LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

Le second relevé d’images du ciel en ondes radio effectué par le réseau Lofar est rendu public [1]. Il couvre deux régions représentant 27 % du ciel boréal, avec des images dans la gamme de fréquences de 120 à 168 MHz, ce qui correspond à des longueurs d’onde voisines de 2 m. Ce grand relevé révèle 4,39 millions de sources. La majorité de ces sources n’avait jamais été observée dans le domaine des ondes radio. 

La galaxie M 63 et son proche environnement en lumière visible. L’image vient du grand relevé DSS2, facilement disponible avec l’application Aladin ou sa version en ligne Aladin lite. Le champ de la galaxie contient aussi quelques étoiles. La plus brillante, en haut à droite de la galaxie, HD 115270, est de magnitude 9,81. La consultation du catalogue Simbad indique que certains objets d’aspect ponctuel sont en fait des galaxies.

 

Ce relevé, appelé LoTSS_DR2 pour Lofar Two meter Sky Survey_Data Release 2, est la seconde version. La première, LoTSS-DR1 (lire l’Astronomie 150 de juin 2021) contenait 44 500 sources. La version actuelle, pour laquelle la correction des perturbations causées par l’ionosphère terrestre a été grandement améliorée, permet une meilleure résolution angulaire (6 secondes d’arc), et une plus grande sensibilité, avec cent fois plus de sources révélées. L’intensité de ces sources varie de 0,2 à 5 000 millijanskys [2]. Le relevé donne pour chaque endroit observé l’intensité du signal dans trois bandes de fréquences qui découpent la gamme 120-168 MHz en trois parties égales de 16 MHz de bande passante. Cela permet une ébauche très sommaire de spectre. 

Les émissions radio du milieu interstellaire et du milieu intergalactique sont généralement dues à des électrons de haute énergie en mouvement dans une région où règnent des champs magnétiques (rayonnement synchrotron). 

Le relevé LoTSS comprend également des cartes de polarisation des ondes radio. La polarisation indique si le champ électrique mesuré à l’antenne tend à tourner (polarisation circulaire), à osciller sans changer de direction (polarisation linéaire), si son mouvement est une combinaison des deux (polarisation elliptique), ou bien s’il varie dans des directions aléatoires (absence de polarisation). La polarisation fournit, moyennant un traitement qui n’a rien d’automatique, d’importantes informations sur l’orientation du champ magnétique des astres observés. 

Les antennes du radiotélescope Lofar sont très simples, petites, mais très nombreuses, regroupées en stations réparties dans plusieurs pays d’Europe (dont la France), et interconnectées à très haut débit. Leur exploitation pour fournir ce relevé a nécessité le traitement de 3 168 pointés du ciel, chacun comprenant 8,8 téraoctets de données, avec des algorithmes complexes. 

Les données de ce grand relevé sont publiques. En installant le logiciel Aladin fourni par le  Centre de données astronomiques de Strasbourg sur votre ordinateur, vous pourrez consulter les cartes d’intensité du rayonnement radio du grand relevé LoTSS-DR2 (lire l’encadré). 

Notons que les télescopes Meerkat (lire l’actualité page 12) et Lofar sont complémentaires, puisque Meerkat, localisé en Afrique du Sud, observe le ciel austral, tandis que Lofar, centré sur les Pays-Bas, observe le ciel boréal.

 

Encadré :

