
Le Programme international du cercle méridien Europe-Afrique-Pacifique
Fédérer les recherches sur la météorologie de l’espace tout autour de la planète
Les écosystèmes terrestres et les activités humaines sont menacés par un large éventail de risques d’importance majeure pour la sécurité des infrastructures terrestres, des systèmes spatiaux et des vols spatiaux : activité solaire, séismes, perturbations atmosphériques et climatiques, modifications séculaires du champ géomagnétique, fluctuations du circuit électrique mondial et le réchauffement climatique actuel qui remodèle le climat de différents région du globe terrestre. Surveiller et comprendre ces risques majeurs afin de mieux prévoir et atténuer leurs effets constitue l’un des plus grands défis scientifiques et opérationnels du XXIème siècle. Ces divers risques laissent tous leurs empreintes caractéristiques sur l’ionosphère et la haute et moyenne atmosphère terrestres. Pour relever ce défi majeur, une surveillance spatio-temporelle exhaustive de ces régions de l’atmosphère sur de longues périodes est nécessaire pour comprendre les processus à l’origine de ses perturbations, et une jour les prévoir. Cette surveillance peut être assurée par un réseau d’instruments terrestres bien conçu et exploité conjointement à l’échelle mondiale, à condition que ce réseau offre une bonne couverture des latitudes, longitudes et altitudes, et soit capable de caractériser la dynamique spécifique de chaque couche atmosphérique et la diversité des sources générant des perturbations.
L’objectif du Programme international du cercle méridien (IMCP), initialement proposé par l’Académie chinoise des sciences (Liu et al., 2020, 2021), est de déployer, d’intégrer et d’exploiter un tel réseau mondial d’instruments de recherche et de surveillance. Pour une couverture complète de l’atmosphère et de l’ionosphère, une participation forte et cohérente de l’Afrique et de l’Europe le long du grand cercle méridien qui les relie (approximativement le méridien 30° E) est essentielle. Le Cercle méridien international Europe-Afrique-Pacifique (IMCP-EAP) est un projet conjoint développé par de nombreux pays, sous l’égide de l’Initiative internationale sur la météorologie de l’espace (ISWI) des Nations Unies, afin de concrétiser cette coopération scientifique ambitieuse entre l’Afrique et l’Europe en faveur de la protection d’un bien commun précieux : notre environnement spatial.
Objectifs scientifiques de l’IMCP-EAP
Les objectifs scientifiques du projet sont résumés sur la Figure 1 : l’objectif principal, qui est d’observer et comprendre les impacts des perturbations naturelles et anthropiques sur l’ionosphère et l’atmosphère moyenne et haute, peut être décliné en objectifs plus précis d’études des impacts des différentes sources de perturbations : celles qui viennent « d’en haut », c.-à-d. l’activité solaire et les perturbations du milieu interplanétaire, et celles qui viennent d’ « en bas », c’est-à-dire du Système Terre lui-même : Terre solide, océans et atmosphère.

1. Objectifs du projet : recherche scientifique et de surveillance des phénomènes à risque.
Géométrie du réseau
Pour assurer la surveillance de la diversité de ces phénomènes perturbateurs, il faut un réseau déployé autour du globe qui puisse couvrir toutes les latitudes, géographiques et géomagnétiques, assurer simultanément une bonne couverture des longitudes et des temps locaux, et donner accès aux contrastes entre l’hémisphère continental et l’hémisphère « océan » (le Pacifique pour l’essentiel). D’où le choix de déployer le réseau le long de deux Grands Cercles méridiens en quadrature (Figure 2) : un premier cercle méridien 120°E – 60°O couvrant l’Asie de l’est, l’Australie de l’ouest et les deux Amériques, et un second cercle 30°E – 150°O, couvrant l’Afrique, l’Europe centrale et le milieu du Pacifique.
Le Projet Méridien Chinois (CMP), aujourd’hui déployé avec de nombreux instruments lourds et innovants (Wang et al., 2023), est un exemple de réseau régional à haute densité consacré à la météorologie de l’espace qui couvre aussi les deux calottes polaires et sert de modèle au réseau mondial IMCP.

