LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE
Etoiles africaines: Rubina Kotak (Kenya)

Etoiles africaines: Rubina Kotak (Kenya)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?

Je m’appelle Rubina Kotak et suis professeure au département de physique et d’astronomie de l’université de Turku en Finlande. Je viens du Kenya.

Rubina Kotak

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Un parcours assez simple, à quelques exceptions près : J’ai obtenu une maîtrise en physique et en astrophysique au Royaume-Uni, suivie d’un doctorat à l’université de Lund en Suède sur l’astéroséismologie des naines blanches. J’ai changé de domaine pour mon premier post doc à l’Imperial College de Londres, où je me suis principalement concentrée sur les supernovae thermonucléaires pour commencer, et sur « tout ce qui a explosé » vers la fin de cette période de 3 ans. Après un court séjour de 1,25 an en tant que boursière de l’ESO (L’observatoire européen austral, qui gère notamment le Very Large Telescope au Chili) à Garching, j’ai obtenu mon premier poste de professeure à Queen’s University à Belfast, 4 ans après avoir terminé mon doctorat. Je me suis donc rendue sur l’île pluvieuse d’Irlande. Je me souviens encore de mon séjour à l’ESO avec un mélange d’admiration et d’affection (peut-être parce qu’il a été si court !). Après avoir passé la décennie suivante à Belfast, j’ai décidé qu’il était temps de changer, et je suis partie vers des climats plus septentrionaux en Finlande pour trouver un meilleur temps et à la recherche d’une vie plus équilibrée.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

La décision de poursuivre des études en astronomie est née du désir de faire appel simultanément à différentes branches de la physique. Je pensais qu’elle apporterait les réponses à toutes les questions « pourquoi » et « comment » que je me posais.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Oui, bien sûr, tout le monde est confronté à des défis sur son chemin. C’est la façon dont on y répond qui compte. Une “tête de cochon” combinée à un peu de chance peut mener loin !

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Essayez-le et voyez si cela vous plaît! Si ce n’est pas le cas, vous n’aurez certainement pas perdu votre temps. Il est essentiel d’acquérir des bases solides en physique et en mathématiques. Le choix judicieux des sujets de recherche (et des superviseurs !) rend le chemin plus facile. Pour paraphraser George Orwell : « tous les domaines de recherche sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ».

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Le manque de ressources et de structures de soutien appropriées d’une part, et les pressions et attentes sociétales d’autre part. Bien que le niveau des ressources et les attitudes semblent évoluer, de nombreuses disparités subsistent.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

La plupart de mes projets actuels se concentrent sur l’étude des phénomènes transitoires explosifs d’un type ou d’un autre, dans le but de suivre l’évolution de l’étoile ou du système progéniteur jusqu’à l’explosion, de contraindre la physique du mécanisme d’explosion et la nucléosynthèse. Je fais partie de plusieurs grandes équipes qui participent à une aventure passionnante visant à découvrir et à caractériser les contreparties optiques des étoiles à neutrons et des trous noirs en fusion qui sont associées à un signal d’onde gravitationnelle.

La supervision, le soutien et l’encadrement d’étudiants de premier cycle et de troisième cycle et de post docs constituent une grande partie de mes activités quotidiennes. Les cours magistraux que je dirige avec mes collègues vont des aspects de la structure et de l’évolution stellaire aux techniques astrophysiques, en passant par la rédaction scientifique. Ces derniers cours, en particulier, sont fortement influencés par mes expériences en tant qu’éditrice scientifique pour le prestigieux journal Astronomy & Astrophysics, ayant traité plus de 1000 manuscrits à ce jour.

 

Etoiles africaines: Djazia Ladjal (Algérie)

Etoiles africaines: Djazia Ladjal (Algérie)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots? 

Je m’appelle Djazia Ladjal, je suis une analyste principale de données dans une startup d’éducation et de technologie à Sydney (Australie). Je suis originaire d’Alger, Algérie. Avant de me convertir au domaine d’analyse de données j’étais une astronome professionnelle.

