par EricLagadec | Avr 11, 2024 | Au fil des étoiles
Dans le vaste et captivant domaine de l’astrophysique, ma participation aux projets d’observation LIGO/Virgo/KAGRA marque une aventure scientifique remarquable. Elle me permet de contribuer significativement à l’expansion de notre compréhension de l’univers. Ma thèse de doctorat est consacrée à l’analyse des données et au développement théorique, avec pour but de faciliter l’identification conjointe d’ondes gravitationnelles et de leurs contreparties électromagnétiques. Depuis la première détection simultanée d’une onde gravitationnelle et de sa contrepartie électromagnétique en 2017, relever ce défi demeure une priorité.
Mon apport principal réside dans l’affinement de la précision des alertes d’ondes gravitationnelles, un aspect critique pour mobiliser rapidement les réseaux de télescopes mondiaux. Cela permet de repérer les contreparties électromagnétiques liées aux phénomènes cosmiques. Pour y parvenir, j’ai contribué à la mise à jour et au développement d’outils innovants comme NMMA (Nuclear-Multi-Messenger-Astronomy) pour l’analyse multi-messager et gwemopt (Gravitational-wave Electromagnetic Optimization) pour l’optimisation de la détection électromagnétique. J’ai également travaillé sur la mise à jour de Ligo.Skymap et l’intégration de Skyportal, une plateforme collaborative pour l’astronomie du domaine temporel.
Ma participation aux simulations des cycles d’observation O4 et O5 de LIGO/Virgo/KAGRA a été particulièrement enrichissante. Elle m’a permis de fournir des estimations précieuses à la communauté astronomique, aidant ainsi à la détection des contreparties électromagnétiques des événements cosmiques. Une innovation majeure de mon projet a été l’intégration de SkyPortal avec NMMA, améliorant significativement l’analyse des événements astronomiques transitoires. Cette avancée optimise les stratégies observationnelles grâce à une analyse détaillée et en temps réel des courbes de lumière, profitant à l’ensemble de la communauté astronomique.
Un défi particulier de ma recherche est la réduction du bruit dans les signaux détectés, un élément clé pour la détection efficace des ondes gravitationnelles. Grâce à l’utilisation de l’algorithme DeepClean, j’ai réussi à éliminer divers bruits, améliorant la détection des fusions binaires compactes par le détecteur Virgo. Cette avancée représente un pas significatif vers l’amélioration de la sensibilité du détecteur.
Par ailleurs, mon intérêt pour les mystères de l’univers m’a poussé à explorer les liens entre la matière noire, en particulier les trous noirs primordiaux, et les supernovae riches en calcium. Cette ligne de recherche offre des perspectives nouvelles sur des phénomènes cosmiques encore peu compris et pourrait transformer notre compréhension des processus explosifs cosmiques et de l’évolution stellaire.
En partageant mon parcours, je souhaite mettre en lumière l’importance de mes travaux en astrophysique multi-messager et encourager d’autres étudiants, notamment en Afrique, à se lancer dans cette quête de savoir. L’astrophysique est un domaine où chaque découverte nous rapproche un peu plus des secrets de l’univers, et je suis fier de contribuer à cette exploration scientifique.
R. Weizmann Kiendrébéogo
R. Weizmann Kiendrébéogo, doctorant à l’Université Joseph Ki Zerbo à Ougadougou (Burkina Faso) et au laboratoire Artémis de l’Observatoire de la Côte d’Azur (Nice, France)
par EricLagadec | Oct 16, 2023 | Spatial
Depuis le lancement du premier satellite, Spoutnik, par l’Union Soviétique en 1957, et pendant les décennies qui ont suivi, l’accès à l’espace a été réservé à une poignée de nations. L’ère du spatial est une véritable révolution pour l’humanité, que ce soit pour les télécommunications, l’étude et l’exploration du système solaire et de l’Univers, mais aussi pour une meilleure compréhension de la planète Terre. Pendant plus de 40 ans, le continent africain a été à l’écart de cette aventure spatiale, jusqu’au lancement du premier satellite africain, NileSat 101, par l’Egypte en 1998.Depuis, 15 pays africains ont pu envoyer des satellites en orbite. En Afrique de l’Ouest, aujourd’hui, seuls le Ghana et le Nigeria en ont envoyé. Mais les choses changent, avec notamment des projets au Burkina Faso et surtout la création en mars 2023 de l’Agence Sénégalaise d’Etudes Spatiales (ASES).
