LE MAGAZINE DES SCIENCES DE L’UNIVERS EN AFRIQUE

 

 

Quand on pense au continent Antarctique, on pense certainement plus facilement au froid glacial et aux manchots empereurs qu’à un observatoire astronomique. Et pourtant, le continent blanc est une terre particulièrement propice aux observations astronomiques, au moins pendant l’hiver austral. Imaginez une nuit qui dure de mai à août, rendant possible des observations longues pour mesurer des variations de brillance d’astres, et un ciel stable et sec, limitant au maximum la scintillation des étoiles. Ce sont les conditions trouvées au centre du continent, au Dôme C, un plateau situé à 75° de latitude sud et culminant à plus de 3000m d’altitude, le lieu où a été́ installée la base scientifique franco-italienne Concordia. Cette station accueille jusqu’à 70 scientifiques en été́ et une douzaine de personnes en hiver, qui y étudient notamment l’évolution du climat de la terre, mais aussi l’astronomie. La température peut tout de même y descendre jusqu’à -80 degrés!

 

 

C’est dans ce lieu que deux astronomes algériens, Djamel Mékarnia et Karim Agabi, ont décidé́ d’établir leur terrain de jeu favori :  la recherche d’exoplanètes. Ces planètes tournant autour d’autres étoiles que le soleil. Djamel et Karim travaillent actuellement au laboratoire Lagrange de l’Observatoire de la Côte d’Azur, après avoir traversé́ la méditerranée et quitté leur Algérie natale, où ils ont étudié́, pour faire une thèse de doctorat en astrophysique à l’Université́ de Nice Sophia Antipolis (maintenant appelée Université́ Côte d’Azur). Karim Agabi a été́ l’une des premières personnes a effectuer un hivernage au Dôme C, en 2005. Il faut savoir que pendant l’hiver austral (de février à novembre), la station est complètement isolée du monde, et n’est accessible par aucun moyen.  Les chercheurs sont alors en totale autarcie. Une mission d’hivernage dure en général 10 mois. Djamel Mékarnia et Karim Agabi ont tous les deux effectué deux hivernages, en 2007 et 2011 pour Djamel, 2005 et 2010 pour Karim.

 

 

Mais que font donc ces deux briscards de l’Antarctique au Dôme C? Ils travaillent actuellement à l’optimisation du projet ASTEP (Antarctica Search for Transiting ExoPlanets), un télescope qui étudie les exoplanètes en utilisant la méthode des transits. Si une planète orbitant une étoile passe devant celle-ci, il est possible d’observer une baisse de luminosité́ de l’étoile. Afin d’observer de tels transits, des observations durant de longues périodes sont nécessaires. Les nuits d’hiver de l’Antarctique sont alors idéales. Actuellement, le télescope ASTEP est entièrement robotisé et ne nécessite pas d’un hivernant dédié pour le programme.  Cependant, un hivernant d’un autre programme prend en charge l’instrument et intervient si besoin lorsqu’on le lui demande. Cette robotisation a été́ possible car la station est reliée en permanence à internet grâce à une liaison satellitaire, avec un débit réduit de 1Mbytes/s max. Le télescope fonctionne donc entièrement en mode automatique, enregistre les données qui sont traitées sur place grâce à un serveur de calcul et seuls les résultats sont envoyés à Nice.

Djamel et Karim ne se déplacent plus donc que pendant la période estivale australe (il fait tout de même -30 degrés!) de novembre à fin janvier pour la maintenance de l’instrument, la mise à jour des différents softs de contrôle du télescope et traitement des données ainsi que le backup des données sur disques durs pour un éventuel retraitement plus fin. Ces deux chercheurs algériens ont dû s’exiler en France pour assouvir leur passion de l’astrophysique, et leur souhait le plus fort est de voir l’Algérie s’engager le plus activement possible pour former et garder ses jeunes talents!

 

Eric Lagadec

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