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

J’ai fait spécialité sciences exactes au lycée de l’Emir Abdel Kader à Alger. Ensuite j’ai poursuivi un diplôme d’études supérieures en physique à l‘Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene (USTHB). Par la suite, je suis partie en France pour poursuivre un diplôme d’études approfondies (DEA) en Astrophysique à l’université Louis Pasteur de Strasbourg où j’ai fait un mémoire sur les étoiles géantes et supergéantes rouges. A la fin de mon DEA j’ai décroché une bourse d’étude Belge pour faire un doctorat en Astrophysique à l’université KU Leuven. Pendant mon doctorat j’ai travaillé à la préparation scientifique de l’un des projets de recherche du satellite européen Herschel. Le sujet du projet a été l’investigation de la perte de masse des étoiles évoluées.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie? 

J’ai toujours été fasciné par l’espace depuis ma tendre enfance. Mon père avait un abonnement  au magazine français Science et Avenir et tous les mois j’avais hâte de lire les articles de physique et d’astronomie. J’avais pour habitude de découper les articles d’astronomie et de les collectionner dans un album.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours? 

J’en ai plein d’ histoires à raconter! De mon temps il y avait beaucoup de pression de toutes parts (culturelle, économique et situation sécuritaire) qui faisait qu’une carrière en Astronomie n’était pas le meilleur des choix ou même envisageable. Une des histoires les plus marquantes est qu’avec un groupe d’amis on a créé le premier club de physique et d’astronomie à l’USTHB. On s’est rapproché du CRAAG qui est le Centre de Recherche en Astronomie, Astrophysique et Geo-Physique d’Alger pour organiser des nuitées d’observation pour les membres du club. Il fallait voir quand on a annoncé la nouvelle à nos parents! Non seulement on était des jeunes filles qui voulaient aller passer la nuit dehors, en plus nos groupes étaient mixtes. C’était dur de les persuader de nous laisser le faire et malheureusement ça n’a pas marché pour tout le monde. Il y a eu du progrès depuis mais il reste quand même beaucoup à faire. Surtout du point de vue de la valorisation de la profession.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

J’aimerais m’adresser spécialement aux jeunes filles qui font face tous les jours à des difficultés économiques ou sociales pour accéder à des études supérieures et qui pensent que ce n’est pas possible de faire de l’astronomie ou que c’est trop dur. Avec toutes les difficultés auxquelles vous faites face tous les jours, il n’y a absolument rien dont vous êtes incapable. Surtout ne doutez pas de vos capacités! Et puis, il y a mille et une façons de faire de l’astronomie et ce n’est pas forcément avec un télescope. En astronomie, on a besoin de pas mal de spécialistes. On a besoin, entre autres, de chimistes, d’ingénieurs, de techniciens, d’informaticiens et même d’artistes. Aussi n’hésitez pas à entrer en contact avec des clubs d’astronomie ou des chercheurs même en dehors du pays. La communauté astronomique est très amicale et la plupart d’entre nous seront ravis de donner des conseils.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie? 

Être astronome c’est bien plus qu’un job. C’est une façon de voir le monde, une façon de penser, de remettre tout en question, de chercher des réponses sans relâche. Ce genre de chose ne s’apprend pas n’importe où et ça a beaucoup de valeur dans le monde de l’emploi. Pour moi c’est clair, être astronome c’est ce qui me distingue des autres analystes. On est rigoureux, on pratique la méthode scientifique mais aussi on touche à tout. On code dans des langages informatiques différents. On a de bonnes bases en statistiques et en probabilités, on sait construire des modèles complexes de prédictions, etc. En plus de nos connaissances techniques poussées, on a pas mal de qualité qui nous distingue des autres candidats. Souvent ce qui fait la différence c’est ce qu’on appelle les soft skills. Pas mal de ce qu’ on apprend en astronomie nous permet d’améliorer nos soft skills. Par exemple :

  • L’esprit de collaboration par l’expérience de travailler dans un groupe de recherche.
  • Le sens de la communication qu’on développe à travers les conférences scientifiques, la présentation de notre recherche et les publications.
  • La capacité d’expliquer des problèmes complexes de façon simple.
  • Savoir gérer son temps et pouvoir faire différentes tâches tout en tenant compte des dates limites.
  • Une sensibilité culturelle que l’on gagne à travers nos relations avec des collègues de différents pays et milieux, etc.

