Les radiogalaxies géantes sont les plus grandes structures individuelles de l’Univers (à l’exclusion, évidemment, des amas de galaxies, constitués eux-mêmes de centaines ou de milliers de galaxies). Les mécanismes qui gouvernent la croissance de ces sources sont encore mal connus.
Les radiogalaxies géantes présentent des « jets » provenant du trou noir central, prolongés par de gigantesques « lobes » rayonnant dans le domaine radio par le processus appelé « synchrotron ». Il est dû à des particules chargées (en général des électrons) se déplaçant dans un champ magnétique. Le rayonnement synchrotron associé aux lobes des jets peut s’étendre à des centaines de milliers ou à des millions d’années-lumière du centre de la galaxie d’où proviennent les jets. Pour comparaison, le diamètre du disque d’étoiles de la galaxie se compte ordinairement en dizaines de milliers d’années-lumière.
Pour mieux comprendre ce phénomène, il est intéressant d’étudier des exemples extrêmes. Il est alors possible de déterminer si la galaxie hôte (beaucoup plus petite que la radiosource qu’elle engendre) a des caractéristiques particulières, ou si, à l’inverse, une source radio de très grande dimension est associée à une galaxie ordinaire. On peut alors, peut-être, en déduire des informations sur le mécanisme qui provoque le gigantisme.
Le réseau Lofar (Low Frequency Array) est l’instrument idéal pour effectuer un relevé de sources radio extragalactiques très faibles. Une équipe internationale conduite par plusieurs astronomes néerlandais a publié le premier article d’une série à venir, fondé sur le relevé Lofar/TMSS DR2 (Two-Metre Sky Survey DR2, lire l’Astronomie no 160 de mai 2022, page 14) dans lequel ils étudient la radiogalaxie la plus grande découverte jusqu’à maintenant [1]. Il s’agit d’Alcyoneus, dont la radiosource s’étend jusqu’à 7 millions d’années-lumière de part et d’autre du centre. En étudiant le flux de rayonnement infrarouge avec le télescope spatial Hubble et radio avec Lofar, les auteurs ont pu déterminer la masse totale des étoiles de cette galaxie (2,4 ± 0,4 × 1011 M⊙) et celle de son trou noir supermassif central (4 ± 2 × 108 M⊙) et ils ont trouvé que rien ne distingue cette galaxie des autres moins extrêmes. Ils en concluent que la seule explication au gigantisme de la radiosource est la faible densité du milieu intergalactique environnant, qui est probablement caractéristique du gaz chaud constituant une partie du filet cosmique de l’Univers. Attendons les études suivantes concernant d’autres galaxies géantes qui ne vont pas tarder à être publiées.
Par Suzy Collin-Zahn, Observatoire de Paris-PSL
Notes
[1] “ The discovery of a radio galaxy of at least 5 Mpc”, Martijn S. S. L. Oei et al., A&A 660, A2, 2022