Le président de la république du Sénégal Macky Sall lors de l’annonce de la création de l’ASES
Depuis de longues années, le Sénégal travaille activement au développement du secteur spatial dans son pays, avec des activités autour de la télédétection, la géomatique, la surveillance des cultures, des sols en général, mais aussi de l’astronomie. Le succès de trois missions d’observations d’astéroïdes pour la NASA depuis le sol du pays de la Teranga, menées par Maram Kairé, président de l’Association Sénégalaise pour le Promotion de l’Astronomie, a mis en lumière ce pays ouest-africain sur la scène astronomique internationale. C’est justement dans le cadre de la présentation du film Star Chasers of Senegal, présentant justement une de ces missions d’observations, que le chef de l’état, Macky Sall, a annoncé la création de la nouvelle agence spatiale du pays. Lors de l’annonce, faite en mars 2023, il a été officialisé que cette agence serait dirigée par Maram Kairé, qui œuvre depuis des années pour le développement de l’astronomie et du spatial au Sénégal. Les enjeux autour du spatial sont très importants, et devraient permettre un développement personnels pour les étudiants dans le domaine, mais aussi un développement pour le pays, avec de meilleurs moyens de communication, d’étude de l’impact du changement climatique sur la faune et la flore, une optimisation de l’agriculture, une meilleure surveillance des frontières et le développement de la médecine dans les villages les plus reculés. Maram Kairé, nouveau directeur de l’Agence Sénégalaise d’Etudes Spatiales est enthousiaste à l’idée de mener ces projets importants pour son pays et a déclaré: “Nous avons commencé à faire la promotion de l’astronomie et de la science spatiale depuis maintenant dix-sept ans dans l’espoir que demain cela puisse montrer à quel point la science spatiale peut aider au développement du Sénégal ». L’avenir du spatial sénégalais est entre de bonnes mains!
Eric Lagadec
Astrophysicien au laboratoire Lagrange de l’Observatoire de la Côte d’Azur-UCA
par EricLagadec | Juil 16, 2023 | Spatial
L’astronomie est une discipline scientifique qui fascine les êtres humains depuis des millénaires et qui a connu des avancées technologiques spectaculaires ces dernières décennies. Cependant, dans de nombreux pays en développement comme la République démocratique du Congo (RDC), l’astronomie et les sciences spatiales ont longtemps été perçues comme réservées à l’élite occidentale. Heureusement, grâce à l’initiative de particuliers et à l’émergence de quelques clubs d’astronomie dans le pays, cette perception commence à changer.
Cependant, ces clubs d’astronomie se heurtent à plusieurs difficultés qui entravent leur développement et leur promotion en RDC. Le manque de ressources financières, d’infrastructures adaptées, de formation spécialisée et de sensibilisation sont autant de défis auxquels ils font face. Comparé à d’autres pays mieux équipés et disposant de ressources plus abondantes, le développement de l’astronomie en RDC est donc plus complexe.
L’intérêt pour cette science s’est accru grâce à la Semaine de la Science et des Technologies de la RDC, un événement scientifique renommé à l’échelle continentale qui est organisé chaque année en République Démocratique du Congo par l’Association Sans But Lucratif Investing In People, en partenariat avec le Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique (MEPST), le Ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire (MESU) et le Ministère de la Recherche Scientifique et Innovation. Cet événement a pour objectif de contribuer à révéler la prochaine génération de scientifiques africains, hommes et femmes, qui soutiendront le développement de la RDC et de l’Afrique. La 9e édition a été organisée sous le thème « Les technologies spatiales au service du développement durable en RDC », ce qui a ouvert de nouvelles perspectives et encouragé les jeunes et les décideurs politiques à s’impliquer dans ces domaines. En effet, les technologies spatiales peuvent jouer un rôle majeur dans le développement socio-économique de la RDC.
Pour tenter de briser le stéréotype selon lequel l’astronomie est réservée à l’élite occidentale, le club d’astronomie « l’astronomie à Lubumbashi » prévoit d’organiser un festival dédié à la démystification de cette science en RDC dès l’année prochaine. Ce festival vise à sensibiliser le grand public à l’importance de l’astronomie et aux avancées technologiques qu’elle permet.
Malgré les efforts déployés, l’astronomie est encore considérée comme une discipline marginale, voire inutile, face aux crises sociales et économiques que traverse la RDC. Pourtant, elle représente une source d’inspiration pour de nombreux scientifiques et a conduit à des innovations technologiques ayant des implications majeures dans de nombreux domaines de la vie quotidienne. La création d’un festival dédié à la vulgarisation et à la démystification de l’astronomie en RDC est donc une initiative louable qui permettra de sensibiliser le public à l’importance de cette discipline et à ses avancées technologiques.
Le Congo Space Fest, initié par le club d’astronomie « l’astronomie à Lubumbashi », sera un festival annuel visant à démontrer l’importance de l’astronomie pour les innovations technologiques et son rôle dans le développement socio-économique de la RDC. Chaque année, le festival se concentrera sur un thème différent lié à l’astronomie, mettant en évidence les avancées technologiques rendues possibles par cette science.