Toutes ces compétences font partie des compétences d’employabilité les plus importantes au XXIème siècle.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique? 

Bien sûr qu’il y a pas mal de défis et de difficultés. Malheureusement ce n’est pas seulement spécifique à l’astronomie. C’est un problème beaucoup plus complexe. Par exemple, en Algérie, si on regarde la présence des femmes à l’université dans les filières scientifiques et techniques, elles sont partout ! En sciences exactes, en génie mécanique, informatique, électronique … partout. On trouve autant de femmes que d’hommes dans ses filières ou même plus. Mais après les études, qu’est ce qui se passe ? Rien. Il ne se passe rien. Il n’y a pas beaucoup de débouchés. Et comme avec toute situation de crise ou de pénurie, les femmes sont souvent les plus perdantes. Je suis sûre que c’est aussi le cas dans pas mal d’autres pays africains.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie? 

Pas grand-chose en ce moment. Comme j’ai changé de carrière relativement récemment, je suis encore occupée à m’établir dans le domaine d’analyse de données. Mais je compte me remettre à faire de l’astronomie petit à petit. Il y a certaines nouvelles techniques d’analyse qui sont très populaires dans le milieu du big data qui pourraient être très efficaces en astronomie. J’ai hâte de faire passer certaines de mes nouvelles connaissances vers l’astronomie.

 

Etoiles africaines: Mokhine Motsoaledi (Afrique du Sud)

Etoiles africaines: Mokhine Motsoaledi (Afrique du Sud)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Mon nom complet est Mokhine Motsoaledi, mais on m’appelle  Khine. Je suis étudiante en  doctorat à l’Université du Cap (UCT) et de l’Observatoire astronomique sud-africain (SAAO). Je suis originaire d’Afrique du Sud et je vis actuellement en Afrique du Sud.

Mokhine Motsoaledi

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Mon chemin vers l’astronomie a été un chemin conventionnel, je pense. En entrant dans mes études de premier cycle à l’Université de Witwatersrand, je savais que je voulais devenir astronome et j’ai donc choisi des matières qui me faciliteraient la tâche (c’est-à-dire la physique, les mathématiques et les mathématiques appliquées). L’université du Cap proposait un programme de spécialisation en astronomie très spécialisé appelé National Astrophysics and Space Science Programme (NASSP). J’ai suivi ce programme de spécialisation qui offrait une vaste introduction à divers sujets liés à l’astronomie et aux sciences spatiales. J’ai ensuite suivi un programme similaire,qui consiste en 6 mois de cours et 1 à 1,5 an de dissertation. Après avoir acquis un large aperçu des sujets d’astronomie, j’ai pu prendre une décision éclairée sur le projet de ma thèse de maîtrise qui allait devenir mon domaine de recherche.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Vers la fin de l’école primaire, je me suis intéressée de très près aux sciences naturelles. J’avais aussi l’habitude de m’asseoir dehors le soir et de regarder les étoiles avec émerveillement, surtout lorsque j’étais en vacances dans une région plus éloignée où la pollution lumineuse était réduite au minimum. Plus j’en apprenais sur l’univers dans les livres et les documentaires, plus une carrière dans l’astronomie me semblait tout à fait appropriée. Les décisions que j’ai prises pour mon avenir l’ont été avec l’astronomie comme objectif

