Le Maroc occupe actuellement une position relativement avancée en Afrique dans le développement de l’astronomie, tant au niveau professionnel qu’amateur.
À la fin des années 1980, un petit groupe d’astrophysiciens s’est formé au sein du Centre national de la Recherche Scientifique et Technique (CNRST) à Rabat, la capitale du Maroc. Ces jeunes chercheurs ont en commun d’avoir été formés, à un moment ou à un autre de leur carrière, à l’Université de Nice Sophia Antipolis et à l’Observatoire de la Côte d’Azur, en France. Ce groupe a bénéficié d’une dynamique positive au sein de cette institution marocaine, qui visait à doter le pays d’un centre de recherche à temps plein, à l’instar du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France ou du Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC) en Espagne.
Ces chercheurs ont ensuite fondé le Laboratoire d’astronomie et de géophysique, connu sous le nom de « LAG ».
Cette période fondatrice, qui s’étend sur une décennie, a marqué des étapes importantes :
- l’adhésion du Maroc à l’Union Astronomique Internationale.
- L’installation de la première expérience d’observation astronomique sur le site d’Oukaimeden.
- Le lancement de la qualification des sites astronomiques.
- L’obtention de 3 diplômes de doctorat en Astrophysique.
Pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles, cette initiative s’est poursuivie et développée au sein de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech.
La validation / La confirmation
Le Laboratoire de physique des hautes énergies et d’astrophysique (LPHEA) a vu le jour au sein de la Faculté des sciences Semlalia en 1999, non sans rencontrer des résistances de la part de la direction du département de physique de l’époque, qui cherchait à limiter la prolifération des entités de recherche au sein du département. Dix ans plus tard, en 2009, le laboratoire a atteint la première place au sein du département et a reçu le prix du deuxième meilleur centre de recherche de l’université Cadi Ayyad. Entre-temps, les membres du LPHEA ont travaillé à la mise en place de programmes de master et de doctorat en astrophysique, marquant les premières initiatives de ce type au Maroc et dans la région de l’Afrique du Nord, à l’exclusion de l’Égypte.
En outre, le laboratoire a soutenu le développement de l’Observatoire astronomique de l’Oukaimeden, dans le Haut Atlas marocain, ce qui a conduit les autorités universitaires à le reconnaître officiellement comme centre de recherche en 2009, après l’inauguration de ses installations en 2007.
Le décollage / Le lancement
La décennie suivante (2010-2020) a marqué une période d’élévation pour l’Observatoire de l’Oukaïmeden, affirmant sa position comme l’une des meilleures infrastructures de recherche en Afrique dans le domaine de l’astrophysique. Au cours de cette période, l’installation d’au moins 5 dômes et de nombreux instruments a souligné la participation de l’Observatoire à divers thèmes de recherche :
- Science planétaire et étude des petits corps du système solaire : Télescopes MOSS, TRAPPIST-Nord et OWL (Optical Wide-field patroL-Network), ainsi que des caméras de détection de météorites
- Recherche d’exoplanètes : Télescopes Meade-16, TRAPPIST-Nord et OWL (Optical Wide-field patroL-Network).
- Exploration des étoiles variables : Utilisation du spectromètre Herschel monté sur le télescope télescope Meade-16.
- Étude de la météorologie spatiale : Mise en œuvre de l’expérience RENOIR (axée sur l’activité solaire et son impact sur les environnements planétaires), ainsi qu’une station GPS dédiée.
- Avancement des sciences spatiales : Déploiement de l’antenne du projet SWORM.
Résultats scientifiques
Les travaux de recherche au Maroc sont aujourd’hui très diversifiés, avec une expertise reconnue dans plusieurs domaines de l’astrophysique. Le LPHEA mène des recherches dans les thèmes suivants :
- Météorologie solaire
Les vents solaires secouent le champ magnétique terrestre et introduisent des particules accélérées et de l’énergie dans la ceinture de radiation de la Terre. La météorologie spatiale étudie les effets de l’activité solaire sur l’atmosphère terrestre. En plus d’influencer le climat de la Terre, ce rayonnement excessif peut endommager les satellites et constituer une menace pour les astronautes.
