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Notre Voie Lactée laissant apparaitre des milliards d’étoiles mais pas que.

La Voie lactée : la plus grande galaxie de notre groupe local de la Vierge abrite une quantité inimaginable d’étoiles. On compte plus d’étoiles dans la Galaxie que de grains de sable sur l’ensemble des plages du globe. Les plus chanceux d’entre vous se sont peut-être déjà aperçu que les étoiles n’étaient pas les seuls constituants de notre belle Galaxie. Si les étoiles fournissent le rayonnement lumineux nécessaire à la vie sur Terre, un autre composant tout aussi essentiel constitue une bonne partie de la masse de notre Galaxie : la poussière.

La poussière: brique de la vie

Pour les astronomes, la poussière est quelque peu différente des agrégats moutonneux que l’on trouve sous nos armoires. La poussière interstellaire est constituée d’atomes, suffisamment nombreux pour former de petits grains mesurant quelques dixièmes de microns (> 0,1 µm). En comparaison, le diamètre d’un cheveu en mesure quelques dizaines (> 10 µm). C’est cette poussière qui donne l’aspect cotonneux à notre Galaxie observée depuis la Terre, et qui cache une partie des étoiles à nos yeux (fig. 1). Cette matière constitue la matrice idéale pour former les nouvelles générations d’étoiles et de planètes. En effet, les propriétés physico-chimique de ces grains en font de parfaits capteurs de rayonnement énergétique (visible et ultra-violet). Les grains de poussières chauffés par le rayonnement stellaire ont pour effet de refroidir le milieu environnant et de réémettre un rayonnement de plus faible énergie, l’infrarouge, qui est donc le domaine de longueur d’onde privilégié pour étudier leurs propriétés. En plus de fournir la matière qui formera les futures étoiles, la poussière constitue également les briques qui formeront plus tard les planètes, et tout ce qui s’y trouve (nous y compris). Oui, chaque atome a d’abord été forgé au cœur des étoiles, puis exposé au froid interstellaire sous forme de poussière avant de constituer les os de notre corps, l’air que l’on respire ou les composants de nos ordinateurs.

Nébuleuse du cône. Des étoiles naissantes sont visibles au sommet de l‘édifice de poussière. (HST/NASA)

Dans la Galaxie, la poussière  peut se trouver au sein de différentes objets astronomiques :

  • Les nuages moléculaires géants (La Nébuleuse de l’Aigle, ou d’Orion en sont de parfait exemples), là où naissent les étoiles (i.e.: les pouponnière d’étoiles, fig. 2),
  • Les disques de matière autour des étoiles nouvellement formées, restes de leur cocon originel et berceaux des futures systèmes planétaires,
  • Les nébuleuses planétaires comme la Lyre ou le Chat, vestige d’une fin de vie stellaire calme et sans sursaut,
  • Et enfin, autour des étoiles productrices de poussière.

Un excédent de poussière (galactique)

Jusqu’à aujourd’hui, on avait une idée assez claire concernant les protagonistes à l’origine des poussières observées dans les galaxies. La majorité de celle-ci se formerait autour des phases évoluées des étoiles de faible masse (i.e. de masse inférieure à huit fois la masse du Soleil). Après avoir brûlé son matériel nucléaire pendant des milliards d’années, l’étoile présente une phase instable, nommée Branche Asymptotique des Géantes (ou AGB). Ces étoiles pulsent, et cette pulsation entraîne du gaz au delà de la surface de l’étoile. La pulsation crée aussi des chocs, créant des zone de gaz denses et froid, car loin de l’étoile. Ce gaz se solidifie alors en poussière.  Cette poussière va absorber le rayonnement de l’étoile et être éjectée, entraînant avec elle le gaz de l’étoile, enrichissant ainsi le milieu interstellaire en az et poussière. Le deuxième mécanisme majeur surviendrait lors de l’explosion en supernovæ d’étoiles très massives, (au moins 8 fois plus lourdes que le Soleil). La matière éjectée lors de cette explosion pourrait alors condenser, s’agréger et former des grains de poussières. Des études récentes menées par la professeure Martha Boyer de l’Université Hopkins à Baltimore sur les Nuages de Magellan (galaxies satellites de la Voie lactée) ont montré que ces mécanismes ne pouvaient expliquer à eux seuls la quantité de poussières observées dans ces galaxies : il y a trop de poussière.

La nébuleuse spirale WR104 imagée en infrarouge grâce à l’instrument SPHERE du télescope européen VLT.

