LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

 

Conter la légende d’Andromède de la mythologie grecque, c’est vagabonder dans une vaste contrée du ciel étoilé. Andromède est la fille du roi d’Éthiopie Céphée et de la reine Cassiopée. Sa mère prétend qu’elle est plus belle que les Néréides. Pour venger les nymphes marines, Poséidon envoie le monstre Cetus (la Baleine) ravager les côtes du royaume. Céphée est contraint de livrer sa fille en sacrifice. Elle est enchaînée sur un rocher près du rivage, mais Persée, chevauchant Pégase, vole à son secours et pétrifie le monstre avec la tête de la Gorgone Méduse. Proche du zénith, la belle Andromède côtoie dans le ciel de novembre son père, sa mère et le demi- dieu Persée.

La constellation s’étend sur 722 degrés carrés entre celles de Persée et de Pégase, au sud du W caractéristique de Cassiopée. Ses trois étoiles principales de magnitude 2 apparaissent dès la tombée de la nuit. Elles forment un bel alignement aisément reconnais- sable: la tête Alpheratz ou Sirrah (α And), la hanche Mirach (β And) et le pied Almach (γ And). Andromède partage avec Pégase son étoile principale, Alpheratz, qui est l’un des sommets de son Grand Carré, à la fois tête de la princesse et nombril du cheval ailé.

 

« Cette belle constellation d’Andromède est riche en grands spectacles et l’on peut passer des heures charmantes dans sa contemplation… Le ciel fait oublier la terre. » Camille Flammarion

 

 

La galaxie d’Andromède (M31) donne bien du fil à retordre aux astrophysiciens, et l’on est loin de comprendre sa formation, sa structure et ses interactions avec les galaxies proches…dont la Voie lactée ! À croire que
plus un objet est proche et mieux on peut l’observer, plus il semble loin des idées théoriques élaborées sur lui et ses congénères! Voir la supernova 1987A, la Voie lactée avec son trou noir central minuscule, la galaxie « active » la plus proche de nous, NGC 1068, etc.

 

L’anneau de poussières vu par le télescope spatial Spitzer à 24 microns.

 

D’abord, Andromède présente deux condensations centrales, ce qui est déjà assez exceptionnel. On aurait pu croire que, à l’instar de quelques autres galaxies ayant fusionné avec l’une de leurs voisines dans un passé proche (disons il y a un milliard d’années…), elle se trouve posséder deux trous noirs proches. Ceux-ci entament alors un ballet qui va les conduire après quelques centaines de millions d’années à fusionner l’un avec l’autre en émettant une flambée d’ondes gravitationnelles. Mais ce n’est pas le cas! Car la plus brillante des condensations n’est pas réellement au centre et ne contient aucun trou noir. C’est l’autre qui possède un trou noir supermassif semblable à ceux que l’on trouve dans le cœur des galaxies. Et ce trou noir est particulièrement massif, puisqu’il « pèse » environ 200 millions de masses solaires, soit 40 fois plus que Sgr A*, le trou noir de la Voie lactée. Quelle est alors la nature de l’autre condensation, bien plus brillante? On en est réduit pour le moment à quelques spéculations.

Une autre caractéristique assez rare d’Andromède est de posséder un anneau de poussières bien distinct en infrarouge lointain: ce type d’anneau est en général la manifestation d’une collision avec une autre galaxie qui la percute perpendiculairement. Il est fort probable que la galaxie ayant traversé Andromède soit M32, qui présente elle-même des particularités morpho- logiques difficiles à expliquer. Cette petite galaxie, spirale au départ, au- rait été déshabillée de la plupart de ses étoiles et de tout son gaz au cours de la collision, ne conservant que son bulbe galactique

Or, si l’on ne peut bien comprendre le passé d’Andromède, on est en revanche capable de prévoir son avenir! En effet, on sait qu’elle se rapproche de la Voie lactée, car on peut mesurer par effet Doppler la projection sur la ligne de visée de la vitesse d’Andromède (ou plutôt de ses étoiles brillantes) par rapport à notre Galaxie. On connaît également, grâce à des mesures précises effectuées par le satellite Gaia, la projection sur le ciel de ces vitesses. On connaît donc les trois composantes de la vitesse relative des deux galaxies l’une par rapport à l’autre. Munis de ces 6 données (les 3 composantes de la position et les 3 composantes de la vitesse) on est capable de calculer les trajectoires futures des étoiles en utilisant les lois de la gravitation de Newton, car on dispose maintenant de superordinateurs capables de traiter des milliards de particules. On trouve ainsi qu’Andromède et la Voie lactée se rencontreront dans environ quatre milliards d’années, pour finir, après neuf milliards d’années et plusieurs rebonds, par fusionner en formant une seule gigantesque galaxie. Les deux trous noirs fusionneront probablement, et ce phénomène entraînera un surcroît de brillance du noyau, faisant de la nouvelle galaxie pendant quelque temps une « galaxie active », peut-être même un quasar. Dans ce processus, le Soleil et son cortège de planètes seront envoyés sur une autre orbite éloignée du centre. Mais lui-même aura à ce moment quitté depuis longtemps la séquence principale et sera devenu une petite naine blanche presque éteinte. Et les humains auront disparu depuis longtemps…

Suzy Collin-Zahn

 

Gérard RAFFAITIN

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