LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

À la fin du deuxième millénaire, l’exploration de mondes situés au-delà de notre système solaire a bouleversé notre compréhension de l’Univers et stimulé un large éventail de recherches en astrophysique. Depuis la première découverte en 1995 d’une planète en orbite autour d’une étoile de la séquence principale autre que notre Soleil –une exoplanète–, ce champ d’étude est devenu l’un des domaines scientifiques les plus dynamiques. Depuis lors, diverses missions spatiales et terrestres ont été financées spécifiquement pour détecter et caractériser ces mondes exotiques, conduisant à la découverte de plus de 5500 d’entre eux à ce jour. La plupart transitent leurs étoiles hôtes :  lorsqu’une planète passe devant son étoile hôte, son disque planétaire occulte une partie du disque stellaire, ce qui entraîne une baisse de sa brillance apparente. Cette baisse se nomme signal de ”transit”. Le suivi photométrique des étoiles, qui vise à surveiller la luminosité des étoiles en fonction du temps, peut détecter les signaux de transit, conduisant ainsi à la détection d’exoplanètes. C’est le principe de la méthode des transits utilisée pour détecter la plupart des exoplanètes connues à ce jour. La mission spatiale TESS, lancée par la NASA en 2018, augmente rapidement le nombre de planètes en transit avec un accent particulier sur les exoplanètes de taille comprise entre celle de la Terre et de Neptune et en orbite autour d’étoiles brillantes et proches de notre système solaire. Ce concept rend plus facile la caractérisation détaillée des paramètres physiques des planètes détectées, tels que leurs rayons et masses, ainsi que leurs atmosphères. TESS a déjà détecté des signaux de type transit pour des milliers de candidats exoplanètes. Cependant, plusieurs de ces signaux pourraient être produits par d’autres phénomènes, tels que les binaires à éclipses, ou à l’activité même des étoiles (étoiles variables). Certains signaux pourraient être aussi produits par des artefacts instrumentaux. Ainsi, ces signaux doivent encore être re-observés et analysés pour confirmer leurs origines planétaires, en utilisant des mesures photométriques de plus grande précision à partir des télescopes au sol.

Tappist Nord à l’Observatoire de l’Oukaimeden

 

La confirmation des signaux de transit initialement détectés par la mission a suscité l’intérêt de nombreux observatoires et astrophysiciens à travers le monde. Dans ce contexte, mes travaux de thèse se sont inscrits dans un effort international visant à observer les candidates exoplanètes en transit afin d’identifier les signaux faux positifs causées par les phénomènes susmentionnés. Dans ce cadre, j’ai utilisé les deux télescopes TRAPPIST-Nord (à l’Observatoire de L’Oukaimeden au Maroc) et TRAPPIST-Sud (à l’Observatoire de la Silla au Chili) pour le suivi photométrique des signaux de transits pour plus de 260 exoplanètes candidates. Pour la majorité de ces signaux, la signature planétaire a été confirmée !

Tappist Sud au Chili

 

Une grande partie de ma thèse a été aussi consacrée à l’étude des exoplanètes plus grandes que la Terre (super-Terres) et plus petites que Neptune (mini-Neptunes), afin de comprendre leur formation et leur évolution. Bien que ce type de planète soit répandu dans l’Univers, il est absent de notre Système solaire, ce qui limite notre compréhension de leur origine et de leur évolution. À cet égard, j’ai dirigé l’article de découverte de la planète TOI-1680 b (Mourad et al. 2023). Il s’agit d’une planète de type super-Terre, premièrement détectée par TESS, et validée par le télescope TRAPPIST-Nord ainsi que par de nombreux autres instruments. Elle est 1.46 fois plus grande que la Terre et se situe sur une orbite de 4.8 jours autour d’une étoile de petite taille et astronomiquement proche de notre système solaire (à 37.14 parsecs). Étant donné que toutes les planètes connues ayant un rayon similaire à celui de TOI-1680 b sont majoritairement rocheuses, cette planète est potentiellement de cette nature. Cette supposition sera confirmée par la mesure de sa masse planétaire issue des observations de vitesse radiale, une autre technique pour la détection et caractérisation des exoplanètes. J’ai également évalué son potentiel pour la caractérisation atmosphérique, où j’ai découvert qu’elle pourrait être une candidate prometteuse pour ces études avec le Télescope Spatiale James Webb (JWST), d’autant plus que ce système se trouve à proximité de la zone d’observation continue de JWST. J’ai également dirigé un autre article présentant la découverte de deux autres super-Terres: TOI-6002 b et TOI-5713 b (Mourad et al. 2024). Les deux planètes sont de types super-Terre et chacune en orbite de presque 10 jours autour une étoile de petite taille et astronomiquement proche de notre Soleil. Vu leurs tailles, TOI-6002 b et TOI-5713 b peuvent être soit de compositions rocheuses ou riches en eau. Au vu de leur température de surface et de leur distance respective à l’étoile, il n’est pas clair si elles ont conservé leur atmosphère ou non. Ces résultats les classent comme des cibles importantes pour déterminer leur masse via des observations de vitesse radiale.

Mourad GHACHOUI et Emmanuel Jehin à l’observatoire de l’Oukaimeden

 

Lorsque leurs masses seront déterminées, les planètes découvertes seront ajoutées à l’échantillon d’exoplanètes sur lequel des investigations statistiques approfondies seront menées pour comprendre comment les super-Terres et les mini-Neptunes se forment et évoluent autour des étoiles de petite taille. Ces études seront effectuées sur la base de la Vallée des Rayons (Radius Valley) –un déficit de planètes entre 1.5 et 2 rayons terrestres, séparant les super-Terres rocheuses des mini-Neptunes riches en gaz. Elle résulte probablement de la perte d’atmosphère due au rayonnement stellaire. Il est intéressant de noter que les deux planètes sont situées près du bord intérieur de la zone habitable de leurs étoiles hôtes, ce qui en fait également des cibles intéressantes pour de futures études atmosphériques visant à élargir notre compréhension de l’habitabilité potentielle autour des étoiles de petite taille et comment des planètes potentiellement habitables deviennent des planètes semblables à Vénus.

Actuellement, en tant qu’astrophysicien enseignant-chercheur à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech (Maroc) et à l’Observatoire de l’Oukaimeden, je poursuis mes efforts de recherche dans la détection et la caractérisation de ces mondes exotiques, ainsi que dans l’étude de leur histoire de formation et d’évolution.

 

Mourad GHACHOUI 

Notes:

  1. Ghachoui, M., et al. (2023) TESS discovery of a super-Earth orbiting the M-dwarf star TOI-1680. A&A 677, A31. https://doi.org/10.1051/0004-6361/202347040
  2. Ghachoui, M., et al. (2024) TESS discovery of two super-Earths orbiting the M-dwarf stars TOI-6002 and TOI-5713 near the radius valley. A&A 690, A263. https://doi.org/10.1051/0004-6361/202451120

 

 

 

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