En plus d’influencer le climat de la Terre, cet excès de rayonnement peut endommager les satellites et constituer une menace pour les astronautes. Les secousses du champ magnétique terrestre peuvent également provoquer des pointes de courant dans les lignes électriques, endommageant ainsi les réseaux électriques à grande échelle et causer d’importants des dommages économiques importants.
- Sciences planétaires et petits corps du système solaire
Le groupe de recherche s’est également s’est également spécialisé dans la détection des flasgs lunaires. Ces travaux s’inscrivent dans le contexte international de préparation des missions lunaires qui utiliseront les impacts comme source sismique. Cet axe a été couronné de succès avec la détection de plusieurs flashs d’impact par l’équipe marocaine, et un article a été publié suite à ces découvertes.
Une thèse a été soutenue en septembre 2016 et cette discipline s’étend à l’observation du flash de Jupiter avec l’implication d’un doctorant de l’Université de Dakar.
Le groupe de recherche travaille également sur la détection et le suivi des météorites. Un projet de collaboration avec une équipe de l’Observatoire de Paris a permis l’installation de deux caméras de détection de météorites aux observatoires de Marrakech et de l’Oukaimeden. Ce réseau est en train de s’étendre, grâce notamment au soutien du réseau français FRIPON et d’une équipe australienne en contact avec Hasnaa Chennaoui de l’Université de Casablanca (Réseau MOFID). Une thèse a été soutenue sur ce thème et deux autres sont en cours.
L’institut de recherche marocain participe également à la détection et au suivi des petits corps du système solaire. Ces travaux ont notamment permis la découverte de quatre nouvelles comètes, trois objets géocroiseurs et plusieurs nouveaux petits corps du système solairs par le télescope MOOS. Ce domaine devrait également se développer de manière significative grâce à la récente coopération avec l’Agence spatiale coréenne, qui vient d’installer un télescope robotisé de 50 cm sur le site d’Oukaimeden. Outre les petits corps du système solaire, cet instrument est appelé à traquer les débris de satellites. L’équipe de recherche marocaine est appelée à intégrer ce programme de recherche.
- Spectroscopie des étoiles variables
Grâce au développement de l’Observatoire de l’Oukaimeden, les chercheurs du LPHEA peuvent utiliser deux télescopes, C14 et T500,fonctionnant entièrement en mode télécommandé. Ces instruments permettent d’effectuer des mesures photométriques et spectroscopiques sur des étoiles variables telles que les étoiles pulsantes de type RR Lyrae. La variation de l’amplitude de la pulsation de ces étoiles, découverte en 1906 mais encore inexpliquée à ce jour, pourrait révéler ses mystères grâce aux observations de l’Oukaimeden. D’autres types d’étoiles variables sont également étudiés depuis ce site.
- Réserve de ciel étoilé
Depuis 2018, l’équipe du LPHEA est impliquée dans un projet visant à créer une réserve de ciel étoilé (Atlas Dark Sky Reserve) autour de l’observatoire de l’Oukaimeden. L’objectif premier de ce projet est de préserver la qualité du ciel de l’Oukaimeden, l’un des meilleurs sites d’observation astronomique de la planète avec plusieurs télescopes de classe mondiale. En outre, l’équipe vise à protéger et à explorer d’autres sites au sein de la réserve pour l’installation de grands télescopes terrestres marocains ou étrangers. La réserve servira de laboratoire naturel à l’université Cadi Ayyad et à ses laboratoires de recherche pour l’observation et l’expérimentation de nouvelles technologies, avec un impact favorable sur la consommation d’énergie liée à l’éclairage public. Ce domaine de recherche ouvrira des perspectives en matière d’éclairage rationnel et stimulera ainsi la recherche, le développement et l’innovation dans ce domaine, avec un impact positif pour le Maroc et son rayonnement international.
Par Zouhair Benkhaldoun
Directeur de l’observatoire de l’Oukaimeden