2. Géométrie du réseau, avec ses deux grands cercles méridiens en quadrature.
La place éminente et les atouts de l’Afrique
L’Afrique occupe une place unique et toute particulière dans le projet : elle offre la plus longue traversée continentale de l’équateur magnétique, lieu de convergence particulièrement important de beaucoup de perturbations atmosphériques et ionosphériques, et donc un terrain d’un intérêt exceptionnel pour les étudier. L’Afrique équatoriale est le site du maximum mondial de l’activité orageuse, et donc le meilleur endroit possible pour les observer et en comprendre les effets dans les plus hautes couches de l’atmosphère. L’étendue du territoire Africain offre des larges possibilités de déploiement d’instruments d’étude atmosphérique et ionosphérique.

3. quelques-uns des équipements et réseaux de météorologie de l’espace existants ou en développement en Afrique : (a) l’Observatoire de l’Oukaimeden au Maroc, dont l’interféromètre de Fabry-Perrot observe régulièrement les vents de la haute atmosphère ; (b) le radar VHF NigerBEAR au Nigeria pour l’étude des irrégularités et du transport dans l’ionosphère équatoriale, et (c) les réseaux magnétiques et (d) les récepteurs GNSS (Géolocalisation et Navigation par un Système de Satellites) qui devraient être étendus et densifiés dans le cadre du projet IMCP-EAP.
Une étude récente (Baki et al., 2023, voir Figure 3) a fait le bilan de ces infrastructures de recherche de la météorologie de l’espace. Elle offre des pistes nombreuses pour poursuivre ce déploiement et assurer à terme au continent Africain la maitrise de l’étude scientifique et de la surveillance de sa haute atmosphère. Ce déploiement peut notamment être envisagé grâce aux développements en cours dans divers laboratoires d’instruments sol performants (antennes VLF, antennes GNSS, …) et à bas coût. Pourvu que les personnels scientifiques et techniques nécessaires au projet soient formés et qu’on leur donne accès en nombre suffisant aux laboratoires qui vont le faire vivre, le projet IMCP-EAP est une opportunité majeure de développement d’activités scientifiques et spatiales en Afrique. Nous espérons qu’Africains et Européens, avec beaucoup d’autres pays dans le monde, pourront rejoindre ce projet, conduit sous l’égide de l’Initiative Internationale de Météorologie de l’Espace (ISWI) des Nations-Unies.
Frédéric Pitout(1), Michel Blanc(1), Marie Devinat(1), Olivier Le Contel(2), Christine Mazaudier(2)
- IRAP (CNRS-Université Toulouse III-CNES), Toulouse, France
- LPP (CNRS-Ecole Polytechnique-Sorbonne Université), Paris, France
Références :
- Baki P., B. Rabiu and 25 co-authors, The Status of SpaceWeather Infrastructure and Research in Africa. Atmosphere (2023), 14, 1791. https://doi.org/10.3390/atmos14121791
- http://www.issibj.ac.cn/Publications/Forum_Reports/201404/W020201105365405876299.pdf
- Liu W., M. Blanc and 34 co-authors, Science Objectives and Observation System for the International Meridian Circle, Taikong #19, ISSI-Beijing (2020).
- Liu W., M. Blanc, E. Donavan, J. Foster, M. Lester, H. Opgenoorth, L. Ren (2021), Science Objectives and Observation System for the International Meridian Circle, Science China, 2021. https://doi.org/10.1007/s11430-021-9841-8
- Wang C, Xu J, Liu L, Xue X, Zhang Q, Hao Y, Chen G, Li H, Li G, Luo B, Zhu Y, Wang J. (2023). Contribution of the Chinese Meridian Project to space environment research: Highlights and perspectives. Science China Earth Sciences, 66, https://doi.org/10.1007/s11430-022-1043-3