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Oui. Durant mes premières années à l’université, j’ai dû faire face à la difficulté des cours de physique et de mathématiques. C’était un énorme ajustement par rapport au lycée où ces matières me venaient très naturellement. J’ai dû consacrer du temps et des efforts considérables pour réussir ces cours. Ensuite, les difficultés que j’ai rencontrées se sont déplacées vers la gestion de l’importante charge de travail. Avec autant de matières, de travaux dirigés, de projets et de tests/examens. Je devais gérer mon temps et équilibrer toutes mes activités de manière judicieuse. Pendant mon doctorat, j’ai sombré dans une profonde dépression, causée par des facteurs externes. Cela a rendu mon doctorat très difficile et a considérablement ralenti ma progression, mais c’est devenu un autre obstacle que j’ai surmonté. J’ai eu la chance d’avoir des superviseurs très compréhensifs qui ne m’ont pas mis de pression inutile.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Je conseillerais aux jeunes filles de se considérer comme les égales de leurs homologues masculins et de savoir que l’astronomie est autant pour elles que pour les hommes. Je leur dirais de développer un esprit curieux et de ne pas avoir peur de poser des questions. Enfin, elles devraient développer des caractères résilients, car certaines choses ne se passeront pas comme prévu et elles devront s’adapter et tirer le meilleur parti de la situation.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?

Je pense que ce que j’ai le plus gagné, c’est la capacité de penser de manière critique, comme une scientifique, pour trouver des solutions. C’est une compétence qui est utile dans tous les aspects de la vie. De plus, il y a une foule de compétences développées au fil des années d’expérience en astronomie, comme parler à divers publics, analyser des données, collaborer avec d’autres personnes et écrire de façon formelle. Les défis auxquels j’ai été confrontée jusqu’à présent m’ont rendu très adaptable et m’ont donné la confiance de savoir que je pouvais atteindre tous les autres objectifs que je me suis fixée.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Oui, je pense que les femmes africaines sont fortement sous-représentées en astrophysique et le sentiment d’être une outsider n’est que trop commun.  Nous subissons des pressions constantes (internes et externes) pour prouver que nous sommes à notre place, pour nous conformer aux normes occidentales de socialisation professionnelle, pour que nos voix aient le même poids que celles de nos homologues masculins blancs, pour  parler au nom (ou de représenter) d’autres femmes africaines du domaine de l’astrophysique, pour soulever des préoccupations qui, autrement, ne seraient pas abordées.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Je termine actuellement mon doctorat dans le domaine des variables cataclysmiques, une classe très spécifique de binaires à transfert de masse. Je suis également membre de « Astronomy in Colour« , une communauté de femmes astronomes de couleur en Afrique du Sud (principalement), dont le but est de se soutenir mutuellement et de transformer l’astronomie en un espace diversifié et inclusif.

J’ai le privilège de suivre un parcours professionnel en astronomie en tant que femme noire sud-africaine. Je ne représente pas la femme sud-africaine typique, car j’ai bénéficié d’opportunités dont beaucoup ne pouvaient que rêver. Je le reconnais et j’espère que dans un avenir proche, l’astronomie sera aussi accessible aux autres qu’elle l’a été pour moi.

Etoiles africaines: Meriem El Yajouri (Maroc)

Etoiles africaines: Meriem El Yajouri (Maroc)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?

Je suis Meriem El Yajouri, de nationalité marocaine, titulaire d’un doctorat en astronomie de l’Observatoire de Paris; lauréate du prix de thèse 2018 de l’Union Astronomique Internationale (UAI), un prix d’excellence pour récompenser les meilleurs thèses des 9 divisions de l’UAI. Je suis également présidente de l’association SpaceBus Maroc, coordinatrice nationale du Bureau de la vulgarisation en astronomie (OAO-NOC) de l’Union Astronomique Internationale et j’occupe actuellement le poste de gérante de la société Titritland (1ère entreprise au Maroc qui délivre des produits et services en Astronomie).

