LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

Des mesures de temps de transit réalisées par plusieurs instruments montrent que l’orbite de l’exoplanète Kepler 1658b se rétrécit inexorablement. À terme, cette exoplanète sera absorbée par son étoile hôte.

 

Les planètes orbitant très près de leur étoile hôte subissent d’intenses forces de marée qui peuvent fortement affecter leurs propriétés orbitales. En transférant de l’énergie de la planète vers l’étoile, les marées ont notamment pour effet de diminuer la période, et donc le rayon, de l’orbite de la planète. Cette dernière se déplace ainsi sur une trajectoire spirale qui l’amène lentement mais inexorablement à entrer en collision avec son étoile hôte. Ce phénomène est toutefois difficile à mettre en évidence car, à l’échelle de la vie humaine, la diminution de la période de révolution est très faible.  Jusqu’à présent, un seul cas a été formellement identifié, celui de WASP 12b, une géante gazeuse environ deux fois plus grande que Jupiter et qui tourne autour d’une étoile comparable à notre Soleil. WASP 12b est distante de cette étoile de seulement 0,023 unité astronomique (ua) et elle parcourt son orbite en un peu plus d’un jour terrestre. Les observations suggèrent que dans quelque 3 millions d’années, elle sera absorbée par son étoile. Les effets de marée sont d’autant plus importants que le rapport entre le rayon de l’étoile et la taille (le demi-grand axe) de l’orbite de la planète est élevé. Autrement dit, le déclin orbital d’une planète est a priori plus rapide et sera plus facilement observable pour une planète se déplaçant autour d’une grosse étoile et à faible distance de celle-ci. C’est précisément le cas de Kepler 1658b, une géante gazeuse dont le rayon est de 6 fois celui de Jupiter. Kepler 1658b se situe à 0,054 ua de son étoile hôte, autour de laquelle elle tourne en 3,8 jours. Cette étoile, de type spectral F8, a quitté la séquence principale et son rayon est d’environ 2,9 rayons solaires.  En combinant les temps de transit de Kepler 1658b recueillis par les satellites Kepler et TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) et par le spectromètre infrarouge WIRC (Wild Field Infrared Camera) monté sur le télescope Hale du Mont Palomar, une équipe d’astronomes a établi que la période de révolution de Kepler 1658b diminuait de 131 millisecondes (ms) par an [1]. Plus précisément, ce résultat a été déduit du fait que, par rapport à des éphémérides de référence et en comparaison des transits observés par Kepler une dizaine d’années plus tôt, les transits de Kepler 1658b mesurés par TESS et WIRC entre 2020 et 2022 se produisent avec quelques minutes d’avance (figure ci-contre). Les auteurs de cette étude ont par ailleurs vérifié que les données recueillies ne pouvaient pas être expliquées par d’autres phénomènes. En particulier, la précession du périastre de l’orbite peut conduire à une avance des temps de transit au cours du temps. Cependant, dans le cas de Kepler 1658b, cette avance est trop importante et nécessiterait des taux de précession beaucoup trop élevés par rapport à ce qui est physiquement possible. Ainsi, il semble bien que Kepler 1658b se rapproche de son étoile hôte et qu’à terme, elle tombera sur celle-ci. Au rythme déduit des observations de Kepler, TESS et WIRC, cela devrait se produire dans environ 2,5 millions d’années.

 

Temps de transit de Kepler 1658b devant son étoile hôte mesurés par le satellite Kepler (points bleus), le satellite TESS (points orange) et le spectromètre infrarouge WIRC (points rouges). L’axe des abscisses est gradué en jours juliens corrigés des variations de la position de la Terre par rapport au barycentre du Système solaire et correspond à un intervalle de 15 années. Les transits mesurés par TESS et WIRC entre 2020 et 2022 sont en avance de quelques minutes par rapport aux transits mesurés par Kepler une dizaine d’années auparavant. Cette avance ne peut pas s’expliquer par la précession du périastre de Kepler 1658b (courbe verte pointillée), sauf si l’on suppose des taux de précession très (trop) élevés (courbe verte en tirets). En revanche, elle s’explique bien si l’on suppose que Kepler 1658b se déplace sur une trajectoire spirale avec une période de révolution diminuant de 131 ms par an (courbe rouge). (Vissapragada et al., 2022)

 

par Frédéric Deschamps – IESAS, Taipei, Taïwan

Publié dans le magazine L’Astronomie Mai 2023

 

 

 

 

 

 

Notes

  1. Vissapragada S. et al. (2022), « The possible tidal demise of Kepler’s first planetary system », Astrophys. J. Lett., 941, L31, doi: 10.3847/2041-8213/aca47e.
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