LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

Perché sur les hauteurs d’Ambohidempona, l’Institut et Observatoire de Géophysique d’Antananarivo (IOGA), anciennement connu sous le nom d’Observatoire Royal de Tananarive, se dresse tel un gardien silencieux de l’histoire scientifique de Madagascar.

L’observatoire royale de Tananarive en 1889

 

En 1887, au lendemain de la première guerre franco-malgache, l’idée de fonder un observatoire à Antananarivo naquit de la vision partagée du résident général de Madagascar, M. le Myre de Vilers, du vicaire apostolique, Mgr Cazet, et du R.P. Michel, supérieur provincial de Toulouse, en mission dans le pays. Ce projet, motivé par l’intérêt français, visait à établir une présence scientifique solide dans la région en se consacrant à des travaux météorologiques, astronomiques, magnétiques.

Le Père Elie Colin, désigné pour concevoir et diriger l’observatoire, choisit d’Ambohidempona pour abriter l’observatoire. Cette colline fut  cédée par le premier ministre Rainilaiarivony et en contrepartie, l’observatoire sera baptisé « Observatoire royal ». Situé à une altitude de 1402 m au-dessus du niveau de la mer, il figurait parmi les observatoires les plus hauts de son époque fut l’un des plus grands conçu par les Jésuites en Afrique.

Les bâtiments, achevés en 1889, se déploient en “T” avec un octogone central de 8 mètres de diamètre au dessus duquel s’élève une grande coupole surmonté d’une boule, servant de point géodésique et de signal pour l’heure, de 1 mètre de diamètre. Une gamme d’instruments, provenant d’Europe, étaient réparties dans ces différentes branches et tours. On y trouvait un anémomètre,  des héliographes brûleur et photographique, des actinomètres et actinographe, ainsi qu’une lunette méridienne Brunner et une lunette équatoriale Eichen de 20 cm de diamètre. L’obtention de ces dernières a été possible grâce à l’aide de l’amiral Mouchez, directeur de l’Observatoire de Paris à l’époque. Le transport de cette lunette équatoriale marqua un moment mémorable de l’histoire. Son périple jusqu’à Tananarive fut ponctué d’anecdotes, notamment lorsque des porteurs malgaches, méfiants, découvrirent ce qu’ils crurent être un canon dans les caisses et les jetèrent dans la forêt . Heureusement, grâce à l’intervention du résident général Bompard, la lunette fut sauvegardée et installée à l’observatoire.

La lunette de l’observatoire sous la coupole de 5 mètres

 

Les premières années furent fertiles en découvertes, notamment avec l’observation du transit de Mercure devant le soleil en 1891, réalisées par le Père Colin. L’observatoire devint également un acteur majeur dans la cartographie de l’île, contribuant aux premières mesures géodésiques et à la triangulation de la région d’Imerina. D’ailleurs, le R.P. Colin et son collègue, le R.P. Roblet, obtiennent le Prix Herbet Fournet, en 1898 pour ces travaux de cartographie de l’Imerina.

Cependant, les relations franco-malgaches se détériorèrent, menant au départ des Jésuites et à la destruction de l’observatoire en 1895. Durant les hostilités, la plupart des instruments astronomiques furent emportés, cachés ou détruits.

L’observatoire détruit en 1895

 

Le R.P. Colin revient à Madagascar, lors de son annexion par la France, en 1896. Son retour marqua le début de la reconstruction, mais les ressources limitées et les contraintes  géographiques freinèrent les ambitions. Les constructeurs investissent alors pour une coupole en acier de 5 mètres de diamètre, destinée à recevoir  l’équatoriale. Elle est posée au début d’août 1899, les autres instruments réinstallées, l’observatoire est à nouveau en état de marche et fut réinauguré en 1902.

L’observatoire après sa reconstruction, entre 1920-1940

 

Les travaux scientifiques reprennent même si le budget n’est plus le même. L’observatoire s’assure toujours du service météorologique, de la mesure du temps et du magnétisme terrestre. Il prend aussi part au réseau sismique colonial et enregistre grâce à deux séismographes,  100 à 200 tremblements de terre par an. Et grâce à leur situation géographique autorise  la surveillance efficace de l’Océan Indien, des îles de la Sonde aux Kerguelen  et de l’Afrique orientale de l’Abyssinie jusqu’au Cap de Bonne Espérance. La publication des  résultats météorologiques et sismographiques sous forme de bulletins mensuels est pris en charge par l’imprimerie coloniale à compter des années vingt et est adressé pour échange à environ cent cinquante bibliothèques, instituts ou observatoires.

 

En 1923, Charles Poisson, un ancien officier de la Marine française ayant participé à la Première Guerre mondiale, succède au R.P. Colin . Il poursuit les travaux entrepris par ses prédécesseurs, en particulier dans l’étude des cyclones tropicaux. En 1927, après qu’un cyclone eut causé d’importants dégâts, Poisson est officiellement désigné par l’administration coloniale française en tant que Directeur technique de la météorologie à Madagascar. De 1903 à 1943, l’Observatoire de Tananarive était officiellement chargé par le gouvernement colonial de prévoir l’arrivée des cyclones à Madagascar. Ce service, ainsi que le service de l’heure, étaient les seuls à bénéficier d’un soutien financier de la part des autorités coloniales. Cependant, faute de moyens financiers adéquats, l’observatoire n’était pas en mesure de moderniser ses instruments ni de les renouveler, ce qui limitait son travail à la simple observation. Ce manque de fonds, associé à un manque de personnel et l’arrivé de l’indépendance du pays en 1960, précipitait l’institution à son déclin.

Vue aérienne de l’observatoire actuellement

 

En 1967, les Jésuites cédèrent l’observatoire à l’Université d’Antananarivo. Aujourd’hui, sous le nom d’Institut et Observatoire de Géophysique d’Antananarivo, l’institution reste un pilier de la recherche scientifique nationale et internationale, s’engageant dans des domaines variés tels que la sismologie, la géomagnétisme, et les géosciences.

 

Étudiant malgache dans le cadre du Development in Africa with Radio Astronomie

 

À travers les décennies, l’observatoire a évolué, s’adaptant aux avancées technologiques tout en préservant son héritage scientifique. Et 135 ans plus tard, même si l’IOGA ne se consacre plus à la recherche en astronomie, il accueille encore des événements, des ateliers, des formations en astronomie ainsi que des visiteurs intéressés par cette science.

par Andoniaina Rajaonarivelo, président d’Haikintana

 

Site internet de l’observatoire : http://ioga.univ-antananarivo.mg/

 

 

 

Instagram
YouTube
YouTube
Follow by Email