupart des planètes géantes extrasolaires ont une orbite fortement excentrique. On pense que l’acquisition de l’excentricité est due à une phase d’instabilité dynamique après la disparition du disque protoplanétaire, pendant laquelle les planètes d’un même système présentent des rencontres proches mutuelles : par conséquent, elles se dispersent, certaines planètes sont éjectées dans l’espace interstellaire, d’autres se percutent. La (ou les) planète(s) survivante(s) se retrouve(nt) ainsi sur une (des) orbite(s) excentrique(s). Nous pensons que les planètes géantes de notre Système solaire ont eu aussi leur phase d’instabilité. En effet, leur mouvement de migration aurait dû les placer sur des orbites très rapprochées et résonantes, c’est-à-dire avec des périodes orbitales en rapport de nombres entiers. Par exemple, Jupiter aurait accompli 9 tours autour du Soleil pendant que Saturne en faisait 6, Uranus 4 et Neptune 3. Cette configuration orbitale est bien différente de celle actuelle (voir la fig. 4). Les orbites actuelles sont bien plus espacées, et il n’y a aucune relation de résonance entre les périodes orbitales des planètes. Ce changement de structure orbitale est bien expliqué par une phase d’instabilité du système, comme montré par le modèle dit de Nice (car développé à l’observatoire de la Côte d’Azur). Le modèle de Nice explique non seulement les orbites actuelles des planètes, mais aussi toute la distribution des petits corps du Système solaire (astéroïdes, comètes, objets transneptuniens, Troyens et satellites). Il laisse donc peu de doutes qu’une telle instabilité ait eu lieu. Mais pourquoi, alors, les orbites de nos planètes sont-elles si circulaires si elles ont été instables ? Selon les simulations, cela est dû au fait que, par pure chance, lors de l’instabilité, Jupiter et Saturne n’ont pas eu de rencontres proches mutuelles. Ces planètes ont eu des rencontres avec Uranus ou Neptune, qui les ont faiblement perturbées à cause de leur moindre masse, mais pas entre elles. Si des rencontres entre Jupiter et Saturne avaient eu lieu, le système planétaire aurait été complètement dispersé, laissant Jupiter sur une orbite d’excentricité comparable à celle de la plupart des Jupiters tièdes (fig. 5). L’excentricité de Jupiter aurait eu une énorme répercussion sur l’excentricité des planètes telluriques. L’orbite de la Terre serait également devenue très excentrique, avec des conséquences vraisemblablement néfastes sur son habitabilité.

L’orbite de Jupiter (point bleu) à la fin de la phase d’instabilité des planètes géantes dans deux simulations du modèle de Nice, l’une exhibant des rencontres proches entre Jupiter et Saturne et l’autre pas. Dans le premier cas, l’excentricité finale de l’orbite de Jupiter est comparable à celles des Jupiters tièdes, illustrés par des points rouges, dont la taille est proportionnelle à leur masse. Dans le cas sans rencontres avec Saturne, l’excentricité finale de Jupiter est comparable à son excentricité actuelle, mais elle est anormalement faible par rapport à celles des planètes géantes extrasolaires.

Pour conclure, il semble que le Système solaire doive sa structure actuelle, qui a permis l’émergence d’une Terre habitable, à au moins trois événements chanceux : la formation précoce de Jupiter, la formation de Saturne et l’absence de rencontres proches entre ces deux planètes lors de leur évolution dynamique. Il est difficile d’estimer la probabilité de chacun de ces événements, mais elle n’est sans doute pas grande. Et la probabilité que les trois événements se produisent en série est le produit des probabilités de chaque événement individuel. Nulle surprise donc que le Système solaire représente tout au plus 0,01 % des systèmes planétaires de la Galaxie. Nulle surprise aussi que nous habitions dans un système si particulier, dont la structure est essentielle pour abriter une planète réellement habitable. Mais si tout cela est vrai, l’implication est stupéfiante : la vie est rare dans la Galaxie.

La recherche de la vie extrasolaire va certainement se développer avec des moyens de plus en plus puissants et il est juste qu’il en soit ainsi : ce ne serait ni la première ni la dernière fois que les prévisions des théoriciens seraient fausses. Mais ne nous attendons pas à des résultats positifs à court terme.

Alessandro Morbidelli | Observatoire de la Côte d’Azur

La migration planétaire

Une planète immergée dans un disque de gaz perturbe le fluide par sa propre gravité. La distribution du gaz s’en trouve affectée. Plus particulièrement, une onde de surdensité en forme de spirale est lancée depuis la position de la planète, comme illustré sur la figure ci-contre.

La distribution du gaz dans le disque, qui désormais n’a plus une symétrie axiale, exerce maintenant une force de gravité non nulle sur la planète. Cette force freine la planète sur son orbite, qui perd donc de l’énergie et du moment cinétique et s’approche de l’étoile centrale. Puisque la perturbation exercée par la planète sur le disque est proportionnelle à la masse de celle-ci, la décélération subie par la planète à cause de l’onde spirale est aussi proportionnelle à sa masse. La vitesse de migration augmente donc linéairement avec la masse de la planète. Dans un disque protoplanétaire « typique », la vitesse de migration d’une planète de masse terrestre à 1 UA est de 5 UA par million d’années.

Quand la planète atteint une grande masse, typiquement une trentaine de masses terrestres, elle commence à ouvrir un sillon dans le disque le long de son orbite. Ce sillon est de plus en plus profond pour des masses planétaires croissantes. La figure ci-contre est obtenue pour une planète de la masse de Jupiter.

La planète doit alors se déplacer avec son sillon. Donc, sa vitesse de migration ne peut pas excéder la vitesse de déplacement radial du gaz. Celle-ci est typiquement plus lente que la vitesse de migration d’une planète qui commence à ouvrir un sillon. Par conséquent, la vitesse de migration décroît avec la masse de la planète pour plafonner, pour des planètes très massives, à la vitesse du déplacement radial du gaz. Les planètes qui ont la vitesse de migration maximale sont celles de 20-30 masses terrestres, semblables à Uranus ou Neptune.

Mars 2021

Mars 2021

3 mars – Rapprochement entre Mars et les pléiades (M45)

 

5 mars – Rapprochement entre la Lune et Antarès

6 mars – Dernier quartier de la Lune

13 mars – Nouvelle Lune

15 mars – Jolie Lune cendrée après le coucher du Soleil

19 mars – Rapprochement entre la Lune et Mars

20 mars – Équinoxe de printemps

21 mars – Premier quartier de la Lune

25 mars – Rapprochement entre la Lune et Régulus

28 mars – Pleine Lune

 

Informations : Toutes les cartes ont été réalisées avec le logiciel Stellarium

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