LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

L’impact des satellites sur l’astronomie est devenu un sujet de préoccupation croissante, particulièrement avec le lancement de BlueWalker 3 (BW3) par AST SpaceMobile en septembre 2022. Ce prototype, précurseur d’une constellation de plus de cent satellites destinés aux communications mobiles, est rapidement devenu l’un des objets les plus brillants du ciel. La luminosité de BlueWalker 3, combinée à son énorme antenne de 64 mètres carrés, dépasse la visibilité des étoiles les plus brillantes, posant des problèmes significatifs pour l’observation astronomique. Par ailleurs, l’utilisation des fréquences radio terrestres par BW3 menace directement le domaine de la radioastronomie, déjà confronté à des enjeux de pollution radio.

 

Figure 1: Les traces dans le ciel nocturne laissées par BlueWalker 3 sont juxtaposées au télescope de 4 mètres de Nicholas U. Mayall à l’observatoire national de Kitt Peak en Arizona, un programme du NOIRLab de la NSF. Les ruptures dans la traînée sont causées par des ruptures entre quatre expositions de vingt secondes qui ont été empilées pour créer cette image.  Source: KPNO/NOIRLab/IAU/SKAO/NSF/AURA/R. Sparks

 

Collaboration Internationale et Pro-Amateur 

Dans ce contexte, le centre CPS de l’Union Astronomique Internationale (IAU CPS; Center for the Protection of the Dark and Quiet Sky from Satellite Constellation Interference, Centre pour la protection du ciel sombre et silencieux contre les interférences des constellations de satellites) a orchestré une campagne d’observation d’envergure internationale. Cette initiative a impliqué des contributions de scientifiques et d’observateurs amateurs du monde entier, y compris des sites au Maroc, au Chili, aux États-Unis, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, et aux Pays-Bas. Les données récoltées et leur analyse, faisant l’objet d’une publication dans « Nature », met en lumière les impacts potentiels de ce satellite sur l’observation des étoiles et la recherche en radioastronomie. Une augmentation significative de la luminosité de BW3 a été observée, coïncidant avec le déploiement de son antenne.

 

Figure 2: Observation d’un passage de BlueWalker 3 depuis l’observatoire d’Oukaimeden le 16 novembre 2022 à 05:30 UT. L’étoile brillante en bas à gauche est Zeta Puppis (V = 2.25), une géante O4. Le satellite était à une distance de 1225 km lors des observations et n’était donc pas au maximum de sa luminosité. Crédit Image: CLEOsat/ HAO Observatory/Oukaimeden Observatory/IAU CPS/A.E. Kaeouach

 

Détails de l’Étude

L’article publié dans « Nature » offre une analyse approfondie des variations de luminosité de BW3, influencées par des facteurs tels que l’altitude du satellite et l’angle entre l’observateur, le satellite et le Soleil. L’étude aborde également la trajectoire du satellite et les défis associés à la détection de ses composants détachés, notamment l’adaptateur de véhicule de lancement. Ces découvertes soulignent une tendance inquiétante vers des satellites commerciaux de plus grande taille et de plus grande luminosité, représentant un défi significatif pour l’astronomie optique et radio. Les auteurs insistent sur la nécessité d’une coopération internationale pour minimiser ces perturbations et préconisent des évaluations d’impact avant le lancement comme élément clé des processus d’autorisation de lancement futurs.

 

Équilibre entre Connectivité et Astronomie 

L’étude reconnaît la nécessité d’améliorer la connectivité globale, en particulier pour les communautés rurales et mal desservies. Toutefois, cet impératif doit être soigneusement équilibré avec les effets néfastes que les satellites lumineux peuvent avoir sur le ciel nocturne. D’où l’importance cruciale d’une coordination internationale dans ce domaine.

 

Contribution de l’Observatoire Universitaire Cadi Ayyad (OUCA)

L’Observatoire de l’Oukaimeden ou OUCA, rattaché à l’Université Cadi Ayyad, s’est imposé comme un acteur clé dans cette recherche. Répondant à l’accroissement rapide du nombre de satellites en orbite, l’Observatoire a développé un programme spécifique dédié à leur observation et suivi. Cette initiative a conduit à de nombreux partenariats et à l’intégration de l’observatoire au sein du centre CPS de l’IAU. La collaboration étroite avec des astronomes amateurs marocains a été déterminante dans l’observation et l’analyse des données de BW3, mettant en exergue l’importance de l’union entre professionnels et amateurs en astronomie. 

 

Conclusion 

La présence de BW3 dans l’espace met en évidence la nécessité d’une gestion réfléchie des satellites pour protéger le ciel nocturne. La communauté astronomique, à travers des collaborations internationales et pro-amateurs, continue de travailler sur des stratégies de mitigation pour préserver notre accès au cosmos. Les observations de BlueWalker 3 vont se poursuivre, avec des plans pour observer son émission thermique. Les discussions continueront lors du prochain Symposium de l’IAU sur l’astronomie et les constellations de satellites.

 

Par Meriem Elyajouri et Zouhair Benkhaldoun

 

Liens utiles:

Instagram
YouTube
YouTube
Follow by Email