LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Mirjana Pović. Je suis actuellement professeure adjointe à l’Institut éthiopien des sciences et technologies spatiales (ESSTI), chercheuse associée à l’Instituto de Astrofísica de Andalucía (IAA-CSIC, Espagne) et maître de conférences honoraire à l’Université des sciences et technologies de Mbarara (MUST, Ouganda). J’ai grandi en ex-Yougoslavie, aujourd’hui en Serbie, et j’ai obtenu mon diplôme en astrophysique à l’université de Belgrade. J’ai obtenu mon doctorat en astrophysique en 2010 à l’Instituto de Astrofísica de Canarias (IAC, Espagne), dans le domaine de la formation et de l’évolution des galaxies. Depuis plus de 10 ans, je travaille au développement de l’astronomie, de la science et de l’éducation en Afrique à travers différents projets et initiatives liés aux collaborations de recherche, au développement institutionnel, à l’encadrement des étudiants, à la formation, aux conférences, à la vulgarisation, et aux filles et femmes en sciences. En 2018, j’ai reçu le premier prix Nature Research Award for Inspiring Science, pour mes réalisations en matière de recherche et ma contribution à la société. En 2019, j’ai été invitée par le gouvernement serbe à devenir l’une de ses ambassadrices scientifiques et j’ai reçu une reconnaissance de l’ESSTI pour mes contributions. En 2021, j’ai reçu la médaille inaugurale Jocelyn Bell Burnell Inspiration Medal de la Société européenne d’astronomie pour mon travail sur le développement de l’astronomie, de la science et de l’éducation comme moyen de sortir de la pauvreté en Afrique. Je suis profondément convaincue que, grâce à l’éducation et à la science, nous pouvons combattre la pauvreté sur le long terme et faire de notre monde un endroit meilleur pour tous, indépendamment des racines de chacun.

Mirjana Pović

Quel a été votre parcours pour devenir astronome?

J’ai commencé à m’intéresser à l’astronomie dès l’école primaire, mais c’est à l’école secondaire, avec un professeur de physique extraordinaire, que j’ai reçu le soutien nécessaire pour en apprendre davantage sur l’astronomie. En dernière année d’école secondaire, lors d’une visite de la capitale de la Serbie, Belgrade, j’ai eu la chance de visiter un petit observatoire public dans le centre ville et j’ai vu qu’ils allaient organiser un cours de trois mois pour les jeunes astronomes. J’ai immédiatement décidé de suivre le cours, j’ai été impressionnée par tous les conférenciers et je me suis sentie encore plus amoureuse de l’astronomie. La réussite du cours m’a donné l’occasion de travailler bénévolement à l’observatoire avec un petit télescope et de montrer le ciel nocturne aux visiteurs. Ayant la chance, grâce à l’observatoire public, d’être en contact avec des astronomes professionnels qui m’ont inspirés, j’ai décidé d’étudier l’astrophysique. J’ai commencé l’université juste après le bombardement de la Serbie par l’OTAN et j’ai réussi à obtenir mon diplôme en astrophysique à l’université de Belgrade grâce à l’existence d’un enseignement supérieur public et gratuit. Sans cela, je n’aurais jamais pu aller à l’université et être une scientifique et une professeure aujourd’hui. Après mon diplôme, j’ai eu la chance d’obtenir une bourse de doctorat à l’IAC en Espagne. Après avoir terminé mon doctorat, j’ai travaillé en Afrique du Sud à l’université de Kwa-Zulu Natal en tant que post-doc, puis à l’IAA-CSIC en Espagne, et enfin je travaille actuellement comme professeur et chercheur à l’ESSTI en Éthiopie. Au cours de ma vie professionnelle en tant qu’astrophysicienne, j’ai eu la chance de visiter différentes institutions et différents pays, de rencontrer des gens et de me faire des amis dans le monde entier.

