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Des astronomes ont observé un sursaut lumineux qui pourrait être la signature de l’engloutissement d’une exoplanète de la taille de Jupiter par son étoile-hôte.

Figure 1. Évolution de l’étoile V838 Monocerotis vue par le télescope spatial Hubble (HST). Cette étoile initialement non répertoriée a connu un sursaut de luminosité début 2002, pour atteindre 600 000 luminosités solaires. Par la suite, le HST a observé l’évolution de cet objet, ou plus précisément l’écho lumineux qu’il a créé, pendant plusieurs années. V838 Monocerotis est en fait un système triple, et on pense aujourd’hui que l’évènement observé en 2002 correspond à la fusion de deux des trois étoiles composant ce système, phénomène aussi appelé nova rouge. (©NASA/ESA/HST)

 

Les modèles d’évolution planétaire prévoient qu’une planète qui se rapproche trop près de son étoile hôte et se déplace autour de celle-ci sur une orbite de courte période subit d’intenses forces de marée qui, à terme, l’amènent à tomber sur cette étoile. Il y a quelques mois, des astronomes avaient identifié une exoplanète, Kepler 1658b, se déplaçant sur une trajectoire qui devrait la conduire à entrer en collision avec son étoile parente dans environ 2,5 millions d’années (lire l’Astronomie 171 de mai 2023). Mais jusqu’à présent, aucun engloutissement planétaire n’a été observé. Une équipe internationale d’astronomes vient de détecter un sursaut lumineux qui pourrait précisément être la signature de ce type d’événement [1].

Le signal enregistré par Kishalay De et ses collaborateurs, nommé ZTF SLRN-2020, provient d’une région située à environ 4 kiloparsecs [2] de la Terre. Il se décompose en deux parties : un sursaut relativement bref (une dizaine de jours) dans le domaine visible, suivi d’une lente décroissance (six mois) dans l’infrarouge. Un sursaut de luminosité peut être associé à différents évènements astronomiques, comme les novae classiques, ou l’accrétion de gaz chaud par une étoile à neutrons, ou un trou noir. Dans un premier temps, les auteurs de l’étude ont donc comparé les propriétés de ZTF SLRN-2020 aux caractéristiques des sursauts associés à ces processus. L’absence de signal dans le domaine des rayons X permet d’éliminer le scénario de l’accrétion de gaz par une étoile à neutrons ou un trou noir. Les novae classiques sont, quant à elles, liées à l’accrétion sur une naine blanche d’hydrogène provenant d’une étoile compagne très proche, ce qui provoque des réactions de fusion thermonucléaire à la surface de la naine blanche. Le sursaut optique associé à ces réactions est cependant beaucoup plus court que dans le cas de ZTF SLRN-2020, et il s’accompagne de raies d’émission qui, toujours dans le cas de ZTF SLRN-2020, ne sont pas observées.

 

Figure 2. Scénario de l’engloutissement planétaire. (© Smadar Naoz)

 

En revanche, le signal mesuré ressemble aux sursauts associés aux novae rouges. Ces évènements, détectés pour la première fois il y a une trentaine d’années, et dont V838 Monocerotis est un bel exemple (fig. 1), sont provoqués par la fusion de deux étoiles d’un système binaire. Ils se manifestent par un sursaut de lumière rougeâtre suivi d’une longue décroissance de luminosité dans l’infrarouge, deux caractéristiques que l’on retrouve chez ZTF SLRN-2020. Ce dernier présente aussi, dans son spectre, des raies d’absorption moléculaire caractéristiques des novae rouges. Une différence de taille, cependant, est que ZTF SLRN-2020 est beaucoup moins lumineux qu’une nova rouge habituelle. Cela suggère que l’un des deux objets impliqués dans l’évènement observé est beaucoup plus petit qu’une étoile. Par ailleurs, sur la base de clichés plus anciens, les auteurs de l’étude ont pu établir que l’objet à l’origine du sursaut était une étoile de type solaire. Ils en déduisent que le sursaut observé correspond sans doute à l’engloutissement d’une planète géante gazeuse environ 10 fois plus massive que Jupiter (fig. 2). La longue décroissance lumineuse dans le domaine infrarouge serait une conséquence du réajustement thermique et dynamique de l’étoile hôte.

En conclusion de leur article, les auteurs ont calculé que, dans le disque galactique, le nombre de planètes englouties par leur étoile pourrait être compris entre un par décennie et plusieurs par an. Dans ces conditions, il est parfaitement envisageable, dans les années qui viennent, d’observer de nouveaux sursauts associés à ce type d’évènement.

 

Par Frédéric Deschamps, IESAS, Taipei, Taïwan

Publié dans le magazine L’Astronomie Septembre 2023

 

 

 

 

 

 

 

Notes :

  1. De K. et al., « An infrared transient from a star engulfing a planet », Nature, 617, 2023, 55-60, doi: 10.1038/s41586-023-05842-x.
  2. Rappelons qu’un parsec est égal à 3,26 années-lumière.

 

 

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