Meriem El Yajouri

 

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

 

Après un bac S, spécialité mathématiques, j’ai intégré les classes préparatoires MP de l’Université Internationale de Rabat (UIR) à l’issue desquelles j’ai choisi de poursuivre mes études en licence de physique. J’ai donc directement suivi les cours de la troisième année de licence L3 de la faculté des sciences de Rabat, Université Mohamed V au Maroc. Porteuse de cette licence et major de promotion, j’ai pu envoyer ma candidature aux différentes universités de la région parisienne dans l’objectif de préparer mes études en Master. Pendant ma première année en France, j’ai suivi les cours du master 1, parcours « Physique Fondamentale » de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC, Paris 6) / Sorbonne Universités, après quoi j’ai pu obtenir, avec mention bien, le grade du Master 2 recherche « Astronomie, Astrophysique et Ingénierie Spatiale (AAIS) », parcours Astrophysique, cohabilité par l’Observatoire de Paris, les Universités Paris 6, 7 et 11 et l’ENS Paris. Durant mon master, j’ai eu la chance d’effectuer un stage de trois mois au sein de l’équipe de Rosine Lallement au laboratoire GEPI à l’Observatoire de Paris. Au tout début j’étais décidée à ne faire qu’un stage, mais j’y suis finalement restée plus de trois ans pour y poursuivre ma thèse et c’est en grande partie grâce à Rosine. Son encadrement de qualité, son soutien moral et son ouverture d’esprit m’ont donné le courage d’aller jusqu’au bout. Ma thèse a été financée par la Région Île-de-France dans le cadre du programme 2015 du Domaine d’intérêt majeur en Astrophysique et Conditions d’Apparition de la vie (DIM-ACAV). J’ai soutenu ma thèse en novembre 2018 puis j’ai occupé un poste d’A.T.E.R (attachée temporaire d’enseignement et de recherche) au sein de la même équipe. En parallèle à mes travaux de recherche, j’ai une expérience dans l’enseignement : travaux dirigés (TDs) et travaux pratiques (TPs) en physique, en mécanique et en informatique. En tant qu’étudiante à l’Université PSL, j’ai occupé le poste de chargée de TDs/TPs pendant deux ans à l’Université Paris Diderot (Paris 7) et à l’IUT. Puis, j’ai effectué une mission de médiation scientifique en astrophysique au Palais de la Découverte à Paris pendant ma dernière année de thèse. En tant qu’assistante d’enseignement et de recherche (A.T.E.R) à l’Observatoire de Paris, j’ai eu l’occasion d’encadrer dix étudiants dans le cadre du diplôme universitaire « DU : Lumière sur l’Univers ». Après mon A.T.E.R, et grâce à l’obtention d’une bourse de visiteur scientifique, j’ai eu la chance de passer trois mois à l’Observatoire Européen Austral (ESO) au Chili dans le cadre d’un projet de collaboration avec Dr. Jonathan Smoker.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie? 

Enfant, j’ai réalisé que je voulais poursuivre dans un domaine pluridisciplinaire qui croise des techniques variées et le thème du ciel éveillait ma curiosité pour les sciences et a été très inspirant pour moi. Étudier l’astronomie est donc un peu un rêve d’enfance, mais mon intérêt pour l’astronomie s’est réellement concrétisé grâce à des chercheur.se.s que j’ai eu la chance de croiser tout au long de mon parcours et qui m’ont orientés dans mon choix de formation, je cite la rencontre avec Dr. Françoise Combes lors de sa conférence dans mon lycée à Rabat, les discussions avec Pr Samir Kadiri à l’Observatoire de Rabat et bien évidemment Pr. Zouhair Benkhaldoun, directeur de l’Observatoire d’Oukaimeden avec qui j’ai échangé la première fois dans le cadre de mon TIPE en classes préparatoires.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Comme tout.e étudiant.e expatrié.e, j’ai ressenti des difficultés durant mon parcours, surtout à mon arrivée en France : l’anxiété et la désorientation à cause du mal du pays, des démarches administratives lourdes, un système universitaire différent de celui de mon pays d’origine et le coût élevé de la vie à Paris. Petit à petit, j’ai fini par sortir de mon cocon, avoir un cercle d’ami.e.s, avoir mes propres repères, m’ouvrir à l’immersion culturelle, et apprendre à gérer mon budget. L’intégration dans le monde de la recherche en astronomie et dans le monde associatif m’ont également permis de m’adapter plus vite et de m’ouvrir plus à ce nouvel environnement où j’ai construit mes nouveaux repères. Au point où, lorsque je suis rentrée au Maroc après 7 ans en France, j’ai pu ressentir un choc culturel inverse !

