Les cratères d’impact
Les cratères d’impacts sont des structures géologiques en forme de dépression circulaire, formées par l’impact lorsqu’un astéroïde (ou une comète) entre en collision avec la surface d’un corps planétaire (French, 1998). La vitesse de ces collisions est très élevée (plusieurs kilomètres à dizaines de kilomètres par seconde), et le processus d’impact implique une physique très particulière pour rendre compte des phénomènes intenses et rapides qui se produisent sous l’effet de la pression et de la chaleur produite par ces impacts. Ce phénomène, souvent qualifié de catastrophe géologique, est cependant un processus très commun dans le Système Solaire, et sans doute dans l’ensemble des systèmes planétaires.
Sur Terre, les structures d’impact sont étudiées par des approches pétro-géochimiques à partir des échantillons de roche prélevés sur le terrain, ou lors de forages. Ils sont également étudiées par des méthodes géophysiques permettant de connaitre la nature du sous-sol, en particulier à l’aide de la gravimétrie, du magnétisme, ou de la sismique réflexion/réfraction. Parmi les méthodes géophysiques, la radiométrie a rarement été utilisée pour étudier les cratères d’impact.
Qu’est-ce que la radiométrie ?
La radiométrie est une méthode géophysique basée sur la physique nucléaire. Elle consiste à quantifier les concentrations des radionucléides 40K, 232Th, 238U à partir de l’énergie des rayonnements gamma émis par le sol et le substratum rocheux (Dickson and Scott, 1997; Minty, 1997). Ces radionucléides sont naturellement présents dans les roches terrestres. Un radionucléide est un nucléide instable, qui peut donc se décomposer en émettant un rayonnement. Les données radiométriques sont acquises en altitude (aéroportées), au sol (in situ) à l’aide d’un spectromètre portable par exemple, ou en profondeur (gamma logging). Les données radiométriques fournissent donc des estimations des concentrations du potassium (K), du thorium (Th) et de l’uranium (U) dans le sol, le régolithe et la roche. Elles constituent une source importante d’informations géochimiques, c’est pourquoi, elles sont utilisées depuis des décennies dans l’exploration minière et dans la cartographie géologique de la Terre et des autres planètes.
Que peut apporter la radiométrique pour l’étude des cratères d’impact météoritiques ?
Nous avons essayé de démontrer la valeur scientifique des données radiométriques pour la recherche sur l’impact, c’est-à-dire d’une part, pour l’interprétation des données radiométriques des corps extraterrestres, et d’autre part, pour une meilleure utilisation de ces données dans les études de structures d’impact terrestres connues, et pourquoi pas, pour la recherche de nouvelles structures d’impact !
Mon travail de doctorat représente une étude des signatures radiométriques de plusieurs structures d’impact, et la première étude sur les causes possibles des redistributions observées du K, Th et U dans les structures d’impact. Nous sommes partis du général au particulier, en étudiant d’abord les signatures radiométriques des structures d’impact en Australie. Il s’agit de l’observation de toutes les signatures radiométriques des structures d’impact et l’analyse de cinq structures d’impact d’entre elles (Fig. 1). Sur la carte radiométrique de l’Australie et pour les autres cartes radiométriques, on représente le potassium en rouge, le thorium en vert, l’uranium en bleu. Sur ces représentations ternaires, les zones rouges sont donc riches en potassium, et les zones bleu-vert sont riches en thorium et uranium, et correspondent souvent à des roches latéritiques (altérées) ou la potassium, mobile en présence d’eau, a été lessivé.
Ensuite, nous avons étudié l’anomalie en potassium de la structure d’impact de Bosumtwi au Ghana (Fig. 2) connue depuis une vingtaine d’année, et enfin la structure d’impact de Rochechouart en France (Fig. 3). Ces études ont démontré que la déformation de la croûte terrestre induite par le choc et les processus superficiels tels que l’érosion ou l’altération contrôlés par la topographie du cratère sont les principales causes des signatures radiométriques associées aux structures d’impact. Dans le cas de la structure d’impact de Rochechouart, ces études ont permis de cartographier l’enrichissement en potassium des impactites en réponse à l’activité hydrothermale qui a affecté les roches fondues de la structure. Dans le cas de Bosumtwi, l’origine de l’anomalie en potassium a pu être élucidée.
Sur la base des observations de terrain et des analyses des concentrations du nucléides cosmogénique comme le béryllium, nous avons pu montrer que l’anomalie résulte de l’érosion différentielle de la structure, contrôlée par sa topographie initiale en compétition avec les processus d’altération des roches (formation de régolithe).
Cerise sur le gâteau, nos travaux de terrain ont permis également de révéler la similitude des éjecta de Bosumtwi avec les éjecta lobés ou fluidisés, présents sur d’autres corps du système solaire (Mars). Cela fait de Bosumtwi un « analogue » pour les planétologues et donc un laboratoire naturel pour comprendre la mise en place de ces morphologies d’éjecta.
Les résultats des travaux ont également permis de valider l’hypothèse que les données radiométriques sont utiles pour la recherche de nouvelles structures d’impact potentielles, en particulier dans la ceinture tropicale, et permettront certainement la caractérisation de nouvelles structures d’impact.
Bamba Niang