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Dans la nuit du 26 au 27 septembre, le Double Asteroid Redirection Test (DART) de la Nasa a percuté avec succès sa cible, un tout petit astéroïde en orbite autour d’un autre, à peine plus grand que deux fois la tour Eiffel. C’était la première tentative mondiale de déplacer un astéroïde dans l’espace, après dix mois de voyage.

Dans le cadre de la stratégie globale de défense planétaire de la Nasa, l’impact de DART (l’acronyme veut aussi dire « fléchettes » en anglais) avec l’astéroïde Dimorphos avait pour but principal de démontrer la faisabilité d’un protocole de défense, qui consisterait à dévier la trajectoire d’un astéroïde si celui-ci présente un risque de collision avec la Terre. DART a ciblé l’astéroïde Dimorphos, un petit corps d’à peine 160 mètres de diamètre. Il est en orbite autour d’un astéroïde plus grand, de 780 mètres de diamètre, appelé Didymos. Aucun des deux astéroïdes ne constitue une menace pour la Terre, et l’idée de dévier la trajectoire de Dimorphos et non celle d’un astéroïde quelconque est d’en modifier la trajectoire autour de Didymos, mais de telle sorte que le système du couple d’astéroïdes ne change pas sa trajectoire autour du Soleil (ce serait quand même idiot de prendre le risque d’en faire un potentiel danger pour nous !). Le voyage aller de la mission a confirmé que la Nasa peut faire naviguer un vaisseau spatial pour qu’il entre intentionnellement en collision avec un astéroïde afin de le dévier, une technique connue sous le nom d’« impact cinétique ».

L’équipe de recherche a ensuite observé Dimorphos à l’aide de télescopes terrestres pour confirmer que l’impact de DART a modifié l’orbite de l’astéroïde autour de Didymos. Les chercheurs s’attendent à ce que l’impact raccourcisse l’orbite de Dimorphos d’environ 1 %, soit approximativement 10 minutes ; la mesure précise de la déviation de l’astéroïde est l’un des principaux objectifs de l’essai grandeur nature.

Sur ces images obtenues par le Virtual Telescope Project en collaboration avec le Klein Karoo Observatory de Calitzdorp, en Afrique du Sud, on voit nettement le nuage de poussière qui suit l’impact.

 

Côté exploit technologique, on retiendra le système de guidage automatique, qui a permis de diriger la sonde vers sa minuscule cible sur les 90 000 derniers kilomètres, pour une vitesse d’impact d’environ 22 530 kilomètres par heure afin de ralentir légèrement la vitesse orbitale de l’astéroïde. Les dernières images obtenues par l’engin spatial quelques secondes avant l’impact ont révélé la surface de Dimorphos dans ses moindres détails. C’est sous cet aspect que les retombées scientifiques vont être importantes pour la connaissance des petits corps du Système solaire. Pour connaître la composition de l’astéroïde et affiner les modèles, les astronomes analysent les images de l’impact qui a résulté de la collision et qui ont été enregistrées par le compagnon CubeSat de DART, le Light Italian CubeSat for Imaging of Asteroids (LICIACube), fourni par l’Agence spatiale italienne. Comme LICIACube n’est pas équipé d’une grande antenne, les images seront transmises vers la Terre une par une dans les semaines suivant l’impact.

En 2026, la sonde spatiale européenne Hera (Esa) s’approchera des deux astéroïdes afin d’étudier les conséquences de l’impact de DART au bout de quatre années d’évolution.

C’est un beau succès de la Nasa. Mais la défense planétaire contre les astéroïdes potentiellement dangereux ne fait que commencer, n’en déplaise à ceux qui ont déjà considéré DART comme une vengeance pour nos chers dinosaures.

par Léa Griton | Sorbonne Université, Observatoire de Paris-PSL

 

 

 

Article publié dans l’Astronomie n°165, nov. 2022

 

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