Le festival Congo Space Fest est une initiative louable qui vise à démystifier l’astronomie en République démocratique du Congo (RDC) et à la rendre accessible à tous, en particulier aux jeunes. Dans un pays en proie à une crise socio-économique, il est important de montrer que l’astronomie n’est pas réservée à une élite ou à des pays développés.
Le festival offrira des activités spécialement conçues pour les jeunes, telles que des ateliers et des sessions de formation, afin de susciter leur intérêt pour l’astronomie et les sciences en général. Il vise également à mettre en avant les implications majeures de l’astronomie dans la vie quotidienne, en mettant en évidence les avancées technologiques rendues possibles par cette science.
En outre, le Congo Space Fest a deux objectifs principaux. Le premier est de permettre à la RDC d’utiliser les sciences spatiales, la technologie et les innovations pour lutter contre la pauvreté et réaliser un développement durable. Le deuxième objectif est de faire en sorte que la RDC contribue au pool mondial de connaissances scientifiques et aux innovations technologiques.
Le festival sera également une occasion pour les entreprises locales de présenter leurs produits et services liés à l’astronomie et aux innovations technologiques. Cela contribuera à promouvoir l’industrie technologique locale et à créer des emplois.
En mettant en avant le rôle de l’astronomie dans le développement social et économique du pays, le Congo Space Fest marquera un tournant dans l’histoire de l’astronomie en RDC. Il sensibilisera le grand public et les décideurs politiques aux bénéfices des sciences spatiales dans la transformation économique et le développement durable du pays.
En conclusion, le Congo Space Fest sera un événement annuel excitant et éducatif qui mettra en valeur l’importance de l’astronomie pour les innovations technologiques et le développement social et économique de la RDC. Il contribuera à changer la perception de l’astronomie dans le pays et encouragera les jeunes générations à s’intéresser à cette science fascinante.
Dieumerci Kaseha
Fondateur du clube d’astronomie « l’astronomie à Lubumbashi » en RDC
par EricLagadec | Avr 14, 2023 | Spatial
De nombreux travaux de recherche scientifique ont été réalisés à l’aide du télescope Reynolds de 30 pouces (~75cm) en Égypte depuis 1907, et du télescope Kottamia de 1,88 m depuis 1964. Le télescope de Kottamia est le seul de cette taille au Moyen-Orient et le deuxième en Afrique. Suite à la construction de la nouvelle capitale administrative égyptienne tout près de l’observatoire de Kottamia, le gouvernement a accepté de construire un nouveau télescope plus grand sur un nouveau site, qui devrait avoir une ouverture de 6,5 mètres.
Bien que les grands télescopes terrestres modernes soient complexes et nécessitent des équipements de recherche coûteux, leur conception et leur efficacité dépendent en grande partie de leur emplacement. Le futur grand télescope optique égyptien (ELOT) devrait aider la communauté astronomique égyptienne et mondiale à combler le fossé d’observation entre l’Europe au nord et l’Afrique du Sud au sud, et entre l’Asie à l’est et le Chili à l’ouest. Pour maximiser l’importance de ce télescope, beaucoup de travail doit être fait pour faire correspondre la conception optique d’ELOT, ses instruments astronomiques et les caractéristiques optiques du site pour combler ce fossé.
Dans un premier temps, deux sites ont été sélectionnés, qui sont de bons candidats pour des sites astronomiques, sur la base de certains paramètres physiques et météorologiques utilisant des données satellitaires. L’idée est de construire le télescope là où la météo et l’absence de pollution lumineuse seront optimales pour les observations astronomiques. L’un de ces deux sites potentiels se trouve au sud de la péninsule du Sinaï et l’autre à l’ouest de la ville de Hurgada, sur le littoral de la mer Rouge. Les conditions météorologiques prévalant sur ces deux sites ont été étudiées. La deuxième étape consiste à caractériser ces deux sites à l’aide d’instruments spécifiques qui seront installés sur ces sites dans un avenir proche. Cependant, l’installation de ces instruments se heurte à des problèmes logistiques et à des difficultés qui permettront de passer à l’étape suivante.
Le télescope de Kottomia en Egypte
Une étude préliminaire de la conception de l’ELOT a été réalisée récemment. Les cas scientifiques et les objectifs scientifiques d’ELOT doivent être définis et il est nécessaire de connaître les spécifications des instruments de première génération qui seront attachés au télescope.
L’Institut national de recherche en astronomie et géophysique (NRIAG) espère que la situation actuelle de difficultés économiques à laquelle l’Égypte et certains autres pays du monde sont confrontés n’affectera pas le soutien financier d’ELOT. Le NRIAG souhaite également obtenir un soutien scientifique pour ce grand projet astronomique de la part des pays occidentaux qui ont une grande expérience dans la construction de projets similaires.
