L’espace interplanétaire (l’espace entre les planètes du Système Solaire) est-il essentiellement vide ? Pas tout à fait. Il existe des objets solides de dimensions variées, de la taille d’une poussière à plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre. Ces objets sont issus de comètes, ou proviennent de la ceinture d’astéroïdes. En effet, le matériau cométaire, composé de glaces d’eau, de composés organiques et minéraux silicatés, va être libéré lors du passage des comètes au voisinage du Soleil, en raison de l’élévation de la température à la surface de ces objets. D’autre part, les collisions et interactions gravitationnelles ayant lieu dans la ceinture d’astéroïdes sont responsables de la présence de fragments de roches sur des orbites qui intersectent celles des planètes internes (Mercure, Vénus, la Terre, et Mars). Cette matière extra-terrestre entre régulièrement en collisions avec la Terre, et ce sont plusieurs milliers de tonnes par an qui pénètrent l’atmosphère terrestre sous forme de micrométéorites.
Les plus petits objets, les poussières, arrivent rarement au sol, et forment des météores, ou étoiles filantes. Les pluies d’étoiles filantes se produisent lorsque la densité de poussière est plus élevée, lorsque notre planète entre en collision avec un nuage de poussière formé dans le sillage d’une comète sur son passage. Les plus gros objets d’au moins quelques dizaines de centimètres de diamètre vont se fragmenter et apparaître sous la forme de bolides particulièrement lumineux, parfois visibles en plein jour, comme lors de l’événement de Tcheliabinsk en Russie. Il est possible alors de retrouver des fragments de ces objets au sol, ce sont les météorites.
Dans les belles nuits étoilées, nous observons très souvent ces “étoiles filantes” et avant qu’elles ne “tombent”, nous formulons des vœux secrètement conçus. Pour les scientifiques, il est essentiel de comprendre à la fois le flux (la quantité de matière apportée chaque année), la composition chimique et minéralogique, et l’origine de cette matière extraterrestre (sa provenance parmi les nombreux objets du Système Solaire).
Pour se faire, plusieurs parties du monde ont déjà mis en place des réseaux de surveillance des météores. L’objectif est de placer des caméras espacées de quelques dizaines à centaines de kilomètres les unes des autres pour enregistrer la trajectoire des météores, et remonter ainsi à l’orbite de l’objet. Lorsque l’intensité lumineuse du météore est importante, on parle de bolide, et on peut s’attendre à ce qu’un fragment de roche puisse être trouvé au sol. Une météorite “fraîche”, c’est-à-dire n’ayant pas été transformée au contact des fluides terrestres, qui vont progressivement altérer sa composition chimique et sa minéralogie, a une très grande valeur scientifique, car ces objets sont des vestiges de la formation de notre Système Solaire. Leur étude vise à comprendre l’origine des planètes, et les causes des évolutions différentes des planètes solides – les questions de l’origine de l’eau et de la vie sur Terre sont donc au cœur de ces recherches. De tels réseaux de surveillance existent déjà en Europe (France: https://www.vigie-ciel.org/le-projet-fripon/, République Tchèque, Italie) au Canada (e.g;, http://bcmeteors.net) et en Australie (Desert Fireball Network, http://fireballsinthesky.com.au/, ou DFN, piloté par l’Université de Curtin), avec également des initiatives à l’échelle mondiale (https://globalmeteornetwork.org/)
Depuis quelques années seulement, l’Afrique participe à cette aventure, avec en particulier le Maroc, le Burkina Faso, et bientôt le Sénégal, et ce sous l’impulsion de l’Initiative Africaine pour les Sciences des Planètes et de l’Espace (http://africapss.org), avec plus récemment le projet “Astrophysics and Planetary Science in Africa”, financé par le CNRS (France).
Au Maroc
Le réseau FRIPON est en développement au Maroc avec pour l’instant une caméra en fonctionnement près de Marrakech. Il est prévu d’installer trois autres caméras à Benguerir (Université Mohamed 6 Polytechnique) , Casablanca (Université Hassan II de Casablanca) et Ifrane (Al Akhawayn University). Avec ces quatre caméras il sera possible de surveiller une grande partie de la plaine Marocaine. Ce projet se fait en collaboration avec le réseau Australien DFN qui a déjà cinq caméras installées dans des zones montagneuses. A terme les deux réseaux vont couvrir l’ensemble du Maroc, les plaines et les régions côtières pour FRIPON et les régions montagneuses et désertiques pour le DFN.
Au Burkina Faso
Depuis Mars 2022 trône sur le toit du Laboratoire de Physique et de Chimie de l’Environnement (LPCE) de l’Université Joseph Ki-Zerbo, un œil sur le ciel, une caméra FRIPON, installée grâce à la collaboration avec l’Observatoire de Paris et l’Observatoire d’Astrophysique de la Côte d’Azure (OCA).
L’observation continue du ciel avec FRIPON aidera à retrouver les objets tombés au Burkina Faso. Après la première caméra installée à Ouagadougou, la seconde caméra est en cours de déploiement à Koudougou ensuite suivront Bobo Dioulasso, Fada et Ouahigouya (dans les universités du pays). Ce réseau de dispositifs d’observation permettra de connaître où est tombé un débris entré dans l’atmosphère au Burkina Faso.
Au Sénégal
La mission en cours du 4 au 14 Octobre 2022. François Colas, David Baratoux et Sylma Sylla Mbaye, avait pour objectif de sillonner les routes du pays de la Teranga pour installer les 4 premières caméras d’un réseau qui peu à peu vise à couvrir l’Afrique de l’Ouest. Les 4 premières caméras sont installées à l’IRD-Sénégal (Campus Hann-Maristes) aux ENO (UVS) de Mbour et de Diourbel, et l’hôtel Royal Malango à Fatick. Si le Burkina et le Maroc sont connus pour leurs météorites, il faut noter qu’aucune météorite n’a été retrouvée au Sénégal. Ce pays serait-il épargné ? Bien sûr que non, même si des petites variations de flux de météorites existent, en particulier en fonction de la latitude, on s’attend à plusieurs chutes de météorites par décennies sur un pays de la surface du Sénégal. En revanche, il est possible que l’altération, dans le climat Sahélien, avec une saison des pluies, même dans les régions les plus septentrionales du pays, à la frontière avec la Mauritanie, soit responsable d’une altération suffisamment rapide des météorites, ce qui limite les trouvailles ultérieures. Cependant, il est probable que les agriculteurs et habitants des régions rurales observent régulièrement des météores et aient été témoin de chutes de météorites par le passé. L’installation d’un réseau de surveillance des météores au Sénégal, et les actions de diffusion de connaissance associées à ce projet, permettront sans doute de faire quelques trouvailles. Les caméras seront installées dans le cadre d’un partenariat entre
l’Université Virtuelle du Sénégal (UVS) l’Association Sénégalaise pour la Promotion de l’Astronomie (ASPA), l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Les équipements et la mission au Sénégal ont été financés par le DIM-ACAV (région Ile d’Ile de France) et le dispositif du CNRS de soutien à l’Afrique Sub-Sharienne (projet Astrophysics and Planetary in West Africa, AWA).
David Baratoux, François Colas, Salma Sylla, Zacharie Kam, Zouhair Benkhaldoun