LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Lumela ! C’est ce qu’on dit en Sesotho, langue d’Afrique australe.  Bonjour au monde! Je m’appelle Sthabile Kolwa et je suis un astronome en début de carrière à l’Université de Johannesburg. Mon domaine d’intérêt particulier est l’évolution des radiogalaxies que j’étudie par le biais d’observations à plusieurs longueurs d’onde, y compris les données de notre merveilleux radiotélescope MeerKAT. J’ai des origines sud-africaines et zambiennes et j’ai grandi dans la ville vibrante et colorée de Jozi, où je réside et travaille actuellement.

Sthabile Kolwa

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

Enfant, j’appréciais les émissions de télévision telles que « Bill Nye the Science Guy » (une élision américaine) et « Popular Mechanics for Kids » (Super Mécanix, une émission canadienne), car j’étais fascinée par le fonctionnement du monde naturel et des objets fabriqués par l’homme, ainsi que par les élégantes lois de la physique. Mon cheminement vers l’astronomie a été consolidé par mes visites régulières dans les bibliothèques. À la bibliothèque de mon école primaire, en septième année (l’équivalent de la classe de 5ème), j’ai découvert un livre de Dorling Kindersley intitulé « Time and Space« , qui a déclenché ma fascination pour les trous noirs. Au cours de mon adolescence, j’ai découvert la vulgarisation scientifique grâce à Stephen Hawking, dont les écrits m’ont permis d’approfondir les concepts d’introduction à la physique et à l’astronomie d’une manière très amusante et humoristique.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Après avoir terminé mes études, j’ai pris une année sabbatique pour déterminer le diplôme que je voulais obtenir. Avec ce grand rêve d’étudier aux États-Unis, j’ai postulé auprès de quelques grandes écoles et j’ai obtenu une place à l’UChicago, où j’avais la possibilité de suivre des cours pendant deux ans et déclarer ma spécialisation en première année. Cependant, je n’ai pas obtenu suffisamment de parrainage pour y faire mes études. J’ai donc opté pour l’université du Cap et, après y avoir réfléchi, j’ai compris que suivre ma passion serait payant. Je me suis rappelé à quel point j’aimais l’astronomie et j’ai donc opté pour une spécialisation en astrophysique, et le voyage a commencé.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Oui, il y a eu des difficultés. Je me demandais parfois si j’étais assez bonne pour poursuivre cette carrière. En voyant la rareté des femmes noires dans ce domaine, travaillant comme chercheuses et conférencières, je me demandais si cette carrière était vraiment  faite pour des gens comme moi, vous voyez ? C’étaient les problèmes internes. Je peux dire avec fierté que j’ai travaillé très dur pour surmonter ce doute sur moi-même en maintenant des mantras positifs, en méditant et en m’affirmant dans les moments difficiles. En ce qui concerne le racisme, le sexisme et la queerphobie, qui sont le résultat de l’ignorance et de la peur, mon modus operandi est d’être excellente dans tout ce que je fais. Si j’ai une interaction gênante au travail, qui peut ou non être le résultat de préjugés, je me dis : « OK, c’est du carburant pour travailler plus dur ».

Si vous avez quitté l’astrophysique, quel a été l’apport de vos études dans ce domaine pour votre carrière/vie?

Si je devais quitter l’astrophysique, j’aurais acquis de nombreuses compétences en programmation (hourra Python !), en analyse de données, en communication professionnelle par l’écriture et le discours, en planification et l’exécution de programmes de recherche. Ces compétences sont inestimables dans le domaine de la technologie et dans d’autres domaines de recherche. Comme je travaille toujours en astrophysique, j’utilise ces compétences pour continuer à découvrir les mystères de l’Univers.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Oui, nous sommes une minorité dans le domaine de l’astrophysique et il n’est pas toujours facile d’être la seule de son genre dans la pièce à un moment donné. On vous considère comme la représentante de toute votre race et un seul faux pas peut entraîner un désastre dans la façon dont vous êtes jugée par vos pairs, parfois. C’est une pression énorme. En outre, la nature contractuelle à court terme des post-docs et, dans certains cas, les retards de paiement aux chercheurs post-docs font que certaines femmes africaines abandonnent leurs travaux de recherche ou quittent carrément le domaine. Cela est particulièrement vrai lorsque l’on préfère une situation plus stable financièrement ou lorsque l’on est mère.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

En ce moment, je travaille avec les données du continuum radio de MeerKAT+uGMRT ainsi qu’avec des observations multi-longueurs d’onde pour étudier les propriétés des sources radio très faibles. C’est intéressant car MeerKAT est si sensible qu’il capte des sources qui n’ont peut-être jamais été détectées auparavant. Avec l’uGMRT (upgraded Giant Metrewave Radio Telescope) à Pune, en Inde, je dispose de données étonnantes pour mes projets actuels.

Deux publicités éhontées pour terminer. Je fais partie d’une organisation appelée Astronomy in Colour, qui encourage le développement des femmes de couleurs, étoiles montantes dans le domaine de l’astronomie. Nous avons une chaîne Youtube  où nous présentons notre travail, comme la récente série de conférences « Trailblazers« .

Deuxièmement, le projet Astro Molo Mhlaba vise à encourager les écolières à s’orienter vers des carrières dans les STIM (Sciences, Technologie, Ingénierie et Mathématiques). Nous acceptons les dons pour financer des ateliers de programmation, des excursions et d’autres activités amusantes qui renforcent la confiance des filles dans leurs capacités intellectuelles et leur rappellent ce qui est possible dans leur vie.

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