Il est difficile de connaître la structure à grande échelle de notre Galaxie, la Voie lactée, puisque nous sommes à l’intérieur de celle-ci. Cependant, nous pouvons étudier individuellement les populations d’étoiles et leur composition chimique, et tenter de comparer ces propriétés à celles des autres galaxies que nous observons. Le résultat est surprenant.
On ne connaît qu’approximativement la structure à grande échelle de la Voie lactée, grâce en particulier aux mesures des vitesses des étoiles et du gaz dans les bras spiraux (fig. 1), mais on peut déterminer individuellement les propriétés des étoiles : température, pression, abondance des éléments, etc. Au contraire, dans les galaxies extérieures, on observe facilement les propriétés à grande échelle, mais pas individuellement celles des étoiles.
On sait que la Voie lactée est une galaxie spirale de type morphologique (dit de Hubble) entre Sb et Sc (fig. 2), contenant 300 ou 400 milliards d’étoiles. La Voie lactée a-t-elle des galaxies jumelles ? Une équipe internationale de chercheurs principalement du Royaume-Uni, conduite par un chercheur de l’école de physique et d’astronomie de l’université de Nottingham, vient de chercher les « jumelles » de la Voie lactée dans un catalogue de 10 000 galaxies produit par le SDSS (Sloan Digital Sky Survey) [1].
Dans le catalogue SDSS-IV/MaNGA, ils ont sélectionné un échantillon de 138 galaxies de même type que la Voie lactée, en se fondant sur leur masse, leurs propriétés chimiques, le rapport et le taux de formation d’étoiles, le rapport entre la luminosité du bulbe et celle de la galaxie, afin de comparer plus finement leurs propriétés à celles de la Voie lactée. Pour décrypter les informations relatives à la Voie lactée, ils ont adapté un modèle semi-analytique de formation d’étoiles aux spectres du catalogue MaNGA, en tenant compte en particulier des vents stellaires qui tombent des régions externes vers les régions internes et en incorporant l’enrichissement chimique provenant des supernovae. Ils trouvent ainsi que 56 des 138 galaxies de l’échantillon reproduisent d’assez près les propriétés de la Voie lactée.
Actuellement, leur formation stellaire se produit dans les régions extérieures évoluant sur un temps long, les régions intérieures ayant connu, tôt dans leur histoire, une période de formation stellaire intense due à du gaz provenant de la région externe (fig. 3). D’autres galaxies sont très différentes : soit que leurs régions internes et externes évoluent de la même façon, soit qu’il y manque une région centrale où les étoiles auraient pu se former systématiquement plus tôt. Ces galaxies sont probablement plus âgées que la Voie lactée. Dans ce cas, elles en représenteraient le futur. Toutefois, il peut exister d’autres explications, par exemple un noyau trop actif ayant limité la formation d’étoiles dans la région interne [2].
On le voit, il reste beaucoup à apprendre de cette comparaison entre la Voie lactée et les modèles tirés des galaxies observées, mais elle offre en tout cas la possibilité d’en savoir un peu plus sur l’évolution des galaxies. On peut déjà en déduire que, si beaucoup de galaxies paraissent semblables à la Voie lactée, chacune d’elles est unique en son genre, et en outre qu’elles présentent entre elles des différences subtiles ayant certainement influencé leur évolution.
Par Suzy Collin-Zahn, Observatoire de Paris-PSL
Article publié dans l’Astronomie, Mars 2023
Notes
- Shuang Zhou, Alfonso Aragón-Salamanca, Michael Merrifield, Brett H. Andrews, Niv Drory, Richard R. Lane, « Are Milky-Way-like galaxies like the Milky Way? A view from SDSS-IV/MaNGA », à paraître dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 2023, arXiv:2212.09127v1.
- Les noyaux actifs émettent des vents parfois assez puissants pour chasser les nuages de gaz du centre de la galaxie, empêchant ainsi leur effondrement sur eux-mêmes et les formations d’étoiles qui s’ensuivraient.