Le logiciel Aladin du Centre de données astronomiques de Strasbourg permet d’accéder à des cartes du ciel de type « photographique » obtenues à l’aide de plusieurs grands relevés établis à des longueurs d’onde très diverses (des rayons gamma aux ondes radio en passant par la lumière visible). Ce logiciel est à la disposition du public, il est gratuit, et fonctionne sur la plupart des micro-ordinateurs. Les éléments pour l’installation sont disponibles à l’adresse suivante : [http://aladin.cds.unistra.fr/java/nph-aladin.pl?frame=downloading]. Lorsque vous utilisez Aladin, dans la case intitulée « commande », vous pouvez taper les coordonnées ou le nom de l’objet que vous souhaitez voir. Par défaut, vous aurez une image en lumière visible issue du relevé DSS2. Pour accéder aux cartes de LoTSS, allez dans le menu à gauche, sélectionnez collections/images/radio/loTSS et vous aurez accès aux versions DR1 et DR2, en haute et en basse résolution. Des images à d’autres longueurs d’onde associées à d’autres grands relevés sont également disponibles.  L’identification des objets recensés dans des bases de données disponibles avec Aladin est possible. Cliquez d’abord sur le lien au-dessus de l’image appelé « Simbad » puis acceptez de télécharger le catalogue. Des petits carrés verts apparaissent sur l’image. Ils correspondent aux objets disponibles dans le catalogue Simbad. Ce catalogue n’est pas le plus complet, mais il donne des informations sur la nature des objets (étoiles, galaxies, etc.). Pour avoir ces informations, il suffit de cliquer sur le petit carré superposé à l’objet qui vous intéresse.  Pour avoir des données plus complètes du grand relevé LoTSS (cartes dans les trois bandes de fréquences, polarisation, etc.), il faut se connecter au portail du site Astron [https://lofar-surveys.org]. La consultation de ces données est technique, elle demande plus de temps et d’efforts.

Une vue en ultraviolet, avec le même cadrage que la vue précédente, issue du grand relevé Galex (GalexGR6). L’image en UV met en valeur les régions de création d’étoiles. On voit que celles-ci sont réparties dans les bras spiraux de la galaxie. On reconnaît (ici traduit en couleur orangée) les émissions de quelques étoiles de notre Galaxie également observées en lumière visible.

Le même champ de vue est ici issu du grand relevé LoTSS-DR2, montrant donc le ciel en ondes radio à des longueurs d’onde voisines de deux mètres. Le bulbe de M 63 en est la partie la plus brillante, montrant qu’il est le siège de phénomènes d’accélération de particules à haute énergie. Mais son activité est cependant modérée et il ne produit pas de jet observable. Des régions actives coïncident également avec les bras de la galaxie, mais ne sont pas corrélées avec les régions de création d’étoiles actives en UV. Les étoiles de notre Galaxie disparaissent totalement. La consultation du catalogue Simbad montre que les points lumineux repérables en visible et avec LoTSS sont des galaxies. Mais d’autres sources apparaissent dans LoTSS, sans contrepartie en lumière visible ni en UV.

Image en lumière visible des galaxies NGC 315, 311 et 318, issues du relevé DSS2. Comme pour M 63, NGC 315 contient un noyau de type LINER, c’est-à-dire que son spectre est caractérisé par des raies d’émission de gaz faiblement ionisés comme O+, S+, N+.

L’image en radio de LoTSS, cadrée comme celle en lumière visible, montre que NGC 315 a deux puissants jets de matière. De la matière (non visible car à trop petite échelle par rapport à la résolution de l’image) tombe au voisinage du trou noir central. Une partie de celle-ci est absorbée par le trou noir, tandis qu’une autre partie est expulsée au loin sous la forme des deux grands jets qui dominent cette image. La longueur des jets dépasse de loin les dimensions des spirales et du halo de la galaxie. L’influence de ces jets est importante pour des processus se déroulant dans la galaxie, mais aussi, bien au delà dans le milieu intergalactique. On remarquera que les galaxies NGC 311 et NGC 318 ne sont pas identifiables comme des sources radio du relevé LoTSS-DR2.

 

par Fabrice Mottez, CNRS, Observatoire de Paris-PS

 

Notes :

1. Shimwell et al., « The LOFAR Two-metre Sky Survey, second data release », Astronomy and Astrophysics 659, A1, 2022.

2. Le jansky est une unité de mesure de la densité de flux lumineux (ici en ondes radio) reçue par une antenne ou par un ensemble d’antennes. C’est une unité particulièrement appréciée des radioastronomes. On peut la convertir en unités du système international : 1  Jy = 10–26 W m–2 Hz−1.

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