« Gnomon », un mot qui surprend tous ceux qui ignorent l’art des cadrans solaires, également nommé « gnomonique ».
Ce mot appartient à la langue latine, mais il provient du grec. La racine « gno » évoque la connaissance ; elle se retrouve dans le mot « gnose », terme philosophique, mais qui, a priori, n’a rien à voir avec le mot « gnome » qui évoque un petit génie maléfique. Un dictionnaire latin (Gaffiot) donne comme traduction « cadran solaire », ce qui n’est pas conforme à la signification qui est classiquement donnée aujourd’hui d’un cadran solaire, dispositif plus ou moins complexe dont l’objectif est de faire connaître l’heure solaire grâce à un tracé adéquat.
Depuis les temps les plus reculés, les hommes ont utilisé la course diurne du Soleil pour repérer le temps qui s’écoule au cours de la journée. Mais comme il n’est pas question de regarder le Soleil, c’est l’ombre d’un objet produite par le Soleil qui indiquera la direction, opposée, du Soleil. Et voilà ce qu’est un gnomon : c’est un bâton, planté verticalement dans un sol horizontal et utilisé pour repérer les heures d’une journée. N’importe qui peut installer un gnomon dans son jardin et surveiller, au cours de la journée, le déplacement de la tache d’ombre de l’extrémité du bâton.
Il constatera que la distance du pied du gnomon à la tache d’ombre de l’extrémité du gnomon varie au cours de la journée : elle diminue le matin et augmente l’après-midi. C’est précisément à midi solaire qu’elle est le plus courte. Or, à midi solaire, le Soleil est au maximum de hauteur de sa course et il est situé dans le plan méridien nord-sud du lieu. Voilà donc un moyen très simple de déterminer la direction du nord géographique dans le lieu où l’on se trouve.
C’est exactement sur ce principe, avec un gnomon installé sur le rover Insight, qu’a été déterminée la direction du nord géographique de la planète Mars, comme l’explique Denis Savoie dans son article « Mars a trouvé son nord à l’aide d’un gnomon ».
Évidemment, il est plus facile de faire une observation dans son jardin que sur la planète Mars !
L’article précise toutes les difficultés rencontrées liées à la mécanique céleste, à la qualité des images transférées et aussi à la forme circulaire du gnomon ! On ne peut qu’admirer qu’elles aient été toutes bien résolues puisque, dans la conclusion, l’auteur, concepteur de l’instrument, a pu constater que l’orientation obtenue avec le gnomon ne diffère que de 2,5° de la direction obtenue par une autre méthode avec un gyroscope.
Les cadrans solaires classiques utilisés sur Terre, qu’ils soient horizontaux, verticaux ou équatoriaux (dans le plan de l’équateur), utilisent tous le principe du gnomon que l’on appellera plutôt « style », généralement orienté vers le pôle Nord, dont l’ombre se portera sur une surface qui aura été correctement étalonnée en tenant compte de la latitude du lieu et de l’orientation du support. La complexité de l’étalonnage provient du mouvement annuel de la Terre autour du Soleil, qui se traduit par des trajectoires apparentes du Soleil différentes chaque jour de l’année. Lorsque le style est orienté vers le pôle Nord, les lignes quotidiennes suivies par la
tache d’ombre d’un point du style sont des hyperboles, à l’exception de la ligne suivie les deux jours de l’équinoxe (21 mars et 21 septembre) qui est alors une droite.
Il existe un type de cadran solaire que l’on rencontre parfois dans les parcs et jardins, avec un gnomon vertical qui n’est autre que la personne venue pour lire l’heure : le cadran analemmatique. La direction de l’ombre de la personne, en recoupant une graduation appropriée, indique l’heure.
Pour conclure, le gnomon est au nord géographique ce que l’aiguille de la boussole est au nord magnétique, mais son usage lui est bien antérieur, il remonte à la nuit des temps !
Marie-Claude Paskoff, Société Astronomique de France