Des étoiles monstrueuses à la rescousse

Parmi les pistes évoquées pour expliquer l’excès de poussière galactique, figurent les étoiles massives évoluées, ultime étape de leur combustion thermonucléaire : les étoiles Wolf-Rayet (WR). Parmi les milliards d’étoiles présentes dans les galaxies, 1 sur 50 000 dispose d’une masse suffisante pour déclencher une phase Wolf-Rayet. Cette phase ne durant que quelques centaines de milliers d’années, elles sont extrêmement rares mais suscitent un intérêt renouvelé de par leurs caractéristiques particulières. Ces étoiles, nommées en l’honneur des astronomes français Charles Wolf et Georges Rayet, se caractérisent par une très grande instabilité et une luminosité hors normes. Cette grande luminosité (plus de 200 000 fois plus grande que celle du Soleil) génère une perte de masse importante sous forme de vent stellaire dense et rapide (se propageant à plus de 4 millions de km/h) : un phénomène similaire dans sa nomenclature au vent produit par le Soleil à l’origine des aurores boréales et australes, mais beaucoup plus important, au point d’occulter l’étoile elle-même. Ce type d’étoile étant souvent en couple (les stars n’aiment pas la solitude, c’est bien connu), l’interaction de ce vent avec un compagnon serait à l’origine d’une production de poussière sans commune mesure dans la Galaxie.

Vue d’artiste de la zone de collision de vent (en violet) donnant naissance à la poussière (en rouge). (Gemini Observatory)

En 2018, une étude menée par l’équipe du Dr. Anthony Soulain, chercheur à l’Université de Sydney, a révélé l’étrange système présent autour d’une de ces étoiles Wolf-Rayet nommé WR104 dans la constellation du Sagittaire. Au moyen de l’instrument SPHERE installé sur le très grand télescope (VLT) européen de huit mètres au Chili, l’équipe a montré que ce système pouvait produire une quantité de poussière équivalent à deux fois la masse de la planète Mars chaque année. En comparaison, cela représente la quantité de poussière produite par l’ensemble des étoiles AGB du Petit Nuage de Magellan (plusieurs milliers d’objets). Les images de très hautes précisions montrent un environnement de poussière en forme de spirale, faisant quasiment face à la Terre (fig. 3). Ce quasi alignement a d’ailleurs valu son nom d’étoile de la mort à WR104. En effet, ce type d’étoile finira par exploser en supernova, qui pourrait s’accompagner d’un jet de matière énergétique se propageant vers la Terre. Heureusement, les quelques degrés de décalage qui existent avec ce système nous mettent hors de danger. L’aspect spiral de cette nébuleuse est attribué à une production de poussière continue, associée à un mouvement orbital circulaire. Plus précisément, c’est le choc d’interaction des vents des 2 étoiles constituant le système de WR104 (une étoile WR riche en carbone (type WC) et une étoile massive (type O)), qui générerait les conditions propices à la création des grains de poussière (fig. 4). On peut aisément faire une analogie avec les systèmes d’arrosage de nos jardins, où la turbine en rotation va éjecter l’eau pour former une spirale (vue du dessus). En termes d’échelle, le gigantisme de la structure spirale observée est difficilement concevable car l’ensemble de notre Système solaire tiendrait dans la partie centrale la plus brillante de l’image. On connaît aujourd’hui près de 700 étoiles Wolf-Rayet dans notre Galaxie (666 pour être exact, drôle de coïncidence pour des étoiles monstrueuses). Si une seule de ces étoiles est capable de produire autant de poussière, à l’instar de WR104, cette population stellaire pourrait rivaliser avec les étoiles de plus faible masses (AGB) et les supernovas. Plusieurs études sont actuellement menées sur ce type d’étoiles afin de déterminer précisément leur taux de production de poussière. L’équipe du Dr. Ryan Lau, de l’Université de Tokyo, ont étudié le spectre infrarouge de plusieurs dizaines de WR révélant des taux de production extrêmement élevés. Si ces études se confirment, les étoiles WR seraient alors les producteurs de poussière les plus efficaces de la Galaxie. En parallèle des observations, plusieurs équipes de par le monde tentent d’expliquer la physique à l’œuvre dans ces systèmes au moyen de modèles numériques sophistiqués.

Les chercheurs Anthony Soulain et Astrid Lamberts, de l’Observatoire de la Côte d’Azur, ont permis de faire le lien entre la composition chimique de l’environnement de ces étoiles et les caractéristiques géométriques des spirales qui en résultent. Grâce à ces études, il est possible d’étudier directement les mécanismes de formation des grains de poussière grâce aux images obtenues depuis le sol et bientôt dans l’espace. En effet, les étoiles Wolf-Rayet constituent une des nombreuses cibles prometteuses qu’observera le télescope spatial JWST, remplaçant de Hubble, et permettra de mieux appréhender ces monstres stellaires.

 

Anthony Soulain – Sydney Institute for Astronomy (SIfA), université de Sydney, CNRS

 

 

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