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Comme les études sont longues, il faut beaucoup de détermination, de persévérance et de motivation, donc croyez en vous et en votre projet et ne renoncez pas après un premier échec (refus de stage, mauvaise note, …). Pour celles qui veulent s’expatrier pour leurs études, il est très important d’oser dépasser vos préjugés et faire preuve d’indulgence et d’ouverture d’esprit dans votre pays d’accueil, ce qui vous permettra de faire de très belles rencontres et de faire de votre parcours une expérience professionnelle et humaine très enrichissante. Après la thèse, je vous conseille de valoriser votre expertise (en d’autres termes, savoir vendre ses « soft skills« ) quel que soit votre domaine. Enfin, faites ce qui vous amuse le plus ! La passion est un facteur clé d’épanouissement.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie? 

Mes études en astrophysique m’ont beaucoup apporté sur tous les plans. Sur le plan technique, j’ai pu acquérir une grande expérience d’outils d’analyse statistique et informatique, à savoir la collecte, le traitement et l’analyse de données massifs à l’aide de logiciels comme Igor PRO et Python (expertise en data science, profil très demandé sur le marché de travail de nos jours). Mes travaux de recherche m’ont également aidé à développer et à affiner mes compétences en matière d’analyse et de méthodologie. Plus précisément, mon expérience en matière de rédaction d’articles m’a permis d’acquérir des qualités analytiques et des capacités d’autonomie: qualités très recherchées par les entreprises et les cabinets de conseil qui ouvrent de plus en plus leur recrutement aux docteurs. Mais l’apport de l’astrophysique ne se limite pas aux seules compétences techniques : l’enseignement et la médiation scientifique qui sont basés sur le contact direct avec les étudiants, les scolaires et le grand public, ont contribué à enrichir mon expérience en astrophysique moyennant quoi j’ai pu acquérir plusieurs « soft skills » comme l’adaptabilité, la créativité et l’esprit d’équipe.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Je pense qu’un des défis qui concernent les femmes en général est la gestion de leur quotidien entre contraintes familiales et obligations professionnelles, s’ajoute à cela l’auto-censure, en particulier dans un domaine comme l’astrophysique. Avoir un poste permanent en astrophysique nécessite non seulement l’obtention d’un doctorat (8 ans d’études après le bac, voire plus), mais aussi une expérience à l’étranger ou des post docs dans les quatre coins du monde. Un défi pour le recrutement des jeunes chercheuses car très souvent c’est un moment qui coïncide avec l’âge où la jeune chercheuse aspire à une stabilité familiale et affective ou avec des responsabilités de mère de famille.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie? 

Je suis co-fondatrice de la société Titritland, la première entreprise au Maroc qui offre des expériences ludiques et immersives à travers l’astronomie. De même, je souhaite créer en France une entreprise liée au développement de l’astro-tourisme et qui s’adresse à un public large. Mon projet en France est encore dans une phase d’étude. Je souhaite dans un premier temps approfondir mon étude en visitant les observatoires privés et publics de France et les endroits de ciel étoilé, afin de développer mon concept et d’étendre mon réseau de coopérations professionnelles. Je compte profiter de ce voyage pour ouvrir une chaîne Youtube dédiée aux observatoires astronomiques de France, dont je produirai des vidéos. J’ai également créé une auto-entreprise de droit français, Astrovel, qui donne une base juridique au commencement de mon projet.

