LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

Coalescence d’un trou noir de 23 masses solaires avec un astre compact 9 fois plus léger et de nature inconnue

Les détecteurs Virgo (USA) et LIGO (Italie) ont enregistré le 14 août 2019 des ondes gravitationnelles (des déformations de l’espace-temps) dont la fréquence est montée de 20 à 100 Hz environ en deux secondes. Leur analyse a révélé qu’elles ont été émises durant les dernières secondes avant la fusion de deux astres en un seul plus massif . Ce couple d’astres, avant qu’il fusionne en un trou noir plus massif de 25,6 masses solaires, était formé d’un astre compact de 2,6 masses solaires et d’un trou noir de 23,2 masses solaires. Aucune contrepartie connue à ce jour n’a été observée dans le spectre électromagnétique (lumière visible, ondes radio, rayons X et gamma).

Mais au fait, direz-vous, si on additionne les masses des deux astres, on trouve 2,6+23,2=25,8. Or l’astre final a une masse de 25,6 masses solaires. Où sont passées les 0,2 masses solaires manquantes ? Elles ont été converties en énergie, selon la célèbre formule E=mc**2, précisément celle qui a propagé des déformations d’espace-temps sous forme d’ondes gravitationnelles.

Cet événement présente deux particularités intéressantes.

D’abord la masse du corps le plus léger, 2,6 masses solaires, en fait  soit le trou noir le moins massif jamais observé, soit l’étoile à neutrons la plus massive connue. En principe, rien ne s’oppose à l’existence d’un trou noir de 2,6 masses solaires, mais les scénarios actuels de l’effondrement des étoiles massives suggèrent qu’on obtienne, outre les quantités énormes de matière éjectées dans l’espace, des trous noirs plus massifs. En ce qui concerne les étoiles à neutrons, tous les modèles actuels décrivant les propriétés de leur matière (équations d’état), quoique nombreux et tous relativement spéculatifs, prévoient pour les étoiles à neutrons une masse maximale n’excédant 2 masses solaires que de très peu.

L’autre intérêt est la grande différence de masses entre les deux astres au moment où ils ont émis ces ondes gravitationnelles. Une onde gravitationnelle émise par deux astres de même masse est surtout intense à une certaine fréquence, que l’on peut appeler la fréquence fondamentale du système. Deux astres de masses très différentes émettent, en plus de ce mode fondamental, des ondes gravitationnelles à des fréquences multiples du mode fondamental. Si on faisait un parallèle avec la musique, on dirait que les systèmes asymétriques ont un timbre plus riche que les systèmes formés de deux astres de même masse. Cela offre des contraintes nouvelles pour mettre à l’épreuve la théorie de la relativité générale en champ gravitationnel fort, ainsi que les théories alternatives. Encore une fois, on ne mesure pas de déviation entre ce qui est prédit par la théorie de la relativité générale et ce qui est observé.

masse des objets observés par LiGo-Virgo. Les fusions d’étoiles sont indiquées par des lignes partant des deux étoiles progénitrices et aboutissant (flèche) à l’étoile fusionnée. Les objets en jaune sont des étoiles à neutrons dont la masse a pu être mesurée par des observations dans le domaine électromagnétique (donc pas avec LiGo-Virgo). Les étoiles à neutrons détectées avec des ondes gravitationnelles (avec LiGo et/ou Virgo) sont en orange. Les objets en violet sont des trous noirs détectés dans le domaine électromagnétique, ceux en bleu sont des trous noirs détectés grâce aux ondes gravitationnelles. LiGo-Virgo a observé deux fusions d’étoiles à neutrons, onze fusions de trous noirs, et l’événement GW190814 (entouré en blanc), fusion entre un trou noir et un objet de nature inconnue. L’auteur parle de «stellar graveyard», soit «cimetière d’étoiles» pour ce objets.

 

Fabrice Mottez, CNRS, Observatoire de Paris-psl

Lien vers l’article de la découverte : https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2020arXiv200612611T/abstract

 

 

 

 

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