LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

L’un des principaux objectifs de la mission InSight, qui s’est posée sur Mars en novembre 2018, était d’étudier la structure interne de cette planète. Équipée du sismomètre ultrasensible de fabrication française SEIS, la sonde a enregistré plus de 1 300 séismes martiens, dus à des mouvements internes ou, pour certains, provoqués par des impacts de météorites. Le dernier signal reçu avant l’arrêt de la mission date du 15 décembre 2022.

1. Une avalanche de glaces et de poussières sur Mars. Cette avalanche, observée par la caméra HiRISE de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter en mars 2010, dévale une falaise d’environ 700 mètres de hauteur située dans la région polaire boréale. Dans ce cas précis, elle aurait été déclenchée par le réchauffement et la sublimation de CO2. (© NASA/JPL/University of Arizona)

 

Une particularité des séismes martiens est qu’ils pourraient donner naissance à des avalanches de poussières générées par ces mouvements du sol au passage des ondes sismiques. Pour illustrer cette hypothèse, une équipe internationale sous la responsabilité de chercheurs de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) a croisé les données de SEIS avec des observations orbitales, notamment celle de la mission MRO [1], qui a déjà enregistré plusieurs avalanches (fig. 1). Cette comparaison a permis d’analyser et de comprendre les conséquences de l’activité sismique martienne sur l’évolution des terrains situés à proximité des foyers des séismes. Ces chercheurs ont tout particulièrement étudié les conséquences de deux événements sismiques particulièrement violents, S1000a et S1222a [2]. Ceux-ci ont eu lieu le 18 septembre 2021 et le 4 mai 2022 et sont (pour Mars) de magnitudes très élevées, respectivement 4,1 et 4,7 [3], comme rapporté dans l’Astronomie (no 163, septembre 2022).

Le premier événement, S1000a, est un impact météoritique qui a donné naissance à un cratère de 150 m de diamètre. En comparant les observations orbitales avant et après l’impact, un nombre important d’avalanches ont été observées après celui-ci. Toutefois, ces dernières seraient dues à des impacts secondaires et pas à la propagation d’ondes sismiques.

En ce qui concerne le second événement, S1222a, le scénario de déclenchement d’avalanches serait plus complexe, sans doute parce que la région sous-jacente présente une géologie plus compliquée. En effet, son épicentre est localisé près d’un volcan ancien, le volcan Apollinaris Patera (fig. 2), à une profondeur inférieure à 20 km, dans une région de terrains meubles à forte pente, propice à des déclenchements d’avalanches. L’activité sismique pourrait être liée à cet ancien volcan, bien que ce dernier ne soit sans doute plus en activité. Une autre hypothèse avancée par les chercheurs est l’existence d’une grande ride de 450 km de long située à proximité de l’épicentre.

2. Apollinaris Patera vu par la sonde Mars Global Surveyor en avril 1999. (© NASA/JPL/MSSS)

 

Le lien entre cette structure et l’activité sismique n’est pas encore bien compris. À noter que S1222a est l’événement le plus violent enregistré par SEIS, et qu’aucun nouveau cratère n’a été observé sur le sol martien à la suite de S1222a, excluant ainsi la possibilité d’un impact météoritique comme cause de la source du séisme.

Dès que S1222a a été détecté, les images provenant des observations orbitales des caméras HiRISE et CTX à bord de MRO, prises avant et après l’événement, ont été analysées. Plusieurs centaines d’images, complétées par des modélisations statistiques, ont été utilisées pour documenter le séisme et mieux comprendre le déroulé des événements ; ainsi, les chercheurs ont pu estimer que le taux d’avalanches, en moyenne de 3 %, est passé à plus de 40 % pour ce nouveau séisme [4]. Aucune tempête n’a eu lieu pendant la période couverte par ces observations, que ce soit avant ou après le séisme, qui aurait pu expliquer ces avalanches de poussières.

En conclusion, cette augmentation significative des avalanches dans des zones propices aux séismes suggère que les déformations du manteau jouent un rôle essentiel dans ces processus et que l’une des causes possibles des séismes sur Mars est la contraction thermique du manteau martien à cause du refroidissement de cette planète au cours du temps. De futures recherches permettront de mieux comprendre comment l’activité sismique martienne influence les processus de surface et de subsurface. Enfin, les conséquences visibles des séismes que sont les avalanches de poussières peuvent dans l’avenir servir d’outils pour documenter ces processus rapides que sont les impacts météoritiques et les séismes.

 

Par Janet Borg, Institut d’astrophysique spatiale

Publié dans le numéro de l’Astronomie n°182

 

 

 

 

 

 

  1. Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) est une mission spatiale américaine de la Nasa en orbite autour de Mars qui a été lancée en août 2005 et dont l’objectif principal est de cartographier la surface de Mars. Il est équipé entre autres des deux instruments utilisés dans cette étude, à savoir la caméra du télescope HiRISE et celle de CTX (Context Imager) qui fournit des images monochromes complétant les clichés obtenus à plusieurs longueurs d’onde de HiRISE.
  2. A. Lucas et al., « Possibly seismically triggered avalanches after the S1222a Marsquake and S1000a impact event », Icarus, vol. 411, 2024, 115942, DOI : 10.1016/j.icarus.2023.115942.
  3. À titre de comparaison, 95 % des séismes enregistrés par SEIS depuis l’arrivée d’InSight sur Mars ont une magnitude inférieure à 3,5. Sur Terre, on enregistre des événements de magnitude beaucoup plus élevée ; par exemple autour de 6,8 pour le violent séisme qui s’est produit dans le Haut Atlas marocain le 8 septembre 2023.
  4. Un taux de 3 % signifie que 3 nouvelles avalanches apparaissent au cours d’une année martienne pour 100 avalanches existantes.

 

Instagram
YouTube
YouTube
Follow by Email