Parallèlement à mon entreprise, je suis impliquée dans la promotion des sciences auprès du grand public par le biais de plusieurs associations et initiatives :

– Je suis présidente de l’association Spacebus Maroc, une opération de médiation scientifique itinérante. En 2016, un camion conçu pour l’occasion a traversé 17 villages et villes marocains. Environ 15 000 personnes de toutes les catégories sociales ont été initiées à la science à travers l’astronomie tout au long de l’itinéraire de 3000 km.

– J’ai été élue coordinatrice nationale du Comité National pour la vulgarisation (National Outreach Coordinator-NOC), du Bureau de l’Astronomie pour le grand public (OAO) de l’Union Astronomique Internationale (UAI).

– Je suis membre du comité de coordination de l’initiative « On the moon again », un événement international pour observer la Lune et célébrer les 50 ans de l’alunissage du 20 Juillet 1969 (www.onthemoonagain.org/).

– Je suis également vice-présidente en charge de la coopération internationale de la Fondation Atlas Dark Sky à Marrakech pour préserver le ciel étoilé au Maroc https://atlasdarksky.com/.

– Depuis 2017, je suis membre du comité de pilotage de l’initiative africaine pour les sciences planétaires : Africa Initiative for Planetary and Space Science (https://africapss.org/)

– Je suis membre du conseil d’administration (CA) de la Fondation Attarik pour les météorites et les sciences planétaires, chargée de partenariat et de levée de fonds.

 

Aujourd’hui, si mon parcours me confère une légitimité naturelle au sein de grands laboratoires de recherche, je suis également très intéressée par des challenges plus entrepreneuriaux dans les secteurs de l’éducation, du développement, de l’éco-tourisme. Je n’ai donc pas quitté l’astrophysique, mais je souhaiterais pouvoir oeuvrer pour que l’astronomie, soit un moyen de communication, d’enrichissement culturel et de transfert de savoirs certes, mais aussi un moyen de développement éco-touristique et de création d’une culture d’emploi inclusive auprès des jeunes. Cette vision peut se concrétiser en positionnant les différents endroits de ciel étoilé (dark skies) comme une destination astro-touristique et comme une destination pour héberger de grands projets d’Observatoires internationaux. D’une part, l’astro-tourisme, segment peu connu du tourisme durable, et qui utilise comme unique ressource le ciel sombre, consiste à valoriser des destinations pour y permettre l’observation de phénomènes astronomiques. Il peut s’agir d’aller observer les étoiles sous un ciel très sombre, de voyager pour voir les aurores boréales ou une éclipse, ou même d’assister au lancement d’une fusée. Plusieurs gouvernements ont reconnu les retombées de l’astro-tourisme, et ont adopté des lois pour économiser l’énergie et limiter l’éclairage extérieur. Au Maroc, la fondation Atlas Dark Sky dont je fais partie, a pour but principal d’accompagner les projets de création et de préservation des aires protégées au Maroc, vis-à-vis de la pollution lumineuse et de promouvoir les thématiques scientifiques dans le domaine de la préservation du patrimoine y afférent (Astronomie, Faune, Flore, Santé, Économie d’énergie, Écologie, Tourisme…). Cela signifie que ces réserves de ciel étoilé peuvent être mises en valeur pour créer des emplois et des opportunités non seulement pour les habitants locaux de ces régions qui sont souvent isolées mais aussi pour toute la population d’un pays.

