LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

En Octobre 2021 s’est déroulé au Sénégal une campagne d’observation d’une occultation stellaire du satellite Troyen de Jupiter Orus. Cette campagne avait pour objectif de préparer le lancement et le survol de cet astéroïde par la sonde LUCY (NASA). Cette campagne d’observation astronomique est la troisième réalisée au Sénégal après le succès des observations d’occultation par Arrokoth en Août 2018 (mission NASA New Horizons, Arrokoth fut survolé en 2019), et en Septembre 2020 par Polymele, un autre astéroïde Troyen de Jupiter qui sera survolé par LUCY.

Ces campagnes d’occultation ont été confiées par la NASA à l’Association Sénégalaise pour la Promotion de l’Astronomie (ASPA), sous la responsabilité de Maram KAIRE.

ORUS fait partie des 7 astéroïdes ciblés par la mission LUCY lancée le 16 Octobre depuis le Cap Canaveral. Les Troyens de Jupiter se trouvent au-delà de la ceinture d’astéroïdes, il tournent autour du Soleil, sur une orbite proche de celle de Jupiter, et sont 60° en avance ou en retard par rapport à la planète géante. La campagne d’observation de l’occultation d’Orus au Sénégal, a, comme pour les autres campagnes, l’objectif de déterminer avec précision la position, la vitesse, la taille et si possible la forme (à l’aide de l’ombre projetée mesurée par plusieurs télescopes) de l’objet afin de préparer au mieux son survol.

 Equipe de la mission 

L’équipe scientifique internationale était constituée 29 chercheurs ou astronomes amateurs, 18 sénégalais, 2 Burkinabés, 2 américains, 6 français et 1 belge (Fig. 1).  

Fig 1. Équipe de la mission ORUS au Sénégal en compagne de M. Marie Teuw Niane, ancien Ministre de la Recherche, de l’Enseignement Supérieur et de l’Innovation de la République du Sénégal. Crédit: ASPA

Equipement

Le matériel envoyé par la NASA et confié à l’ASP est composé de 10 télescopes de 20 cm de diamètre,  transportables, de type Dobson accompagnés (voir Fig. 2) chacun d’une caméra, d’un GPS pour enregistrer avec précision le temps de l’occultation et d’un ordinateur portable dédié au contrôle de l’acquisition des données. 

À l’issue de cette campagne, le Sénégal a eu l’opportunité d’acquérir un télescope du même type grâce au financement du Bureau de l’Astronomie pour le Développement (OAD). Ce télescope qui est actuellement confié à l’ASPA peut être utilisé dans de futures activités scientifiques, d’enseignement ou pour la diffusion des connaissances astronomiques vers le grand public.

Fig 2. Télescope de type Dobson transportable de 20 cm de diamètre utilisée lors de la mission. Le télescope est motorisé (pour suivre le mouvement des étoiles dans le ciel, lié à la rotation de la Terre sur elle-même) et peut être assemblé en quelques dizaines de minutes sur le site d’observation. Crédit : ASPA

Les observations 

La campagne se déroule en deux phases. La première phase est consacré à des sessions de formation (Fig. 3), d’échange et de pratique pour se familiariser avec le matériel et apprendre à pointer l’étoile qui sera occultée dans le temps imparti. Il s’agit d’être capable d’arriver de nuit sur le site d’observation, de monter le télescope et faire l’ensemble des réglages, puis de monter l’étoile et la placer dans le champ de la caméra afin de démarrer l’enregistrement quelques minutes avant l’heure prévue de l’occultation. Les gestes sont répétés jusqu’à atteindre les automatismes pour la nuit de l’évènement où l’erreur n’est pas permise. Ces sessions de formation ont lieu de jour comme de nuit. Les astronomes dorment peu, mais suffisant pour être reposé pour l’évènement. Les sessions d’entraînement ont été réalisées sur le site de l’hôtel Royal Malango, à Fatick, qui a également servi de quartier général pour piloter le déploiement des télescopes le soir de l’évènement.

Fig. 3. Session d’entraînement avant la nuit de l’occultation avec les dernières recommendations de Mickaël Strutskie, Astronome américain de l’Université de Virginie. Crédit: ASPA

 

La deuxième étape correspondait à la nuit de l’occultation stellaire par l’astéroïde ORUS. L’occultation est prévue aux environs de 1h56 UT,  dans la nuit du 15 au 16 Octobre 2022. Ainsi 10 équipes composées de trois membres chacune ont été constituées, chaque équipe étant affectée à un site. Tous les sites sont distants de 10 km l’un de l’autre autour de la région de Fatick située à l’ouest du Sénégal.

Fig. 4 – Déploiement des télescopes sur les sites d’observation. Les marques bleues indiquent la position des sites, visités et validés par une partie de l’équipe scientifique. Les lignes rouges parallèles correspondent à la trajectoire de l’occultation (trajectoire de l’ombre projetée de l’astéroïde sur le sol terrestre). La durée de l’occultation sur chaque de ces lignes contrant la forme de l’astéroïde (corde). L’absence d’occultation indique que l’on est en dehors de l’astéroïde. Crédit: SWRI

Le départ vers les sites est un moment d’enthousiasme et de forte tension, car chaque équipe est maintenant livrée à elle-même sur son site avec l’objectif d’obtenir les précieuses données, et doit tout faire pour réussir – l’erreur n’est pas permise – et chaque équipe doit aussi composer avec des conditions météos qui peuvent compliquer le pointage de l’étoile (la présence de nuage ou brume, pendant la phase de pointage par exemple). Au retour des sites d’observation, toutes les équipes se retrouvent pour partager les données, et faire les premières analyses, avec l’espoir de confirmer les observations obtenues en direct sur le terrain. Certaines équipes ont en effet eu la chance de pouvoir observer en direct l’extinction de l’étoile au moment de l’occultation. On retient son souffle pendant ces quelques secondes critiques ! 

Couverture médiatique et diffusion des connaissance vers le grand public

L’événement a été suivi par plusieurs organismes de presse au niveau local et international et une grande soirée d’observation du ciel et de partage a été organisée en présence des astronomes la nuit après l’occultation sur la place du Souvenir à Dakar. Le public venu nombreux, a pu échanger avec les astronomes, rencontrer les membres de l’ASPA et des enfants, collégiens ou lycéens ont pu ainsi échanger sur les études à suivre pour prendre part à l’aventure spatiale et les initiatives pour soutenir le développement de l’astronomie et de la planétologie en Afrique (e.g., Initiative Africaine pour les Sciences des Planètes et de l’Espace au Sénégal, https://africapss.org)

Salma Sylla et David Baratoux

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