Qu’est ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Quand la guerre civile a commencé dans l’ancienne Yougoslavie, j’avais 9 ans, et quand elle s’est terminée, j’avais presque 20 ans. Pendant toutes ces années, alors que je vivais dans un monde fou sans pouvoir m’en échapper, le ciel nocturne au-dessus de nos têtes me permettait de rêver et de m’échapper de notre folie quotidienne. J’observais régulièrement le ciel nocturne, et je me posais tant de questions, telles que : que sont vraiment les étoiles, à quelle distance sont-elles, et pourquoi émettent-elles de la lumière. Je n’avais pas de réponses à ces questions à cette époque, ni de moyens de les trouver, mais je me suis promis qu’un jour je les comprendrais toutes. Ces observations et ces questions m’ont aidé à tomber amoureuse du ciel nocturne et de l’astronomie. Plus tard, mon professeur de physique, les personnes que j’ai rencontrées à l’observatoire public, d’autres jeunes que j’ai côtoyés à l’observatoire, et le soutien de ma famille qui m’a dit que je devais poursuivre mes études, ont façonné ma voie vers l’astrophysique.

Avez-vous ressenti des difficultés durant votre parcours?

Il y en a eu tellement, et de différentes sortes, mais j’ai toujours eu l’esprit de « ne pas abandonner » et j’ai eu la chance de toujours trouver du soutien dans ma famille et/ou dans mon entourage pour surmonter les difficultés.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes filles de votre pays qui souhaitent étudier l’astrophysique?

Ayez confiance en vous. Restez actives et curieuses et explorez toutes les possibilités où vous pouvez apprendre davantage et vivre de nouvelles expériences. N’abandonnez pas lorsque vous cherchez de nouvelles bourses et de nouveaux emplois, soyez persévérantes et apprenez à être patientes, cela vous aidera dans toute votre vie.

Demandez de l’aide chaque fois que vous en avez besoin. Participez à des sociétés/associations/réseaux de femmes dans le domaine des sciences, vous pourrez obtenir davantage d’aide en cas de besoin et cela vous aidera également à renforcer votre confiance. N’ayez pas peur des défis, ils sont une formidable source de connaissances et chacun d’entre eux renforcera vos compétences et vos capacités et vous aidera à en relever d’autres qui pourraient apparaître dans votre vie.

Dans les relations et les situations conflictuelles, essayez toujours d’utiliser votre côté rationnel et de comprendre l’autre personne, cela vous aidera à trouver la meilleure solution et à surmonter les problèmes en vous protégeant et en protégeant votre santé. Croyez au dialogue et à la communication comme l’outil le plus efficace pour résoudre les problèmes. Luttez pour vos droits et pour les droits des autres.

Pensez-vous qu’il y a des aspects/défis spécifiques qui concernent les femmes africaines en astrophysique?

Oui. La pauvreté et la féminisation de la pauvreté sont les plus importantes. Cela est lié à l’impossibilité pour de nombreuses filles de terminer leur éducation de base et d’accéder à l’université. La pression sociale pour se marier et avoir des enfants est un autre aspect important. Le manque de soutien de la famille et de la société pour choisir la science est également important, tout comme le manque de modèles et d’informations sur les carrières scientifiques et les possibilités d’emploi.

Quels sont vos actions/projets en cours concernant l’astronomie?

Mes recherches portent sur l’étude de l’activité nucléaire dans les galaxies, la classification morphologique et les propriétés morphologiques des galaxies, la formation des étoiles dans les galaxies et les amas de galaxies.

D’autre part, je suis impliquée dans l’enseignement aux niveaux Master et Thèse et dans différents projets liés à l’astronomie et aux développements scientifiques en Éthiopie et en Afrique, y compris différentes activités à l’ESSTI, et dans le cadre de l’initiative STEM for GIRLS in Ethiopia, East-African Astronomy Network, African Astronomical Society, African Network of Women in Astronomy, African Strategy for Fundamental and Applied Physics, Network for Astronomy School Education, etc.

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