D’autre part, concernant l’hébergement de grands projets d’observatoires internationaux, j’illustrerai mes propos avec l’exemple du Chili, où j’ai eu l’occasion de séjourner pendant trois mois, comme visiteur scientifique. En effet, on ne peut que constater le développement qu’a connu le pays à travers l’astronomie et tout particulièrement avec les projets de l’ESO (European Southern Observatory), qui a pour mission la construction et l’exploitation des grands télescopes pour l’Union Européenne. Cela a aidé à l’émergence d’une discipline de recherche scientifique, comme cela a été le cas pour des pays ayant bénéficié de telles installations ( ex : Afrique du Sud. . . ). En plus de la circulation permanente au Chili de scientifiques de renom et l’établissement de liens privilégiés avec la communauté d’enseignants chercheur.es chilien.nes, cette mobilité internationale a permis la création de centaines d’emplois pour la construction, l’opération et la maintenance des différents télescopes.

 

Etoiles africaines: Aude Alapini Odunlade (Bénin)

Etoiles africaines: Aude Alapini Odunlade (Bénin)

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Aude (Dr Aude Alapini Odunlade). Je suis enseignante de science dans une école secondaire au sud-ouest de l’Angleterre. Je suis moitié béninoise, moitié belge.

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Ma mère a toujours été intéressée par la nature. Ayant grandi dans cet environnement, le ciel me passionne depuis toute petite. Quand j’avais 10 ans j’ai demandé comme cadeau de Noël une encyclopédie sur l’astronomie, et l’année suivante une paire de jumelles. J’ai eu un professeur de physique au lycée dont le père était astronome amateur. Comme il s’y connaissait bien en astronomie, il a fondé un club d’astronomie dans mon lycée. Grâce à lui j’ai appris à reconnaître mes premières constellations et leur mythologie. Ça m’a fasciné et quand j’avais 13 ans, je me suis dit que je voulais devenir astronaute pour pouvoir voyager dans l’espace!

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Pour des raisons médicales à l’époque, le parcours d’astronaute ne m’était pas ouvert alors j’ai décidé d’étudier les étoiles au lieu d’y voyager, et donc de devenir astrophysicienne. Grâce à mes résultats au baccalauréat français, j’ai pu décrocher une bourse pour étudier à Paris. Puis, tout en restant ouverte aux opportunités qui se sont présentées sur mon chemin, je suis finalement devenue astrophysicienne. J’ai après fait le choix de quitter la profession pour devenir professeur de science au lycée ce qui m’a permis de marier ma passion pour la science et ma vie de famille.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Aux jeunes filles qui souhaitent étudier l’astrophysique je dirais “suis ta passion, travaille dure, soit ouverte et ambitieuse, saute sur les opportunités, n’aie pas peur, demande de l’aide, fais toi plein de connaissances, parle de tes projets, trouve ton équilibre, reste heureuse, n’aie pas de regrets”.

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?

Je suis maintenant professeur de science au collège/lycée. Mon expérience de chercheuse en astrophysique me donne beaucoup d’avantages: une connaissance de pointe en physique et en méthode de recherche, un esprit ouvert et analytique, un profil compétitif, un réseau de connaissances internationales, une liberté de choix de vie.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Oui, je pense en effet que il y a beaucoup de défis pour une femme africaine qui voudrait devenir astrophysicienne. En tant que femme, les opportunités dans l’éducation ne sont pas les mêmes, la pression culturelle et la responsabilité familiale sont plus oppressifs. En tant qu’africaine, l’accès aux financements pour les études et pour la recherche est plus difficile. Pour réussir aussi bien qu’un homme occidental, une femme africaine doit avoir d’avantage de force interne, d’intelligence, de confiance en soi et de contacts professionnels, pour passer au delà des limites sociales et culturelles.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Je ne suis plus vraiment dans l’astronomie mais j’ai des moments de nostalgie. Je comble ce manque en organisant des activités dans mon école. Je gère un club de science ou on s’amuse à faire de tout: des dissections, des expériences, des petits projets de recherche, de l’astronomie. Je reste aussi en contact avec l’université et la bibliothèque de ma ville, où je présente ou organise des séances d’observation de temps en temps. Malheureusement, ayant trois enfants en bas âge et l’astronomie se faisant mieux la nuit, cela limite mes activités.

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