Yosry Ahmed Azzam
Professeur, ingénieur
Institut national de recherche en astronomie et géophysique
Helwan, Le Caire, Égypte
par EricLagadec | Jan 16, 2023 | Histoire
Le 30 Juin 1973, une aventure extraordinaire a eu lieu dans le ciel d’Afrique de l’Ouest, le jour de ce qui était sûrement l’éclipse du soleil la plus marquante du 20ème siècle.
Un petit groupe d’astronomes a réalisé une chose assez folle: observer cette éclipse de soleil depuis le Concorde, lors d’un vol supersonique de cet avion alors en phase d’essai.
Illustration de l’observation de l’éclipse par le Concorde (Dessin de Don Connely et Bob Morris)
Eclipse de Soleil
Commençons par un rappel. Une éclipse de soleil a lieu quand la lune passe devant le soleil. Le soleil est environ 400 fois plus grand que la lune, mais aussi 400 fois plus éloigné. Les deux ont donc à peu près la même taille vus depuis la terre.
Schéma d’une éclipse de Soleil
Si la Lune, la Terre et le Soleil orbitaient exactement dans le même plan, on devrait avoir des éclipses tous les mois, mais ce n’est pas le cas. Une éclipse de soleil est rare. On en observe en moyenne une tous les 6 mois et une tous les …370 ans au même endroit!
La prochaine éclipse totale en Afrique aura lieu le 2 août 2027 et sera visible depuis le Maroc, l’Algérie, l’Égypte, le Soudan et la Somalie. Vous pouvez voir sa trajectoire ici.
Les éclipses, des événements courts.. Sauf quand on a une idée de génie
Ces éclipses de soleil sont courtes: 7mn40 au maximum. La dernière durant au moins 7 minutes était d’ailleurs celle du 30 Juin 1973. Le spectacle offert par une éclipse de Soleil est merveilleux, mais court. Et en plus on peut le rater si des nuages couvrent le ciel au-dessus de nos têtes. Les observations de notre étoile le Soleil durant une telle éclipse permettent de révéler sa couronne, la partie supérieure de l’atmosphère du Soleil, qui s’étend sur des millions de kilomètres. Il y fait deux millions de degrés. De telles observations permettent de mieux comprendre son fonctionnement, et, par conséquent, les étoiles en général. Mais il est difficile de les observer longtemps, car elles sont courtes.
C’est là qu’intervient le génie de l’astronome français Pierre Léna: observer l’éclipse du siècle à 2300 km/h, au-dessus des nuages, dans un Concorde, cet avion supersonique en phase d’essais. Il rencontre alors André Turcat, qui dirigeait les vols d’essai du Concorde, et lui propose d’adapter l’avion pour une telle aventure scientifique. Il accepte rapidement cette idée folle. Ils ont 4 mois pour tout préparer, et Pierre invite d’autres collègues pour faire plusieurs expériences en vol. Il faut tout préparer minutieusement et le temps presse.
Il faut notamment changer la carlingue du Concorde, pour créer des hublots au plafond. L’éclipse aura lieu au zénith: donc au-dessus de l’avion. Il faut s’assurer que cela ne posera pas de problème structurel à l’avion, pas d’incendie etc…
Un vol entre les îles Canaries et le Tchad
Le 30 Juin 1973, c’est donc le jour de l’éclipse du siècle. Cette éclipse va traverser l’Afrique d’Ouest en Est.
Trajectoire de l’éclipse du 30 juin 1973 (© NASA)
Le 30 Juin 1973, à 10h08 UT l’avion décolle de Las Palmas aux Canaries, pour suivre la trajectoire de l’éclipse et atterrir à Fort Lamy (N’Djamena) au Tchad près de 3 heures plus tard. Tout est orchestré à la seconde près, sinon on ne pourra pas suivre l’éclipse.
En étant au-dessus des nuages, on s’affranchit du risque de couverture nuageuse, mais aussi de la vapeur d’eau néfaste aux observations infrarouges. Pierre Léna veut étudier de la poussière, qui émet dans l’infrarouge. Il effectue donc des observations dans l’infrarouge. Ainsi, il a ainsi mis en évidence la présence de poussière (du silicate, des tous petits grains de sable) dans l’espace entre les planètes. L’image suivante vous montre la couronne solaire, telle que observée durant l’éclipse.
Observations de la couronne solaire depuis le Concorde
Cette éclipse de 1973, avec cette belle aventure dans le ciel africain, nous a donc permis de mieux comprendre le soleil, qui est maintenant observé régulièrement depuis l’espace. Pierre Léna et les autres passagers du vol ont un record qui sera difficile à battre, celui de la plus longue observation d’une éclipse solaire: 74 minutes.
Eric Lagadec, Observatoire de la Côte d’Azur